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| Annie Ernaux | |
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Auteur | Message |
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mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 25 Avr 2011 - 13:47 | |
| L'autre fille
Ce texte est une commande d’un éditeur à l’occasion de la création d’une nouvelle collection : « Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Il n’y a pas de plus beau cadeau qu’un être puisse faire qu’un lettre, c’est un peu de lui qu’il donne, à l’autre, aux autres, sans retour ni récupération possible. Une lettre c’est un morceau d’âme que l’on couche sur le papier pour l’éternité, c’est un peu ou beaucoup de son intimité dont on se démet pour l’offrir à l’autre.
« T’écrire, ce n’est rien d’autre que faire le tour de ton absence. Décrire l’héritage d’absence. Tu es une forme vide impossible à remplir d’écriture. » Avec une écriture ciselée, bien à elle, Annie Ernaux écrit cette lettre à sa sœur ainée morte de la diphtérie à 7 ans et qu’elle n’a jamais connue. Les mots sont choisis avec précision, il n’y a rien de trop.Il y a comme une économie de phrases et de mots, et pourtant, tout y est. Un concentré de ressenti. Un voyage au cœur d’elle-même, au pays de son enfance. « A mon enfance racontée, pleine d’anecdotes, ne correspond pour la tienne que le vide. »
Annie Ernaux dit la douleur d’être celle qui reste, celle qui remplace. « A la fin, elle dit (en parlant de sa mère qu’elle entend par hasard, étant enfant) de toi elle est plus gentille que celle-là. » « Je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée » « Les parents d’un enfant mort ne savent pas ce que leur douleur fait à celui qui est vivant. »
Annie Ernaux se pose plus de question, qu’elle ne trouve de réponses .Il y a tout le poids des non dits de cette époque. Elle savait, pour sa sœur, mais n’en a jamais rien dit à ses parents. Chacun a fait comme si l’autre ne savait pas. « Me conforter à leur désir de mon ignorance de toi. »
Cette lettre m’a touchée, émue par moment. J’ai beaucoup d’admiration pour celle ou celui qui avec des mots simples, choisis et forts, sait parler de son intime sans déballage, mais au contraire avec finesse. L’art est difficile, la frontière entre la pudibonderie, et l’étalage indigne est tenue, Annie Ernaux réussi l’exercice avec brio : en dire assez mais pas trop, avec élégance. Il y a quelques années, j’avais été un peu déroutée par son écriture ; je me remettrai à l’ouvrage.
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 25 Avr 2011 - 15:35 | |
| Certains des livres d' Annie Erneaux sont imprégnés d' une cruaté et d' une crudité masochistes qui m' ont mis mal à l' aise. Mais son dernier livre me donne envie de le lire... | |
| | | Menyne Agilité postale
Messages : 864 Inscription le : 26/04/2008 Age : 53 Localisation : dis z'y mieux !
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 13 Juil 2011 - 19:25 | |
| Bravo et merci Mimi pour ce magnifique commentaire.
Je viens de terminer la lecture de cette lettre et je suis entièrement d'accord avec ce que tu écris. C'est un texte sensible mais pas voyeur. Annie Ernaux se dévoile avec pudeur. Elle se questionne sur ce qu'aurait pu être sa vie si la mort de sa soeur n'avait pas été un secret. Elle s'interroge sur sa place, son rôle dans la famille. Certaines phrases prennent un sens différent lorsqu'elle apprend que ses parents ont eu une autres fille , avant, ... et qu'elle était sage, elle.
C'est mon deuxième livre de cette auteure et une fois de plus, je n'ai pas été déçue. Bixx, n'hésite pas. Lis-le. | |
| | | Sophie Sage de la littérature
Messages : 2230 Inscription le : 17/07/2007 Age : 48 Localisation : Tahiti
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 31 Juil 2011 - 7:26 | |
| L'EVENEMENT
Me voici en rabat-joie!
J'ai lu il y a plusieurs années un livre d'Annie Ernaux, je ne sais plus lequel; je dirais que c'est Une femme mais je n'en suis pas sûre et surtout, n'en ai absolument aucun souvenir. Là, je viens de lire en une heure L'évènement, dans lequel elle raconte son avortement en 1964.
Franchement, je n'aime pas son style qui ne me touche pas, je n'aime pas les autobiographies et n'en lis que très peu. J'ai l'impression d'être un intrus, de faire du voyeurisme et que l'auteur me balance en pleine tête un pan de sa vie, généralement douloureux. Donc je suis mal à l'aise et me dis que ça ne me regarde et que je m'en fiche, chacun ayant ses problèmes et ses raison d'écrire un bouquin.
Mais, j'ai envie de retenir, dans ce livre, le témoignage d'une jeune femme "banale" qui se retrouve enceinte dans un temps pas si reculé que ça mais où une femme ne contrôlait pas sa sexualité ni sa vie. Et ça, ça m'intéresse, mon côté féministe se sent concerné et ne veut pas oublier les avancées qui me permettent de vivre comme je l'entends. En fait j'aurais préféré qu'elle raconte cela sous forme de roman. | |
| | | IzaBzh Agilité postale
Messages : 932 Inscription le : 19/05/2010 Age : 58 Localisation : Bourgogne/Paris
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 12 Oct 2011 - 15:30 | |
| L'autre fille
"Car il a bien fallu que je me débrouille avec cette mystérieuse incohérence : toi la bonne fille, la petite sainte, tu n'as pas été sauvée, moi le démon j'étais vivante. Plus que vivante, miraculée. Il fallait donc que tu meures à six ans pour que je vienne au monde et que je sois sauvée."
La collection regroupe des lettres fictives d'écrivains contemporains. Dans ce petit volume vite lu, Annie Ernaux écrit à celle qu'elle a découvert à environ 10 ans, involontairement, en écoutant une conversation de sa mère qui ne lui était pas destinée. Un petit livre qui m'a beaucoup touchée, non seulement parce que j'aime énormément cette auteure pudique, mais également pour le style empreint de sensibilité sans sensiblerie et de beaucoup de justesse. Beaucoup de retenue, de souffrances inavouées, du côté des parents autant que du côté de "l'autre" fille, des questionnements qui durent toute une vie, faute de réponses de la part de la famille. Et surtout l'impression de ne devoir sa vie qu'à la mort de sa soeur. Ce livre n'est aucunement misérabiliste, je tiens à le préciser. Un vrai coup de coeur ! Il faut dire que le sujet me concerne de près, puisque j'ai vécu une histoire similaire... | |
| | | Hank Main aguerrie
Messages : 340 Inscription le : 28/08/2007 Age : 47 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mar 25 Oct 2011 - 12:53 | |
| La place, texte d'une centaine de pages dans lequel Annie Ernaux rend une sorte d'hommage sobre à son père. Le récit commence à la mort de ce dernier, et l'expérience qu'elle relate la conduit à réfléchir sur le sens de la vie, sur ces petits riens qui font des grands touts dans une société. Annie Ernaux n'est pas trop du genre à marteler ses vérités, elle use subtilement de l'illustration et de la suggestion pour laisser le lecteur tirer les conclusions qui s'imposent, et le fait est qu'elle y parvient assez brillamment. Sa réflexion est d'ordre social autant que personnel, à travers les souvenirs qu'elle exhume, c'est tout un pan de l'Histoire commune des Français ordinaires d'après guerre auquel elle redonne un peu vie. Au delà de la nostalgie qu'elle suscite, son écriture dépouillée donne un aperçu de la vie qui sonne juste. Annie Ernaux ne cherche jamais l'effet, elle invoque les faits, et seulement les faits. Et le résultat est remarquable, ce récit de l'enfant du peuple devenue professeur quelques mois avant le décès, de cette fille d'un prolétaire devenu modeste épicier, de cette jeune femme qui ne tire pas gloire de sa nouvelle condition petit-bourgeoise mais au contraire s'interroge sur le sens de sa vie, sans pour autant regarder avec complaisance le milieu dont elle est issue, bref, ce récit construit au gré des souvenirs est touchant de sincérité. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mar 31 Jan 2012 - 18:54 | |
| L' AUTRE FILLE. - NIL
"T' écrire, ce n' est rien d' autre que faire le tour de ton absence."
Annie Ernaux apprend en écoutant une conversation de sa mère qu' elle a eu une soeur. Une soeur qui est morte à 6 ans, deux ans avant la naissance d' Annie. Et qu' elle n' a donc pas connue. Et dont ses parents ne lui ont jamais parlé, ne lui parleront jamais, meme quand ils ont compris qu' Annie savait.
Annie portera toute sa vie le poids de cette jeune morte, car le poids des morts peut etre terrible. Jamais la morte ne lachera la vivante. Dotée qu' elle est de toutes les vertus, Annie n' ayant hérité que de la mauvaise part.
Annie Ernaux comprendra aussi que cette morte est devenue la raison, la seule raison pour laquelle ses parents sont restés ensemble.
Comme le dit Isa, la pudeur et la sobriété sont l' essnce meme de ce livre, et ils le servent. Il suffit d' en citer quelques phrases.
Rien de ce qui se passe dans l' enfance n' a de nom. Je ne sais pas trop ce que je ressentais, mais je n' étais pas triste... Après avoir cherché longuement, le mot qui me vient comme le plus juste, irréfutable, cest dupe. J' étais dupe dans le sens populaire, moritifiée. J' avais vécu dans l' illusion. Je n' étais pas unique. Il y en avait une autre surgie du néant. Tout l' amour que je croyais recevoir était donc faux. P. 22
Il semble aussi que je t' en voulais (A .E. s' adresse à sa mère) d' avoir dit que tu allais voir la Sainte Viege au cimetière. Des paroles qui me montraient toute mon indignité... Maintenent je n' ai plus de colère, j' accepte l' idée que toute consolation, une prière, une chanson vaut au moment de basculer dans le néant et je préfère penser que tu es partie heureuse... P. 23
La réalité ne penetre pas les croyances de l' enfance. C' est avec celle-là, du miracle, que j' existais en 1050. Que je continue peut etre d' exister... Car il a bien fallu que je me débrouille avec cette mystérieuse incohérence : toi la bonne fille, la petite sainte, tu n' as pas été sauvée, moi, le démon, j' étais vivante. Plus que vivante, miraculée.
Il fallait donc que tu meures à six ans pour que je vienne au monde et que je sois sauvée.... A vingt ans, après etre descendue dans l' enfer de la boulimie et du sang menstruel tari, une réponse est venue : pour écrire...Je n' écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j' écrive, ça fait une grande différence. PP. 34-35 | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Annie Ernaux Sam 25 Fév 2012 - 23:05 | |
| Avec la lecture de "l'autre fille" je comprend un peu mieux les lectures précédentes, (Je ne suis pas sortie de ma nuit) l'occupation et les années. Pourquoi elle agit ainsi, ses raisons . Assez touchant comme lecture, j'arrive pratiquement à la fin. Donc, ce qui rends ce livre encore plus dramatique, c'est que , si sa soeur "Ginette" n'était pas morte, Annie n'existerait tout simplement pas. Un autre enfant n'était pas dans les plans de la famille pour raison monétaire. Donc Annie, doit sa vie à Ginette ; l'autre fille.
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| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 27 Fév 2012 - 22:32 | |
| - bix229 a écrit:
- Certains des livres d' Annie Erneaux sont imprégnés d' une cruaté et d' une crudité masochistes
qui m' ont mis mal à l' aise. Mais son dernier livre me donne envie de le lire... Effectivement, c'est assez cru parfois ; du moins dans les armoires vides. | |
| | | tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 14:22 | |
| La placeUn court récit que j’ai trouvé émouvant, malgré une écriture ultra minimaliste. Et c’est cela qui estomaque : si peu de mots qui définissent des relations père/fille tellement complexes. On évoque la différence sociale qui se creuse avec les années. J’en retiens surtout la différence « biologique ». La petite Anne n’avait pas beaucoup de chances de devenir cultivée dans un milieu simple et timoré. Pourtant, son âme aspire au beau et à l’esprit, donc elle réussit. « On ne devient que ce qu’on est », CQFD. J’ajouterais « envers et contre tout, envers et contre tous ». Comment peut-on être si éloigné de nos géniteurs, si différents ? Et pourtant si proches puisqu’on les prolonge ? Je n’en dirai pas plus car ce livre a suscité un fort émoi, avec une résonnance personnelle que je ne veux pas développer sur un forum. AE a le style pour suggérer les abîmes qui séparent les êtres malgré eux. C’est douloureux et si vrai. A noter : ultime page magistrale, indispensable même. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 20:26 | |
| il y a des auteurs qu'il ne faudrait pas lâcher, je me souviens d'avoir lu Une femme, il y a longtemps, d'avoir aimé, de m'être dit que cette Annie Ernaux tant chahutée par la critique méritait le nom d'auteur et puis j'ai oublié... vos posts me donnent envie d'y revenir, avec une maturité qui me fera sans doute voir les choses autrement. | |
| | | tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 21:21 | |
| Il n'est effectivement pas aisé, surtout dans nos jeunes anneés (!), de différencier le style plat parce vide ou plat parce qu'épuré. Pour moi, elle est dans le second cas. D'une vraie richesse. Rien à voir, mais je trouve que cette femme a été très belle.
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| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 21:25 | |
| - tina a écrit:
- Il n'est effectivement pas aisé, surtout dans nos jeunes anneés (!), de différencier le style plat parce vide ou plat parce qu'épuré. Pour moi, elle est dans le second cas. D'une vraie richesse.
Rien à voir, mais je trouve que cette femme a été très belle. très belle ? tu veux dire physiquement ? comme Duras a pu dégagé quelque chose d'un peu 'affirmé' à une époque ? | |
| | | tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 21:33 | |
| Oui, le physique. De beaux yeux clairs.
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| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 4 Avr 2012 - 22:00 | |
| - tina a écrit:
- Oui, le physique. De beaux yeux clairs.
ah d'accord, c'est sur qu'aujourd'hui elle est plutôt dans un style 'muet', refermé sur lui-même, finalement bien à l'image de son style d'écriture comme si parfois l'image correspondait aux écrits (je parle des photos vues qui ne sont peut-être pas le reflet de ce que cette femme montre en public) | |
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| Sujet: Re: Annie Ernaux | |
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| | | | Annie Ernaux | |
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