Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Emile Zola

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Marko
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyJeu 17 Sep 2009 - 23:47

Je sais que Zola a ses détracteurs sur parfum et j'aimerais savoir ce qu'ils n'aiment pas dans son oeuvre ... Bix?
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moinonplus
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 0:52

Il y a environ trois mois j’ai fini de lire l’Assommoir ainsi que Germinal. Je me lancerai bientôt à la lecture de La bête humaine. Je dois dire que vos commentaires m’ont donné une grande envie de poursuivre la lecture de tout le cycle des Rougon-Macquart.

L’Assommoir, et Germinal étaient deux lectures formidables (il y a avait cette vivacité dans l’histoire que la part de fiction semblait disparaître à des moments, et les personnages…je ne trouverai pas le mot qui les caractériserai). Bien que souvent je m’ennuyais à consulter plusieurs fois le dictionnaire, l’originalité de son œuvre m’entraînait à suivre les évènements du récit. Tout de même ceci avait enrichi mon vocabulaire, et m’a donné l’envie de me documenter sur Emile Zola – sa vie et le courant qu’il a représenté, le naturalisme- . J’ai beaucoup admiré la description minutieuse des lieux et des objets. J’ai aimé aussi cette façon –magique- qu’il a de faire pénétrer le lecteur dans l’univers psychologique du personnage, dévoilant son état d’âme propre aux changements selon les faits qui surgissent.
Comme je n’avais pas l’habitude de lire ces œuvres naturalites (je me penchais vers le romantisme) parfois j’en étais frustrée, et je trouvais que c’était exagéré, que Zola était trop possédé par l’idée de défendre ce groupe de personnes au point qu’il ne voyait pas de lumière dans leur vie. Je me demandais parfois pourquoi un tel pessimisme, un compte rendu d’une réalité aussi effroyable et malheureusement vraie. Je crois que personne avant lui ne s’est intéressé autant à la classe ouvrière, cette partie de la société qui fut ignorée et réduite au néant en quelque sorte. Ce qui l’a peut être poussé à la défendre aussi ardemment.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 8:16

Dans l'Assomoir, j'ai eu un peu l'impression qu'il cherchait à toute force à "prouver" ses théories. Un tel doit finir alcoolique, hop, il l'est. Même s'il semble devoir y échapper, un petit tour du destin (scénaristique), et il va y replonger (le fameux "delirium très mince", comme l'avait écrit au tableau un de mes petits camarades, en cours de français).
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 8:16

moinonplus a écrit:
. J’ai beaucoup admiré la description minutieuse des lieux et des objets. J’ai aimé aussi cette façon –magique- qu’il a de faire pénétrer le lecteur dans l’univers psychologique du personnage, dévoilant son état d’âme propre aux changements selon les faits qui surgissent.

Il a effectivement cette "magie" de transformer une scène anecdotique et quotidienne en un tableau réaliste d'une grande force. Lorsqu'on entre dans ce lavoir au début de l'Assommoir il nous en décrit tous les aspects, tous les objets, les odeurs, l'agitation, et non seulement ce n'est pas ennuyeux mais ça devient surréel, comme si on entrait dans un film en 3 dimensions en même temps que dans l'espace mental du personnage qu'il met en scène. C'est une sensation fascinante qui m'a hypnotisé et qui se renouvelle à chaque séquence. Dans l'Oeuvre on sent aussi revivre chaque atelier, chaque ruelle, ce mouvement de foule dans les Salons d'exposition, la barque qui descend le long de la Seine... Et comme dans l'Assommoir il conduit vers un final incoryablement intense et triste. Pour la noirceur, elle est inhérente à la vie mais il exploite aussi cette veine populaire du mélodrame pour nous captiver, nous émouvoir. Il y a une part de manipulation comme dans un film dont les artifices nous font pleurer mais est-ce que ce qu'on cherche à travers une oeuvre ce n'est pas aussi cette émotion?
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 8:18

Marko a écrit:
mais il exploite aussi cette veine populaire du mélodrame pour nous captiver, nous émouvoir. Il y a une part de manipulation comme dans un film dont les artifices nous font pleurer mais est-ce que ce qu'on cherche à travers une oeuvre ce n'est pas aussi cette émotion?
Voilà ! Exactement !
Il faut le lire dans le bon état d'esprit, je n'y étais pas, pour l'Assomoir... (lecture imposée à l'école en plus, ça n'aide pas !)
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 8:20

eXPie a écrit:
Dans l'Assomoir, j'ai eu un peu l'impression qu'il cherchait à toute force à "prouver" ses théories. Un tel doit finir alcoolique, hop, il l'est. Même s'il semble devoir y échapper, un petit tour du destin (scénaristique), et il va y replonger (le fameux "delirium très mince", comme l'avait écrit au tableau un de mes petits camarades, en cours de français).

Cette séquence est fabuleuse! J'en mettrai un extrait.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 18:34

Epi a écrit:
Et puis ton illustration aime
Marko a écrit:

emile zola - Emile Zola - Page 6 Fr192p12
La dame en blanc de Whistler, un des "refusés" du Salon
j'ai toujours beaucoup aimé cette dame blanche.

A ne pas confondre avec le célèbre dessert belge sourire (quelle gourmande cette Epi!)

Ce tableau est juste évoqué parmi d'autre "refusés" du Salon. Sous la pression des artistes qui jugeaient injustes les critères de sélection des oeuvres au Salon, favorisant les créations les plus "académiques", Napoléon III accepta de créer le "Salon des refusés" qui leur donnait une seconde chance. Mais ce pouvait aussi être un lieu où on venait se moquer et dénigrer les artistes.

Claude, ragaillardi par ce souffle de lutte, s'animait, se fâchait, écoutait maintenant monter les rires du public, l'air provocant, comme s'il eût entendu siffler des balles. Discrets à l'entrée, les rires sonnaient plus haut, à mesure qu'il avançait. Dans la troisième salle déjà, les femmes ne les étouffaient plus sous leurs mouchoirs, les hommes tendaient le ventre, afin de se soulager mieux. C'était l'hilarité contagieuse d'une foule venue pour s'amuser, s'excitant peu à peu, éclatant à tout propos d'un rien, égayée autant par les belles choses que par les détestables. On riait moins devant le Christ de Chaîne que devant l'étude de femme, dont la croupe saillante, comme sortie de la toile, paraissait d'un comique extraordinaire. La Dame en blanc, elle aussi, recréait le monde: on se poussait du coude, on se tordait, il se formait toujours là un groupe, la bouche fendue. Et chaque toile avait son succès, des gens s'appelaient de loin pour s'en montrer une bonne, continuellement des mots d'esprit circulaient de bouche en bouche; si bien que Claude, en entrant dans la quatrième salle, manqua giffler une vieille dame dont les gloussements l'exaspéraient.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyVen 18 Sep 2009 - 22:11

Marko a écrit:
A ne pas confondre avec le célèbre dessert belge sourire (quelle gourmande cette Epi!)
rhoo non laugh Mais je l'ai souvent vu nommé ainsi.

Marko a écrit:
Ce tableau est juste évoqué parmi d'autre "refusés" du Salon.
Oui, ils étaient bien injustes mais de toute façon, Whistler a souvent été très critiqué.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 15:52

J'avais vu ce fils mais je voulais pas cassé l'ambiance avec un note basse a propos de Zola.J'ai lu Le Rêve il y a quelques mois que j'ai trouvé terriblement cul-cul.Entre la petite filles au allumettes et Barbarra Cartland..
Ca m'a un peu refroidi,il faudrait que je réessaie,avec la bête humin ou l'assommoir.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 15:59

Le rêve n'a rien à voir avec le reste de l'oeuvre de Zola. Je crois qu'il l'a écrit parce qu'il visait l'Académie, ou un autre objectif aussi honorable. Il a donc fait dans le convenable.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 16:01

thomas212 a écrit:
J'avais vu ce fils mais je voulais pas cassé l'ambiance avec un note basse a propos de Zola.J'ai lu Le Rêve il y a quelques mois que j'ai trouvé terriblement cul-cul.Entre la petite filles au allumettes et Barbarra Cartland..
Ca m'a un peu refroidi,il faudrait que je réessaie,avec la bête humin ou l'assommoir.

Mais c'est à peu près exactement la réputation que ce livre (Le rêve) a en général... Je le lirai pour m'en faire une idée. Je pense que tu peux sans problème trouver ton compte dans la plupart de ses "classiques". J'ai vu que L'Argent est au programme du Bac cette année. Le thème m'attire moins que d'autres mais ce doit être intéressant.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 16:04

Arabella a écrit:
Le rêve n'a rien à voir avec le reste de l'oeuvre de Zola. Je crois qu'il l'a écrit parce qu'il visait l'Académie, ou un autre objectif aussi honorable. Il a donc fait dans le convenable.

Idem pour Une page d'amour d'après ce que j'ai lu et qui faisait suite à L'assommoir et juste avant Nana. Une pause récréative un peu légère entre deux chefs-d'oeuvre.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 16:12

Marko a écrit:
Arabella a écrit:
Le rêve n'a rien à voir avec le reste de l'oeuvre de Zola. Je crois qu'il l'a écrit parce qu'il visait l'Académie, ou un autre objectif aussi honorable. Il a donc fait dans le convenable.

Idem pour Une page d'amour d'après ce que j'ai lu et qui faisait suite à L'assommoir et juste avant Nana. Une pause récréative un peu légère entre deux chefs-d'oeuvre.

Le rêve c'est encore beacoup plus sucré qu'Une page d'amour, qui a un petit côté roman de moeurs tout de même. De temps en temps Zola rêvait de reconnaissance officille, et il a produit du coup ces livres un peu comme il faut pour atteindre une sorte de respectabilité, et qui n'étaient pas vraiment dans son talent.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 16:20

Arabella a écrit:
Le rêve c'est encore beacoup plus sucré qu'Une page d'amour, qui a un petit côté roman de moeurs tout de même. De temps en temps Zola rêvait de reconnaissance officille, et il a produit du coup ces livres un peu comme il faut pour atteindre une sorte de respectabilité, et qui n'étaient pas vraiment dans son talent.

Le drame éternel de la reconnaissance par les "Académies"... Il en parle très bien dans L'Oeuvre. Dans un autre registre quand on pense que Bartok s'était vu refuser son Barbe-Bleue et qu'il a du attendre le succès du "Prince de Bois" pour l'y associer... Mais le Prince de Bois était aussi une création magnifique qui lui ressemble beaucoup... Idem pour Shostakovich qui devait trouver des astuces pour plaire à Staline tout en se moquant subtilement du régime. Mais dans ce cas le résultat (la géniale
5e symphonie par exemple) n'est pas un "sous-Shostakovich". Il y aurait donc des artistes que ça stimule et d'autres que ça "édulcore" comme chez Zola.
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MessageSujet: Re: Emile Zola   emile zola - Emile Zola - Page 6 EmptyDim 20 Sep 2009 - 17:43

La séquence finale du delirium tremens de Coupeau à l'hôpital psychiatrique Sainte-Anne à la fin de L' Assommoir. Zola s'était largement documenté dans les ouvrages scientifiques de l'époque et restitue dans le roman toutes les étapes de l'alcoolisme, essentiellement à travers le personnage de Coupeau. La description de ce delirium tremens reste d'actualité et tout en étant une vision clinique elle demeure surtout un tour de force littéraire dont je ne mets ici qu'un extrait...


Ce jour-là, à Sainte-Anne, le corridor tremblait des gueulements et des coups de talon de Coupeau. Elle tenait encore la rampe de l'escalier, qu'elle l'entendit hurler :"En v'là des punaises !... Rappliquez un peu par ici, que je vous désosse !... Ah ! ils veulent m'escoffier, ah ! les punaises !... Je suis plus rupin que vous tous ! Décarrez, nom de Dieu !"Un instant, elle souffla devant la porte. II se battait donc avec une armée ! Quand elle entra, ça croissait et ça embellissait. Coupeau était fou furieux, un échappé de Charenton ! Il se démenait au milieu de la cellule, envoyant les mains partout, sur lui, sur les murs, parterre, culbutant, tapant dans le vide ; et il voulait ouvrir la fenêtre, et il se cachait, se défendait, appelait, répondait, tout seul pour faire ce sabbat, de l'air exaspéré d'un homme cauchemardé par une flopée de monde. Puis, Gervaise comprit qu'il s'imaginait être sur un toit, entrain de poser des plaques de zinc. Il faisait le soumet avec sa bouche, il remuait des fers dans le réchaud, se mettait à genoux, pour passer le pouce sur les bords du paillasson, en croyant qu'il le soudait. Oui, son métier lui revenait, au moment de crever ; et s'il gueulait si fort, s'il se crochait sur son toit, c'était que des mufes l'empêchaient d'exécuter proprement son travail. Sur tous les toits voisins, il y avait de la fripouille qui le mécanisait. Avec ça, ces blagueurs lui lâchaient des bandes de rats dans les jambes. Ah ! les sales bêtes, il les voyait toujours ! Il avait beau les écraser, en frottant son pied sur le sol de toutes ses forces, il en passait de nouvelles ribambelles, le toit en était noir. Est-ce qu'il n'y avait pas des araignées aussi ! Il serrait rudement son pantalon pour tuer contre sa cuisse de grosses araignées, qui s'étaient fourrées là. Sacré tonnerre ! il ne finirait jamais sa journée, on voulait le perdre, son patron allait l'envoyer à Mazas. Alors, en se dépêchant, il crut qu'il avait une machine à vapeur dans le ventre ; la bouche grande ouverte, il soufflait de la fumée, une fumée épaisse qui emplissait la cellule et qui sortait par la fenêtre ; et, penché, soufflant toujours, il regardait dehors le ruban de fumée se dérouler, monter dans le ciel,où il cachait le soleil."Tiens ! cria-t-il, c'est la bande de la chaussée Clignancourt, déguisée en ours, avec des fla-fla..."Il restait accroupi devant la fenêtre, comme s'il avait suivi un cortège dans une rue, du haut d'une toiture."V'là la calvacade, des lions et des panthères qui font des grimaces...Il y a des mômes habillés en chiens et en chats... Il y a la grande Clémence, avec sa tignasse pleine de plumes. Ah ! sacredié ! elle fait la culbute, elle montre tout ce qu'elle a !... Dis donc, ma biche, fautnous carapater... Eh ! bougres de roussins, voulez-vous bien ne pas la prendre !... Ne tirez pas, tonnerre ! ne tirez pas..." Sa voix montait, rauque, épouvantée, et il se baissait vivement,répétant que la rousse et les pantalons rouges étaient en bas, des hommes qui le visaient avec des fusils. Dans le mur, il voyait le canon d'un pistolet braqué sur sa poitrine. On venait lui reprendre la fille."Ne tirez pas, nom de Dieu ! Ne tirez pas..."Puis, les maisons s'effondraient, il imitait le craquement d'un quartier qui croule ; et tout disparaissait, tout s'envolait. Mais il n'avait pas le temps de souffler, d'autres tableaux passaient, avec une mobilité extraordinaire. Un besoin furieux de parler lui remplissait la bouche de mots, qu'il lâchait sans suite, avec un barbotement de la gorge. Il haussait toujours la voix."Tiens, c'est toi, bonjour !... Pas de blague ! ne me fais pas mangertes cheveux.Et il passait la main devant son visage, il soufflait pour écarter despoils. L’interne l’interrogea :"Qui voyez-vous donc ?– Ma femme, pardi !"Il regardait le mur, tournant le dos à Gervaise.Celle-ci eut un joli trac, et elle examina aussi le mur, pour voir si elle ne s’apercevait pas. Lui, continuait de causer."Tu sais, ne m’embobine pas... Je ne veux pas qu’on m’attache...Fichtre ! te voilà belle, t’as une toilette chic. Où as-tu gagné ça,vache ! Tu viens de la retape, chameau ! Attends un peu que je t’arrange !... Hein ? tu caches ton monsieur derrière tes jupes.Qu’est-ce que c’est que celui-là ? Fais donc la révérence, pour voir...Nom de Dieu ! c’est encore lui !"D’un saut terrible, il alla se heurter la tête contre la muraille ; mais la tenture rembourrée amortit le coup. On entendit seulement le rebondissement de son corps sur le paillasson, où la secousse l’avait jeté."Qui voyez-vous donc ? répéta l’interne.– Le chapelier ! le chapelier !" hurlait Coupeau. Et, l’interne ayant interrogé Gervaise, celle-ci bégaya sans pouvoir répondre, car cette scène remuait en elle tous les embêtements desa vie. Le zingueur allongeait les poings." À nous deux, mon cadet ! Faut que je te nettoie à la fin ! Ah ! tuviens tout de go, avec cette drogue au bras, pour te ficher de moi enpublic. Eh bien, je vas t’estrangouiller, oui, oui, moi ! et sans mettre des gants encore !... Ne fais pas le fendant... Empoche ça. Et atout !atout ! atout !"Il lançait ses poings dans le vide. Alors, une fureur s’empara de lui.Ayant rencontré le mur en reculant, il crut qu’on l’attaquait par derrière. Il se retourna, s’acharna sur la tenture. Il bondissait, sautaitd’un coin à un autre, tapait du ventre, des fesses, d’une épaule,roulait, se relevait. Ses os mollissaient, ses chairs avaient un bruit d’étoupes mouillées. Et il accompagnait ce joli jeu de menaces atroces, de cris gutturaux et sauvages. Cependant, la bataille devait mal tourner pour lui, car sa respiration devenait courte, ses yeux sortaient de leurs orbites ; et il semblait peu à peu pris d'une lâcheté d'enfant."À l'assassin ! à l'assassin !... Foutez le camp, tous les deux. Oh ! les salauds, ils rigolent. La voilà les quatre fers en l'air, cette garce !... Il faut qu'elle y passe, c'est décidé... Ah ! le brigand, il la massacre ! Il lui coupe une quille avec son couteau. L'autre quille est par terre, leventre est en deux, c'est plein de sang... Oh ! mon Dieu, oh ! monDieu, oh ! mon Dieu..."Et, baigné de sueur, les cheveux dressés sur le front, effrayant, il s'en alla à reculons, en agitant violemment les bras, comme pour repousser l'abominable scène. Il jeta deux plaintes déchirantes, il s'étala à la renverse sur le matelas, dans lequel ses talons s'étaient empêtrés."Monsieur, monsieur, il est mort !" dit Gervaise les mains jointes. L'interne s'était avancé, tirant Coupeau au milieu du matelas. Non, il n'était pas mort. On l'avait déchaussé ; ses pieds nus passaient, aubout ; et ils dansaient tout seuls, l'un à côté de l'autre, en mesure,d'une petite danse pressée et régulière.Justement, le médecin entra. Il amenait deux collègues, un maigre et un gras, décorés comme lui. Tous les trois se penchèrent, sans rien dire, regardant l'homme partout ; puis, rapidement, à demi-voix, ils causèrent. Ils avaient découvert l'homme des cuisses aux épaules,Gervaise voyait, en se haussant, ce torse nu étalé. En bien, c'était complet, le tremblement était descendu des bras et monté des jambes, le tronc lui-même entrait en gaieté à cette heure !Positivement, le polichinelle rigolait aussi du ventre. C’étaient des risettes le long des côtes, un essoufflement de la berdouille, qui semblait crever de rire. Et tout marchait, il n'y avait pas à dire ! les muscles se faisaient vis-à-vis, la peau vibrait comme un tambour, les poils valsaient en se saluant. Enfin, ça devait être le grand branle-bas, comme qui dirait le galop de la fin, quand le jour paraît et quetous les danseurs se tiennent par la patte en tapant du talon."Il dort", murmura le médecin en chef. Et il fit remarquer la figure de l'homme aux deux autres. Coupeau, les paupières closes, avait de petites secousses nerveuses qui lui tiraient toute la face. Il était plus affreux encore, ainsi écrasé, la mâchoire saillante, avec le masque déformé d'un mort qui aurait eu des cauchemars. Mais les médecins,ayant aperçu les pieds, vinrent mettre leurs nez dessus d'un air de profond intérêt. Les pieds dansaient toujours. Coupeau avait beau dormir, les pieds dansaient ! Oh ! leur patron pouvait ronfler, ça neles regardait pas, ils continuaient leur train-train, sans se presser nise ralentir. De vrais pieds mécaniques, des pieds qui prenaient leur plaisir où ils le trouvaient.Pourtant, Gervaise, ayant vu les médecins poser leurs mains sur le torse de son homme, voulut le tâter elle aussi. Elle s'approcha doucement, lui appliqua sa main sur une épaule. Et elle la laissa une minute. Mon Dieu ! qu'est-ce qui se passait donc là-dedans ? Ça dansait jusqu'au fond de la viande ; les os eux-mêmes devaient sauter. Des frémissements, des ondulations arrivaient de loin,coulaient pareils à une rivière, sous la peau. Quand elle appuyait un peu, elle sentait les cris de souffrance de la moelle. À l’œil nu, on voyait seulement les petites on des creusant des fossettes, comme à la surface d'un tourbillon ; mais, dans l'intérieur, il devait y avoir un joli ravage. Quel sacré travail ! un travail de taupe ! C'était le vitriol de l'Assommoir qui donnait là-bas des coups de pioche. Le corps entier en était saucé, et dame ! il fallait que ce travail s'achevât, émiettant,emportant Coupeau, dans le tremblement général et continu de toute la carcasse. Les médecins s'en étaient allés. Au bout d'une heure, Gervaise,restée avec l'interne, répéta à voix basse :"Monsieur, monsieur, il est mort..." Mais l'interne, qui regardait les pieds, dit non de la tête. Les pieds nus, hors du lit, dansaient toujours, ils n'étaient guère propres et ils avaient les ongles longs.Des heures encore passèrent. Tout d'un coup, ils se raidirent, immobiles. Alors, l'interne se tourna vers Gervaise, en disant :"Ça y est."La mort seule avait arrêté les pieds.
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