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ne pas connaitre le visage de Dostoievski quand on est rédacteur d'un magazine littéraire, c'est tout de même trop gros!....
à mon avis ne pas connaître ses écrits serait le plus gros
Apparemment, il y avait d'autres grosses fautes, du genre "Lettre écrite à sa nièce" alors qu'il s'agissait de son neveu...
Ca a choqué plusieurs spécialistes de Dosto. Le Professeur Jacques Catteau (sous la direction de qui la Correspondance de Dosto a été publiée, notamment) a même envoyé une Lettre posthume de Dostoïevski au Magazine Littéraire pour protester
C' est d' autant plus choquant, que tout le monde semble s' en foutre. Je crois que jamais le Magazine littéraire n' aurait osé publier un tel tissu d' aneries aussi grossières.
Apparemment, il y avait d'autres grosses fautes, du genre "Lettre écrite à sa nièce" alors qu'il s'agissait de son neveu...
alors ils ont vraiment été à côté de la plaque
eXPie a écrit:
Jacques Catteau (sous la direction de qui la Correspondance de Dosto a été publiée, notamment) a même envoyé une Lettre posthume de Dostoïevski au Magazine Littéraire pour protester
bix229 a écrit:
Je crois que jamais le Magazine littéraire n' aurait osé publier un tel tissu d' aneries aussi grossières.
mais il s'agit du dossier dans le Magazine Littéraire??
Faire tout un foin pour un mauvaise photo ou une erreur neveu/nièce, c'est aussi raz-le-caniveau que faire un affaire d'état des rumeurs d'adultères sarkozystes...
Faire tout un foin pour un mauvaise photo ou une erreur neveu/nièce, c'est aussi raz-le-caniveau que faire un affaire d'état des rumeurs d'adultères sarkozystes...
Oui, ben moi je pense que nombre de revues littéraires perdent en crédibilité et pas simplerment à cause d' erreurs de ce type, mais par manque de profondeur meme des articles. Du copinage qui existe un peu partout (ce n' est pas nouveau, mais quand meme). Pour revenir au Magazine littéraire, j' ai encore des numéros spéciaux littérature par des pays, il me semble que c' était meilleur. De toute façon, je m' en passe du Magazine littéraire ! J' ai d' autres sources...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
L'idiot "épisode" 1: Réflexion sur la peine de mort
Je suis bien loin d'avoir terminé mais j'avais envie d'en parler par épisodes pour éviter de faire un énième résumé d'ensemble avec quelques impressions générales. Plutôt revenir sur des scènes importantes et des moments clés.
Au début du roman, après la rencontre dans le train en plein brouillard entre le Prince Mychkine et l'étrange Rogojine, Mychkine se présente chez le général Epantchine dont l'épouse est une parente éloignée issue de la même souche noble. Dans l'antichambre, il entame une discussion à la fois légère et amusante avec un valet tout en évoquant les changements de la Russie après 4 ans d'absence. Et il se met à évoquer l'abolition de la peine de mort qui est maintenue dans certains pays d'Europe dont la France où il a assité à une exécution par guillotine. Ces quelques pages sont très belles et nous donnent déjà des indices sur la personnalité de Mychkine. Il dit que ce qui rend la peine de mort un crime encore plus inhumain que le crime lui-même est le fait que le condamné sache "à coup sûr" qu'il n' y aura aucun espoir. Que se passe-t-il à cet instant dans l'âme? A quelles convulsions est-elle amenée? C'est une insulte à l'âme, tout bonnement! Il a été dit: "Tu ne tueras pas". Alors, parce qu'il a tué, faut-il le tuer aussi? Non, ce n'est pas permis. (...) Qui a jamais affirmé que la nature humaine était capable de supporter cela sans perdre la raison? A quoi sert pareille offense, monstrueuse, inutile, vaine? Peut-être existe-t-il un homme à qui on a lu sa sentence, qu'on a laissé en proie à son tourment, et à qui on a dit ensuite: "Va, tu es pardonné.". Eh bien, cet homme-là pourrait peut-être parler. De ce tourment et de cet effroi le Christ aussi a parlé. Non, il n'est pas permis d'agir ainsi avec un homme!
Et ce prince de 27 ans, blond aux yeux bleus, dont "le regard avait quelque chose de doux mais de pesant, cette expression singulière qui suffit à certains pour déceler d'emblée chez un individu la présence du haut mal" apparaît déjà comme une figure christique qui transmet des messages de paix, de raison et d'amour. Le valet suspicieux, initialement, prenant peu à peu du plaisir à leur conversation malgré son caractère incongru...
La manière dont Dostoïevski montre toute la complexité d'un personnage, dont l'apparence peut trahir certains traits de caractère comme elle peut en dissimuler d'autres, est particulièrement enrichissante. Rien n'échappe à son regard aiguisé et on a rarement l'occasion de voir naître à ce point, dans une fiction, des personnalités aussi élaborées.
Camille19 Main aguerrie
Messages : 484 Inscription le : 24/06/2009 Age : 34
Les nuances dans les personnalités chez Dostoïevski sont une des choses les plus remarquables dans ses écrits je trouve. Aucun auteur ne saisit aussi bien que lui a quel point l'humain et ses comportements sont changeants, mouvants, pleins de contradictions. C'est ce qui fait toute la force de ses romans.
Commentaire très intéressant en tout cas, en effet le passage sur la peine de mort est saisissant, il me conforte encore un peu plus dans l'opinion que j'ai de Dostoïevski
Merci et bonne poursuite de lecture, on attend la suite
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Les nuances dans les personnalités chez Dostoïevski sont une des choses les plus remarquables dans ses écrits je trouve. Aucun auteur ne saisit aussi bien que lui a quel point l'humain et ses comportements sont changeants, mouvants, pleins de contradictions. C'est ce qui fait toute la force de ses romans.
Je ne suis pas du tout certain qu'il soit le seul à avoir une telle subtilité dans son approche psychologique mais il le fait effectivement très bien. Le personnage d' Anastasie Filippovna en particulier est très élaboré. Ce qui me plait surtout c'est que son récit est extrêmement vivant et divertissant et qu'il a créé un personnage merveilleux avec Mychkine. La séquence où la générale Epantchine le reçoit avec suspiçion, puis se moque de lui avant d'être fascinée et troublée est formidable. Il est d'une telle sincérité et d'une telle absence d' a priori sur les gens et les choses qu'il renvoit chacun à ses propres bassesses ou à son hypocrisie. Il rayonne et il y a constamment dans le livre des allusions plus ou moins directes au Christ. On n'en redoute que plus sa chute.
Dernière édition par Marko le Mar 4 Mai 2010 - 23:29, édité 1 fois
Camille19 Main aguerrie
Messages : 484 Inscription le : 24/06/2009 Age : 34
Oui, je n'ai pas réfléchi, c'était peut-être un peu ambitieux de dire aucun auteur Je dirais plutôt : "aucun auteur lu par moi jusqu'ici"
Sinon, je ne peux pas vraiment te répondre car je n'ai pas lu L'idiot , mais en tout cas tu auras réussi à me donner envie en me parlant de ce Mychkine. Les personnages de Dostoïevski peuvent être si charismatiques, c'est vraiment un régal pour le lecteur !
Pour les contradictions c' est quand meme vrai. Surtout dans les Possédés ou les frères Karamazov. Mais c' est peut etre plus interessant dans l' Idiot parce que les personnages semblent plus autonomes et que leurs mobiles ne sont ni politiques ni idéologiques.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mar 4 Mai 2010 - 17:41
L'idiot "épisode" 2: L'enfermement et la "décollation"
A ce stade du récit, Mychkine a rencontré le Général Epantchine et on découvre au passage les manigances et alliances qui se trament autour d'Anastasie Filippovna dont le général est amoureux comme Rogojine et Gabriel(Gaby) Ivolguine. Le général propose de donner la main d'Anastasie à Gaby (ce qui lui permettra de la visiter en secret) en échange d'une union entre sa fille Alexandra et le tuteur d'Anastasie, Athanase Totski. Dostoievski propose alors au lecteur d' interrompre momentanément le cours du récit pour nous raconter les origines d'Anastasie, recueillie par Totski lorsqu'elle était orpheline. On découvre ainsi un nouveau personnage particulièrement troublant et complexe.
Puis vient la rencontre entre Mychkine et la générale Epantchine (qui est donc une cousine éloignée) accompagnée par ses 3 filles qui le questionnent avec excitation sur son voyage en France. Elles se moquent d'abord de lui, le croyant "idiot" comme sa réputation le précède puis sont charmées par la bonté et la singularité de son discours. Il revient sur l'épisode de l'exécution capitale à laquelle il a assisté et développe un prolongement de sa réflexion sur l'enfermement et l'horreur de la condamnation à mort.
Le condamné qu'il évoque en exemple fait manifestement écho à la propre incarcération de Dostoievski et à la sentence de mort à laquelle il a du être confronté avant d'être grâcié (il faudrait que je me documente pour savoir la part de vécu et d'invention). Il développe l'idée que "même en prison on peut trouver une vie immense" après avoir évoqué le bonheur de tout ce qu'il a découvert en voyageant et toute la liberté que cela lui offre.
Il parle de la vie en prison et fait référence au poème de Byron "Le prisonnier de Chillon" comme il est précisé dans les notes.
"Pour toutes connaissances, il n'avait là qu'une araignée, et aussi un arbuste qui avait poussé sous la fenêtre... "
Dostoievski insiste à travers Mychkine sur ce qui se passe dans chaque minute, chaque seconde qui précède la mise à mort. "Et si je ne mourais pas? Et si je revenais à la vie, quel infini! Et tout cela serait à moi! De chaque minute, alors, je ferais tout un siècle, je ne laisserais rien perdre, de chaque minute je tiendrais un compte exact, je n'en dépenserais pas une inutilement! Il disait que cette pensée s'était changée finalement chez lui en une telle rage qu'il avait désiré être fusillé au plus vite."
Puis il suggère à Adélaïde, la seconde fille d'Epantchine qui le bouscule un peu, de faire le dessin du visage de cet homme au moment où il croit qu'il va mourir face au peloton d'exécution. Et il évoque un tableau de "décollation de Saint-Jean Baptiste" probablement par Hans Fries vu à Bâle et qui pourrait servir de modèle pour exprimer ce sentiment d'effroi inhumain.
L'idée m'est venue, quand vous m'avez demandé un sujet de tableau, de vous donner celui-ci: dessiner le visage d'un condamné à mort une minute avant la guillotine, au moment où il est encore debout sur l'échafaud avant de s'allonger sur cette planche.
Comment peindre ce visage? Vous dites bien: le visage seul? Comment est-il ce visage?
Et Mychkine décrit ce qu'il a vu et ressenti en croisant le regard de cet homme. Ces pages sont extraordinaires (p. 131 à 135 chez GF).
Dessinez l'échafaud de telle sorte qu'on voie clairement et de près seulement la dernière marche; le condamné y a posé le pied; la tête, le visage, sont blancs comme une feuille de papier; le prêtre tend la croix; l'autre tend avidement ses lèvres bleuies et regarde, et ... "il sait tout". La croix et la tête, voilà le tableau; le visage du prêtre, celui du bourreau et ceux de ses deux aides, quelques têtes et quelques yeux dans le bas, tout cela peut être peint comme au troisième plan, dans un brouillard, comme des accessoires... Voilà votre tableau.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Mychkine poursuit son récit de ses 4 années passées en Suisse et en France. Il évoque sa première rencontre avec une jeune femme phtisique de 20 ans, Marie, rejetée par son village parce qu'elle avait suivi un commis voyageur avant qu'il ne l'abandonne à moitié morte. Il décrit toute la haine qui se déchaîne contre elle, y compris de la part du prêtre qui la rend responsable de la mort de sa mère, et également des enfants qui lui jettent des cailloux. Mychkine parle aux enfants et leur montre la souffrance de cette femme qu'ils apprennent alors à aimer. Ils en viennent même à rêver d'une idylle entre Léon et Marie. Mais Léon Mychkine leur dit qu'il n'est pas question d'amour mais de compassion:
J'ai l'impression que mon amour pour Marie était pour eux un immense plaisir, et sur ce seul point, durant mon séjour là-bas, je les ai trompés. Je ne les détrompais point, mais je n'aimais nullement Marie, en ce sens que je n'étais pas amoureux du tout, j'avais seulement une grande pitié d'elle. (...) Dès que je me montrais, Marie tout de suite tressaillait, ouvrait les yeux et s'élançait pour me baiser les mains. Je ne les retirais plus, parce que c'était pour elle un bonheur.
On pense ici à une autre allusion au Nouveau Testament et au personnage de Marie-Madeleine, qu'on a interprétée comme étant une prostituée et qui fut la première à rencontrer le Christ après sa résurrection. De la même façon, le passage sur les enfants qu'on veut l'empêcher de voir et de leur enseigner, évoque le "Laissez venir à moi les enfants" : Alors, on présenta des enfants à Jésus pour qu’il leur impose les mains en priant. Mais les disciples les écartaient vivement. Jésus leur dit : « Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent. » Il leur imposa les mains, puis il partit de là. (Saint Matthieu 19, 13-15). Dostoievski dit d'ailleurs des choses très belles sur l'enfance:
A un enfant on peut tout dire, tout; une idée m'a toujours frappé: comme les grands connaissent mal les enfants, et les pères et mères leurs propres enfants! Il ne faut rien cacher aux enfants sous prétexte qu'ils sont trop petits et qu'ils ont le temps de savoir ensuite. Quelle triste et malheureuse idée! Et comme les enfants le remarquent bien, que leurs pères les jugent trop petits et incapables de rien comprendre, alors qu'ils comprennent tout! Les grands ne savent pas qu'un enfant peut, même dans la plus difficile des affaires, donner un conseil extrêmement important. (...) Le pasteur dans son temple ne flétrit plus la morte, mais il y eut très peu de monde à l'enterrement: certains étaient venus seulement par curiosité; mais quand il fallut porter le cercueil, les enfants, du coup, s'élancèrent tous pour le porter, eux. Comme ils ne le purent pas, du moins ils aidèrent; ils couraient derrière, et tous pleuraient. Depuis ce jour la modeste tombe de Marie a constamment été honorée par les enfants: ils la fleurissaient chaque année; ils ont planté des rosiers autour.
Je trouve d'une manière générale que la culture Russe donne une place importante aux enfants, en littérature et au cinéma notamment. Je suis toujours frappé de voir combien ils apparaissent souvent graves, matures, profonds, lucides... Chez Tarkovski ou Zviaguintsev notamment pour le cinéma.
Sans parler du personnage de "L'idiot" qui est central. Dans cette tradition, le "fou" ou le simple d'esprit est le plus proche de l'essentiel, de la terre, de la spiritualité. Voir Stalker de Tarkovski...
Schneider m'a dit qu'il s'était convaincu absolument que moi-même j'étais un véritable enfant, c'est-à-dire de tous points un enfant, que par la taille seulement et par le visage je ressemblais à un adulte, mais que par le développement, l'âme, le caractère et peut-être même l'intelligence je n'étais pas un adulte, et que je demeurerais tel, dussé-je vivre jusqu'à soixante ans. Je ris beaucoup: il n'avait certainement pas raison, car comment pouvais-je être un enfant? Une chose seulement était vraie, c'est qu'en effet je n'aime pas être avec des adultes, des hommes, des grandes personnes - cela, je l'ai remarqué depuis longtemps -, et je ne l'aime pas parce que je ne sais pas être avec eux. Quoi qu'ils me disent, si bons pour moi qu'ils soient, je suis toujours mal à l'aise avec eux, et je ne suis content que quand je peux m'enfuir au plus vite vers les camarades, et ces camarades, ç'a toujours été les enfants.
Dernière édition par Marko le Lun 10 Mai 2010 - 14:41, édité 2 fois
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
C'est un grand bonheur de te suivre dans cette lecture! Merci!
Je n'ai pas la force de faire la même chose pour ma relecture récente des "Frères Karamazov". Mais en lisant tes propos par rapport aux enfants, d'abord cruels, puis honorant Marie, j'ai du immédiatement pensé à ce passage dans les Frère K sur Ilyouchka mourant, d'abord persécuté par les autres enfants (oh, Dosto peut bien discerner les abîmes du mal aussi! Ce n'est pas rose!!!), puis réconciliés avec lui par l'intermédiaire d'un autre enfant/adulte/idiot: Aljocha.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
en lisant tes propos par rapport aux enfants, d'abord cruels, puis honorant Marie, j'ai du immédiatement pensé à ce passage dans les Frère K sur Ilyouchka mourant, d'abord persécuté par les autres enfants (oh, Dosto peut bien discerner les abîmes du mal aussi! Ce n'est pas rose!!!), puis réconciliés avec lui par l'intermédiaire d'un autre enfant/adulte/idiot: Aljocha.
C'est un des passages qui m'a le le plus bouleversé dans les Frères Karamazov. Et c'était émouvant en visitant la maison de Dostoïevski à St Petersbourg de voir que c'est dans ce lieu qu'il a souffert de la mort de son propre fils et qu'il en a tiré ces passages magnifiques. Je voudrais relire Les Frères Karamazov prochainement rien que pour en repaler avec vous tous et j'aimerais que tu me conseilles "ta" traduction préférée...
Au fait je suis toujours partant pour un voyage parfumé à St Pétersbourg au moment des nuits blanches... Juin/juillet l'année prochaine???