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 Fédor Dostoïevski [Russie]

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Harelde
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 14:09

sentinelle a écrit:
Mais priorité avant cela aux Carnets du sous-sol, dans ma PAL depuis des années jemetate
Accroche toi !
Ce n'est pas de la rigolade : un livre très sombre également et un personnage assez détestable se rapprochant à certains égards de Raskolnikov.
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 14:10

Crime et châtiment

Rodion Romanovitch Raskolnikov est un jeune homme de la bourgeoisie russe. Mais sans le sou. Il a été obligé d’interrompre ses études de droits faute de pouvoir payer les frais de scolarité. D’un autre côté, il n’a rien d’un battant : par certains efforts à sa portée, il pourrait gagner de quoi vivre (certes chichement) et suivre ses cours. Mais il n’en pas vraiment envie et préfère rester à ne rien faire (il dit réfléchir, mais ruminer conviendrait mieux) dans sa misérable mansarde qu’il occupe sans en régler le loyer à sa logeuse qui n’est autre que la mère de sa fiancée décédée.
Raskolnikov a une vision élitiste de l’humanité qu’il sépare en deux catégories : les élus (la première) qui ont le pouvoir de vie et de mort sur la plèbe (la seconde) qui n’a d’autre justification d’être qu’une vie servile faite d’obéissance. Ils doivent tout oser, tout se permettre au nom de leur savoir, leur science, leurs recherches. Aucune contrainte d’ordre étique ne doit venir entraver la marche du progrès dont ils sont le moteur. Tous les grands de ce monde ont du sang sur les mains. Napoléon, son modèle dont il parle fréquemment, n’aurait rien réalisé s’il avait eu à cœur de préserver la vie humaine. Cette idée, qu’il l’a d’ailleurs couchée sur le papier (l’article a été publié sans qu’il le sache), fait son chemin dans son esprit malade. Vaniteux, il se considère comme faisant partie des gens extraordinaires. A ce titre, il doit oser et a donc le droit de tuer. Osera-t-il seulement mener à bien ce projet ? Projet qu’il voit comme un passage obligé, un baptême du feu lui ouvrant les portes de la réussite. Il est un peu dans le même état d’esprit que Lord Arthur Saville (inventé par Oscar Wilde) qui est persuadé qu’il ne peut se marier tant qu’il n’a pas réalisé le crime que lui a révélé une chiromancienne. Cette étape de sa vie tourne à l’obsession. Il choisit une victime (une vieille usurière qui, pour lui, représente la lie de la société), va chez elle pour faire un essai et passe enfin à l’acte sans réelle préparation après une centaine de pages. Le crime se passe mal. La sœur de la victime entre inopinément sur la scène du drame et le meurtre devient double-meurtre, il ne trouve pas le coffre de l’usurière et vole au hasard, la porte de l’appartement reste ouverte… Rien ne correspond à l’idée qu’il se faisait d’un crime. Il parvient à rentrer chez lui sans encombre et par miracle.

Dès cet instant, sa vie change. Sa paranoïa est exacerbée. Il est convaincu que son crime se lit sur son visage, que tous savent et qu’on va venir l’arrêter. Il sursaute à chaque bruit dans l’escalier, ne trouve aucun repos, sort de chez lui, erre en ville, rentre, ressort et sombre dans une folie qui inquiète passablement ses proches. Dix fois, il manque de crier son crime, de leur jeter à tous la vérité à la face. Il exècre tout le monde et lui-même en premier. Son dégout de lui-même culmine peu après qu’il se soit rendu à la police. Car un grand homme n’aurait pas craqué et serait parvenu au bout de son crime. Procès et finalement, circonstances atténuantes pour folie passagère. Raskolnikov, sur le plan judiciaire s’en tire bien.

Mais sur le plan moral, sa moralité à lui, se rendre était lâche et indigne. Fait-il réellement partie de l’élite ? Avait-il le droit de tuer ? Ces questions le torture un moment, mais sa vanité maladive l’emporte et il finit par y répondre affirmativement. Oui, il en avait le droit, mais son crime ne lui a ouvert aucune porte. Il ne voit plus la finalité de son acte, ne comprend plus quel but il poursuit. Pourquoi vivre, que doit-il attendre de la vie. Il regrette de s’être livré et aurait dû se donner la mort. Regret ne n’avoir pu assumer son acte et non remord de l’avoir commis.
Dans cet épilogue très noir, à l’image de l’ensemble du roman, la fin lumineuse est une réelle surprise. Il découvre réellement le personnage de Sonia qui l’a suivi en Sibérie et se rend compte qu’il en est amoureux. La vie prend alors tout son sens.

Un livre magnifiquement écrit, très simplement pour mettre en scène un théâtre fort complexe : droit à transgresser les lois, élitisme, misère, alcool, prostitution, folie... Un livre que je ne regrette pas d’avoir lu mais que je n’aurais probablement jamais le courage de relire tant il est sombre. La fin est particulièrement difficile. Tout comme Raskolnikov, le lecteur étouffe, cherche de l’air. La folie nous gagne également et on n’entrevoit plus aucune issue. Mais impossible de s’arracher à cette descente aux enfers. Impossible de laisser Raskolnikov tout en souhaitant ardemment en finir d’une manière ou d’une autre.
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 15:04

Harelde a écrit:
sentinelle a écrit:
Mais priorité avant cela aux Carnets du sous-sol, dans ma PAL depuis des années jemetate
Accroche toi !
Ce n'est pas de la rigolade : un livre très sombre également et un personnage assez détestable se rapprochant à certains égards de Raskolnikov.
En fait, j'avais déjà essayé de le lire mais ce fut une catastrophe et je l'ai vite mis de côté. Depuis, il prend la poussière sur les étagères...
J'espère cette fois aller un peu plus loin sinon tant pis jypeurien

Harelde a écrit:
Crime et châtiment
Il découvre réellement le personnage de Sonia qui l’a suivi en Sibérie et se rend compte qu’il en est amoureux. La vie prend alors tout son sens.
Et oui, c'est aussi l'amour qui permet de se dépasser et qui donne sens à la vie oui
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 15:13

sentinelle a écrit:
Et oui, c'est aussi l'amour qui permet de se dépasser et qui donne sens à la vie oui
J'en suis convaincu.
Mais j'avoue avoir été très surpris de trouver cette note d'espoir et cette lumière dans les toutes dernières pages du livre.
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 15:24

Étonnée... j'ai envie de répondre oui et non en même temps... étonnée dans la mesure où le roman est majoritairement sombre et étouffant (cette étincelle de lumière à la fin n'en est que plus remarquable) et pas vraiment étonnée dans la mesure où toute la symbolique des évangiles est omniprésente dans l'oeuvre de Dosto et que l'amour comme principe universel y occupe une très grande place (cf le fameux « Aimez-vous les uns les autres »). Dosto ne pouvait pas passer à côté s'il voulait rester cohérent sourire
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyJeu 6 Jan 2011 - 16:01

Le livre qui s' appelle dans mon édition Dans mon souterrain, est un livre déconcertant, de par sa structure, son histoire, ou plutot son absece d' histoire et son personnage est répulsif.
Et pourtant les propos qui sont tenus dans ce livre sont parmi les plus forts de l' oeuvre de Dostoievski.
Parce qu' il va très profond au coeur de la pensée de l' homme.
Lorqu' il écrit par exemple :

"Les insticts d' un bourreau existent en germe dans chacun de nos contmporains."

Ou encore :

"Je ne serais donc qu' un bavard plein de dépit, inoffensif ? Que faire si le destin véritable de toute créature intelligente est uniquement de bavarder, c' est à dire de faire couler du sable dans le vide."

Quand il met en doute la finalité de l' homme :

... Arriva-t-il à l' homme au cours des millénaires, de n' agir qu' au nom de son profit personnel ?
Des millions d' exemples témoignent le contraire : comprenant très bien où se trouvait leur avantage

les hommes le reléguaient au second plan et se jetaient sur une tout autre voie, choisissant le
risque, l' aventure.

Ils n' y étaient pas contraints et cependant ils ne voulaient pas de la route indiquée : librement, obstinément, ils défichaientt un autre chemin difficile, absurde, le recherchant presque dans les ténèbres...

L' etre humain aime-t-il les ruines et le chaos (inutile de le contester, les faits en témoignent), parce qu' il a une peur instinctive d' atteindre au but qu' il se fixe et d' achever l' édifice qu' il batit ?
Le savez-vous ?
Peut etre cet édifice ne lui plait-il que de loin ... Il n' éprouve du plaisir qu' en le construisant et n' aurait aucune joie à l' habiter..

L' homme est une créature légère et illogique : semblable au joueur d' écecs, il n' aime que le processus du but à attindre, non le but lui-meme...

Tel est ce livre où l' auteur tourne le dos à la trame romanesque pour mener un débat philosophique
et introspectif avec lui-meme.
Et ce, d' une manère volontairement provoquante, sarcastique et grinçante...
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyLun 2 Mai 2011 - 16:11

Je ne voulais pas laisser inachevé mon post par épisodes sur Les Frères Karamazov alors voici la dernière partie en 3 livres et un bouleversant épilogue:

Livres X, XI, XII et épilogue
: La culpabilité d'Ilioucha, La folie d'Ivan, Le procès, la morale d'Aliocha

Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 Medium10
Auguste Glaize: Luca Signorelli se disposant à peindre son fils tué en duel à Cortone

Le livre X revient sur les personnages d'Ilioucha et de Kolia rencontrés beaucoup plus tôt dans le récit. Dostoïevski avait perdu son fils à l'époque de la rédaction de ce dernier roman et c'est une sorte de chant d'amour à cet enfant qu'on retrouve à travers cette histoire un peu digressive par rapport au reste de l'intrigue et qui culmine dans l'épilogue déchirant qui fait office de "morale" pour l'ensemble de l'oeuvre à travers l'intervention d'Aliocha. Ilioucha se meurt de tuberculose et il est hanté par la culpabilité d'avoir probablement tué son chien de compagnie à cause d'un jeu cruel suggéré par un autre enfant malveillant. A nouveau un personnage déchiré par une faute et que Dostoïevski choisit de libérer cette fois. Tout ce passage est très émouvant et Aliocha y apparaît à nouveau comme une figure christique venant apporter la bonne parole et réunir les anciens ennemis autour de l'enfant aimé.

Extrait d'un échange entre Aliocha et Kolia:

J'imagine parfois Dieu sait quoi, que tout le monde se moque de moi, la terre entière, et, là, dans ces moments, mais je suis simplement prêt à détruire tout l'ordre des choses.
- Et vous torturez ceux qui vous entourent, sourit Aliocha.
- Et je torture ceux qui m'entourent, surtout ma mère. Karamazov, je suis très ridicule, en ce moment?
-Mais ne pensez pas à ça du tout, n'y pensez pas du tout! s'exclama Aliocha. Et qu'est-ce ça veut dire, ridicule? Dieu sait toutes les occasions où l'homme peut être ou peut paraître ridicule! En plus, de nos jours, presque tous les gens doués ont une peur affreuse d'être ridicules, et ça les rend malheureux. Moi, ce qui m'étonne seulement, c'est que vous ayez commencé à éprouver ça si tôt, quoique, du reste, il n' y a pas qu'en vous que je le remarque. De nos jours, c'est presque tous les enfants qui commencent à souffrir de ça. C'en est presque de la folie. C'est le diable qui s'est incarné dans cet amour-propre, et qui s'est glissé dans toute la génération, oui, réellement le diable, ajouta Aliocha sans le moindre sourire comme l'avait d'abord cru Kolia qui le fixait des yeux. Vous comme les autres, conclut Aliocha, c'est-à-dire comme de nombreux autres, sauf qu'il ne faut pas être comme les autres, voilà.
-Et même si tous les autres sont comme ça?
- Oui, même si tous les autres sont comme ça. Vous seul, ne soyez pas comme ça. Et d'ailleurs c'est vrai que vous n'êtes pas comme les autres: en ce moment, par exemple, vous n'avez pas eu honte de m'avouer vos mauvais côtés, et même vos ridicules. Or, aujourd'hui, qui est-ce qui peut avouer ça? Personne, et personne, d'ailleurs n'éprouve le besoin de se juger. Ne soyez donc pas comme les autres; quand bien même vous seriez le seul à ne pas être comme les autres, quand même, ne soyez pas comme les autres.


Le livre XI replonge en plein dans le suspens de l'intrigue policière. Cette fois c'est Ivan qui est mis en lumière à travers ses rencontres successives avec Smerdiakov. Il se consume à son tour littéralement de l'intérieur (j'ai d'ailleurs beaucoup pensé aux tableaux du Greco en découvrant tous ces personnages habités d'une flamme qui les élève et les détruit en même temps). On assiste à l'occasion à une séquence onirique et hallucinatoire très intense comme il y en avait dans "L'idiot" à travers les descriptions des auras épileptiques de Mychkine. Mais cette fois c'est pratiquement un tableau psychotique qui est montré à travers la dérive d'Ivan et qui n'est qualifiée que de "fièvre chaude" un peu à la manière de la médecine antique. Autre façon encore de se débattre avec la culpabilité. Dostoïevski nous donne à cette occasion une avance par rapport aux protagonistes du jugement qui va se tenir le lendemain, nous permettant de mieux apprécier la richesse des joutes oratoires qui vont opposer le procureur et le génial avocat de la défense.

Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 Greco_10

Le Livre XII est donc consacré à la reconstitution du jugement qui nous est dépeint de manière foisonnante dans ses moindres détails. Le procureur Hippolyte Kirillovitch adopte un angle d'attaque basé sur l'analyse psychologique de tous les acteurs du drame. C'est l'occasion d'avoir une sorte de résumé du roman à travers cette approche. Elle est immédiatement contre-balancée par le plaidoyer extraordinaire de l'avocat Fétioukovitch qui montre que la psychologie a ses limites et ne sert le plus souvent qu'à alimenter une vision préconçue des choses en y trouvant alors une fausse légitimité. Je pense à ce qu'un Badinter a pu puiser dans ce réquisitoire magnifique autour de la présomption d'innocence et de la miséricorde. Réflexion également très puissante autour de la paternité et de ses devoirs. Un très grand passage qui marque profondément.

Un tel meurtre n'est pas un meurtre. Un tel meurtre n'est pas non plus un parricide. Non, le meurtre d'un tel père ne peut pas être qualifié de parricide. Un tel meurtre ne peut être rapporté au parricide que par préjugé! Mais est-ce, oui, est-ce un meurtre réellement, oui, j'en appelle à vous, encore et encore, du plus profond de mon âme! Messieurs les jurés, si nous le condamnons, il se dira: "Ces hommes n'ont rien fait pour mon destin, pour mon éducation,mon instruction, pour me rendre meilleur, pour faire de moi un homme. Ces hommes ne m'ont pas donné à boire ou à manger, ils ne sont pas venus me voir, nu, dans ma cellule, et ce sont les mêmes hommes qui m'ont envoyé au bagne. Je suis quitte, maintenant, je ne leur dois rien, et je ne dois rien à personne, pour les siècles des siècles. Ils sont méchants, moi aussi, je serai méchant. Ils sont cruels, moi aussi, je serai cruel." Voilà ce qu'il dira, messieurs les jurés! Et je le jure: par votre accusation, vous ne ferez que le soulager, vous soulagerez sa conscience, il maudira le sang qu'il a versé, au lieu de le regretter. En même temps, vous perdrez en lui l'homme encore possible, car il restera méchant et aveugle pour toute sa vie. Or, voulez-vous que votre châtiment soit effrayant, terrible, qu'il soit le châtiment le plus affreux qu'on puisse seulement imaginer, mais de façon à le sauver, et ranimer son âme pour toujours? S'il en est ainsi, écrasez le par votre miséricorde! Vous verrez, vous entendrez son âme frissonner, s'épouvanter: "Moi, puis-je supporter votre grâce, est-ce pour moi, tant d'amour, en suis-je digne?", voilà ce qu'il s'exclamera!
(...)
Mais écrasez cette âme par la miséricorde, montrez-lui de l'amour, et elle maudira son acte, elle qui a tant de penchant pour le bien. Son âme s'élargira et verra comme Dieu est miséricordieux, et comme les hommes sont beaux et justes. Il sera épouvanté, il sera écrasé par le remords et le devoir innombrable qui, dorénavant, devra lui incomber. Et il ne dira pas à ce moment: "Je suis quitte", non, il dira: "Je suis coupable devant tous les hommes, et de tous les hommes, je suis le plus indigne."


Le roman se termine par un épilogue qui réunit tous les enfants rivaux autour de la tombe d'Ilioucha à l'initiative d'Aliocha dans un élan proche du "Aimons nous les uns les autres" qui devient "Ne nous oublions jamais les uns les autres". Et ce passage est d'autant plus émouvant quand on songe que Dostoïevski achève son oeuvre par cet hommage à son fils disparu:

Vous tous, messieurs, je vous aime maintenant, vous tous je veux vous prendre dans mon coeur, et vous aussi, je vous demande de me prendre dans votre coeur à vous! Bon, et qui donc nous a réunis ici, là, dans ce sentiment si bon, si bien, dont, maintenant nous nous souviendrons toujours, toute notre vie, et dont nous voulons tous nous souvenir, sinon Iliouchetchka, ce brave garçon, ce garçon adorable, ce garçon qui nous est cher pour les siècles des siècles! Ne l'oublions donc jamais, bonne et éternelle mémoire pour lui dans nos coeurs, à partir d'aujourd'hui, pour les siècles des siècles!
- Oui, éternelle, éternelle, crièrent tous les garçons de leurs voix sonores, le visage attendri.
-Souvenons-nous de son visage, de ses habits, de ses pauvres petits souliers, et de son petit cercueil, et de son père malheureux et pécheur, et du courage avec lequel il s'est révolté, lui tout seul, contre toute la classe, pour se défendre!


Les frères Karamazov est un livre à la fois incroyablement dense et riche tout en étant fluide et limpide. Un flot de passions antagonistes et de réflexions métaphysiques qui porte un regard profond et généreux sur la nature humaine. Freud y a puisé pratiquement tout ce qui a fait sa renommée ultérieure, de l'hystérie au parricide, de l'inconscient qui s'exprime dans les rêves aux actes manqués... Mais à mon sens il n'a jamais égalé sa puissance d'analyse psychologique qui a donné naissance à des personnages d'une incroyable complexité. Forcément un chef-d'oeuvre!
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyMar 10 Mai 2011 - 17:37

Me voilà plongé dans Les démons et c'est captivant d'entrée avec un nouveau personnage hystérique (et décrit comme tel) de précepteur qui entretient des relations explosives avec la mère de son élève. Pas mal d'humour qui n'est pourtant pas une caractéristique très habituelle de son style. Je ne me lancerai pas dans une nouvelle saga par épisodes mais je viendrai donner des nouvelles du récit de temps en temps.

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Je fais une infidélité à Markowicz pour tester un autre genre de traduction. Et j'aime bien les petites notes de bas de page chez "le livre de poche".
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyMar 10 Mai 2011 - 21:13

Marko a écrit:
Me voilà plongé dans Les démons et c'est captivant d'entrée avec un nouveau personnage hystérique (et décrit comme tel) de précepteur qui entretient des relations explosives avec la mère de son élève. Pas mal d'humour qui n'est pourtant pas une caractéristique très habituelle de son style. Je ne me lancerai pas dans une nouvelle saga par épisodes mais je viendrai donner des nouvelles du récit de temps en temps.

Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 Images11

Je fais une infidélité à Markowicz pour tester un autre genre de traduction. Et j'aime bien les petites notes de bas de page chez "le livre de poche".

Quand je l'ai lu il y a quelques années, je l'avais trouvé moins bon, moins intéressant que l'Idiot ou Les Frères Karamazov ; c'est un peu trop excessif (si je puis dire ; même à l'aune de Dosto). Mais bon, on reste dans la catégorie "grand texte", "moins bon", c'est en comparaison des deux autres livres, hein...
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptySam 18 Juin 2011 - 14:44

L'Adolescent

Une oeuvre à l'image des grands romans de Dostoïevski, avec cette impression de se trouver en terrain connu : des personnages flamboyants, hystériques, et bouleversants, soutenus par une intrigue qui se noue à partir d'une lettre, emportant le lecteur vers des recoins inattendus, par des rebondissements incessants.
Le coeur du récit confronte le narrateur, fils illégitime, à son père, dans une relation tourmentée mêlée d'auto-destruction. Les confessions successives sont transcendées par l'intensité de l'écriture de Dostoïevski, toujours incomparable. Et ces thèmes de L'Adolescent seront à nouveau visibles, quelques années plus tard, dans Les frères Karamazov, évoquant l'inoubliable vertige d'une démesure familiale.
L'Adolescent suit une trame plus chaotique et fragmentée : si le roman fascine dans ses tourments romanesques, Dostoïevski est moins à l'aise lorsqu'il aborde des sujets abstraits ou philosophiques (l'obsession de l'Adolescent pour son "Idée", à travers l'inspiration de Rotschild). Certes, les développements sont passionnants, mais l'ensemble manque de limpidité de structure, par comparaison avec ces chefs-d'oeuvre qui semblent couler de source.
Léger reproche, tout de même, pour un roman qui reste jusqu'au bout captivant.
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyLun 19 Sep 2011 - 7:20

A ne pas rater sur France Culture et cela commence aujourd'hui : Les Nouveaux chemins de la connaissance consacre 4 émissions à l'auteur dont :

* Dostoïevski 1/4 : l'Idiot, "Mais comment donc un homme peut-il écrire cela?"

* Dostoïevski 2/4: Crimes et Châtiments

* Dostoïevski 3/4 : Les Frères Karamazov

* Dostoïevski 4/4 : Les carnets du sous-sol

Première émission à 10h00 ce matin, disponible ensuite en podcast.
Bonne écoute !


Dernière édition par sentinelle le Lun 19 Sep 2011 - 10:07, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyLun 19 Sep 2011 - 7:57

sentinelle a écrit:
A ne pas rater sur France Culture et cela commence aujourd'hui : Les Nouveaux chemins de la connaissance consacre 4 émissions à l'auteur dont :

* Dostoïevski 1/4 : l'Idiot, "Mais comment donc un homme peut-il écrire cela?"

* Dostoïevski 2/4: Crimes et Châtiments

* Dostoïevski 3/4 : Les Frères Karamazov

Première émission à 10h00 ce matin, disponible ensuite en podcast.
Bonne écoute !
Merci beaucoup, Sentinelle, je vais podcaster ça !
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyLun 19 Sep 2011 - 11:35

sentinelle a écrit:

Première émission à 10h00 ce matin, disponible ensuite en podcast.
Bonne écoute !

Extra!! Merci Sentinelle. Je vais les podcaster pour les écouter tranquillement dans ma voiture Very Happy
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MessageSujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie]   Dosto�evski - Fédor Dostoïevski [Russie] - Page 20 EmptyLun 19 Sep 2011 - 12:15

Je pensais bien que cela allait intéresser quelques parfumés Very Happy

J'ai écouté la première émission qui traite du roman L’idiot avec comme invité André Markowicz, traducteur des œuvres complètes de Fiodor Dostoïevski.

Citation :
Traduire L'Idiot, c'est vivre, pendant un an, dans une tension incessante, avec une respiration particulière: jamais à pleins poumons, toujours à reprendre son souffle, toujours en haletant, à tenir cet élan indescriptible qui fait de presque chaque mouvement de la pensée, de chaque paragraphe, voire de chaque phrase une longue montée, une explosion et une descente brusque (...).

Jamais encore auparavant l'image physique d'un auteur écrivant son roman ne m'avait autant suivi. Tous les matins, me mettant au travail avec une sorte de bonheur terrorisé, je le voyais paraître devant moi, et je me demandais: "Mais comment donc un homme peut-il écrire cela?"


André Markowicz

(extrait de l'avant-propos du traducteur)

Pas facile de recevoir André Markowicz tant il cherche ses mots, laisse des blancs, ne veut pas interpréter certains passages : « Ca ce n’est pas mon problème, moi je suis traducteur, ça c’est à vous de dire » ou encore « Mon travail est de permettre une interprétation en essayant d’être aussi factuel que possible ». N’empêche, son travail de traducteur est intéressant à suivre, de même sa perception du double dans l’œuvre de Dostoïevski : le regard (qui regarde qui), la gémellité, la dualité, l’impossibilité d’être face à soi-même, le reflet absent dans le miroir, être coupable d’être. La structure épileptique du roman, toujours vivante. L’intrigue qui devient poème, donc hors du temps nous dit André Markowicz...

A la fin de l'émission, nous avons droit à une citation de MARCEL PROUST, qui faisait une comparaison entre Mme de Sévigné et Dostoïevski :

Citation :
C’est comme le côté Dostoïevski de Mme de Sévigné.
(...)
Il est arrivé que Mme de Sévigné, comme Elstir, comme Dostoïevski, au lieu de présenter les choses dans l’ordre logique, c’est-à-dire en commençant par la cause, nous montre d’abord l’effet, l’illusion qui nous frappe. C’est ainsi que Dostoïevski présente ses personnages. Leurs actions nous apparaissent aussi trompeuses que ces effets d’Elstir où la mer a l’air d’être dans le ciel. Nous sommes tout étonnés d’apprendre que cet homme sournois est au fond excellent, ou le contraire.

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU de Marcel PROUST




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Marko
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sentinelle a écrit:

A la fin de l'émission, nous avons droit à une citation de MARCEL PROUST, qui faisait une comparaison entre Mme de Sévigné et Dostoïevski :

Citation :
C’est comme le côté Dostoïevski de Mme de Sévigné.
(...)
Il est arrivé que Mme de Sévigné, comme Elstir, comme Dostoïevski, au lieu de présenter les choses dans l’ordre logique, c’est-à-dire en commençant par la cause, nous montre d’abord l’effet, l’illusion qui nous frappe. C’est ainsi que Dostoïevski présente ses personnages. Leurs actions nous apparaissent aussi trompeuses que ces effets d’Elstir où la mer a l’air d’être dans le ciel. Nous sommes tout étonnés d’apprendre que cet homme sournois est au fond excellent, ou le contraire.

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU de Marcel PROUST

C'est très juste! (merci Marcel Very Happy ). Et c'est aussi ce que je me disais en regardant le film de Nuri Bilge Ceylan hier soir. J'aime que les personnages soient multiples, changeants, difficiles à cerner. On les juge le temps d'une observation partielle puis on change de regard sur eux quelques scènes plus loin. C'était permanent dans l'Idiot mais aussi dans Karamazov. Tellement de romans ou de films sont unidimensionnels, stéréotypés, vides d'humanité.

Continue avec le décryptage! bonjour
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