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| Fédor Dostoïevski [Russie] | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Lun 19 Sep 2011 - 13:04 | |
| Une définition qui résume parfaitement le roman L'idiot selon André Markowicz : - Citation :
- Idiôtès, idiot, signifie simple, particulier, unique ; puis par une extension sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d’intelligence, être dépourvu de raison. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent qu’en elles-mêmes, c’est-à-dire sont incapables d’apparaître autrement que là où elles sont et telles qu’elles sont : incapables donc, et en premier lieu, de se refléter, d’apparaître dans le double du miroir.
Le réel : Traité de l'idiotie de Clément Rosset - Marko a écrit:
- sentinelle a écrit:
A la fin de l'émission, nous avons droit à une citation de MARCEL PROUST, qui faisait une comparaison entre Mme de Sévigné et Dostoïevski :
- Citation :
- C’est comme le côté Dostoïevski de Mme de Sévigné.
(...) Il est arrivé que Mme de Sévigné, comme Elstir, comme Dostoïevski, au lieu de présenter les choses dans l’ordre logique, c’est-à-dire en commençant par la cause, nous montre d’abord l’effet, l’illusion qui nous frappe. C’est ainsi que Dostoïevski présente ses personnages. Leurs actions nous apparaissent aussi trompeuses que ces effets d’Elstir où la mer a l’air d’être dans le ciel. Nous sommes tout étonnés d’apprendre que cet homme sournois est au fond excellent, ou le contraire.
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU de Marcel PROUST C'est très juste! (merci Marcel ). Et c'est aussi ce que je me disais en regardant le film de Nuri Bilge Ceylan hier soir. J'aime que les personnages soient multiples, changeants, difficiles à cerner. On les juge le temps d'une observation partielle puis on change de regard sur eux quelques scènes plus loin. C'était permanent dans l'Idiot mais aussi dans Karamazov. Tellement de romans ou de films sont unidimensionnels, stéréotypés, vides d'humanité.
Tout à fait, ils reviennent d’ailleurs dans l’émission sur le fait qu’il n’y a pas de vérité toute faite dans ce roman, d’où l’importance du doute, de l’incertitude, autrement dit du vivant dans la structure même du récit : André Markowicz se demande à un moment donné « Mais où est le point ? ». Il y a une telle accumulation de propositions, virgules, de choses que cette accumulation devient à un moment insupportable, là survient la crise (dans le roman) qui devient définitive un instant : la seconde définitive dont parle Dostoïevski. J'ai hâte d'écouter les prochaines émissions |
| | | sylvain- Envolée postale
Messages : 129 Inscription le : 29/05/2011
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mar 4 Oct 2011 - 20:46 | |
| - sentinelle a écrit:
- A ne pas rater sur France Culture et cela commence aujourd'hui : Les Nouveaux chemins de la connaissance consacre 4 émissions à l'auteur dont :
* Dostoïevski 1/4 : l'Idiot, "Mais comment donc un homme peut-il écrire cela?" * Dostoïevski 2/4: Crimes et Châtiments * Dostoïevski 3/4 : Les Frères Karamazov
* Dostoïevski 4/4 : Les carnets du sous-sol Première émission à 10h00 ce matin, disponible ensuite en podcast. Bonne écoute ! Merci pour ce lien ! | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mar 4 Oct 2011 - 22:28 | |
| Écoutées les 4 emissions sur Dostoïevski, et trouvé, de loin, la première la plus interessante. L´invité étant son nouveau traducteur ( pour les romans, à partir de 2002): André Markovics. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mer 5 Oct 2011 - 9:29 | |
| - sylvain- a écrit:
- Merci pour ce lien !
Avec plaisir Sylvain - swallow a écrit:
- Écoutées les 4 emissions sur Dostoïevski, et trouvé, de loin, la première la plus interessante. L´invité étant son nouveau traducteur ( pour les romans, à partir de 2002): André Markovics.
Même impression que toi, la première émission apporte vraiment quelque chose de plus que les autres. J'ai bien aimé aussi celle consacrée aux Frères Karamazov. Marko nous en avait déjà beaucoup vanté les mérites et cette émission m'a convaincue définitivement : il faut que je le lise ! |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mer 5 Oct 2011 - 10:01 | |
| - sentinelle a écrit:
- Même impression que toi, la première émission apporte vraiment quelque chose de plus que les autres. J'ai bien aimé aussi celle consacrée aux Frères Karamazov. Marko nous en avait déjà beaucoup vanté les mérites et cette émission m'a convaincue définitivement : il faut que je le lise !
Et aussi Tom Léo (notamment) qui est un inconditionnel! C'est un livre dont j'ai chaque scène en mémoire, même à distance, ce qui n'est pas toujours le cas. J'en retiens un suspens très tendu, des personnages complexes, des digressions captivantes, une lecture tellement facile malgré ce qu'on peut redouter d'un tel auteur. Mais L'idiot est finalement très proche par pas mal de thématiques et de situations en écho. C'est aussi le roman de l'hystérie qui est déclinée sous de multiples formes. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Sam 28 Jan 2012 - 10:46 | |
| Je suis à mi-chemin du roman Les Frères Karamasov, étant arrivée à la troisième partie. Il est temps que je m’arrête un peu et reprenne la conversation initiée par Marko et Tom Léo à propos du chapitre V Le Grand inquisiteur du livre V (Pro et Contra). - tom léo a écrit:
- Ce que je veux souligner là aussi c’est que souvent, quand on parle de « foi » ou « doute » ou « absence de foi », on se trompe de contenu. Au moins chez l’auteur russe, et aussi dans la bonne tradition mystique, la foi n’est pas un savoir qui exclurait le doute. Le doute en fait partie intégrale.
Tout à fait d’accord là-dessus, c’est d’ailleurs cette liberté de foi, chemin le plus difficile entre tous, qui ouvre la porte aux doutes et aux sentiments confus. C’est cette même liberté de foi qui est tant décriée dans le chapitre Le Grand inquisiteur car angoissante par essence : cette liberté ne rend pas heureux, elle fait peur, elle engendre des obsessions, des choix, des renoncements, des déceptions, elle ne répond pas une fois pour toute aux questionnements. - Citation :
- As-tu donc oublié que l’homme préfère la paix et même la mort à la liberté de discerner le bien et le mal ? Il n’y a rien de plus séduisant pour l’homme que le libre arbitre, mais aussi rien de plus douloureux.
- Citation :
- Il n’y a pas, je te le répète, de souci plus cuisant pour l’homme que de trouver au plus tôt un être à qui déléguer ce don de la liberté que le malheureux apporte en naissant.
D’où les tentations totalitaires : on veut se croire libre alors qu’on a déposé cette liberté aux pieds de ceux qui prétendent connaître toutes les réponses, tel l’inquisiteur qui se vante « d’avoir, lui et les siens, supprimé la liberté, dans le dessein de rendre les hommes heureux ». Une liberté de foi dont ne veulent pas la majorité des hommes et qui demeure intolérable aux yeux de la société : étant faibles et dépravés, les hommes lui préfèrent la soumission, la docilité, la servilité, ils préfèrent baiser la main de celui qui le nourrit. - Citation :
- Des siècles passeront et l’humanité proclamera par la bouche de ses savants et de ses sages qu’il n’y a pas de crimes, et, par conséquent, pas de péché ; qu’il n’y a que des affamés. « Nourris-les, et alors exige d’eux qu’ils soient vertueux » !
Vertu pas obéissance, absence de vertu par désobéissance : infantilisation et déresponsabilisation. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? A propos de la tentation de Jésus dans le désert, qui a refusé le miracle des pains au nom de la liberté et ce qu’en dit l’inquisiteur : - Citation :
- En consentant au miracle des pains, tu aurais calmé l’éternelle inquiétude de l’humanité – individus et collectivité –, savoir : « devant qui s’incliner ? » Car il n’y a pas pour l’homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher un être devant qui s’incliner.
Mais nourrir ne suffit pas, car pour asservir les hommes, il faut aussi se rendre maître de leur conscience : - Citation :
- […] le secret de l’existence humaine consiste, non pas seulement à vivre, mais encore à trouver un motif de vivre. Sans une idée nette du but de l’existence, l’homme préfère y renoncer et fût-il entouré de monceaux de pain, il se détruira plutôt que de demeurer sur terre.
- Citation :
- Et au lieu de principes solides qui eussent tranquillisé pour toujours la conscience humaine, tu as choisi des notions vagues, étranges, énigmatiques, tout ce qui dépasse la force des hommes (…) !
Toujours cette tentation totalitaire (ce besoin d’union universelle dans l’adoration par la force du glaive bien souvent) comme réponse à l’angoisse des hommes quand le fardeau de la liberté de choisir devient trop lourd à porter, quand la tentation de se déresponsabiliser se fait trop vive. Rendons la parole à l’inquisiteur : - Citation :
- Ils comprendront la valeur de la soumission définitive.
- Citation :
- […] nous leur prouverons qu’ils sont débiles, qu’ils sont de pitoyables enfants, mais que le bonheur puéril est le plus délectable. Ils deviendront timides, ne nous perdront pas de vue et se serreront contre nous avec effroi, comme une tendre couvée sous l’aile de la mère. Ils éprouveront une surprise craintive et se montreront fiers de cette énergie, de cette intelligence qui nous auront permis de dompter la foule innombrable des rebelles.
Thèmes toujours d’actualité s’il en est.
Dernière édition par sentinelle le Lun 30 Jan 2012 - 9:44, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Sam 28 Jan 2012 - 11:29 | |
| - Citation :
- chacun est coupable devant tous pour tous et pour tout
- tom léo a écrit:
- C’est une phrase très mystérieuse et qui fait au premier coup d’œil mal ou semble « moralisante ». Dans l’univers russe ce n’est pas d’abord une culpabilité d’un acte isolé, mais plutôt l’affirmation d’une communion universelle qui unit toute l’humanité, aussi bien dans le bien que dans le mal. Cette coresponsabilité est signe d’unité, d’amour, pas d’abord de « faute, de péché ».
Une phrase qui revient tout au long du roman. J’y vois comme toi cette communion universelle aussi bien dans le mal (culpabilité partagée) que dans le bien (cette fameuse fraternité et solidarité dans le pardon). Nous sommes toujours et à jamais reliés, dans le bonheur comme le malheur : - Citation :
- […] tout ressemble à l’océan, tout s’écoule et communique, on touche à une place et cela se répercute à l’autre bout du monde.
Phrase à méditer... |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Sam 28 Jan 2012 - 15:08 | |
| Oui, la responsabilité est tout à fait d' actualité à l' heure de la mondialisation et de l' économisme. Responsabilité envers les plus mal lotis , les générations à venir, las animaux, la natrure, envers la planète entière. On en est loin... | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Sam 28 Jan 2012 - 22:02 | |
| Merci, sentinelle, pour ce très beau commentaire! J'avais retrouvé l'autre jour une citation d'un autre Russe qui explique si bien le malaise d'un vrai chercheur, quand l'homme n'aspire que de se débarasser de ses soucis, même au prix de perdre son autonomie, sa liberté, pour vue qu'il soit tranquille... « Je vois comment chacun possède son propre dieu, et comment chacun de ces dieux ne se situe pas beaucoup plus haut que celui qui le vénère et le sert. Et cela me pèse lourdement. Ce n’est pas Dieu que l’homme cherche, mais seulement l’oubli de ses propres tourments. De tous les côtés, la douleur chasse l’homme, et il se fuit pour ainsi dire soi-même, évite toute action. Il a peur de participer à la vie et cherche toujours et seulement un endroit tranquille où pouvoir se cacher. Et déjà je pressens que ce n’est pas la sainte inquiétude du chercheur de Dieu qui meut l’homme, mais la crainte du visage de la vie, pas l’élan vers la joie en Dieu, mais le vain souci de trouver comment se débarrasser de sa misère. »Maintenant j'aimerais vous laisser avec un tel texte, et que vous regardiez plus tard qui en est l'auteur. Assez étonnant, n'est-ce pas: - Spoiler:
« Une confession », écrit en 1908 par Maxime Gorki (1868-1936)
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Dim 29 Jan 2012 - 16:44 | |
| Quel beau extrait, merci à toi tom léo ! Vraiment étonnant, oui, vraiment. |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Dim 29 Jan 2012 - 17:09 | |
| Très juste la citation de Gorki ! ca me donne presque envie de le retrouver... Si j' arrive à lui pardonner sa complicité avec la communisme. C' était pourtant un homme sincère, généreux, sensible aux misères des hommes. Et un bon écrivain. Lénine et les siens l' ont soudoyé et il s' est rangé à leurs cotés, inxcapable de les lacher, de les dénoncer, ni meme de sauver ceux qui essayaient d' échapper au système. Pauvre Gorki ! | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Dim 29 Jan 2012 - 18:43 | |
| « A tous et pour tout » Revenons sur « chacun est coupable devant tous pour tous et pour tout » et son corollaire, à savoir pardonner « à tous et pour tout», non pour soi-même mais pour les autres. Prendre en charge tous les péchés des hommes comme seul moyen de salut, ne pas se faire juge mais se mettre à la place de. Qu’est-ce que l’enfer ? L’enfer, « c’est la souffrance de ne plus pouvoir aimer ». Qu’est-ce le paradis ? Le paradis, c’est le pardon de tous, c’est la vie « où nous sommes tous ». Ce « tous » englobe la communauté des hommes, l’amour du prochain mais aussi l’amour de la beauté du monde. Si la fraternité est source de régénérescence, la solitude conduit au suicide individuel et collectif : - Citation :
[…] chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie ; cependant, loin d’atteindre le but, tous les efforts des hommes n’aboutissent qu’à un suicide total, car, au lieu d’affirmer pleinement leur personnalité, ils tombent dans une solitude complète. En effet, en ce siècle, tous se sont fractionnés en unités. Chacun s’isole dans son trou, s’écarte des autres, se cache, lui et son bien, s’éloigne de ses semblables et les éloigne de lui. Il amasse de la richesse tout seul, se félicite de sa puissance, de son opulence ; il ignore, l’insensé, que plus il amasse plus il s’enlise dans une impuissance fatale. La quête spirituelle dans la communion remplacée par la liberté (ou plutôt la servitude) d’accroître et d’assouvir ses besoins dans la désunion et la solitude : - Citation :
- Et que résulte-t-il de ce droit à accroître les besoins ? Chez les riches, la solitude et le suicide spirituel ; chez les pauvres, l’envie et le meurtre (…).
- Citation :
- En fin de compte, les biens matériels se sont accrus et la joie a diminué.
L'avidité et la convoitise (toujours en vouloir plus, source d’inégalité et d’insatisfaction perpétuelle) au détriment de la dignité spirituelle, « la moitié supérieure de l’être humain » selon Dostoïevski. - Marko a écrit:
- Il dénonce le vide spirituel d'une époque éprise de scientisme et qui privilégie l'individualisme et la quête insatiable de plaisir au "progrès spirituel de la collectivité fraternelle". Son propos est d'une actualité universelle toujours très vive même si ses conclusions quant à la nécessité de la transmission de la foi ne constituent pas forcément la partie la plus convaincante.
On pourrait le reprendre mot à mot pour illustrer certains aspects de notre société actuelle (cynisme du capitalisme, tentations totalitaires). |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Lun 30 Jan 2012 - 23:30 | |
| Ce qui est fascinant chez Dostoïevski c'est cette capacité de nous raconter une histoire captivante et passionnée (presque un thriller psychologique et criminel frénétique) tout en nous faisant méditer à chaque page comme tu nous le montres. J'ai du le dire au-dessus mais j'ai eu parfois le sentiment qu'il écrivait une sorte de nouvelle bible (ou qu'il en proposait une nouvelle lecture en tout cas) qui reprendrait les principaux enseignements d'origine pour les adapter à un monde plus contemporain (le sien en tout cas et en partie le notre qui n'est pas si éloigné). Des romans comme Les Frères Karamazov et L'idiot pouvant se lire clairement comme des paraboles bibliques mais avec une dimension philosophique et critique qui me donne l'impression qu'il tente une sorte de remise en cause d'une vision plus archaïque en cherchant une nouvelle voie plus adaptée à l'homme d'aujourd'hui. Le doute y a une place aussi importante que la foi et il pose aussi les jalons d'une psychanalyse qui n'est pas encore "inventée". | |
| | | tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mar 31 Jan 2012 - 10:14 | |
| LE DOUBLE
Le double ou l’histoire d’un homme, apparemment bien installé dans la vie, fonctionnaire aux revenus confortables, nanti d’un serviteur et d’un bon confort, qui « rencontre » son sosie.
Homme qu’il croise une nuit dans la rue, en pleine brume neigeuse, et qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. De quoi être troublé. Mais il le sera encore plus quand cet étranger sera embauché dans le même bureau que lui et empoisonnera sa vie.
Le lecteur a déjà compris, grâce à quelques indices savamment distillés, que notre héros est victime d’une illusion, que ce « jumeau » n’existe nulle part ailleurs que dans son cerveau malade.
L’attitude du serviteur est à cet égard un fil directeur.
L’atmosphère du roman semble donc s’inspirer du fantastique au départ, mais nous sommes vite au fait qu’il s’agit bien d’une œuvre à la fois psychologique et symbolique, avec l’homme qui se noie, se perd dans sa propre dualité (ici le fameux étranger se révèle être perfide et sournois) et aussi avec les questionnements identitaires que cela implique. D’ailleurs, en introduction chez folio, on nous rappelle l’épilepsie de l’auteur, qui a peut-être inspiré ce thème.
J’y vois plus simplement une interrogation métaphysique, manichéenne, sur nos deux penchants : la bonté et la méchanceté, qui nous déchirent en permanence. Car ici le héros est un homme pacifique, émotif, rougissant et empathique, quoique perdu dans un flux de pensées torrentiel. Tandis que « l’autre », le sosie, est diabolique, faux, calomniateur et vaniteux.
Qui gagne ?
Personne car Dosto tranche pour la folie : le héros finit enfermé. Autant dire : il ne tranche pas, ne décide pas que le bien gagne, mais que c’est plutôt insoluble et destructeur.
Même si c’est une œuvre de jeunesse et que certains y voient des maladresses, je maintiens qu’il y a en germe les grandes problématiques qui hanteront Dosto toute sa vie et dont tous les livres se font écho.
On a dit que ce livre était un plongeon dans la psychanalyse avant l’heure.
Pourquoi « avant l’heure » ?
Tout être humain se regarde un jour dans un miroir et doute de son essence.
Rarement de ses abîmes.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Fédor Dostoïevski [Russie] Mar 31 Jan 2012 - 19:32 | |
| Merci Tina pour ce compte-rendu ! Je vais certainement lire Le double un jour ou l'autre. - Marko a écrit:
- Ce qui est fascinant chez Dostoïevski c'est cette capacité de nous raconter une histoire captivante et passionnée (presque un thriller psychologique et criminel frénétique) tout en nous faisant méditer à chaque page comme tu nous le montres.
Dostoïevski pose des questions politiques, philosophiques et religieuses mais il y répond essentiellement par le roman. J’ai parlé plus haut de l’importance de son concept du « tous et tout», concept qu’il illustre par l’entremise de la famille Karamasov : tous les fils sont finalement coupables de la mort du père (même Aliocha, qui n’est jamais parvenu à empêcher quoi que ce soit). Je n’ai pas terminé le roman mais je ne doute pas que la réconciliation ne sera possible que si elle passe par la reconnaissance de cette faute par tous les membres de la fratrie, le pardon de tous pour tout. Je ne sais pas encore si la fratrie y parviendra, je ne sais pas si chaque frère parviendra à se sentir membre d’une même et seule famille, participant de ce fait à ce fameux « tous ». Bref je ne sais pas si elle sera capable de réconciliation dans la fraternité. Quoi qu’il en soit, je ne m’attends pas non plus à recevoir de réponses toutes faites aux questions posées, nous sommes dans le roman (et aussi continuellement dans le doute), et non dans l’essai (ou la démonstration). Dostoïevski peut du coup se permettre de donner des pistes tout en restant équivoque, en laissant par exemple une fin ouverte. |
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