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| Zakhar Prilepine [Russie] | |
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Auteur | Message |
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traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Zakhar Prilepine [Russie] Mar 18 Oct 2011 - 22:36 | |
| selon Actes Sud : - Citation :
- Né en 1975, Zakhar Prilepine est rédacteur en chef de l'édition régionale de Novaïa Gazeta, le journal où écrivait Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée. Il a soutenu la coalition anti-pouvoir L'Autre Russie. Actes Sud a publié son roman San’kia (2009) et son recueil de nouvelles Des chaussures pleines de vodka chaude (2011).
Un article dans Courrier International, ici | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Mer 19 Oct 2011 - 23:33 | |
| Des chaussures pleines de vodka chaude - Citation :
- Ce recueil de nouvelles permet à Zakhar Prilepine de nous parler à sa façon, qu’on a pu qualifier de brutale, d’amour, des femmes, de la guerre, de mecs, avec des histoires de chien qu’on mange bravement alors que c’est du porc, de filles délurées...
Avec sa belle tête de bagnard, son passé de soldat en Tchétchénie, ses engagement politiques ambigus et sa réputation d'écrivain viril, Zakhar Prilepine fait un tout petit peu peur. On a bien tort, son recueil de nouvelles, Des chaussures pleines de vodka chaude, prouve et d'une, que c'est un excellent auteur, et de deux, qu'il n'est pas aussi trivial, pour ne pas dire vulgaire, qu'il veut bien le laisser accroire. La plupart de ses nouvelles ont un titre direct : Histoire de putes, Viande de chien, Un village mortifère ..., mais correspondent finalement assez mal à ce qu'on peut y trouver à l'intérieur. Bon, d'accord, les personnages de Prilepine sont assez souvent dans un état d'ébriété avancée, mais, après tout, ils sont jeunes, sans trop de moralité et, surtout, ils ne connaissent rien de mieux pour passer le temps et oublier l'espèce de déliquescence sordide qui résume le mieux leur existence de provinciaux sans espoir en l'avenir. Rien de trash là dedans, juste un désenchantement qui se marie bien avec le goût de la bière, de la vodka ou de l'eau de vie frelatée. Sous la plume de Prilepine, c'est le quotidien russe contemporain qui semble bel et bien frelaté. L'avant dernière nouvelle du recueil, intitulée La grand-mère, les guêpes et la pastèque évoque une Russie disparue, celle de son enfance, avec un talent poétique certain. Ce pays-là n'existe plus. L'auteur aurait-il comme un relent de nostalgie pour l'époque soviétique ? Hum ... Toujours est-il que son petit village appartient à l'histoire ancienne : "Tous étaient morts. Ceux qui n'étaient pas morts de mort naturelle avaient été tués. Ceux qui n'avaient pas été tués l'avaient fait eux-mêmes." Zakhar Prilepine, lui, est bien vivant. Et c'est un écrivain qui a un sacré gosier. Pas uniquement pour avaler de la vodka à doses abyssales. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 20 Oct 2011 - 7:35 | |
| - traversay a écrit:
- L'avant dernière nouvelle du recueil, intitulée La grand-mère, les guêpes et la pastèque évoque une Russie disparue, celle de son enfance, avec un talent poétique certain. Ce pays-là n'existe plus. L'auteur aurait-il comme un relent de nostalgie pour l'époque soviétique ? Hum ...
Ca peut être la nostalgie de certains aspects de cette époque, j'imagine ? Avec le temps, on a tendance à oublier ou à minimiser les mauvais aspects, et à agrandir les bons, parce qu'il pouvait y en avoir, même s'ils étaient très peu nombreux (je parle sans savoir, bien sûr). Et le souvenir, surtout de l'enfance, a tendance à faire le tri. En tout cas, je note ce nom. Merci, Traversay ! | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 20 Oct 2011 - 8:46 | |
| - eXPie a écrit:
- traversay a écrit:
- L'avant dernière nouvelle du recueil, intitulée La grand-mère, les guêpes et la pastèque évoque une Russie disparue, celle de son enfance, avec un talent poétique certain. Ce pays-là n'existe plus. L'auteur aurait-il comme un relent de nostalgie pour l'époque soviétique ? Hum ...
Ca peut être la nostalgie de certains aspects de cette époque, j'imagine ? Avec le temps, on a tendance à oublier ou à minimiser les mauvais aspects, et à agrandir les bons, parce qu'il pouvait y en avoir, même s'ils étaient très peu nombreux (je parle sans savoir, bien sûr). Et le souvenir, surtout de l'enfance, a tendance à faire le tri.
En tout cas, je note ce nom. Merci, Traversay ! Ce n'est pas que ce qu’écrit Prilepine, c'est la majorité des Russes ; ils restent à ce jour un peuple archaïque et pénétré de nationalisme. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 20 Oct 2011 - 9:14 | |
| En dehors de sa """ comme tu le dis, ton commentaire m'intéresse beaucoup, je note car comme le souligne Maline "Ce n'est pas que ce qu’écrit Prilepine, c'est la majorité des Russes "
merci Traversay | |
| | | traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 20 Oct 2011 - 10:30 | |
| Merci. A noter que Prilepine, personnage public, apparait dans le Limonov d'Emmanuel Carrère. Il y aurait beaucoup à dire sur cette "nostalgie" de l'URSS, sur le parti national-bolchévique, etc. N'étant pas un spécialiste, je m'en garderais bien. | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Mar 24 Juil 2012 - 9:32 | |
| J'ai vu ce nom à plusieurs reprises au cours de l'hiver passé à cause de son implication dans les manifestations de l'opposition en Russie, et puis, j'ai entendu que c'était un bon écrivain, qui avait même gagné le prix du meilleur roman de la décennie. Donc, pour moi un nom à retenir, et quand j'ai vu cette anthologie de onze nouvelles, présentée par traversay, j'ai noté et commandé. Et j'étais plus qu'agréablement surpris. Je me retrouve dans ces remarques de traversay: - traversay a écrit:
... Avec sa belle tête de bagnard, son passé de soldat en Tchétchénie, ses engagement politiques ambigus et sa réputation d'écrivain viril, Zakhar Prilepine fait un tout petit peu peur. On a bien tort, son recueil de nouvelles, Des chaussures pleines de vodka chaude, prouve et d'une, que c'est un excellent auteur, et de deux, qu'il n'est pas aussi trivial, pour ne pas dire vulgaire, qu'il veut bien le laisser accroire. La plupart de ses nouvelles ont un titre direct : Histoire de putes, Viande de chien, Un village mortifère ..., mais correspondent finalement assez mal à ce qu'on peut y trouver à l'intérieur... Mais oui, il nous faut toujours voir le coté un peu "caché" chez ces Russes. Aussi ici certains pourraient à première vue être choqué par un certain langage ou des bribes d'histoires pleines de laisser-aller, d'une certaine forme de résignation. Mais quelle surprise de trouver pratiquemment toujours, après des huistoires plus ou moins cruelles, crues, des bribes de tendresse, de profondeur. C'est vraiment touchant, dans un sens très fort. Je vais essayer de retenir ce nom. Très belle découverte! | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: San'kia Jeu 17 Jan 2013 - 7:48 | |
| San'kia
Originale: Санькя (Russe, 2006)
Présentation de l'éditeur : « San 'kia » témoigne du parcours d'une certaine jeunesse russe.
Sacha, militant d'un groupuscule d'extrême gauche, hantise de tous les services de sécurité, vient se réfugier un temps à la campagne auprès de ses grands-parents, après une manifestation qui a mal tourné. Il a cessé de travailler, vit d'expédients chez sa mère, qui se tue à la tâche à l'usine pour un salaire de misère et ne comprend pas les aspirations révolutionnaires de son fils. En plus de ses amis, avec qui il picole énormément, comme son père, mort d'alcoolisme, il y a Yana, une jeune fille responsable de la même organisation, dont il s'est épris. Arrêté quelques jours plus tard, torturé, humilié, laissé pour mort par la police, Sacha ne peut que se radicaliser davantage...
Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée, avait de la sympathie pour ces jeunes, les seuls à oser affronter, à leurs risques et périls, le pouvoir en place. Des jeunes à qui on ne laisse que la liberté de se fracasser la tête contre les murs et de passer à l'action directe. "Zakhar Prilepine est à la mode, expliquait un critique russe. Crâne rasé et chemise noire déboutonnée, il pourrait jouer au cinéma un killer ou un anti-killer. Il plaît à tous : aux uns pour son réalisme, aux autres pour un antilibéralisme militant ; aux radicaux de gauche pour son héros révolté, qui hait la société de consommation avec sa liberté d'entreprendre et son délitement social ; aux adversaires libéraux de toutes les révolutions parce que ce héros-là est condamné, et que ces gamins enragés qui cassent les vitrines et brûlent les voitures ne pourront jamais accomplir aucune révolution." A quoi l'auteur de San'kia répondait d'avance : "La Russie se nourrit des âmes de ses fils, c'est cela qui la fait vivre. Ce ne sont pas les saints, ce sont les maudits qui la font vivre." Pas étonnant qu'en quelques années Zakhar Prilepine soit devenu, dans son pays, l'un des écrivains les plus populaires et son roman San 'kia un best-seller sur internet. (légèrement abregé)
Sur l'hstoire de l'édition et les premières échos en Russie voir aussi : http://sankya.ru/about.html
REMARQUES : San'kia est le deuxième roman de Prilepine, écrit entre 2005/06 à Nishni Novgorod, en treize chapitres numérotés. Et la reconnaissance par les lecteurs en Russie ne se laissait pas attendre : l'auteur semble pouvoir vraiment décrire le sentiment d'une génération, de toute une couche de la societé, surtout des jeunes.
Au centre : un jeune, San'kia (diminuitif de Sacha/Alexandre), qui fait partie d'un groupuscule extremiste cherchant le renouvellement : en ceci ils lient d'une façon géniale innocence et être prêt à la violence, une aspiration à une Russie forte, unie, voir nationaliste et e rejet complet de cette Russie actuelle.
En tout cela on pressent la proximité au parti national-bolchévique qui fut interdit justement en 2005, fondé dans les années 90 par un certain Limonov. L'un ou l'autre lecteur du roman/biographoe d'Emmanuel Carrère se souvient peut-être aussi de ses activités politiques assez « bizarres » dans ses années-là. Et en fait : Prilepine en fait partie de ce parti depuis 1996.
On trouvera des critiques claires et nettes, sans détours, sur le gouvernement en Russie, seulement légèrement dissimulées derrière des formules comme « notre président », « notre gouvernement » (sans citer des noms). Cela est assez étonnant... Dans cette Russie-là on trouvera la torture, la suppression de liberté de presse et d'opinion... belles perspectives ! Et ainsi il fera dire à un personnage : « Rien n'a changé dans ce pays et changera jamais. »
Par ailleurs, une certaine proximité des noms dans une prononciation russe rapide, rapproche « San'kia » de Zakhar, le prénom de l'auteur. Dans d'autres livres aussi, le Russe semble très proche et en sympathie de son héros principal...
Mais qu'on ne se trompe pas avec ces considérations plutôt d'ordre politique : Il s'agit bien de plus qu'un pamphlet politique caché. La lente radicalisation du héros, diverses opinions politiques, des manifs et action assez douteuses sont bien décrites, mais derrière tout cela (ou : aussi en tout cela) il s'agit à mon avis d'un bon morceau de littérature !
Dans ces personnages du groupuscule des « soyouzniki », et avant tout dans le personnage principale de Sacha, on trouvera au milieu de ces accès de folie, de perte de patience etc., une forme de poèsie, de tendresse qui touche le cœur. Oui, ces gens vivent à leur façon (très critiquable?!) un désir, un soif d'une autre societé et d'autres hommes qui semblent si loin de la Russie actuelle avec sa corruption, le matérialisme etc.
Donc : il y a bien d'autres fils dans ce romans : une histoire d'amour (bien sûr) ; la camaraderie avec les amis ; l'alcoolisme qui a tellement détruit la famille de San'kia, mais aussi la Russie ; l'isolement de la province, des villages, tout en y voyant un peu « la vraie » Russie ; les clivages entre riche et pauvre ; le Dieu lointain et pourtant si proche ; voir des descriptions purement belles et « gratuites »...
Donc : on pourra sans doute voir avec un œil très critique cette radicalisation du héros, d'une partie de la societé russe, l'extremisme décrit, mais ce roman nous fera comprendra un peu plus la Russie actuelle et, en outre, un regard melangeant dureté et tendresse, dont Prilepine semble avoir le secret.
En ce qui me concerne, je continuerai l'exploration de son œuvre... | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 17 Jan 2013 - 22:42 | |
| J’ai lues « San’kia » de Zakhar Prilepine il y a quelque temps, mais je garde vivace le malaise que j’ai ressenti alors. Comme tu l’as mentionné, tom léo, Prilepine est un national-bolchevique de la cuvée Limonov, parti dont l’emblème est le drapeau nazi avec en son milieu le marteau et la faucille à la place de la crois gammée. Je me retiens d’utiliser le mot de fasciste à son égard mais il représente quand même un idéal de société discutable.
Ceci ne diminue en rien les qualités d’écrivain de Zakhar Prilepine. Au contraire, il se sent tellement pris d’une ardeur de missionner que ses textes happent le lecteur par leur intransigeance et par leur folie calculée. Quelle aura dangereuse !
Forcément « San’kia » est hautement politiquement incorrect. Mais la question de la morale en littérature où la mène-t-elle ? Nulle part. La littérature russe en donne un bon exemple avec Dostoïevski qui prônait dans Les Démons une singulière admiration pour la volonté absolue des terroristes pas seulement de tuer mais aussi de mourir pour leur cause. Les vues de Dostoïevski sont bien éloignées des exigences éthiques de nos jours. Mis à part que lui-même fut un chauviniste antisémite qui ne savait que faire des idéaux d’un état de droit et de la démocratie. Mais les textes de Dostoïevski continuent à passionner. Il en est de même pour « San’kia » de Zakhar Prilepine, c’est un roman qui est un pur objet de scandale politique mais on le lit fasciné.
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| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Mer 23 Sep 2015 - 9:38 | |
| Auteur de mois oblige, et comme la proposition venait même de moi, je reviens à cet auteur, dont je lis actuellement encore un autre livre ( « Une fille nommée Aglaé »). Mais revenons encore sur des livres déjà commentés ici : Je me retrouve dans ces commentaires de Maline : - Maline a écrit:
- J’ai lues « San’kia » de Zakhar Prilepine il y a quelque temps, mais je garde vivace le malaise que j’ai ressenti alors. Comme tu l’as mentionné, tom léo, Prilepine est un national-bolchevique de la cuvée Limonov, parti dont l’emblème est le drapeau nazi avec en son milieu le marteau et la faucille à la place de la crois gammée. Je me retiens d’utiliser le mot de fasciste à son égard mais il représente quand même un idéal de société discutable.
Ceci ne diminue en rien les qualités d’écrivain de Zakhar Prilepine. Au contraire, il se sent tellement pris d’une ardeur de missionner que ses textes happent le lecteur par leur intransigeance et par leur folie calculée. Quelle aura dangereuse !
Forcément « San’kia » est hautement politiquement incorrect. Mais la question de la morale en littérature où la mène-t-elle ? Nulle part. La littérature russe en donne un bon exemple avec Dostoïevski qui prônait dans Les Démons une singulière admiration pour la volonté absolue des terroristes pas seulement de tuer mais aussi de mourir pour leur cause. Les vues de Dostoïevski sont bien éloignées des exigences éthiques de nos jours. Mis à part que lui-même fut un chauviniste antisémite qui ne savait que faire des idéaux d’un état de droit et de la démocratie. Mais les textes de Dostoïevski continuent à passionner. Il en est de même pour « San’kia » de Zakhar Prilepine, c’est un roman qui est un pur objet de scandale politique mais on le lit fasciné.
… et je veux encore ajouter deux, trois remarques. Complétement vrai que Prilépine arrive à donner une malaise en étant des fois vers des limites de l'acceptable, voir au-délà. Je ne l'ai pas proposé parce que je serais d'accord avec d'éventuelles sous-entendus politiques etc. Mais son franc-parler nous donne à mon avis vraiment à comprendre un peu plus la Russie contemporaine, justement avec ses contradictions. Même ce parti plus que douteux dont il fait partie, provoque dans des personnes vraiment bien des fois des sympathies car ils osent s'opposer là, où la majorité russe se tait actuellement. Et derrière les façades de casseurs, il y a aussi des gens tendres. Une très bonne connaissance à moi l'a rencontré lors d'une session de signatures. Et ils ont échangé longuement. Mon ami certainement pas accusable de…, était sous le charme, et parlait d'un homme intelligent et paisible. Maline a raison qu'une certaine partie des très grands écrivains russes sont aussi « impossible » sous d'autres aspects. Est-ce que c'est propre à cette littérature, à ce pays si contrasté ? | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Des chaussures pleines de vodka chaude Mer 23 Sep 2015 - 18:46 | |
| Des chaussures pleines de vodka chaude
Originale: «Ботинки, полные горячей водкой» (сборник рассказов, Russe, 2008) Traduction: Joëlle Dublanchet (Übersetzer)
Récueil de 11 nouvelles
Traversay en a si bien parlé… (voir premier post). C'est une très bonne façon de faire connaissance avec un auteur (à mon avis) de lire des nouvelles : on saura après quelques unes peut-être un peu mieux s'il nous parlera ou pas. Si dans le cité « San'kya » le ton politique, voir la violence, est redoutable, on trouvera ici aussi quelque chose qui marque l'écriture de Prilépine. Je trouve cela vraiment rare, qu'une certaine forme très crue, violente puisse se marier ici avec une tendresse touchante, des bribes extrêmement nostalgique. Par là même on comprendra peut-être aussi un des traits de ce pays ?
Et sur ce niveau-là je pense que la lecture de ces nouvelles peuvent nous aider. Elles ont quelque chose d'authentiques, de raleur, mais aussi d'humain. Toutes les nouvelles sont racontées de la perspective d'un narrateur (première peronne). Certains personnages comme « ma femme, mon frère, mon ami » apparaissent ici et là. Et ainsi on a l'impression (est-ce vrai?) de participer à la vie de l'auteur même. Donc, cela paraît très authentique, même si certaines choses paraissent un peu incrédibles.
Il a reçu des nombreux prix, donc il a un lectorat en Russie.
Pour moi une vraie découverte.
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| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Mar 29 Sep 2015 - 17:13 | |
| San'kia - Citation :
- Nous n'avons aucune chance, dit-il. Mais est-ce que ça a de l'importance ? Sacha, dit San'kia est emblématique de la jeunesse russe d'aujourd'hui. Plus radical certes, plus courageux peut-être, ou plus naïf ? Mais ancré dans un paysage politique dévasté comme l'ont été en d'autres temps ses grands-parents, survivants fantomatiques d'un village bloqué par la neige une bonne partie de l'année, ou sa mère travailleuse effacée et son père, mort d'alcoolisme. Sacha n'a pas de programme politique précis, mais croit en la Russie, une entité de puissance qui fait parfois froid dans le dos, et considère que « son président » et « son gouvernement » la bafouent ignominieusement. Face à cela, ce jeune homme solitaire et désœuvré a rejoint un groupuscule extrémiste où il trouve la chaleur de l'amitié et le courage de l'action, une action qui va monter en puissance au fur et à mesure qu'il se heurte à la sauvagerie des autorités. C'est la description d'un univers qui a quelque chose de kafkaïen, l'acte est si désespéré qu'il en devient absurde et paradoxalement jouissif. Ces jeunes gens ne rappellent pas les révoltés de Sartre ou de Camus, ils ne réfléchissent guère, ils sont dans une action intuitive et provocatrice dont ils connaissent et assume d'avance l'échec prévisible. - Citation :
- La solitude, lui semblait-il, était inaccessible parce qu'il était impossible en fait de rester seul avec soi-même – à l'écart des reflets qu'ont laissés sur vous tous ceux qui vous ont côtoyé, et des offenses, des erreurs et des chagrins que la vie vous a infligés. De quelle solitude peut-il s'agir, alors que l'on a une mémoire ? Toujours à côté, sévère et tranquille.
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| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 7 Jan 2016 - 7:02 | |
| Il y a déjà quelque temps que j'avais proposé cet auteur comme auteur de mois. Ma propre lecture de ces nouvelles s'est échalonée un peu, mais voici que j'ai terminé ce recueil :
Une fille nommée Aglaé
Originale : Восьмерка (Russe, 2013)
CONTENU : « Une fille nommée Aglaé » rassemble sept nouvelles qui reprennent les thèmes chers à Zakhar Prilepine - la figure tutélaire du père, absent ou présent, les rapports impossibles entre hommes et femmes. Ces histoires se passent toutes dans la Russie profonde - campagne abandonnée et triste (Le Petit Vitia) où la nature parfois préservée magnifie tout (La Forêt), ville de province sinistrée où de singuliers policiers (Mon père) font régner l'ordre à leur façon (Une fille nommée Aglaé, L'Interrogatoire), où l'on s'échoue aussi (Le Brancard), mais encore lieu propice aux amours clandestines vouées à l'échec (L'Ombre d'un nuage sur l'autre rive).
Zakhar Prilepine a une façon bien à lui de décrire ces hommes pris au piège, et qui tirent réconfort de l'amour d'un père, unique consolation dans un monde où les femmes, pour eux, ne sont que malentendu et faux-semblant. Il ne reste plus alors qu'à faire le deuil de son enfance, grandir obligatoirement, s'endurcir, pour devenir un homme, un vrai... Mais à quel prix ?
Publié en 2013, ce recueil a connu un grand succès dans son pays - Aglaé a été porté à l'écran -, comme pour confirmer qu'un écrivain russe digne de ce nom se doit d'exceller dans un genre où Tchékhov reste un maître inégalé. (Source : notes de l'éditeur)
REMARQUES : Tous ces récits sont racontés par un narrateur vivant ces rencontres, ses souvenirs. Cela donne à l'oeuvre de Prilepine constament l'impression d'une forme de travail de l'auteur sur ses souvenirs personnels. Cela m'avait déjà touché dans d'autres livres de lui. Néanmoins ils se trouvent pas sur les mêmes niveaux temporaires, et on ne voit pas des liens directs entre ces récits. Plusieurs fois apparents souvenirs d'enfance, des fois histoires d'amour plus ou moins réussies… (plutôt pas) ! Le récit « Une fille nommée Aglaé » me semble le plus urbain dans un sens contemporain, s'approchant par exemple à Sank'ia : des OMON (force de sécurité) qui vivent un peu selon leurs règles, dans une atmosphère de violence. Image plutôt violent d'une Russie que nous ne comprenons probablement très peu. Néanmoins justement cet auteur est apparemment aimé en Russie pour la proximité : les gens se réconnaissent dans son écriture.
Et on y trouve un melange si propre et unique entre justement une certaine noirceur et puis une tendresse infinie, des touches d'une grande humanité où le lecteur est sous le charme. Je pense spécialement aux récits très courts (Aglaé me paraissait, à moi, le plus loin…). Le dernier récit parle p ex des souvenirs à une enfance lointaine, près d'une rivière, du Père-héro capable de tout, adoré par l'enfant (où est la mère?) avec lequel on va partir monter la rivière à pied pour aller jusqu'à une monastère. Récit si bien ficelé qu'à la fin on ne sait plus si l'enfant appelant constamment son Père est le père (nommé Zakhar!), où le père l'enfant…
Quand on connaît les fréquentations douteuses de Prilepine on est un peu refroidi, mais quelle écriture ! Pour certains de ces récits cela touche, pour mon goût, à la perfection.
Broché: 363 pages Editeur : Actes Sud Editions (1 avril 2015) Collection : Lettres russes Langue : Français ISBN-10: 2330039018 ISBN-13: 978-2330039011
Восьмерка (9 отзывов) Авторский сборник Автор: Захар Прилепин Языки: Русский Издательство: Астрель ISBN 978-5-271-41086-4 2012 г. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 7 Jan 2016 - 7:42 | |
| Tu lis le russe, Tom Leo? | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Zakhar Prilepine [Russie] Jeu 7 Jan 2016 - 7:52 | |
| - topocl a écrit:
- Tu lis le russe, Tom Leo?
Oui, mais des romans, des récits - si cela ne devrait pas se terminer en travail - je les lis quand même en allemand, anglais ou français... Pour certains textes techniques ou de ma spécialité j'aurais moins d'appréhensions. | |
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| | | | Zakhar Prilepine [Russie] | |
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