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Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Jeff Nichols Sam 7 Jan 2012 - 21:26
Pour l'instant, Takeshelter fait un tabac chez les Parfumés!
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Jeff Nichols Sam 7 Jan 2012 - 21:55
Takeshelter
Un très beau film par sa rigueur plastique et son ampleur émotionnelle : Jeff Nichols confirme qu'il est un cinéaste à suivre. J'ai été particulièrement sensible au portrait de cette cellule familiale resserrée, et les crises hallucinatoires de Curtis révèlent aussi l'angoisse de la perte, de la rupture d'un lien affectif. Sur ce plan, le récit est remarquablement construit avec la révélation de la pathologie de la mère. Le handicap de la fille, loin d'être un prétexte, dévoile au quotidien une fragilité et une recherche d'attention offrant des résonances poignantes. Michael Shannon est impressionnant tout en parvenant à canaliser son jeu, et éviter le registre de la surenchère après Bug et Les noces rebelles. Sa présence physique dans le cadre suffit à créer une tension palpable et fascinante. Face à ces souffrances, Jessica Chastain est magnifique par son obstination, sa colère rentrée, sa volonté de tenir et lutter jusqu'au bout, quel qu'en soit le prix. Toutes les scènes d'intimité sonnent juste, sans surenchère artificielle, et le crescendo de la dernière demie-heure est d'autant plus marquant. Nichols touche l'essentiel de son sujet, vers une conclusion éprouvante en forme de suspension et d'ultime point d'interrogation. Laissant chacun confronté à ses doutes.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Jeff Nichols Lun 9 Jan 2012 - 20:45
C'est un bon film, très bien réalisé, très beau. Excellents acteurs, de vrais personnages auxquels on croit. Rien à redire dessus.
Je suis un peu réticent sur la fin, quand même.
Avadoro a écrit:
TakeshelterNichols touche l'essentiel de son sujet, vers une conclusion éprouvante en forme de suspension et d'ultime point d'interrogation. Laissant chacun confronté à ses doutes.
Ce qui suit parle de la fin ! Spoiler, donc !
Spoiler:
Ce qui m'amuse, c'est que, en plein nuit dans leur patelin, il y a une sirène qui prévient les gens qu'il va y avoir du mauvais temps et qu'il faut faire attention. Par contre, au bord de l'océan, en pleine journée, rien (les alertes tsunami n'ont apparemment pas été mises en place aux Etats-Unis...). Pas d'alerte. Pour que ce soit la gosse qui voit le truc arriver. "Ben... pourquoi n'y a-t-il pas eu d'alerte pour un truc de cette dimension ?" a demandé une petite voix dans ma tête. Et, immédiatement, la réponse : "Parce que c'est plus cinématographique, papate !" (ma petite voix n'est pas toujours sympa avec moi). S'il y avait eu une alerte, du genre "barrez-vous, un gros truc" arrive, ça aurait été moyen, comme fin, pas marquant. Mais là, c'est dommage, parce que ce n'est pas très crédible, et ça va à l'encontre du reste du film, ancré dans la réalité, dans le doute. Avadoro, tu dit que chacun est confronté à ses doutes, mais je n'en ai pas. A part si la folie est contagieuse et qu'elle a gagné sa gosse et sa femme, ce qui est quand même difficile à croire. Je sais bien qu'il faut prendre le film comme une métaphore, tout ça, mais cette fin me gêne un peu. Autant j'avais bien aimé la fin de Another Earth, pour prendre un autre exemple de fin difficile à amener, autant là, j'aime moins le genre "on n'échappe pas à son destin".
Ce film m'a un peu fait penser à un Kurosawa pas très connu (et pas son meilleur, loin de là), Vivre dans la peur (1955). Obsession d'un cataclysme à venir. Volonté de protéger sa famille, malgré son incompréhension.
traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
Sujet: Re: Jeff Nichols Lun 9 Jan 2012 - 22:31
Shotgun Stories
Citation :
Dans une petite ville du sud de l'Arkansas, trois frères âgés d'une vingtaine d'années n'ont plus aucun contact avec leur père depuis qu'il les a abandonnés. Il s'est remarié et a eu d'autres enfants. Quand il meurt, les conflits étouffés depuis des années éclatent entre les demi-frères, déclenchant une spirale de violence mortelle.
Sorti en France le 2 janvier 2008.
Après TakeShelter, j'avais très envie de voir enfin le premier film de Jeff Nichols, Shotgun Stories. Je n'ai pas été déçu. Le scénario en lui-même n'a rien d'extraordinaire, une histoire de haine entre deux fratries, issues du même père, mais pas de la même mère. Il faut voir ce que fait Nichols avec cette intrigue ! Une première demi-heure presque languissante qui pose le décor. Un bled perdu de l'Arkansas, des vies rythmées par un travail monotone, une bière le soir au couchant, des relations amoureuses compliquées. Pas mal de non dits, aussi. Pourquoi l'un des frères (celle de la famille abandonnée) a t-il des cicatrices dans le dos ? Nichols filme la nature avec un lyrisme tranquille (non, je n'évoquerai pas le Malick des Moissons du ciel), impose des plans longs, des dialogues simples, désabusés. Sourde mélancolie. La scène de l'enterrement est le premier signe de violence. Verbale. Et le début de l'affrontement entre les demi-frères. La suite est magnifique, intense et mélancolique à la fois. Il faudrait aussi parler du rôle des femmes, apaisantes et fragiles. Et de l'importance de l'environnement, des rumeurs et des témoignages indirects qui précipitent la tragédie. Le rôle principal, moins central toutefois que dans TakeShelter, est joué par un Michael Shannon qui magnétise littéralement l'écran. Sans être de la trempe de son deuxième film, faute d'un argument plus étoffé, Shotgun Stories est déjà un grand film, avec un cinéaste qui sait où il va et captive avec un plan de tracteur en panne, qui annonce de sombres événements. Ah oui, il faudrait aussi parler du traitement de la violence. Nichols coupe ces scènes-là avant leur dénouement. Fondues au noir.
PS : eXPie, j'ai vu le Kurosawa il y a trop longtemps pour m'en souvenir vraiment. Son film presque homonyme "Vivre" m'a laissé une empreinte bien plus marquante.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Jeff Nichols Lun 9 Jan 2012 - 22:38
traversay a écrit:
PS : eXPie, j'ai vu le Kurosawa il y a trop longtemps pour m'en souvenir vraiment. Son film presque homonyme "Vivre" m'a laissé une empreinte bien plus marquante.
Ah oui, Vivre est d'un autre niveau ! Vivre dans la peur est un peu trop démonstratif (peut-être parce que la peur du nucléaire, je veux dire d'une apocalypse nucléaire proche, en 1955, était très forte ; ça fait un peu film à thèse). J'avais acheté le DVD de Vivre dans la peur parce qu'il ne passait pas à la télé (enfin, le câble, quoi), ou bien je l'avais raté.
Bon, je vais tâcher de voir Shotgun Stories, il me tente bien !
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jeff Nichols Lun 9 Jan 2012 - 23:25
eXPie a écrit:
C'est un bon film, très bien réalisé, très beau. Excellents acteurs, de vrais personnages auxquels on croit. Rien à redire dessus.
Je suis un peu réticent sur la fin, quand même.
Avadoro a écrit:
TakeshelterNichols touche l'essentiel de son sujet, vers une conclusion éprouvante en forme de suspension et d'ultime point d'interrogation. Laissant chacun confronté à ses doutes.
Ce qui suit parle de la fin ! Spoiler, donc !
Spoiler:
Ce qui m'amuse, c'est que, en plein nuit dans leur patelin, il y a une sirène qui prévient les gens qu'il va y avoir du mauvais temps et qu'il faut faire attention. Par contre, au bord de l'océan, en pleine journée, rien (les alertes tsunami n'ont apparemment pas été mises en place aux Etats-Unis...). Pas d'alerte. Pour que ce soit la gosse qui voit le truc arriver. "Ben... pourquoi n'y a-t-il pas eu d'alerte pour un truc de cette dimension ?" a demandé une petite voix dans ma tête. Et, immédiatement, la réponse : "Parce que c'est plus cinématographique, papate !" (ma petite voix n'est pas toujours sympa avec moi). S'il y avait eu une alerte, du genre "barrez-vous, un gros truc" arrive, ça aurait été moyen, comme fin, pas marquant. Mais là, c'est dommage, parce que ce n'est pas très crédible, et ça va à l'encontre du reste du film, ancré dans la réalité, dans le doute. Avadoro, tu dit que chacun est confronté à ses doutes, mais je n'en ai pas. A part si la folie est contagieuse et qu'elle a gagné sa gosse et sa femme, ce qui est quand même difficile à croire. Je sais bien qu'il faut prendre le film comme une métaphore, tout ça, mais cette fin me gêne un peu. Autant j'avais bien aimé la fin de Another Earth, pour prendre un autre exemple de fin difficile à amener, autant là, j'aime moins le genre "on n'échappe pas à son destin".
La fin est une façon de proposer au spectateur de choisir l'interprétation qui lui convient sans trancher à sa place. Rêve, délire à 2, délire tout court ou bien réalité qui rattrape le délire? J'y ai vu un film sur la folie, d'autres y verront un syndrome de Cassandre, d'autres une parabole politique ou sociale. J'aime l'idée qu'un film reste abstrait en laissant ouvert le champ d'interprétation. En tout cas il en résulte quelque chose d'apaisé dans cette idée d'une communion possible, fictive ou non, entre mari et femme unis face à une menace (réelle ou psychotique). C'est finalement une histoire d'amour et le dernier plan une nouvelle déflagration onirique où il n'est plus seul à affronter le danger.
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Jeff Nichols Lun 9 Jan 2012 - 23:36
Je partage cette impression...le lien affectif est d'abord transcendé en consacrant une confiance, et ce qui suit est la projection d'un état d'esprit ou d'un moment. J'ai trouvé cette ouverture très libre, à la fois apaisée et saisissante.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Jeff Nichols Mar 10 Jan 2012 - 8:10
Marko a écrit:
Rêve, délire à 2, délire tout court ou bien réalité qui rattrape le délire?
La fille aussi, ça fait 3. Un cas isolé, ça peut être du délire. Deux personnes, on va dire un délire communicatif. Mais 3... D'autant plus qu'ils avaient pris l'air, n'étaient pas dans un cadre stressé. Que ça arrive comme ça, tous les trois en même temps, j'ai tendance à y croire, personnellement (bon, me concernant ça va, j'ai une cave ).
En cas de doute dans ce genre de films, j'ai toujours tendance à privilégier la version "il avait raison".
Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
Sujet: Re: Jeff Nichols Mar 10 Jan 2012 - 12:28
Expie comme tu es terre à terre, je te reconnais bien là Je n'ai pas pensé une seconde à l'alerte, qui aurait bien sûr tout gâché. On n'aurait déjà pas eu le doute. Sur le coup j'ai d'abord cru à une hallucination de la petite. Je me suis dit elle aussi. En fait Jeff Nichols préfère nous laisser le choix d'interpréter et c'est juste parfait. La version que j'ai retenue est moi aussi la dernière proposée par Marko, la famille ressérée face à un danger commun...C'est plutôt excellent!
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jeff Nichols Mar 10 Jan 2012 - 13:50
Aeriale a écrit:
La version que j'ai retenue est moi aussi la dernière proposée par Marko, la famille ressérée face à un danger commun...C'est plutôt excellent!
Oui mais dans son imaginaire. Pour moi c'est un nouveau cauchemar comme il en a eu tout au long du film sauf que cette fois il n'est plus seul face à cette menace. Il y intègre ses proches et c'est pour lui une forme d'espoir (même s'il n'est pas guéri!). ça permet aussi de le lire de façon plus poétique ou plus prosaïque suivant le regard de chacun. C'est tout l'intérêt d'une fable que de rester ouverte.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jeff Nichols Mer 11 Jan 2012 - 9:52
traversay a écrit:
Sans être de la trempe de son deuxième film, faute d'un argument plus étoffé, Shotgun Stories est déjà un grand film, avec un cinéaste qui sait où il va et captive avec un plan de tracteur en panne, qui annonce de sombres événements.
Il est disponible en DVD et je vais le regarder ce week-end.
traversay Flâneur mélancolique
Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
Sujet: Re: Jeff Nichols Mer 11 Jan 2012 - 10:49
Marko a écrit:
traversay a écrit:
Sans être de la trempe de son deuxième film, faute d'un argument plus étoffé, Shotgun Stories est déjà un grand film, avec un cinéaste qui sait où il va et captive avec un plan de tracteur en panne, qui annonce de sombres événements.
Il est disponible en DVD et je vais le regarder ce week-end.
Si tu ne cites pas Malick dans ton avis, je te paie un verre à la prochaine rencontre parfumée
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jeff Nichols Mer 11 Jan 2012 - 11:35
traversay a écrit:
Si tu ne cites pas Malick dans ton avis, je te paie un verre à la prochaine rencontre parfumée
Alors je vais faire un effort! Mais c'est sûr que quand on voit quelques images c'est dur de ne pas y penser:
darkanny Zen littéraire
Messages : 7078 Inscription le : 02/09/2009 Localisation : Besançon
Sujet: Re: Jeff Nichols Sam 14 Jan 2012 - 17:24
Marko a écrit:
La fin est une façon de proposer au spectateur de choisir l'interprétation qui lui convient sans trancher à sa place. Rêve, délire à 2, délire tout court ou bien réalité qui rattrape le délire? J'y ai vu un film sur la folie, d'autres y verront un syndrome de Cassandre, d'autres une parabole politique ou sociale. J'aime l'idée qu'un film reste abstrait en laissant ouvert le champ d'interprétation. En tout cas il en résulte quelque chose d'apaisé dans cette idée d'une communion possible, fictive ou non, entre mari et femme unis face à une menace (réelle ou psychotique). C'est finalement une histoire d'amour et le dernier plan une nouvelle déflagration onirique où il n'est plus seul à affronter le danger.
ça résume bien ce que je pense de ce film magnifique.
A un certain moment j'y ai même vu un certain parallèle avec Shining et le délire paranoïaque de Jack Nicholson, notamment dans la scène suivante:
Spoiler:
Celle où se déroule un des rêves de Curtis avec sa femme dans la cuisine, au visage très émacié (comme la femme de l'écrivain dans Shining en proie à une véritable terreur) et ce couteau si proche et menaçant
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Jeff Nichols Sam 14 Jan 2012 - 17:33
darkanny a écrit:
A un certain moment j'y ai même vu un certain parallèle avec Shining et le délire paranoïaque de Jack Nicholson, notamment dans la scène suivante:
Spoiler:
Celle où se déroule un des rêves de Curtis avec sa femme dans la cuisine, au visage très émacié (comme la femme de l'écrivain dans Shining en proie à une véritable terreur) et ce couteau si proche et menaçant
C'est vrai. Kubrick cherchant davantage une dimension archétypale, presque mythologique de la folie (sorte de régression animale à travers un délire paranoïaque) et Jeff Nichols un compromis entre onirisime et réalité clinique pour ce beau portrait d'un homme atteint de schizophrénie (ou extralucide pour ceux qui le préfèrent visionnaire).