Madeleine de Scudéry

Afin que vous compreniez mieux le dessein de Clélie, vous verrez qu'elle a imaginé qu'on peut avoir de la tendresse par trois causes différentes : ou par une grande estime, ou par reconnaissance, ou par inclination ; et c'est ce qui l'a obligée d'établir ces trois villes de Tendre, sur trois rivières que portent ces trois noms, et de faire aussi trois routes différentes pour y aller.
   — Madeleine de Scudéry, Clélie (1654)


François Chauveau. Carte de Tendre in Clélie, Histoire romaine, de Madeleine de Scudéry (1654)

La Carte de Tendre est l'allégorie des différentes possibilités offertes par l'amitié. Elle est conçue pour lancer une discussion sur les modalités de l'amour et de l'amitié, sujet qui intéressait vivement les contemporains de Madeleine de Scudéry, au XVIIe siècle. Vous trouverez des renseignements interactifs, en français, sur une carte identique (il suffit de placer le curseur sur les éléments pour obtenir des explications), par le professeur Julie Hayes de l'université de Richmond (Virginie).

En rédigeant ces petites notes, j'ai découvert une étude de Clélie très complète sur Madeleine de Scudéry (et de La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette) : De Clélie à la Princesse de Clèves, la Carte de Tendre et le vocabulaire amoureux au XVIIe siècle par Michel Tichit du Lycée Claude-Monet au Havre. Je ne sais pas si ces œuvres sont encore enseignées dans les lycées, mais si on le faisait, on pourrait constater que la langue change beaucoup, mais les motivations et les interrogations du cœur restent les mêmes à travers les époques.

Et cette Carte de Tendre était une illustration d'un des tomes de Clélie?
Au sujet du vocabulaire, c'est amusant de constater que ces femmes d'une grande intelligence pensaient anatomique ( anatomie du coeur amoureux)ce que l'on sait aujourd'hui être d'ordre psychologique...

Marie a écrit:

Et cette Carte de Tendre était une illustration d'un des tomes de Clélie ?

Oui.

J'aimerais beaucoup lire, du moins en partie car je crois que c'est énormée, Clélie . Mais j'ai du mal à le trouver en librairie...
Je suppose que ce doit être assez cucul mais j'aime assez l'idée de cette carte du Tendre...

Gilles a écrit:

La Carte de Tendre est l'allégorie des différentes possibilités offertes par l'amitié. Elle est conçue pour lancer une discussion sur les modalités de l'amour et de l'amitié, sujet qui intéressait vivement les contemporains de Madeleine de Scudéry, au XVIIe siècle.

Merci Gilles de cette contribution...Très agréable révision pour moi...:)
La Carte du Tendre m'évoque la période (lointaine) de mes études...C'était un peu tombé pour moi dans l'oubli...et pas vraiment au fond...puisque ce post fait remonter les souvenirs...
Délicieuse période ou l'on avait des cartes et du temps pour discourir agréablement sur l'amour et l'amitié...

coline a écrit:

Délicieuse période ou l'on avait des cartes et du temps pour discourir agréablement sur l'amour et l'amitié...

Je pense que c'est encore possible, mais il faut avoir le temps (ou le prendre), des amis qui en ont aussi, et partagent la nostalgie de l'inactuel. Ceci dit, les choses du cœur sont encore beaucoup discutées, les magazines pour adolescentes en sont remplies, je crois, mais dans un vocabulaire très différent.
 

Personnellement, je n'aimerais pas que cela revienne "à la mode", c'est quand même assez niais
ça doit avoir un certain charme de le lire mais bon, c'est une époque révolue...

Fantaisie héroïque a écrit:

Personnellement, je n'aimerais pas que cela revienne "à la mode", c'est quand même assez niais
ça doit avoir un certain charme de le lire mais bon, c'est une époque révolue...

Plutôt que le discours, ce qui me plaît c'est le fait que l'on s'accorde du temps pour l'amour (avec toutes ses facettes) et l'amitié...:)
J'ai souvent l'impression qu'ils peuvent malheureusement être un peu sacrifiés à nos vies bien (trop?) remplies...

Fantaisie héroïque a écrit:

J'aimerais beaucoup lire, du moins en partie car je crois que c'est énormée, Clélie . Mais j'ai du mal à le trouver en librairie...
Je suppose que ce doit être assez cucul mais j'aime assez l'idée de cette carte du Tendre...

Je confirme que c'est énorme: il y a 10 volumes... Essaie peut-être en bibliothèque
J'aimerais bien le lire aussi, un de ces jours... Mais je ne pourrai jamais m'empêcher de penser à la réflexion de la prof qui nous a parlé de cette carte en la détaillant un peu: "Et puis, il y a la mer dangereuse... On ne sait pas ce qui se passe là-bas" (ironie, quand tu nous tiens...) et de la réponse de mon amie: pour une fois que ce n'était pas moi qui était perverse

Gilles:

Citation :

mais les motivations et les interrogations du cœur restent les mêmes à travers les époques.

J´attends patiemment que la ridicule tempête ( politique) cesse autour de "La Princesse de Clèves", pour en parler quelque part et voir comment ces grandes Dames comme Louise Labbé, Madame de La Fayette, Madame de Sévigné etc. savaient de quoi elles parlaient quand elles ecrivaient " passion". ( Est-ce un terme suffisamment à la mode pour tous?).
Lire entre les lignes...

Clélie ou l'histoire romaine


Folio a condensé 10 volumes.
C'est évidemment un assassinat littéraire mais comment faire autrement ?
Au moins, cela donne le ton de cette prose dite "précieuse" et des activités mondaines des particulièrs de la première moitié du 17è siècle.
Les fameux salons naissent et se développent dans l'aristocratie (autour de l'emblématique figure de Mme de Rambouillet par exemple) et annoncent la seconde moitité du siècle, qui verra une mutation fondamentale : le salon deviendra aulique.
Le roi concentrera tout ce qui se fait de culturel.
Mais déjà en ce début de 17è, le rusé Richelieu crée l'Académie, comprenant bien qu'il est toujours utile de tenir la bride à ces tumultueux auteurs, qui, dans  leurs libelles (et il en sait quelque chose !) peuvent se révéler redoutables.

L'art précieux pose d'emblée un décor imaginaire, quoiqu'inspiré par la réalité historique. Ici, l'Etrurie et la famille de Tarquin le Superbe, les débuts de la république romaine et les actes scandaleux de Tullia. Rien de très circonstancié. C'est un décor en carton.

Le fond de l'ouvrage : un échange sous forme de dialogues entre hommes et femmes (dont la belle Clélie) autour d'un sujet UNIQUE : l'amour.
Avec des questions universelles. Par exemple, a t-on le droit d'aimer encore après un veuvage ? Chacun argumente bellement, avec délicatesse. C'est léger, exprimé dans une langue sobre et juste.

On a droit à des archétypes de femmes séductrices, d'autres plus timorées. Dois-je rappeler que tout cela est platonique et que Clélie fait figure de muse ? On déteste la vulgarité des mots et des moeurs.

L'amour est à concevoir comme un parcours initiatique, long, sinueux et garde son mystère, son pouvoir occulte. Ni pudibonderie, ni licence. C'est un art.

L'influence d'Honoré d'Urfé est très forte.

Je vais déjà lire Honoré d'Urfé qui traîne dans ma PAL depuis des lustres. Et acheter celui-ci, mais pas avant janvier. J'ai dépassé mon quota d'achats pour cette année.   

Arabella a écrit:

J'ai dépassé mon quota d'achats pour cette année.   

Comme c'est surprenant !   

Tu sais que tu vis dangereusement ?

Ce n'est qu'avec la Carte du Tendre que j'ai fait l'an passé la découverte de Clélie, histoire romaine. La carte du tendre est une bonne représentation des rapports amicaux ou/et amoureux. C'est dommage qu'elle ne soit pas plus amplement usée par les professeurs du secondaire notamment au lycée pour illustrer la vision de l'amour dans les romans précieux.