Yves Navarre

J'ai noté son nom. On verra. Mais ça m'interpelle vos messages, et des bouts d'extraits.

Le temps voulu

Difficile d ‘être totalement objective avec un livre, qui me marqua il y a plus de trente ans, et que je reprends aujourd’hui, nostalgie, nostalgie !

C’est quoi ?
Une histoire d’amour !
C’est tout ?
Non , de solitude et d’attente, aussi.
C’est tout.
Mais c’est beaucoup.

Citation :

« Qu'est-ce que tu t’es dit, à la gare, juste après son départ ? ». John marche à côté de moi. Betsy et Ruth nous suivent. Je réponds « comment c'était avant. Je me suis demandé comment c'était, avant lui, et j'avais déjà oublié, tout oublié. Avant lui, il n'y avait plus rien, rien d'un coup d'un seul, ardoise magique. Il avait tout effacé. (…) »

Pierre la quarantaine qui a connu plein de garçons, est à ce passage difficile où il devient « le plus vieux » dans le couple » C’est un homme exigeant, secret, qui vit dans l’urgence du sentiment, patient, à l’écart de toute futilité, fuyant le caractère conventionnel d’une famille « correcte » qu’il dérange, mais sa famille quand même.

Et du jour au lendemain, il passe sous l’empire de Duck, la moitié de son âge, sourire au lèvre, incertain, provoquant, voyageur, un égoïste ensorcelant qui prend et ne donne pas toujours. L’amour fait un bien fou, l’amour fait souffrir. Quand son souffle a passé, Pierre revient par l’écriture sur cette histoire d’un été qu’il nous donne à voir dans une récit intense. Un peu d’humour aurait sans doute allégé le récit, mais ce n’est pas un ingrédient dont Navarre est friand, et il eut été alors moins personnel. On n’en reste pas moins pris dans cette histoire aussi simple que tourmentée, aussi sensuelle que réfléchie : Pierre réfléchit , analyse, parlemente avec lui-même, et dans le bonheur reste un désespéré perpétuel, comme nous le montre la belle première scène à l’hôtel Nikko. Et cela donne de nombreux très beaux passages, de ces passages qu’on a envie de noter pour les relire au calme, en s’ imprégnant de leur force tranquille,( parfois presque trop beaux, mais on passe assez vite sur cette lourdeur qui ne suffit pas à effacer l’intensité des sentiments) au rythme scandé, assez obsédant, comme des poèmes en prose...

En tout cas, tout Yves Navarre est là, jusqu’au chat Boubou !

Présente ! une autre lectrice d'Yves Navarre vient à l'appel. Je me souviens de Les Loukoums et bien sûr Le Jardin d’acclimatation.
Connaissez-vous le site de son chat ?

C'est étrange mais j'associe toujours dans mon souvenir " Le temps voulu" et "Les faux monnayeurs" de Gide. Pas pour le style évidemment mais pour ce rapport entre les générations en même temps que cette réflexion autour de l'écriture . J'ai le souvenir d'un désenchantement dans le portrait d'une jeunesse qui attire irrésistiblement mais qui déçoit tout aussi cruellement au bout du compte, tôt ou tard. Lu adolescent c'était une leçon de vie plutôt cruelle...c'est ce que j'en ai retenu en tout cas sans me souvenir de grand chose d'autre. Mais je serais curieux de le redécouvrir maintenant que je suis du côté du personnage quarantenaire

Maline a écrit:

P
Connaissez-vous le site de son chat ?

Je suis tombée dessus en faisant quelque recherches hier. Décidément il y a tout un fan club!

topocl a écrit:

Maline a écrit:

Connaissez-vous le site de son chat ?

Je suis tombée dessus en faisant quelque recherches hier. Décidément il y a tout un fan club!

Il y a aussi pas mal de textes en version intégrale (pdf) sur le site.

J'ai lu Le temps voulu et le coeur qui cogne à l’adolescence avec une préférence pour le premier et depuis plus rien. Pourtant dans mon souvenir, il avait une belle sensibilité.

Ce sont amis que vent emporte

David, danseur, et Roch, sculpteur -qui écrit ce livre en même temps qu'il le vit-, ont partagé 20 ans d'un amour passionné et intransigeant. Et il partagent les derniers jours de vie de David, qui, comme son amant, est atteint de « cette peste de fin de siècle ». Ces jours, les plus atrocement douloureux de leur vie, sont aussi les plus doux qu'ils ont été amenés à vivre.

On retrouve Yves Navarre, conduit par une passion amoureuse d'une force hors de l'ordinaire. La maladie, ultime épreuve, scelle une alliance indestructible entre deux amants que la mort ne saurait séparer Son style brûlant, à la poésie tragique, poussé ici à l'extrême, frise souvent l'excès pour décrire cet amour qui ne vécut que dans l'excès, et transmet une beauté à la fois tendre et désespérée

shanidar a écrit:

mais je ne suis pas sûre que la magie opèrerait encore...

Aurais-je dû t'écouter, Shanidar?

Le jardin d’acclimatation

Une famille solidement bourgeoise, de la caste des décideurs, a cru connaître le bonheur dans la réussite de quatre beaux enfants, respectant suffisamment les codes établis des convenances sociales, le choix de la respectabilité plutôt que des affects. Mais le quatrième enfant, Bertrand, sort trop clairement de ce chemin tracé, affichant une homosexualité en même temps joyeuse et torturée.
Le jour de ses 20 ans, sous prétexte de calmer ses maux de tête récurrents, on le confie à un neurochirurgien qui pratique une lobotomie, opération censée traiter son mal réprouvé, mais qui rend Bertrand à sa famille sans vie, sans langage, sans goût, sans initiative.
De ce jour, chacun part de son côté, garde ses chagrins secrets, construit sa vie comme il peut, et nous retrouvons tous ces protagonistes blessés 20 ans après, chacun faisant un bilan de ces années écoulées, gâchées à leur façon .

Je dois dire que je ne sais pas si je vais continuer à relire les romans d’Yves Navarre, que j'ai peut-être eu tord de vouloir ainsi arpenter ces chemins de mon adolescence, que je ferais peut-être mieux de les laisser tranquilles.
Bien sûr je suis émue par Bertrand, trahi dans ce qu'il aime le plus et dans son identité même, par ces non-dits familiaux qui ne cicatrisent pas, par ces gens qui souffrent de ne savoir s’aimer et s’exprimer, mais je trouve que les personnalités sont un peu taillées « à la serpe », ne prononcent que des phrases trop belles, trop intelligentes, trop poétiques, que le style est souvent lourd, théâtral, voire emphatique, que Navarre s'écoute un peu écrire, est beaucoup trop sérieux. C’est le style Navarre me direz-vous, et bien ici, c’est une caricature de lui-même, les obsessions tournent au stéréotype.
Cela reste une lecture qui m'intéresse, il faut saluer le courage de Navarre qui a voulu parler au grand public de ce scandale des lobotomies des homosexuels, mais je trouve ce livre, à mon grand regret, pesant, artificiel, trop satisfait de lui-même. C’ est une espèce de théâtre attachant, écartelé, mais pompeux.

Je vais attendre un peu pour le suivant.

je ne suis jamais allée au bout de celui-là... Le prix Goncourt était un frein et comme le souligne topocl, j'ai eu l'impression que Navarre se parodiait lui-même pour obtenir quelque chose de très artificiel. Je ne suis pas sûre d'avoir envie de relire des livres de Navarre parce que j'ai peur que ce côté grandiloquent, sorte de sublime sublimé ne soit finalement épuisant ou crispant. Pourrait-on parler d'affèterie, ce sentiment qui convient bien à l'adolescence mais qui s'étiole au fil du temps ?

(et quel serait le suivant, topocl, si suivant il y avait ?)

Mais alors pour quelqu'un qui ne l'aurait pas connu à l'adolescence, ça donnerait quoi ?!
ça m'intrigue tout ça.

Je dois avoir le temps voulu chez moi. Si tu veux te faire ton idée, je peux te le prêter (sous réserve que je remette la main dessus).

shanidar a écrit:

j
(et quel serait le suivant, topocl, si suivant il y avait ?)

je pense que cette fois je suivrai tes conseils: ce sera Le petit galopin de nos corps. mais je fais une pause , je pense que l'accumulation nuit au coté excessif de l'auteur.

Et une fois de plus je suis admirative de ta capacité à exprimer des ressentis de lectures de façon parfaite

odrey a écrit:

Je dois avoir le temps voulu chez moi. Si tu veux te faire ton idée, je peux te le prêter (sous réserve que je remette la main dessus).

sympa. Mais j'ai repéré pour pas cher le titre que je vais me faire. Un de ces jours.