Holy motors [Leos Carax]

Je crois que Holy Motors, comme Tree of life, sont des films où le spectateur "travaille" autant que le réalisateur. Du coup, il se recrée à l'infini dans chaque intersubjectivité. Alors on aime ou pas, de manière très tranchée, mais il est impossible de réduire le film à son propre ressenti.

On le sent d'ailleurs dans les critiques : les positives sont enthousiastes, les négatives sont acides. On n'est pas devant quelque chose de lisse et consensuel. Le film devient une "personne" avec laquelle il nous faut dialoguer. Et on ne peut pas s'entendre avec tout le monde.

colimasson a écrit:

tout le monde aura compris que c'est un "je" qui se cache derrière le "spectateur"

Se méfier de ce genre de certitudes...

animal a écrit:

et ça c'est pratique ça me permet de revenir et détourner la conversation vers d'autres films pour lesquels l'intrigue est plus ou moins secondaire et qui sont des films, des spectacles réussis et du genre à être efficaces, mettons 2001 et Tree of Life. Ils sont à leur manière très aboutis et ils sont aussi ce que j'appelle discursifs : ils essayent avec des moyens différents du texte d'approcher sons sens (résumé bancal). Mais contrepartie qui peut sembler malheureuse (c'est mon cas) ils en deviennent linéaires et monolithiques (pourquoi pas ?).

J'ai bien pensé moi aussi à ces films sans intrigue fixe ! Ce n'est pas l'absence de fil narratif marqué qui m'a dérangé, puisque je vénère 2001 et que j'ai quand même bien apprécié Tree of life. Comme je l'ai dit, donc, et je reviens dessus, c'est l'hypocrisie de la démarche, telle que je l'ai ressentie en regardant Holy Motors qui m'a déplu.

Pourquoi ?
Parce que j'ai eu l'impression que, tout au long du film, Leos Carax voulait que son spectateur pense "Whouaouh ! Quelle audace ! Ce Leos Carax est un homme courageux, il n'y en a pas deux comme lui !". Mégalo et pas assumé. Prétentieux.
Pourquoi ?
Je ne sais pas. Peut-être parce que trop de scènes ressemblaient à des pubs ?

mmmhhh... tout çà (hypocrisie et mégalo pas assumé ?) reposant sur un "tordre le coup aux codes du cinéma" ? ... et cette possibilité qu'il les réaffirme alors ? après tout la comédie musicale, le règlement de compte, les poignantes expirations sont de beaux exemples de fonds de commerce du cinéma.

la ressemblance avec des pubs fait partie de l'imagerie mélangée du film, le mélange rend le truc intéressant, avec les objets anachroniques du style briquet du futur au fond d'un trou ou le gps dans la 205, ça colle relativement au gros mélange d'époques et de manières. Ptet du aussi au fait que c'est du numérique non ? (me semble).

Ça me fait mal de lire Holy Motors à côté de 2001 et Tree of Life!!

... à moi aussi

héhé.

Marko a écrit:

Ça me fait mal de lire Holy Motors à côté de 2001 et Tree of Life!!

Moi non plus, je ne les mets absolument pas au même niveau. Des films comme Tree of life sont rares.

Bien sûr, la comparaison entre ces trois films ne tient pas la route... c'est juste pour exposer des cas "d'intrigue non-conventionnelle"

animal a écrit:

après tout la comédie musicale, le règlement de compte, les poignantes expirations sont de beaux exemples de fonds de commerce du cinéma.

Je suis tout à fait d'accord. Parfois c'est assumé, le pire étant lorsque ce n'est pas assumé et qu'on essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

en fait je crois que je ne comprends pas bien ce que tu désignes par le "pas assumé".

pour moi la comparaison des trois films tient quand même la route sur la base : des ambitions des réalisateurs et le fait que les trois films se reposent beaucoup sur un "instant cinématographique", une émotion de cinéma, émerveillement ou je ne sais quoi. par contre je suis d'accord sur le fait que 2001 et Tree of life recherchent un contenu un peu différent, au-dessus serait la mauvaise façon de le dire. Ils cherchent à mettre en scène de la théorie (ce qui est potentiellement une forme de vessie en forme de lanterne) ? là où Holy Motors donne dans l'illustration ?

Ouai, Coli, faudrait que tu expliques ce que tu trouves de pas assumé dans ce film. Je comprends que l'on puisse ne pas y entrer, mais j'ai du mal à voir ce que tu veux dire là.

En fait, c'est une impression strictement personnelle. Je m'identifie avec Leos Carax au moment où il a pu tourner certaines scènes, et j'essaie de comprendre ce qu'il a voulu dire ou montrer. Je compare ensuite avec le résultat obtenu, les procédés employés... et je me dis que si le film avait été une élaboration personnelle, d'après ma manière de penser, d'agir, tout ça n'aurait été qu'une grosse entreprise à illusionner le spectateur.

Mais ça n'engage que moi...

Tout le cinéma est une entreprise " à illusionner le spectateur ". Le problème est que pour moi Carax le fait mal ... Il recycle et fait un cinéma tape à l'oeil qui imite mal et ne dégage pas la force et la beauté de ses modèles. C'est bricolé mais pas modeste donc insupportable pour moi.

Une question d'appréciation. Je ne l'ai pas ressenti comme une imitation ni comme un recyclage mais comme un hommage et un détournement, dans un esprit plutôt ludique. Mais c'est typique le film auquel on adhère ou pas.

Arabella a écrit:

Une question d'appréciation. Je ne l'ai pas ressenti comme une imitation ni comme un recyclage mais comme un hommage et un détournement, dans un esprit plutôt ludique. Mais c'est typique le film auquel on adhère ou pas.

Oui totalement.

Marko a écrit:

Tout le cinéma est une entreprise " à illusionner le spectateur ". Le problème est que pour moi Carax le fait mal ... Il recycle et fait un cinéma tape à l'oeil qui imite mal et ne dégage pas la force et la beauté de ses modèles. C'est bricolé mais pas modeste donc insupportable pour moi.

Tu exprimes bien ce que je pense.

Pour info :

Citation :

Léos Carax boude une remise de prix aux Etats-Unis !

Selon Allociné, l'Association des critiques de cinéma de Los Angeles avait décerné à Léos Carax le prix du Meilleur film en langue étrangère pour Holy Motors, cependant, le réalisateur n'était pas présent pour recevoir sa récompense, c'est sa manière à lui de critiquer le cinéma américain et plus particulièrement l'expression de « film en langue étrangère ». Léos Carax a exprimé son mécontentement dans une lettre envoyée à Variety :



«Bonjour, je suis Léos Carax, réalisateur de films en langue étrangère. Toute ma vie, j'ai réalisé des films en langue étrangère. Les films en langue étrangère se font partout dans le monde, sauf en Amérique. En Amérique, ils ne font que des films en langue non-étrangère. Les films en langue étrangère sont très difficiles à faire, car il vous faut inventer une langue étrangère plutôt que d'utiliser la langue usuelle. Mais la vérité, c'est que le cinéma est une langue étrangère, une langue créée pour ceux qui ont besoin de partir explorer l'autre côté de la vie. Bonne nuit.»

Source : http://www.toutlecine.com/