Paradis: FoiNous avions laissé l'héroïne du film précédent totalement seule et sans illusion après son séjour au "paradis" de l'amour tarifé. Première descente aux enfers sous un soleil écrasant. C'est donc au tour d'une autre femme de tenter cette fois de chercher dans l'amour de Dieu un réconfort à sa solitude et au vide de son existence. Un amour excessif, passionnel, fanatique qui aurait pour but de rétablir une illusoire harmonie dans le chaos des vies qu'elle découvre tout autour d'elle lors de visites d'évangélisation (accompagnée d'une statuette de la Vierge Marie). Les choses se compliquant lorsque son ancien mari musulman et paraplégique refait surface et aspire à vivre une intimité paisible avec elle...
Traversay regrettait que Seidl n'ait -peut-être- pas eu conscience du potentiel comique de son thème. Mais je crois au contraire que la force de son cinéma est justement de proposer un point de départ profondément radical (et caricatural bien qu'ancré dans une possible réalité) qui permet de confronter le spectateur à des émotions variées et contradictoires. On passe par l'admiration devant des plans fabuleusement cadrés (la scène avec l'abri de bus!!! Le mari rampant dans le couloir étroit! et tout l'ensemble du dispositif), le scepticisme devant les excès de piété de l'héroïne, l'agacement devant la dilatation de certaines scènes, l'amusement devant le comique (volontaire) de certaines situations absurdes et grotesques, l'émotion en découvrant certaines confessions de voisins particulièrement mal en point ou de rares moments d'intimité vite effacés, le malaise devant la violence morale effrayante qui sous-tend l'ensemble et qui éclate au cours de quelques affrontements terribles...
Il y a quelque chose de théâtral et d'hyperréaliste dans cet univers qui finit insidieusement par nous toucher malgré la froideur et les excès. Il parvient par des étapes successives, bien plus subtiles qu'il n'y paraît au premier abord, à nous faire ressentir une vérité à travers ces corps en souffrance (c'est le thème essentiel de tout son cinéma) qui se débattent dans des espaces qui les enferment ou reflètent leur désarroi, parfois leur folie.
Il semble pour beaucoup de critiques excessif par sa radicalité malaisante mais c'est surtout qu'il arrive à faire surgir de l'artifice le plus paradoxal des réalités profondes qui ont trait à notre solitude et à notre rapport complexe à l'environnement, aux autres et surtout à notre propre enveloppe charnelle qui devient dans son cinéma le reflet de l'âme. On sait tout cela mais on a le soucis constant de ne pas trop le regarder de près. On l'oublie et on se crée de belles illusions pour supporter l'absurdité de la vie. Seidl prend le temps d'appuyer là où ça fait mal et de témoigner de la condition humaine comme les plus grands artistes avec un langage cinématographique très puissant.
Reste à découvrir ce Paradis: Espoir dont Traversay suggérait qu'il semblait presque une respiration dans son triptyque. A suivre!