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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
Après des études de lettres à l'Université de Cambridge (Royaume-Uni), Stéphane Michaka (17/10/1974) enseigne le français en Afrique du Sud. De retour en France, il travaille comme script-editor pour la télévision et écrit ses premiers textes pour la scène. Ses pièces Le Cinquième archet, La Fille de Carnegie (lauréate du concours Beaumarchais/France Culture en 2005) sont publiées par l’Avant-Scène Théâtre (collection des "Quatre-Vents"). Il est l’auteur de plusieurs pièces jeunesse dont Les Enfants du docteur Mistletoe (Éditions Espaces 34). Il a écrit des fictions radiophoniques pour France Culture, dont une adaptation remarquée du Château de Kafka diffusée en 2010. Sur la suggestion de François Guérif, il adapte sa propre pièce La Fille de Carnegie et en tire un roman publié chez Rivages/Noir sous le numéro 700 de la collection. La Fille de Carnegie a été sélectionné pour plusieurs prix littéraires : Prix du Polar SNCF, Prix BibliObs du roman noir, Grand prix des lectrices de Elle, Grand Prix du roman noir au festival de Beaune, Prix Senghor du premier roman francophone, Grand Prix de littérature policière. Stéphane Michaka est également traducteur : Pour toujours... jusqu’à demain de Sarah Dessen chez Pocket Jeunesse, Je suis le dernier Juif debout de Michael Simon chez Rivages/Noir.
Stéphane Michaka reçoit le prix Révélation 2012 pour Ciseaux dans le cadre des Prix Les Lauriers Verts de La Forêt des Livres organisée par Gonzague Saint-Bris. Source : Babelio
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Stéphane Michaka Sam 1 Sep 2012 - 7:39
Ciseaux Couverture: coupes de Gordon Lish sur la nouvelle Débutants de Raymond Carver, source: The New Yorker
Citation :
À quinze ans, Raymond décide qu’il sera Hemingway ou rien. Et la nouvelle, avec ses silences têtus et ses fins en lame de rasoir, son genre de prédilection. Il a des envies d’ailleurs et la vie devant lui. On est à Yakima, dans le nord-ouest des États-Unis. Autant dire nulle part. Son ambition donne le tournis à Marianne, la petite serveuse de la boutique de donuts. « C’était le truc le plus excitant que j’avais jamais entendu. Pleine d’assurance, je lui ai dit : “Tu peux compter sur moi, Ray.” » Les deux adolescents se marient quelques mois plus tard. Marianne est enceinte. Raymond n’a pas commencé à boire. Douglas, lui, vient d’obtenir le job de ses rêves : directeur littéraire d’un magazine prestigieux. Les nouvelles qu’il reçoit l’irritent comme un vilain psoriasis. Pour calmer ses démangeaisons, il coupe, réécrit, sculpte avec ses ciseaux. « C’est leur voix. Leur voix, tu m’entends ? Mais c’est ma signature. » Quand il le rencontre, Ray peaufine son art dans l’alcool depuis près de dix ans et Marianne subvient aux besoins du ménage. Douglas va changer leur vie. Raymond Carver, Maryann Burk-Carver, Gordon Lish et la poétesse Tess Gallagher qui attend son heure en coulisses… Ciseaux raconte leur histoire : dans l’Amérique des années soixante à quatre-vingt, l’accomplissement de deux hommes en proie à une dépendance réciproque, un écrivain et son éditeur qui coupe ses textes au point de les dénaturer.
La présentation du livre par l'auteur:
Il semble qu’on doit réviser la biographie de Raymond Carver ! En tout cas en ce qui concerne sa littérature. Tout comme Stéphane Michaka le dit dans la partie d’interview que je vais poster après mon commentaire, je suis dès la première lecture de Raymond Carver une « carvérienne » et je ne me doutais pas qu’en fait je lisais le produit de deux personnes : les mots de Carver et les idées de Gordon Lish, son éditeur. Changer les titres, renommer certains personnages, effacer des mots, des phrases, oui des pages entières, parfois jusqu’à 70% de la nouvelle initiale ! Et même réécrire des passages ! En voilà un éditeur qui a « créé » un auteur.
Ce roman est un livre à quatre voix, 272 pages que du dialogue (à part 3 nouvelles "à la Carver"), des chapitres où chacun des personnages se parle, parle à d’autres ou ils se parlent entre eux. C’est fascinant, tellement bien écrit, passionnant et tout à fait extra.
Cela donne envie de reprendre Raymond Carver, mais aussi voir ce qu’on a publié les dernières années : des nouvelles de Carver AVANT le travail de Lish… avec une petite appréhension de découvrir un auteur qui ne me fascine pas autant que celui dont je connais si bien la voix. Je viens de lire un commentaire d’un critique anglais qui en dit « Carver était un bon auteur, mais le travail de Lish l’a changé en génie »
Interview du 24.01.2011, Stéphane Michaka avait trouvé le sujet de son prochain roman Quel est votre dernier coup de cœur littéraire ? Raymond Carver. Tous ceux qui le lisent deviennent « carvériens ». Ils se mettent à voir avec ses yeux, à sentir avec son cœur. Un cœur souvent endolori, jamais vraiment désespéré, même lorsqu’il n’y a plus de lumière. Les dates importantes de la vie de Carver : 58, la naissance de son deuxième enfant alors qu’il a 20 ans à peine, vit de petits boulots et se destine à écrire ; 77, l’année où il arrête définitivement l’alcool ; 88, où il apprend qu’il a une tumeur et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Sa vie s’arrête à 50 ans. Pourtant, il confie dans l’un de ses derniers poèmes (intitulé Gravy – « Tout bénéf ») : « Ne pleurez pas pour moi, je suis un gars chanceux. » La vie de Carver est son plus beau poème. Elle se trouve tout entière transposée dans ses nouvelles, de Parlez-moi d’amour aux Vitamines du bonheur. Il faut saluer l’initiative des Éditions de l’Olivier qui ont entamé la publication de l’intégrale de son œuvre. Tout bénéf pour ses lecteurs français. source
Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
Sujet: Re: Stéphane Michaka Dim 2 Sep 2012 - 15:44
-Ciseaux-
Citation :
Dans mon métier on prend les mots pour de la chair, on entend battre leur sang, on se découvre une parenté avec eux
Tout comme Kenavo, j'ai été happée par ce roman, tiré d'une histoire vraie et rédigé sous forme fictionnelle par ce jeune auteur qui parvient à le rendre passionnant, sans qu'il nous paraisse pesant ni démonstratif. On y découvre la vie de Carver, ses ambitions de jeunesse, l'amour qu'il porte à sa femme, la jeune Maryann, qui l'accompagnera dans ses galères et l'épaulera dans sa lutte contre l'alcoolisme. On revit au travers de ces dialogues le rapport troublant entre son mentor, Gordon Lish, et l'auteur, l' influence déterminante qu'il eut sur lui, et ce conflit perpétuel qu'il engendra en le maintenant sous dépendance. On y croise d'autres auteurs célèbres, la poétesse Tess Gallagher, sa seconde épouse, et tout un monde fascinant pour tout lecteur avide d'en apprendre davantage sur le rôle de l'éditeur, les rapports avec l' auteur, et la façon dont l'entourage ou le quotidien influe sur le style. C'est vivant, intelligent, empli de belles images sur l'écriture, bref ce livre m'a embarquée jusqu'à la dernière ligne! Un de mes petits coups de coeur de la rentrée.
Epi Escargote Zen
Messages : 14255 Inscription le : 05/03/2008 Age : 64 Localisation : à l'ouest
Sujet: Re: Stéphane Michaka Dim 23 Fév 2014 - 20:27
Ciseaux
Quel beau petit livre ! Je ne sais pas grand-chose de Carver, à part que c’est un des chouchous de Kena, et je n’ai lu de lui qu’un recueil de nouvelles, il y a quelques semaines seulement. Je ne connaissais donc rien de son histoire, à part son alcoolisme que l’on peut aisément deviner en lisant ses nouvelles. Le livre de Michaka m’a donc un peu éclairée sur ses premières années d’écriture.
Raymond veut être publié alors il s’en remet à son éditeur, Douglas, qui aime couper dans le vif, sans état d’âme. Non seulement il coupe mais souvent, il réécrit les nouvelles, à tel point que parfois, Ray n’a plus l’impression que ce sont les siennes.
Michaka fait un portrait féroce de l’éditeur, et souligne les doutes de l’auteur, l’attachement à ce qu’il écrit et les compromis qu’il doit faire pour être publié, les rapports dominant/dominé. C’est assez pathétique de voir comment Ray se débat comme un diable pour garder un peu de lui dans ses nouvelles, comment il doit implorer Douglas pour être compris et écouté, sans succès la plupart du temps.
Mais trop, c’est trop et Raymond a peur, il ne se retrouve plus dans les versions finales : « Ce n'est plus de moi », « Je n'ai pas écrit vingt-deux nouvelles tranchantes comme le désespoir. J'ignore quel est ce désespoir, Douglas, est-ce le tien ? », « Si tu pouvais, Douglas, publier mes nouvelles telles que je les ai écrites, les corriger un peu, les améliorer sans les changer entièrement, si tu pouvais te contenter de faire cela, je ne me sentirais pas en danger… » Alors moi, des phrases comme celles-ci, ça me fend le cœur. Cette histoire est tragique. Je sais bien que les éditeurs coupent et remanient, c’est leur métier. Mais l’acharnement de Douglas à ne pas tenir compte de ce qui fait le talent de Ray, à se servir de lui pour imposer son style, ce minimalisme dont il est si fier, mais qui n’est pas celui de Ray, montre à quel point l’auteur peut être soumis, et, dans ce cas particulier, faible. Car Ray montre beaucoup de faiblesse et accepte tout. Ce n’est qu’après avoir divorcé de sa première femme, Marianne, et épousé Joanne, et après avoir vaincu son alcoolisme, qu’il trouvera la force de quitter cet éditeur abusif.
On sent beaucoup de tendresse de la part de Michaka pour cet auteur qui doute au point de sacrifier ce en quoi il croit. En même temps, il reconnaît la part de génie de Douglas et lui donne crédit pour avoir sorti Ray de l’ombre. Et puis il y a cette question qui court en pointillé tout au long du roman - qui peut être considéré comme le véritable auteur dans un cas comme celui de Ray et Douglas ? Une chose est certaine, Michaka me plait. Et aussi, j'ai envie de connaitre un peu plus Carver.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: Stéphane Michaka Dim 23 Fév 2014 - 20:59
ô comme je suis contente de lire ton commentaire... et oui, après ce livre il y a surtout l'envie de voir de plus près Carver... je ne l'ai toujours pas fait, ayant lu tous ses livres "coupés" par son éditeur, je ne sais pas ce que je vais trouver si je choisis de lire ceux qu'il a lui, Raymond, écrit... mais je pense que n'importe comment, Carver est un auteur important et pour Michaka, je vais garder l'oeil sur ses prochains livres