Les frères Sisters
Patrick
de WittTraduit par Philippe Aronson
Editions Acte Sud
Septembre 2012
ISBN : 9782330009847
4ème de couverture : Oregon, 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem
de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d'égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, Californie, dans le but
de mettre fin, sur ordre du "Commodore", leur employeur, aux jours d'un chercheur d'or du nom
de Hermann Kermit Warm. Tandis que Charlie galope sans états d'âme - mais non sans eau-
de-vie - vers le crime, Eli ne cesse
de s'interroger sur les inconvénients
de la fraternité et sur la pertinence
de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s'adonnent au fil
de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d'individus patibulaires et
de visionnaires qui hantent l'Amérique
de la Ruée vers l'or.
Dans ce roman jubilatoire où l'humour noir le dispute à une subtile excentricité, Patrick
de Witt rend un hommage décalé aux classiques du western tout en invitant le lecteur à en explorer les ténèbres, sous l'inoubliable houlette
de deux frères moins liés par le sang et la violence que par l'indéfectible amour qu'en silence ils se portent.
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j’ai lu ce western, pas spaghetti pour un rond
de chapeau. Mais est-ce vraiment un western ? Assurément puisqu’il y a des tueurs à gages (les frères Sisters), des putains
de poids, des chercheurs d’or, des indiens, des chevaux,
de l’alcool…. Mais, mais, mais, il tient plus du conte philosophique.
La trame est très conforme au genre, l’auteur ne s’étale pas sur la beauté des paysages ce qui ne gêne en rien les pérégrinations des brothers Sisters. J’oubliais, ce sont eux les tueurs à gages, embauchés par le Commodore pour liquider ceux qui osent se mettre devant son chemin. Hermann Kermit Warm (quel drôle
de nom), qui a refusé
de lui donner la formule chimique pour faciliter la recherche
de l’or dans les rivières, est leur prochain « client ».
Le chemin jusqu’à la rivière lumineuse est long et propice à des rencontres inattendues, quoique, dans un western il en est souvent ainsi. Le dentiste-arracheur-
de-dents philosophe « Vous êtes mon troisième patient en trois semaines. Il semblerait que l’hygiène buccale ne fasse pas partie des priorités dans cette partie du monde. » (Oh ! les cow-boys, allez vous laver les dents). La vieille sorcière « Elle avait
de longs poils gris qui tremblotaient sur son menton, et sa bouche à la mâchoire pendante c’était que chicots noirâtres », la petite fille méchante des intermèdes, tout un poème !…..
Tels Laurel et Hardy, ils sont inséparables, Charlie le méchant et Eli le bon. Tout comme eux, ils ne font que se disputer, ergoter, mais lorsque l’un est malade, l’autre est là.
C’est Eli qui raconte leur histoire et il remarque beaucoup
de choses. OK, il est tueur à gages, mais croyez-moi, il n’aime pas du tout son travail, s’excuse (des fois) aime à penser qu’il est amoureux. Son langage châtié jure à côté
de la violence ambiante.
La violence est très présente, les mots sont là, crus, mais la plume ironique et comique genre humour noir
de Patrick
de Witt fait tout passer, même l’énucléation
de Tub. L’ivresse n’est jamais très loin, attention, la vraie, la réelle, pas l’ivresse des sommets. La richesse ? Ils la verront toujours s’approcher et, lorsqu’ils pensent la tenir, hop, une pirouette, un évènement (jamais heureux) et tout est à refaire.
Les grandes randonnées équestres ou pédestres sont sources
de réflexions, voire
de philosophie
de comptoir cheval. Nos Sisters, surtout Eli, réfléchissent, discutent, fourailles sur leur fraternité, sur l’intérêt du crime…. Les souvenirs viennent au débotté ; lorsque Charly a tué son père devenu fou, battant sa mère « Père a cassé la fenêtre d’un coup
de poing puis il l’a frappés sur le bras avec le manche
de la hache. Je crois qu’il est devenu four. Il avait déjà frôlé la folie auparavant, mais quand je suis revenu à la maison pour aider Mère, j’ai eu le sentiment qu’il était complètement dément. Il ne m’a pas reconnu lorsque je suis entré avec mon fusil ». Ils acceptent leur sort avec fatalisme
Un western ? Une grande histoire d’amour fraternel, un conte phlosophique. La fin est étonnante genre retour dans le giron maternel, comme une seconde naissance ou un changement
de cap.
Un excellent livre que je vous recommande par ces journées tristounettes
de fin d’automne. Le visuel est très présent, je le verrai bien devenir un film, les personnages secondaires y seraient parfaits.