Rosamond Lehmann

J'ai lu " Poussière" et j'ai tout simplement adoré. J'ai beaucoup aimé la facon dont l'auteur dépeint les sentiments, c'est délicat, fin et élégant, on plonge dans un univers qui parait lointain empreint de nostalgie. Les personnages sont différent, et fascinants, l'héroIne est attachante, c'est avec regret qu'on quitte ce livre.

whiterose a écrit:

J'ai lu " Poussière" et j'ai tout simplement adoré.

on a eu récemment une lecture en commun pour ce livre - tu peux lire nos impressions ici
et n'hésite pas à nous donner tes idées/impressions

L’invitation à la valse

Deux sœur, Kate et Olivia qui fête au début du livre ses dix-sept ans. Et un bal qui se prépare, le premier. Presque rien en apparence, mais avec ces petits riens Rosamond Lehmann dessine ou laisse deviner des vies entières, pleines d’exaltations, de déceptions, d’erreurs de jugements ou de bonheurs inespérés. Les rencontres qu’Olivia fait au bal, pendant lequel elle s’ennuie copieusement, sont presque surréalistes, un vieux libidineux, un aveugle, le maître de maison dans sa bibliothèque…. Un univers étrange, presque décalé qui s’oppose à des éléments très précis, concernant les hiérarchies sociales entre autres.

C’est d’une grande finesse, d’une grâce un peu surannée, mais la cruauté n’est jamais loin, car une sorte d’insatisfaction ou manque sourd chez tous les personnages, qui semblent à la poursuite de quelque chose dont ils ignorent eux-mêmes la nature. Rosamond Lehmann s’emploie à saisir ses instants si brefs et si décisifs à la sortie de l’adolescence pendant lesquels les contours d’une vie se décident, où un petit détail peut avoir une importance capitale, presque par inadvertance.

Un livre délectable pour ceux et surtout celles qui aiment les petites choses presque insaisissables qui font la trame d’une vie, et dont la véritable importance n’apparaît qu’à distance suffisante.

Je note, ça devrait beaucoup m'intéresser.

darkanny a écrit:

Je note, ça devrait beaucoup m'intéresser.

Essaie, mais je ne serais pas sûre que cela te plaira. Commence peut être par Une note de musique.

Comme Marko le mentionne dans un poste datant de 2009 et comme j’ai entendu Jonathan Coe le dire lui-même dans une lecture publique en discutant de son roman « The Rain Before it Falls », Rosamond Lehmann est son auteur favori et c’est grâce à elle qu’il est venu à l’écriture. (A ce propos l’héroïne de « La pluie, avant qu'elle tombe » se prénomme Rosamond et a une sœur qui s’appelle Beatrix comme celle de l’écrivaine.)

L’incident du merle noir que Jonathon Coe décrit dans son roman est un épisode autobiographique de Rosamond Lehmann juste avant d’apprendre la mort de sa fille. Elle a d’ailleurs arrêté d’écrire à ce moment-là et s’est tourné vers l’étude d’expériences psychiques à la place.

Je reprends ce qui a été écrit par Nézumi lors d'une lecture commune datant de quelques années déjà , ses appréciations ressemblant en de nombreux points aux miennes concernant Poussière:

Citation :

Je mets enfin mes impressions sur la fin du livre, mieux vaut tard que jamais.

D'un côté j'ai parfois été (légèrement) agacée par le coté très sentimental, et délicatement suranné (tous ces "exquisite", "wonderful", "charming" pour le décrire le moindre objet!) de ce roman et de cette atmosphère. A d'autres moments j'étais plutôt sous la charme. Car cela correspond si peu à ce que je lis habituellement.
Je retiens l'histoire de Judith comme quelqu'un de très solitaire et idéaliste, qui a toujours préféré le rêve à la réalité, et qui a vécu ses amours et sa sexualité dans une sorte de fantasme (chaste et innocent ), d'où de dures désillusions lorsqu'elle se rend compte de la véritable nature des choses et des gens. Un personnage voyant le monde à travers un filtre romanesque, comme une Madame Bovary junior en quelque sorte.
Le fait que tous les personnages ou presque du roman vouent un amour sans retour à quelqu'un, se bercent d'illusions (et pour être prosaïque se prennent de beaux râteaux), montre que ce travers de Judith est très humain, même si ici il est exacerbé. Pour rester dans les rapprochements littéraires, "Les illusions perdues" pourrait être le sous-titre de ce roman.
Maintenant, voir la réalité sans voile, dissiper ses rêves, est-ce une chose salutaire et préférable ? La fin du roman laisse une Judith désenchantée dans une sorte d'état de stupeur et de vide, dénué de sensations, de pensées. Avec tout de même la promesse d'un réveil, pas immédiat cependant.
Pour finir, en ce qui concerne la description de la nature, poétique, sensuelle et évocatrice, Lehmann n'a rien à envier à Colette.

Ah, et une dernière remarque! Que pensez-vous de cette abondance de scènes de bains ? Judith/Martin/Roddy dans la rivière, puis Judith et Jennifer, puis Judith/Martin/Mariella, puis Judith et Julian dans le torrent ?
Peut-être le moment où les personnages se mettent à nu, littéralement et métaphoriquement, laissent voir leur désir, arrivent presque à communiquer ? Ou parce que ces scènes sont toujours vues par les yeux de Judith (focalisation interne), donc ce pourrait être un simulacre d'acte sexuel ?

Tout comme Nézumi mes ressentis au fil de ma lecture furent une série de sentiments contrariés : non pas tant de l'agacement envers cette romantique exaltée, mais plutôt une sorte d'impatience ..... pour basculer quelquefois très rapidement sous le charme à travers une situation subtilement décrite par Rosamond Lehmann , experte dans l'art d'exprimer tout en nuances la complexité des relations humaines .... Assurément Judith dès sa prime enfance semble se complaire dans l'art d'intellectualiser chaque moment de sa vie : aucune légèreté et insouciance pourtant propre à la jeunesse ..... Solitaire et introvertie , plus à l'aise dans les sphères de son imagination que dans la vraie vie et les relations humaines , préférant la nuit au jour , cet enfant grandit dans son propre univers , sans réels repères affectifs (fille unique d'un intellectuel plus enclin à lui enseigner la littérature et les arts qu'à lui apporter une forme d'amour plus "paternel' et d'une mère évanescente )..... La présence ponctuelle d'enfants de son âge en vacances chez leur grand-mère  à proximité lui permettra de nourrir son imaginaire des années durant : sa relation avec chacun d'entre eux sera unique et complexe , souvent torturée à l'image de sa façon d'appréhender le monde en général .....
Cette petite fille , devenue jeune fille , enfin jeune femme représente uns sorte de paradoxe assez intéressant à travers l'écriture de l'auteure : son romantisme exacerbée formidablement traduit par des descriptions très poétiques , avec une nature omniprésente cohabite avec une cérébralité puissante ......... bizarrement on sent qu'un excès de 'nature et culture" empêche à Judith d'exulter ......
Dès l'enfance les scènes de bains , d'escapades dans cette campagne qui évoquent un tableau impressionniste , empreint de sensualité pleine de fraîcheur pourraient laisser à penser que Judith saurait vivre ses premiers émois amoureux avec fougue et passion , emportée par le désir charnel au service de sa puissance romantique : Il n'en sera rien , et naturellement la vie , la vraie , dans sa forme moins éthérée , sera vécue comme une blessure ..... Amoureuse de l'amour uniquement dans l'idéal , Judith laisse aller ses émotions de ci , de là ..... Chaque fois dans la projection et l'analyse mais ne sachant pas créer le lien en laissant parler le corps , l'âme et non l'esprit qui obstrue sa capacité d'aimer ....
A travers Judith l'auteur met en relief la complexité d'une personnalité brillante , victime de sa quête d'absolu et de ses idéaux .....
Il est important aussi de souligner que l'auteure a su aborder avec délicatesse , légèreté, l'homosexualité , ainsi que l'émancipation de la femme : belle audace pour l'époque et surtout quel talent pour l'exprimer sans sensiblerie , ni mièvrerie !
La fin du livre , exprimant le vide de Judith après ces premiers écueils dans la "vraie vie" laisse entrevoir peut-être une entrée dans la matière enfin .....
Sachant que l'écrivaine n'avait pas plus de 25 ans lors de l'écriture de ce roman , je suis toujours admirative de tant de maturité pour exprimer avec autant d'acuité la complexité des relations humaines  ; en outre le véritable talent de Rosamond Lehmann réside , à mon sens , dans cet art unique de la description : ce sont de véritables tableaux qu'elle nous livre dans lesquels ils fait bon se lover ....