Benh Zeitlin

san.romain a écrit:

C'est vrai, ce n'est pas Manichéen, mais l'attachement à la terre "originelle" est d'une force telle
que la société moderne apparaît aux yeux du père comme "dangereuse".

Pourquoi conserver cette terre ? C'est surtout une quête identitaire, un retour aux origines,
d'où le rapprochement symbolique avec les Aurochs qui rappellent le corps préhistorique !
C'est un très beau film, avec une force d'interprétation incroyable !

Très juste. Je vais d'ailleurs retourner le voir en famille.

Belle et bonne initiative Marko !

Je ne sors pas ultra enthousiaste de ce film, mais il est original dans sa réalisation. Je ne l'ai pas du tout senti moralisateur, donneur de leçon, ou je ne sais quoi. Je n'ai pas eu l'impression qu'on essayait de me faire adhérer aux idéaux anarcho-sauvages du père et de sa communauté. J'ai plutôt était prise par l'histoire d'Hushpuppy et de son père, leur relation violente, terrible, constructive et destructive, mais pleine d'amour (puis j'ai bien lu ce qui circule, mais je ne trouve pas que Wink soit un père si violent que ça. Il est dur mais il ne fait pas de mal à son enfant. Il ressemble plus à un gros ours qui pousse son bébé à grandir en le poussant tout seul dans la jungle - après lui avoir montré comment pêcher, fracasser un crabe ou tout détruire sur son passage).
C'est clairement initiatique, et j'admire la force de cette gamine, les scènes fantastiques lorsqu'elle affronte le monde, les gens, et lorsqu'elle s'attendrit en trouvant "sa" mère.
C'est clairement poétique dans certains moments, d'une poésie mystique, magique, et dans la chair.

Par contre... c'est vrai que sous un autre angle, je pourrais aussi trouver que ce film véhicule d'étranges idées qui peuvent mettre mal à l'aise : cette glorification d'une vie de bidonville, de crasse, d'alcool, de sauvagerie.
J'avoue que je l'ai accepté sans me poser des questions (pourquoi vouloir toujours que des gens vivent dans les conditions optimales si eux-mêmes sont heureux et accrochés avec rage à leur existence crasseuse ? Ce n'est pas parce qu'ils sont dans cette vie qu'ils demandent qu'on les suive. Juste qu'on leur foute la paix). Mais où est la limite entre l'acceptation et l'indifférence ? Jusqu'à quel point peut-on être certain que cette vie est un choix ? Pour Hushpuppy et les autres enfants par exemple ? Mais ce film ne m'a pas mise en position de me poser ces questions. Le cadre était posé, pas tellement remis en question, ou en opposition avec le monde civilisé (on en voit tellement peu).

Cela dit, j'étais tout de même entre deux. Pas trouvé l'insertion des Aurochs très bien amenée, par exemple. Un symbole que le réalisateur ne maîtrise qu'assez mal, et qui ne sert pas à grand chose finalement, dans ces images.
Un univers duquel je me sens très éloignée, mais une histoire et des personnages marquants. J'aime le côté Foutraque, rebelle, Pirate. Mais il m'a manqué des prises pour être "à fond". Ce Bassin n'est pas un monde rendu accessible.

Bref.
Un film original dans sa forme (aspect documentaire et un côté fable qui se côtoient) et son propos, avec quelques aspérités où s'accrocher, et, malheureusement, quelques données qui échappent.

Ce film suscite finalement pas mal de réactions différentes, rien que pour cela il est intéressant.

Mon avis est plutôt mitigé même si je considère également Benh Zeitlin comme un cinéaste prometteur. Il y a l'expression d'une énergie puissante, d'une sensibilité débridée dans ce portrait d'une relation père-fille, et son développement dans un espace clos et replié sur lui-même lui donne une certaine ampleur.
La mise en scène me semble cependant trouver assez vite ses limites : Zeitlin cherche à développer un imaginaire mais l'esthétisme et la répétition des plans (insistant successivement sur la saleté, les animaux, les visages figés) créent de la frustration et de l'agacement.
L'aspect moralisateur ne m'a pas marqué et chaque personnage perçoit ses propres insuffisances, alors que le monde extérieur est trop loin pour pouvoir être jugé. Le symbolisme (à travers une voix-off souvent inutile) est tout de même trop lourd pour convaincre.

Je l'ai revu ce soir. Plaisir renouvelé. Pour l'énergie et la fable qui font ces histoires qu'on n'oublie pas et qui restent dans l'imaginaire collectif. Sa construction est impeccable. Son sujet original. Ses acteurs intenses. J'en redemande!

Et là, au réveil, il me reste vraiment cette frustration de film pas assez Fabuleux. Comme le souligne Avadoro.

Et à la différence de toi Marko, je ne suis pas certaine qu'une deuxième vision confirme mon plaisir à voir ce film, il me manque la magie qu'il introduit vraiment mal. Et c'est frustrant (T'as trouvé le bon terme, Avadoro).

Dans Positif il dit être fasciné par les récits qui ont la mer et l'océan comme cadre. Il admire Moby Dick et espère en faire quelque chose un jour. Il est content qu'on l'associe à Malick et Jeff Nichols dont il adore le cinéma. Le rapport à la nature, le réalisme magique, le lyrisme. Toute cette tradition américaine qui va de Melville à Faulkner. Souhaitons lui une longue route.

Au passage, le film m'a évidemment évoqué au moins deux romans : Zola Jackson (Leroy) et Ouragan (Gaudé).
Et je ne retire rien à mon enthousiasme après une deuxième vision. Au contraire.

traversay a écrit:

Au passage, le film m'a évidemment évoqué au moins deux romans : Zola Jackson (Leroy) et Ouragan (Gaudé).
Et je ne retire rien à mon enthousiasme après une deuxième vision. Au contraire.

Idem

Je peux comprendre certaines réticences à l'égard de ce film..

Moi, ce qui m'a le plus gêné, c'est qu'il a changé deux ou trois fois
de façons de filmer, et de traiter le film (je parle du grain qu'il donne au début).
Du coup, certaines séquences sont difficiles à saisir.. je pense à la fuite de Hushpuppy
dans la forêt. Mais l'émotion est grandissante quand même dans ce film, c'est une belle
histoire de vie, d'amour, et de plaisirs simples..

Si il y a un enseignement à en tirer, ce n'est pas de vivre dans la crasse,
ce n'est pas d'abandonner la société capitaliste (comme dans Into the Wild),
c'est de retrouver une pureté, une innocence de la vie, comparable à l'instinct animalier.
Nous ne sommes pas des bêtes, et pourtant..

-Les Bêtes du sud sauvage-

Je n'y serai pas allée sans les critiques élogieuses, mais ce film m'a embarquée d'entrée par son lyrisme. Comme la plupart d'entre vous, je ne l'ai pas trouvé moralisateur ni quoi que ce soit de ce genre du fait que l'on reste constamment à hauteur de la petite fille (trop craquante) forcée de se construire au sein d'un monde insalubre et sauvage. Marko relève bien ce qui en fait tout le charme, le fait qu'au travers des yeux de l'enfant, le spectateur parvienne à entrevoir ce qui fait la magie de cet univers pourtant bien glauque et qu'elle va devoir affronter seule.

C'est ce mélange de réalisme assez sordide et de poésie qui peut complètement séduire (ou pas, comme Senti) L'histoire des Aurochs est plutôt belle je trouve, elle ajoute à ce mélange de brutalité et de féérie, même si la confrontation (visuelle) des deux puisse paraître un peu plus lourde au final.

Le film n'évite pas quelques répétitions et pathos (sur la fin) mais je suis d'accord, arriver à créer un tel espace visuel et imaginaire à la fois, à tout juste 27 ans, là je dis chapeau. De petits défauts (cette caméra au poing du début, lâchée assez vite heureusement pour moi, et le côté parfois bordélique avec la communauté qui se barre de l'hopital par exemple) mais de grosses qualités (inventivité, puissance, énergie) font de ce film une oeuvre qui fera date, c'est certain.
Une mention spéciale à la musique

Musique de Dan Romer et du réalisateur lui-même.

La dernière photo est géniale.

Je la cherchais et j'ai fini par la trouver. Je l'adore aussi.