Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Benh Zeitlin

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Igor
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:01

Débat contradictoire? Intéressant!
Ça me rends curieux de le voir
Mais où le voyez vous ce film. Par ici (11100) pas programmé ni à la salle "Art et essai" ni cgr méga pop-corn...
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eXPie
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:13

topocl a écrit:
Queenie a écrit:
En voyant ce film je n'avais pas du tout pensé qu'on aurait pu à ce point être agacé par ces marginaux, et voir dans ce film une apologie (?) de cette marginalisation. Je l'ai plus vu comme un regard tendre qui se pose sur une communauté, avec ses règles, ses codes, ses repères. Quelque chose de très animal et de très trivial (et l'introduction des aurochs, de la médecine de plante, des éléments qui se déchaînent... etc) auquel ils s'attachent parce que c'est leur vie. Après, le pourquoi du comment ils en sont là, et pourquoi ils ne s'en vont pas, parler de bonheur et de choix... Avez-vous vraiment vu et senti que le réalisateur essayait de donner un sens rationnel, sociologique, psychologique et autre à tout ça ?
Je ne l'ai pas du tout vu ainsi.
Peut-être qu'après, oui, ça vient plutôt du regard que l'on pose en général sur ce genre d'existence, notre compréhension du monde. Là, d'accord.

Mais, sans avoir adoré ce film, je n'ai vraiment pas eu l'impression qu'on me faisait une leçon de morale.
(Sinon je l'aurais dégommé)

je pense que je suis quelqu'un de très rationnel et que le côté animal et trivial, de même que la "philosophie " (le texte off) m'ont plus gênée que séduite . Et le côté "voyez comme ils sont heureux dans leur différence":ils m'ont quand même l'air en grande souffrance, même s'ils sont fiers de leur choix. Ils ne m'ont pas agacée, c'est la façon de les monter avec comme sous-entendu (ou ce que j'ai vu comme un sous-entendu) qu'ils ont plus de valeur que des gens plus communs qui m'indispose. La petite fille triomphe de tout, mais à quel prix?
Le texte off, ça fait un peu "Terence Mallck light". Au moins, on comprend (et, comme tout ce qu'on comprend, c'est tout de suite moins profond que les propos abscons de Terrence Malick), et il n'y en a pas tout le temps. La fin - même s'il y a des différences évidentes - m'a furieusement fait penser à Nausicää.
J'avais peur que la petite fille m'agace, mais non, finalement c'est passé. J'aime bien sa transformation quand on la voit habillée avec sa petite robe, bien coiffée et tout...

Globalement, j'ai trouvé le film pas mal, même s'il cède au syndrôme "même quand il n'y a rien qui se passe, la caméra bouge mais on ne comprend pas pourquoi - il n'y a pas de stabilisateur d'image ?", sans doute pour donner un supplément d'énergie. Sur la forme, ça tient bien. Sur le fond, son histoire d'aurochs, tout ça, c'est un peu fumeux, quand même... Et quand l'héroïne va sur l'espèce de bateau, et que le type lui dit quelque chose du genre "tu es exactement là où tu dois être", c'est l'un des deux plus grands clichés du cinéma avec le "follow your heart" de la philosophie Disney.
Mais bon, j'ai repensé au début de Rubber (passé il y a peu sur le câble), qui disait que dans tous les films il y a des trucs qui n'ont absolument aucun sens, mais que c'est comme ça.
C'est vraiment très bien pour un premier film, on va voir après s'il a vraiment quelque chose à dire qui tiendra sur la durée, au-delà de l'éblouissement des images, de la forme et de l'énergie des acteurs.

Bref, un peu comme Queenie, je n'ai pas trouvé ça moralisateur, on voit des gens qui vivent à l'écart, mais je ne me suis pas trop interrogé plus loin sur leurs motivations, à part le fait que la nature, c'est beau, alors que les cheminées d'usine, là-bas, c'est tout moche. Et, effectivement, en filmant aussi bien la nature, ça donne envie d'y rester. C'est vrai, quoi, on a tout. Tu veux du poisson frais ? Tu mets ton bras dans l'eau, et deux minutes après (soit moins de temps que pour aller au Monoprix du coin), tu peux te faire un super sushi ou une grillade dont tu me diras des nouvelles. Quand on a de la super bouffe à l'oeil, des potes pas loin et de la boisson, pourquoi partir ?
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:19

topocl a écrit:
Queenie a écrit:
En voyant ce film je n'avais pas du tout pensé qu'on aurait pu à ce point être agacé par ces marginaux, et voir dans ce film une apologie (?) de cette marginalisation. Je l'ai plus vu comme un regard tendre qui se pose sur une communauté, avec ses règles, ses codes, ses repères. Quelque chose de très animal et de très trivial (et l'introduction des aurochs, de la médecine de plante, des éléments qui se déchaînent... etc) auquel ils s'attachent parce que c'est leur vie. Après, le pourquoi du comment ils en sont là, et pourquoi ils ne s'en vont pas, parler de bonheur et de choix... Avez-vous vraiment vu et senti que le réalisateur essayait de donner un sens rationnel, sociologique, psychologique et autre à tout ça ?
Je ne l'ai pas du tout vu ainsi.
Peut-être qu'après, oui, ça vient plutôt du regard que l'on pose en général sur ce genre d'existence, notre compréhension du monde. Là, d'accord.

Mais, sans avoir adoré ce film, je n'ai vraiment pas eu l'impression qu'on me faisait une leçon de morale.
(Sinon je l'aurais dégommé)

je pense que je suis quelqu'un de très rationnel et que le côté animal et trivial, de même que la "philosophie " (le texte off) m'ont plus gênée que séduite . Et le côté "voyez comme ils sont heureux dans leur différence":ils m'ont quand même l'air en grande souffrance, même s'ils sont fiers de leur choix. Ils ne m'ont pas agacée, c'est la façon de les monter avec comme sous-entendu (ou ce que j'ai vu comme un sous-entendu) qu'ils ont plus de valeur que des gens plus communs qui m'indispose. La petite fille triomphe de tout, mais à quel prix?
Comme Topocl, ce côté "voyez comme ils sont heureux dans leur différence" m’a beaucoup gênée (agacée ?) car je n’y vois que de la souffrance, de l’aliénation et de l’annihilation de soi. Rester dans ces conditions n’est pas pour moi un témoignage de force ni de courage mais tout le contraire. C’est le regard naïf du réalisateur sur cette communauté qui ne me convient pas. Puis sa vision aussi de l’alcoolisme. On ne peut pas être libre de ses choix et heureux lorsqu’on est alcoolique, c’est antinomique. L’alcoolisme, c’est la fuite, le retrait, la dépression, la dévalorisation de soi. Et toute petite fille vivant avec un père alcoolique vous le dira. Pour moi, ce regard naïf du réalisateur ne passe pas du tout, ça coince même complètement. Je suis sans doute restée trop terre à terre, raison pour laquelle ce film ne m'a jamais transporté, je n'ai pas pu m'élever en restant au ras du sol.


Dernière édition par sentinelle le Sam 29 Déc 2012 - 10:25, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:21

eXPie a écrit:


Le texte off, ça fait un peu "Terence Mallck light". Au moins, on comprend (et, comme tout ce qu'on comprend, c'est tout de suite moins profond que les propos abscons de Terrence Malick), et il n'y en a pas tout le temps. La fin - même s'il y a des différences évidentes - m'a furieusement fait penser à Nausicää.
J'avais peur que la petite fille m'agace, mais non, finalement c'est passé. J'aime bien sa transformation quand on la voit habillée avec sa petite robe, bien coiffée et tout...

Globalement, j'ai trouvé le film pas mal, même s'il cède au syndrôme "même quand il n'y a rien qui se passe, la caméra bouge mais on ne comprend pas pourquoi - il n'y a pas de stabilisateur d'image ?", sans doute pour donner un supplément d'énergie. Sur la forme, ça tient bien. Sur le fond, son histoire d'aurochs, tout ça, c'est un peu fumeux, quand même... Et quand l'héroïne va sur l'espèce de bateau, et que le type lui dit quelque chose du genre "tu es exactement là où tu dois être", c'est l'un des deux plus grands clichés du cinéma avec le "follow your heart" de la philosophie Disney.
Mais bon, j'ai repensé au début de Rubber (passé il y a peu sur le câble), qui disait que dans tous les films il y a des trucs qui n'ont absolument aucun sens, mais que c'est comme ça.
C'est vraiment très bien pour un premier film, on va voir après s'il a vraiment quelque chose à dire qui tiendra sur la durée, au-delà de l'éblouissement des images, de la forme et de l'énergie des acteurs.

Bref, un peu comme Queenie, je n'ai pas trouvé ça moralisateur, on voit des gens qui vivent à l'écart, mais je ne me suis pas trop interrogé plus loin sur leurs motivations, à part le fait que la nature, c'est beau, alors que les cheminées d'usine, là-bas, c'est tout moche. Et, effectivement, en filmant aussi bien la nature, ça donne envie d'y rester. C'est vrai, quoi, on a tout. Tu veux du poisson frais ? Tu mets ton bras dans l'eau, et deux minutes après (soit moins de temps que pour aller au Monoprix du coin), tu peux te faire un super sushi ou une grillade dont tu me diras des nouvelles. Quand on a de la super bouffe à l'oeil, des potes pas loin et de la boisson, pourquoi partir ?

Tu dis toujours tout très bien eXPie!
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:33

L'auroch est évoqué par l'institutrice comme lié à la glaciation. La gamine en fait la représentation de toutes les menaces qui pèsent sur eux. Si l'eau monte c'est que la glace a du fondre et libérer les aurochs forcément! Je trouve cette idée super belle de déplacer sa peur (et son espoir en meme temps) par l'imaginaire comme Pi le fait avec le tigre dans son odyssée. Et le cinéaste matérialise ce fantasme comme s'il était une réalité. Il ne reste plus qu'à les affronter et les regarder en face. Je me souviens dans Tropical Malady d'Apichatpong Weerasetakhul que le héros du film contemplait aussi sa propre peur dans le regard de la panthère/chaman qui l'invitait à se libérer sa tristesse et sa peur de la mort (déjà le deuil comme dans Pi). C'est la survivance d'une pensée archaïque et animiste. Ça me plaît qu'on représente ces fantasmes inconscients comme une réalité concrète. C'est le propre du réalisme magique. Et Moby Dick est l'ancêtre de ces créatures métaphoriques dans la littérature américaine.
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 10:42

Marko a écrit:
L'auroch est évoqué par l'institutrice comme lié à la glaciation. La gamine en fait la représentation de toutes les menaces qui pèsent sur eux. Si l'eau monte c'est que la glace a du fondre et libérer les aurochs forcément! Je trouve cette idée super belle de déplacer sa peur (et son espoir en meme temps) par l'imaginaire comme Pi le fait avec le tigre dans son odyssée. Et le cinéaste matérialise ce fantasme comme s'il était une réalité. Il ne reste plus qu'à les affronter et les regarder en face. Je me souviens dans Tropical Malady d'Apichatpong Weerasetakhul que le héros du film contemplait aussi sa propre peur dans le regard de la panthère/chaman qui l'invitait à se libérer sa tristesse et sa peur de la mort (déjà le deuil comme dans Pi). C'est la survivance d'une pensée archaïque et animiste. Ça me plaît qu'on représente ces fantasmes inconscients comme une réalité concrète. C'est le propre du réalisme magique. Et Moby Dick est l'ancêtre de ces créatures métaphoriques dans la littérature américaine.
Ce fantasme est présenté comme une réalité, parce qu'il n'y a pas que la gamine qui les voit, non ? Les autres aussi sont sidérés de voir la gamine leur faire face... Ce n'est donc plus une peur individuelle, mais une hallucination collective ?
J'ai l'impression que j'essaye de rationaliser ce qui n'a pas lieu de l'être...

D'accord pour le réalisme magique, donc.
Et au-delà de tout ça, la scène de confrontation est scotchante, ce qui n'était pas gagné sur le papier...
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MessageSujet: Re: Benh Zeitlin   Benh Zeitlin - Page 4 EmptySam 29 Déc 2012 - 15:17

Un bon résumé de la fonction du réalisme magique (Wikipédia):

Citation :
Les réalismes merveilleux ou magique ont généralement pour but de saisir une réalité avérée à travers la peinture quotidienne de populations latino-américaines ou caribéennes pour en révéler toute la substance fabuleuse, irrationnelle, parfois étirée jusqu’au rang de mythe. La notion traditionnelle de « réalisme » est dépassée par l’intervention du fantastique dans l’œuvre sans que le statut de celui-ci ne pose problème ou ne soit mis en doute par la fiction et les personnages. La question qui n’a en revanche cessé de diviser les esprits dans les débats autour du réalisme magique et du « réel » ou « réalisme merveilleux » est celle de la nature et du rôle des éléments magiques, merveilleux et mythologiques recensés dans les textes ou œuvres d’art concernés. Pour les uns, ces éléments sont des caractéristiques authentiques de la culture dont est issue l’œuvre comme la mystique autochtone, la foi dans la magie et le miracle chez les populations indigènes par opposition au rationalisme attribué à la civilisation occidentale : une démarche littéraire dont le « réalisme » inclut le témoignage de la croyance au surnaturel comme mode de vie quotidien des tribus ou des peuples dépeints. Pour les autres, il s’agit d’aspects esthétiques particuliers, inhérents au style et à la psyché d’un auteur qui interroge, à la manière des modernistes ou des postmodernes, les concepts de « fiction », de « sens » et de « vérité » pour se jouer des codes et des artifices du roman dont l’autorité paraît minée.
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