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Chymère a écrit:

Lorsque la maison crie - Sylvain Michelet

Fascinante plongée au cœur des tensions qui peuvent animer une famille, une maison... parfois capables de déclencher des phénomènes de poltergeist (ou "esprit frappeur" en français, c'est à dire des objets qui valsent - parfois au mépris total des lois physiques -, de pluies de pierres, bruits de pas, odeurs diverses, parfois des voix ou plus rarement des apparitions de silhouettes, voire des phénomènes électriques. Le poltergeist est multiforme, souvent ironique et farceur, effrayant mais en soit inoffensif - je n'ai jamais eu connaissance de cas de blessures... ).

Sylvain Michelet enquête auprès des quelques courageux chercheurs français s'intéressant à ce type de phénomènes, de guérisseurs, de psychologues et interroge aussi bien les thérapies familiales (psychanalyse, école de Palo Alto, systémisme) que la physique quantique. Bref, auprès de personnes qui écoutent la détresse des personnes touchées (parce qu'il s'agit de cas de véritables souffrances psychique) et cherchent au lieu de ricaner.

Son seul défaut serait d'être trop court, je dirais... mais difficile d'avoir toutes les réponses à ces phénomènes qui bousculent toute logique rationnelle et perturbent notre appréhension même de ce que peut être la matière ou l'esprit (ce que fait au demeurant la physique quantique)...

J'en ai entendu parler...
Tu n'as pas l'air d'avoir réussi à satisfaire ta curiosité. Est-ce que ça ressemble plus à un amas de témoignages qu'à une véritable étude ?

Bédoulène a écrit:

Coli je viens seulement de voir ta lecture de Palaiseul, qui me parait des plus intéressant.

Si tu considères que ça pourrait t'intéresser, n'hésite pas à le lire. C'est une mine d'informations...

Colimasson a écrit:

Est-ce que ça ressemble plus à un amas de témoignages qu'à une véritable étude ?

Au contraire.
Il y a 3 cas vraiment décrits, et comme je le disais, ça part du phénomène poltergeist pour aller vers plusieurs horizons différents (et des cas/témoignages, il y a en a beaucoup à trouver ailleurs, dans des bouquins ou sur le net, de toute façon).
Si ma curiosité n'est pas satisfaite, c'est probablement parce que celle-ci est insatiable plutôt. Et peut-être aussi qu'il reste plus sur un terrain psychologique aussi... Mais c'est vraiment un bouquin intéressant.

L'ombre des taliban Ahmed Rashid

Un mot sur l'auteur : Ahmed Rashid est un journaliste pakistanais qui explore l'Afghanistan depuis 1979. L'ombre des taliban a été publié en 2000, c'est-à-dire avant les évènements du 11 septembre, ce qui n'enlève rien à la richesse du matériau proposé par l'auteur.

A ceux qui comme moi se demandent comment il est encore possible que des Afghans 'vivent' pour ne pas dire survivent en Afghanistan, je recommande vivement la lecture de ce livre passionnant à bien des égards.

A l'ombre des taliban a tout d'abord le mérite de répondre le plus simplement possible aux trois questions essentielles : qui sont les taliban, d'où viennent-ils, que défendent-ils ?

Les taliban sont essentiellement des étudiants d'origine afghane, vivant dans des madrasas (écoles coraniques) au Pakistan (où leurs familles se sont réfugiés au moment de l'invasion de l'Afghanistan par les soviétiques), ils sont sunnites et Pachtounes, ils défendent l'idée d'un Islam basé sur la Charia (qu'ils interprètent à leur manière).

Une fois cette question réglée, Ahmed Rashid nous propose un résumé de l'histoire de l'Afghanistan à partir de 1989, c'est-à-dire au moment du retrait des troupes soviétiques et de la victoire des moudjahidin. Le pays est alors incapable d'échapper à la guerre civile et c'est en 1994 que les taliban entrent en scène en prenant la ville de Kandahar. A travers le récit de ces premières victoires, Ahmed Rashid nous fait le portrait d'un pays malade de ses tensions ethniques, diplomatiques, économiques et religieuses, avec au sud des Pachtounes sunnites qui acclament les taliban et au nord une coalition bigarrée (et pas toujours unies) de non-pachtounes (essentiellement des Tadjiks dont le fameux colonel Massoud et des Ouzbeks, mais pas seulement) et une ethnie chiite (les Hazara qui seront 'nettoyés' par les taliban).

Une fois bien comprises les dissensions au sein même de la société civile afghane, Ahmed Rashid élargit son propos au voisin direct (le Pakistan, fournisseur d'armes, d'argent et d'hommes en très grand nombre) mais aussi rappelle les jeux dangereux auxquels se sont livrés les deux alliés historiques du Pakistan, à savoir l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis. Nous passons ici à une vision passionnante de la géopolitique de cette région plus que sensible. A l'engagement diplomatique s'ajoute rapidement les enjeux économiques (pétrole et gaz) donnant aux nouveaux pays d'Asie Centrale à peine sortis de la tutelle soviétique, une place de choix dans ce nouveau Grand Jeu. Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan seront tour à tour des interlocuteurs importants dans l'affolante nouvelle donne des années 90. Bien sur, s'immisceront dans ce jeu l'Iran, la Turquie et Israël. Chaque rouage, chaque engagement seront étudiés avec minutie par l'auteur (ne nous privant pas de quelques pages un peu fastidieuses bourrées de chiffre concernant la production de pétrole ou de gaz, la longueur hypothétique des gazoducs et autres statistiques ébouriffantes). Mais surtout, Rashid nous présente un tableau édifiant du manque de réalisme chronique des Etats-Unis face à des pays dont ils ne parviennent pas à comprendre les politiques et les mentalités, les lignes de force et les nombreuses faiblesses.

A la vision géopolitique claire et instructive de l'auteur s'ajoute une description fine, visant à l'impartialité à propos des taliban, de leur absence totale de projection politique, préférant protéger Ben Laden au mépris de leurs intérêts nationaux, eux qui ont une haute idée de l'honneur du clan et de la tribu mais n'ont aucune vision étatique et encore moins gouvernementale, préférant plonger les populations dans l'obscurantisme religieux, la drogue, la misère et la faim, défendant un fondamentalisme religieux qui ouvre ses portes toute grande au fanatisme, au terrorisme et à l'exclusion de la scène politique mondiale. Choisissant plus souvent le camp des bandits de grands chemins, de la mafia des transports et autres corporatismes belliqueux, que celui d'une reconstruction économique et politique. Exploitant les guerres ethniques à leur avantage plutôt que de chercher l'union et un improbable mais possible discours commun.

Ce livre, passionnant, s'arrête à la veille des attentats du 11 septembre, au moment où les américains prennent conscience publiquement de la terreur que les taliban font subir à leurs concitoyens et qu'ils renoncent à toute aide militaire, financière ou logistique.

Ce livre qui permet de mieux comprendre pourquoi l'Afghanistan est toujours aujourd'hui une terre en feu, privée de lois, rendue muette, constellée de mines, énuclée par le fondamentalisme religieux, est aussi un livre qui me donne envie d'aller explorer d'autres voies, d'autres intrigues, d'autres problématiques ; dont celles-ci :

Ahmed Rashid souligne à plusieurs reprises cette évidence : le retrait soviétique d'Afghanistan a signé la mort du communisme en URSS. Les Afghans en sont puissamment (et à juste titre il me semble) conscients et fiers. N'ayant jamais envisagé la fin de la Glasnost et de la Perestroïka avec le filtre afghan, je serai curieuse d'en savoir plus à ce sujet.

D'autre part, Ahmed Rashid montre avec un éloquent à propos à quel point les leaders d'opinion et les groupes de pression américains (essentiellement le lobby juif et les féministes américaines mais également les stars de Hollywood !!) ont influé sur la politique américaine de Bill Clinton. Ce qui me donne envie d'aller aussi explorer un peu la manière dont ces groupes font et défont les politiques actuelles.

Pardon pour la longueur de ce post.

Et c' est qui l' éditeur ? J' ai du mal à le lire.

bix229 a écrit:

Et c' est qui l' éditeur ? J' ai du mal à le lire.

il s'agit de l'excellente maison d'édition : Autrement collection Frontières

Ouvrage se servant du prétexte de l’amour des bêtes pour divaguer sur plus de sept cent pages à propos de l’amour de la philosophie, dans ses aspects les plus élitistes et rébarbatifs.


Si, pendant longtemps, l’amour des animaux n’a pu s’exprimer sans le rabaissement de l’être humain, le phénomène se prolonge avec ce livre. Comprendre le silence des bêtes n’est pas donné au premier animal venu ; mais il faut être bien prétentieusement humain pour croire que leur dignité ne pourra leur être conférée sans une austère litanie de toutes nos plus tristes créations intellectuelles.


Il manque à cet ouvrage la simplicité et l'intelligence émotionnelle d'un Elias Canetti (Le Territoire de l'Homme), heureusement cité en exergue de chaque partie de cet ouvrage :

Citation :

« Son chagrin : ne pas s’être ouvert depuis toujours à toute manifestation de la vie, même la plus infime. Son chagrin : des dizaines d’années d’orgueil. »

Citation :

« Le principe de l’art : retrouver plus que ce qui s’est perdu. »

Citation :

« Les bêtes auraient-elles moins peur parce qu’elles vivent sans la parole ? »

Citation :

« Le geste de l’idiot profond, dans sa nécessité, m’émeut davantage que celui du Tout-Puissant. »

Citation :

« La Terre abandonnée, surchargée de lettres de l’alphabet, étouffée sous les connaissances et plus aucune oreille qui soit à l’écoute dans le froid. »

Citation :

« On n’est jamais suffisamment triste pour faire que le monde soit meilleur. On a trop vite faim de nouveau. »

Citation :

“Je ne veux inspirer de peur à personne. Rien au monde ne me ferait autant rougir. »

Elisabeth de Fontenay revient sans cesse sur une explication étymologique des mots. Pour nous éclaircir...

Citation :

« La langue latine a trois façons de nommer les êtres vivants qui respirent. Bellua signifie « bête », par opposition à « homme ». Le mot accentue parfois la grandeur, la férocité, l’inintelligence, et peut servir d’insulte : être bête, imbécile. Il est d’emploi plus noble que bestia, terme populaire, qui désigne toute espèce d’animal, sauvage ou domestique. D’un usage moins familier, pour les grammairiens et les juristes, bestia dénomme plutôt les animaux féroces. […] Animal, enfin, qui signifie « être vivant », vient d’animalis, « qui respire », lequel vient d’animans, « qui possède le souffle », ces mots traduisant le grec empsuchon et psuchè. »

...aussi bien que pour nous embourber...

Citation :

« La parenté de la chair qu’on mange (sarx) et de la chair qui constitue la pesanteur d’un corps (sôma) rebelle à l’âme, fait que le goût communique aux autres sens sa démesure honteuse comme en un crescendo de dépravations, une surenchère de sensualité, menant en fin de compte et paradoxalement à l’insensibilité criminelle : il ne serait pas antiplutarquien de nommer cette transgression de toutes les transgressions « péché de chair », en deçà ou par-delà l’acception chrétienne d’un tel syntagme. »

Citation :

« La manière de se représenter le continu va certes se transformer au cours de l’œuvre, mais la conjecture du « plein » -malgré la théorie des molécules organiques et surtout malgré la considérable exception que lui inflige l’humanisme anthropologique –ne se démentira pas, constituant un soutien épistémologique pour un nomenclateur qui se veut fidèle à la réalité, libérée des classifications systématiques et purement nominales à la Linné. »

De temps en temps, de bons rappels des paradoxes concernant la question de l'âme animale.

Citation :

« Le raisonnement se résume ainsi : il serait injuste que souffre celui qui n’a pas péché ; or les animaux n’ont pas péché ; donc il n’est pas possible, en droit et par conséquent en fait, qu’ils éprouvent de la douleur. Voilà un bel échantillon de syllogisme fautif, d’autant plus étonnant que Malebranche fut aussi un expérimentateur. »

Citation :

« Si, pour garder à l’âme humaine le statut d’immortalité, on l’étend aux bêtes, à toutes les bêtes, que fera-t-on de cette prolifération, de ce grouillement d’âmes immortelles ? »

*peinture de Richard Müller, Philosophes, 1918

Coli !      

La  dame semble un peu solennelle à la radio, mais j' attendais mieux de ce livre... 

Coli, les premières citations sont de Canetti, et les suivantes de Elisabeth de Fontenay, c'est bien ça?

colimasson a écrit:

Citation :

« Les bêtes auraient-elles moins peur parce qu’elles vivent sans la parole ? »

Citation :

« On n’est jamais suffisamment triste pour faire que le monde soit meilleur. On a trop vite faim de nouveau. »

Citation :

“Je ne veux inspirer de peur à personne. Rien au monde ne me ferait autant rougir. »

J`aime bien ces citations d´Elias Canetti.

topocl a écrit:

Coli, les premières citations sont de Canetti, et les suivantes de Elisabeth de Fontenay, c'est bien ça?

Oui, c'est cela.
Rien à dire, Elisabeth de Fontenay m'a donné envie de lire ce livre de Canetti. Et j'ai vraiment du mal avec sa manière d'aborder la philosophie, voire n'importe quel autre sujet (elle a aussi contribué à un livre sur l'histoire de la psychanalyse, dont je parlerai prochainement, et il m'a semblé reconnaître à nouveau son style lourd et satisfait).

Routes de la Soie La mémoire retrouvée de l'Afghanistan sous la direction d'Olivier Weber et de Samuel Douette

Après avoir lu très attentivement le livre de Ahmed Rashid (commentaire à lire ici), j'ai eu envie de poursuivre mon voyage et ma découverte de l'Afghanistan avec un petit livre publié aux Editions Mille et une nuits et qui rassemble les témoignages en forme d'articles assez courts mais nombreux d'une mission française réalisée en 2003.

Il s'agissait pour les journalistes, les scientifiques et tous ceux qui ont participé à ce voyage de faire, en quelque sorte, l'état des lieux d'un pays qui échappaient tout juste à l'emprise des talibans et commençaient à redevenir fréquentable/visitable. Surtout, il s'agissait pour les uns et les autres d'évoquer la mémoire ancienne et la mémoire retrouvée de ce pays aux milles visages et aux mille et une histoires.

On y trouve donc les contributions, souvent enrichissantes de géographes, d'archéologues, d'historiens, de restaurateurs d'art, de femmes et d'hommes qui parlent beaucoup de la déshérence de ce pays mais sans jamais oublier de glisser dans leur papier une note d'espoir pour un pays encore aujourd'hui en pleine reconstruction.

Il y est à la fois question de l'Afghanistan d'hier et de celui de 2003, avec la désormais emblématique image des grottes de Bamiyan dans lesquels les Bouddhas n'existent plus. Mais c'est aussi de Bamiyan que le photographe Reza parle d'une ONG qui passant de villages en villages avec ses projos et ses films donne à voir aux hommes, aux enfants et parfois aux femmes quand elles osent sortir de leur isolement, l'ancien aspect d'un pays où les Bouddhas étaient en place, où le minaret de Djam était une gloire ou les images servaient (et servent à nouveau) à éduquer une population très peu scolarisée (et cela sur des générations…).

Un petit livre qui parle également avec beaucoup de réalisme de la situation des femmes, des filles afghanes, privées d'école et d'instruction, des paysans qui préfèrent la culture plus rentable du pavot à des plantations vivrières, de l'insécurité des mines (des milliers de morts et de blessés par an encore aujourd'hui en 2014) et des trafiquants d'art (une mafia internationale vivant largement de ce trafic).


Bref un livre instructif, qui passe de thèmes en thème tout en essayant d'aborder de manière réaliste, sereine et cependant pleine d'émotion la vie quotidienne des Afghans.

Si vous le croisez, n'hésitez pas à l'ouvrir !

Je continue le voyage avec :

Philippe Frey - Le scorpion d'Orient

Il s'agit de l'aventure un peu folle d'un ethnologue désirant traverser sur 4 000 km les déserts reliant l'Inde à l'Iran.
Philippe Frey a l'avantage d'être un familier des chameaux (il a déjà traversé le Sahara) et il est un brin inconscient… car pour faire cette traversée, il doit passer la frontière entre l'Inde et le Pakistan (nous sommes en 1996 et les relations entre les deux pays sont plus que très tendues).

Après avoir parcouru dans sa longueur le désert de Thar en Inde (dans lequel j'ai eu la chance de pouvoir dormir à la belle étoile ou plutôt sous une lune éclatante !), Philippe Frey ne parvient pas à passer la frontière. Il est arrêté par une patrouille indienne (en territoire pakistanais) et renvoyé à Jaisalmer (magnifique cité-forteresse sise en plein désert), où il est enfermé et soupçonné d'être un espion. Il entame une grève de la faim jusqu'à ce qu'il comprenne que personne n'est au courant de sa situation et qu'il peut bien se laisser mourir, personne ne le saura, il sera considéré comme mort dans le désert, perdu et sans doute enterré par les dunes de sable mouvantes… Grâce à un intouchable, il parvient à prévenir sa famille et l'ambassade de France. Il est tiré de prison (il faut imaginer ses conditions de détention assez incroyables !) et renvoyé en France avec interdiction de revenir en Inde.

Quelques mois plus tard on le retrouve au Pakistan. D'où on lui interdit la traversée du désert du Sind.

Il décide donc d'aller en Iran où il obtient les autorisations nécessaires pour s'aventurer dans le désert du Lout (que jamais aucun voyageur n'a parcouru dans sa longueur). Ce désert est à la fois un désert de sel et de sable, grandiose, impressionnant et qui abrite parfois quelques trafiquants-passeurs de drogue qui n'ont aucun scrupule à racketter l'occidental… et à vouloir lui faire la peau. Philippe Frey finit par passer la frontière pakistanaise en fraude et arriver jusqu'à l'Indus. L'aventure est bouclée.

Je n'ai pas pu m'empêcher de vibrer (et aussi de retrouver mille sensations indiennes à l'évocation du désert du Thar, de Jaisalmer, des relations indo-pakistanaises, de la foire au chameau de Pushkar qui se montait lorsque nous y étions et qui est la plus grande foire aux chameaux du monde…) en lisant ce récit. Alors même si le texte ne brille pas par son style, ni son introspection, ni par la description (très succincte) des paysages comme des hommes, j'ai eu plaisir à suivre les péripéties de cet ethnologue pur jus, aventurier cinglé dans un monde où tout lui est hostile (désert, hommes, bêtes…). Et j'ai bien aimé aussi la leçon qu'il donne à ceux qui pensent que le désert est avant tout un endroit mystique : non, détrompez-vous, le désert est un endroit dangereux si on n' y est pas attentif à tout (au terrain, aux bêtes, à la direction…), il faut être toujours en éveil et prêt à accomplir le geste nécessaire, loin de toute contemplation passive d'un monde profondément hostile mais puissamment enchanteur.

Je suis allée encore un peu plus loin à l'Est ! (pour la LC Japon) :

Histoire du Japon et des Japonais. Des origines à 1945 par Edwin O. Reischauer

Je recommande très chaleureusement ce livre à tous ceux qui comme moi ne connaissent rien du Japon. Ils y découvriront un texte d'une très grande lisibilité, simple dans son déroulement chronologique, brassant habilement les grandes forces d'un pays qui oscille entre sa très forte attirance pour l'autre (la Chine au VIème siècle de notre ère, puis l'occident et son impérialisme) et un repli attentif sur soi-même (fermeture des frontières au XVIème siècle et massacre de chrétiens…).

Sans jamais dérouter son lecteur, Reischauer (qui est né au Japon) s'applique à démontrer comment le Japon est devenu en l'espace d'un siècle, une super puissance industrielle, étant passé d'un état féodal (dont la constitution et l'équilibre forment la grande partie de cet essai) à une sorte de démocratie encore brouillonne et toujours tiraillée par le désir de conquête extra-territoriale et un ultra nationalisme vivace (l'essai s'arrête en 1945).

Sans oublier l'influence des idées, des religions et des hommes qui les incarnent, Reischauer montre l'infiltration progressive du bouddhisme venu de Chine et transformé par les goûts japonais, la résurgence progressive du shintoïsme (religion initiale du Japon), l'influence du zen sur l'esprit samouraï et les trois rituels que sont : la composition florale, le service du thé et l'organisation des jardins (trois traditions qui sont encore l'apanage du Japon), puis la percée (vite contenue voir jugulée) du christianisme apportant des idées neuves et révolutionnaires dans un pays en plein repli sur lui-même. Les deux siècles de l'ère pacifique de la période Tokugawa ouvrant sur la Restauration Meiji et la volonté de moderniser (par tous les moyens) le pays (y compris par la corruption entre élite et gouvernants).

Bref, je n'ai pas seulement beaucoup appris sur le Japon (sa construction, son Histoire, les hommes et les femmes qui la peuplent) mais j'ai aussi le sentiment d'avoir compris comment et pourquoi certains évènements ont pu avoir lieu au Japon, tant l'articulation des chapitres et à l'intérieur des chapitres donnent le sentiment d'un continuum (et quand des changements de cap inexpliqués surviennent, l'auteur n'hésite pas à dire son ignorance).

Une très riche et en même temps simple entrée en matière pour découvrir le Japon et ses habitants. Précieux !

Et j'ai l'impression que tu analyses mon cerveau avec ce que tu as appris là. C'est horrible ça !

J'ai ce livre depuis des années sur ma PAL. C'est un "classique", toujours conseillé dans ce domaine. Il y a une suite, de 1945 à nos jours, qui vient d'être complétée, comptes-tu la lire également ?