Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]

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Chymère
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Chymère


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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyJeu 13 Nov 2014 - 19:56

colimasson a écrit:
C'est inspiré de son expérience psychiatrique, non ? Wink

Oui.
Généralement, ces exemples de patients sont ses patients à lui. Ou au pire à des collègues qu'il connait.
Il raconte un peu sa vie de temps en temps aussi, mais je trouve que c'est bien amené.
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colimasson
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 16 Nov 2014 - 20:51

marc et cie a écrit:
Chymère a écrit:
Les gens du mensonges - Scott Peck

L'auteur, qui est psychiatre, est surtout connu pour son best-seller Le chemin le moins fréquenté, qui appartient à ce genre à la marge de la psychologie, du développement personnel et de la spiritualité. Je dois dire que dans ce genre-là, c'est probablement un des plus intéressant que j'ai pu lire.

Dans Les gens du mensonges, Scott Peck aborde le problème du mal en général, qu'il soit individuel (certains patients décrits font penser à des pervers narcissiques ou des psychopathes, bien que ces termes ne soient pas employés. D'une part à cause de "l'ancienneté" de l'ouvrage, et sans doute aussi parce qu'il est en réalité difficile de coller une étiquette définitive sur des tableaux psychiques changeants et très variés d'un individu à l'autre. En un sens, c'est tout aussi bien.) ou collectif, et même le Mal avec un grand "M", puisqu'un chapitre est consacré à l'exorcisme.
Le livre commence sur une histoire particulière, celle d'un enfant, Bobby, auquel les parents offre un fusil à Noël (déjà, grande idée... ). Mais pas n'importe quel fusil par dessus le marché : le fusil avec lequel son frère s'est suicidé l'année d'avant. Et les parents de ne pas comprendre ce qu'ils ont fait de "mal", et de ne pas comprendre pourquoi leur fils manifeste des signes de mal-être.

Même si je peux comprendre que certains développement ou conclusions (notamment sur le mal collectif) pourraient sembler un peu naïfs à certaines personnes (quoique... si on y réfléchit bien), ce livre à l'avantage de mettre l'éclairage sur un sujet assez peu abordé finalement, et de nous faire réfléchir aussi sur nous-même, sur les petits "mal" que nous pouvons semer ça et là. Ou ceux dont nous souffrons en silence, en pensant que cette souffrance est de notre faute.

c'est vrai que cette notion du mal interpelle. Dans l'exemple que tu nous donnes il s'agit plus de bêtise que de mal en fait. Mais le mal absolu au sein d'un individu existe. Il n'y a qu'à prendre l'exemple des récentes décapitations diffusées sur internet. C'est troublant, car nous savons tous ce qu'est le mal puisque tout le monde ressent un jour ou l'autre l'envie de le faire . Mais heureusement la plupart ne vont pas très loin dans cette voie. Il y a aussi le contexte qui nous pousse vers le mal. Par exemple par moment on a beaucoup de mal à suivre au boulot. On n'a plus envie de travailler et on y arrive difficilement. Pourtant tout s'agite comme d'habitude et il faut rester dans la course. Et bien il nous arrive  de haïr nos collègues, nos chefs et tout le monde en général. Ce qui n'est franchement pas agréable. Heureusement, lorsque l'on rentre chez soi souvent on oublie tout et on trouve des raisons d'aimer la vie qui compensent largement cet état de fait. C'est troublant de ressentir de la haine et de la colère. Il faut l'accepter et se dire que cela va passer. Mais qu'arriverait-il si l'on était confronté en permanence à des situations l'induisant? Je pense que tout le monde pourrait se laisser déborder. Même les plus doux.  Mais je trouve que l'on vit dans une société qui pousse quand même les gens à exprimer la haine qu'ils ont en eux plutôt que l'amour qu'ils pourraient porter à leur prochain. Bon, c'est sûr que la société humaine à toujours été comme cela mais parfois on a du mal à le supporter.

Comme disait Max Frisch : "les sentiments, c'est de la fatigue" (ou quelque chose comme ça).
Soit, on ne déteste pas vraiment ses collègues, son conjoint(e), le reste de sa famille ou ses amis... on a du mal à les supporter à cause de la fatigue qui exacerbe notre sensibilité... mais dans ce cas, on a au moins le droit de détester sa fatigue ?
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyLun 24 Nov 2014 - 10:51

One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 Souvar10 Cauchemar en URSS, Boris Souvarine

Les éditions Agone ont eu la bonne idée de publier trois articles de Souvarine, écrits en 1937. Le premier est une mise en accusation directe de Staline après les premiers procès de Moscou contre des dirigeants, des dignitaires et des militaires d'Union Soviétique. Les deux articles suivants (très courts) parlent de la situation (alarmante) des ouvriers et des paysans en URSS.

Bien sûr, nous connaissons désormais très bien la vérité politique de l'ère stalinienne, les assassinats, les faux procès, les déportations… Tout cela est abondamment relayé désormais par nombre de livres, d'historiens, de films et autres documentaires. L'intérêt est donc de lire la voix d'un homme, lui-même ancien communiste (il est à l'origine de la création du PCF) qui publie ses textes en 1937 alors que tout le monde se tait (en dehors de Gide et de son Retour d'URSS), alors qu'il a bien du mal à trouver des signataires pour dénoncer les crimes qui se passent en URSS. A ce titre la longue introduction signée par Charles Jacquier permet de remettre chaque chose à sa place (Léon Blum gouverne avec le PCF et ne peut donc entrainer la dénonciation par les socialistes des horreurs commises), la guerre d'Espagne aspire les intellectuels de gauche muselant les réticents, la propagande stalinienne quoique évidente broie les sursauts internes.

Bref, tout le monde se tait (quasiment). Sauf Souvarine. Mais, et c'est également à ce moment du texte que sa réédition prend également un sens : Souvarine, en 1937, est incapable d'expliquer les raisons qui poussent Staline a étêtée radicalement l'Union Soviétique (il faut rapidement rappeler que pratiquement tous les généraux et maréchaux vont être passé par les armes ainsi que les grands dirigeants et même le chef du NKVD, Iagoda, accessoirement ami d'enfance de Staline). A moins d'envisager un rapprochement contre-nature entre Hitler et Staline, Souvarine ne peut donner aucune explication rationnelle au bain de sang qui inonde le sol russe, si non dénoncer la paranoïa du dictateur… Le rapprochement avec l'Allemagne trouvera sa finalité dans le pacte germano-soviétique qui permet à Staline de patienter les mois suffisant pour préparer la seconde guerre mondiale. Mais au-delà de cette finalité, il y a ces mots, écrits par Souvarine, des mots qui sonnent fort justement dans le silence halluciné des intellectuels européens :

Citation :
Staline a peur. Il se sent haï, il se sait méprisé. Il connait mieux que personne la précarité de son acier, dur mais cassant. Il appelle trotskysme son impopularité, le mécontentement général, la sourde hostilité latente, qui le rend responsable de tous les malheurs, comme il appelle communisme sa dictature personnelle, oligarchique et inégalitaire. Il scrute les arrière-pensées et, devinant des restrictions mentales, crie qu'on l'assassine. Il en est venu à décider froidement d'anéantir au physique les anciens rivaux dont l'existence spectrale trouble son sommeil et d'annihiler au moral tous les contradicteurs invisibles pour supprimer même les virtualités de concurrence. Il interdit à présent l'apologie des chefs de deuxième ordre pour décourager les éventuels prétendants et affirmer son monopole. Il a peur. Il veut des têtes quand il perd la tête. Seuls ceux qui n'ont rien appris en étudiant l'histoire peuvent supposer que ces choses finiront par des chants et des apothéoses.
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 25 Jan 2015 - 19:56

Littérature française du Moyen Age (1992) de Michel Zink


One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 97821310

Poser la question d’une nature de la littérature française au Moyen Age est forcément anachronique pour deux raisons au moins :
- Qu’est-ce qu’une littérature à une époque où l’objet livre est minoritaire ?
- Quelles réalités dialectales se cachent derrière le terme d’une langue française fédératrice ?


Surtout, le Moyen Age est long et c’est en raison de la dernière objection que Michel Zink amorce son étude avec les Serments de Strasbourg, prononcés en 842, et considérés comme le premier monument témoin de l’émergence d’une langue populaire, par opposition au latin clérical. Jusqu’au XVe siècle, ce que nous entendons par « littérature » a donc le temps d’emprunter les formes les plus variées et de révéler des tendances profondes à l’image des évolutions spirituelles, politiques et historiques de la société.


Nous apprendrons que les premiers écrits en langue vulgaire résultent de la volonté de rendre les textes religieux latins accessibles au peuple. De plus en plus d’ouvrages seront ensuite traduits du latin et cette démarche entraînera généralement un véritable essor de la littérature d’édification, qu’il s’agisse d’éducation pratique, morale ou religieuse. En même temps, à la fin du XIe siècle, la rupture avec les modèles de la latinité s’amorce à travers l’émergence de deux littératures distinctes qui sont la chanson de geste en langue d’Oïl et la poésie lyrique en langue d’Oc. La chanson de geste comprend les grands cycles épiques dont le plus connu est celui de la Chanson de Roland ; au moment des grandes invasions, ces sagas généalogiques permettent peut-être de prendre conscience d’une identité nationale dans l’expérience du récit. La poésie lyrique quant à elle reflète plutôt l’idéal de la courtoisie et de la fin’amor. Avant tout poésie de cour, elle garde des attaches plus éloquentes avec les lettres latines en transposant à son époque l’idéal de l’éducation antique de l’urbanitas. Avec le temps, ces formes acquièrent des modalités d’expression progressivement neuves : l’influence antique cède place à l’inspiration celte et bretonne et les récits s’étoffent de merveilleux et d’amour, provoquant en même temps une opposition réaliste qui ne consiste pas encore à peindre la vraisemblance mais à refuser le merveilleux. Cette esquisse du roman, tel que nous le connaissons, se définit par la place prépondérante que se donne son auteur par le biais d’interventions explicites ou de l’intertextualité.


L’autre moment décisif se constitue lors de l’abandon de la forme versifiée pour la prose. On se moque de Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir mais il semblerait qu’elle n’ait rien eu d’évident pour nos lettrés médiévaux :


« L’antériorité du vers sur la prose devrait à elle seule écarter la tentation de voir dans celle-ci un langage spontané, aux règles moins contraignantes que celles de la poésie et qui se confondrait avec le langage parlé. »


La prose est d’abord le langage du savoir spirituel qui révèle la vérité dans l’exhaustivité, contrairement aux amusements humains du genre fictif. Elle permet au genre littéraire de se renouveler : romans et chroniques abondent et Michel Zink nous permet également de découvrir les conditions de développement du théâtre moderne et le statut particulier de l’allégorie qui trouve son point de rupture et d’achèvement avec le Roman de la Rose. Composée en deux temps par deux auteurs différents, la quête spirituelle amorcée dans la première partie se termine en remettant en cause la valeur herméneutique de l’allégorie. Le paradigme médiéval, en quête de sens, considérait le monde comme un réseau de correspondances –l’amorce d’une pensée moderne s’attache désormais aux distinctions et oppositions dans une lecture causale du monde. Les grands cycles et les quêtes d’absolu se réduisent de plus en plus souvent à une étape. La déperdition du sens transcendant se justifie par la recherche d’une vérité référentielle : rien ne peut plus dépasser la mesure du héros.


En cette fin de Moyen Age, Michel Zink n’oublie pas d’évoquer le nouveau statut accordé à la poésie suite à sa distinction de la prose. Les formes de la réflexion trouvent leur origine dans la prise de conscience historique d’un peuple tandis que les formes de la représentation évoluent conjointement au développement du regard personnel de l’écrivain.


Le parcours est tracé clairement, ponctué de nombreux exemples et rattaché à des références bibliographiques qui donnent la possibilité d’élargir son champ de découverte médiévale. Michel Zink propose de plus une réflexion nuancée sur les plans synchronique et diachronique. Fidèle aux conclusions claires-obscures de Johan Huizinga écrivant L’Automne du Moyen Age, il essaie de se débarrasser des « poncifs des autres époques, y compris de la nôtre » pour plonger dans la narration de cette période pas « aussi rebutante ni aussi glacée qu’on a voulu ou qu’on pourrait le croire ».


One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 La_pro10

Citation :
« Qu’entendre au Moyen Age par littérature française ? La littérature en français ? Mais on ne peut imaginer d’exclure la langue d’oc et de ne rien dire des troubadours. La littérature qui fleurit dans les limites de la France actuelle –ou plutôt des Gaules d’alors, car celle de l’actuelle Wallonie brille au Moyen Age d’un éclat particulier ? Mais du XIe au XIVe siècle l’Angleterre, sous ses rois normands, est un des hauts lieux de la culture française. Et peut-on oublier que pendant tout le Moyen Age, en France comme dans tout l’Occident, la langue des activités intellectuelles est d’abord le latin ? »


*Illustration de la procession du Graal
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 25 Jan 2015 - 21:38

Oh, ça a l'air intéressant ce livre de M. Zink !! Je note son nom. Merci Colimasson !

Et je n'avais pas fait attention de "Cauchemar en URSS" de Souvarine non plus.
Merci Shanidar !
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptySam 7 Fév 2015 - 14:38

One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 Lynigm11

L'énigme des tueurs en série de Daniel Zagury (avec Florence Assouline)

C´est la première  fois que je fais le commentaire d’un essai. Je ne crois pas que le sujet va passionner grand monde (ou peut-être Chymère qui j’espère me dira ce qu’elle en pense) ce qui me donne la possibilité de développer largement ce qui a été dit dans ce livre. J’espère que vous aurez  plaisir à lire mon commentaire et qu’il vous apprendra quelques petites choses sur le sujet.  

Daniel Zagury, psychiatre des hopitaux et spécialiste de psychiatrie légale, est expert auprès de la cour d’appel de Paris. Il a été amené à témoigner dans de multiples affaires criminels dont ceux des Tueurs en série, Guy Georges, Patrice Alègre, Michel fourniret… Il a publié Modèles de normalité et psychopathologie et L’énigme des Tueurs en série (qu’il a écrit avec Florence Assouline, qui a traduit ses idées pour que le livre s’adresse à tout un chacun, et pas seulement à des professionnels).

Son approche n’est pas de nous faire revivre les évènements de l’horreur des crimes. Il se veut très pudique sur le calvaire des victimes, et ne les nomme que par leur prénom quand il ne peut faire autrement.

Sa démarche n’a pas été facile. Il peut bien sûr revenir sur les faits juridiques, mais l’éthique lui demande de ne pas parler de la sphère intime de ses patients. Mais ces crimes ont tant défrayés la chronique, que beaucoup de choses sont devenues publiques.

Zagury, a peut-être voulu corriger le trait en écrivant ce bouquin, puisque selon lui, l’expertise psychiatrique, malgré l’investissement massif de ces experts psychiatres, n’est que très peu présente dans les médias quand il est question de tueurs en série.

Bien qu’il comprenne l’interrogation légitime que ces Tueurs en série pose, Il se méfie de la fascination qu’ils exercent. Il se bat contre le mythe qui a été créé autour d’eux, abandonne les stéréotypes, les préjugés. Et malgré l’horreur qu’il ressent face à ces comportements criminels, il révèle le fonctionnement psychique en perdition de ces tueurs particuliers. Il ne donne pas les clefs de la compréhension, mais explique le comment de tout une série de mécanismes deshumanisants, et leurs cheminement vers le crime et sa répétition.  

Les deux diagnostics qui sont attribués aux tueurs en série sont la psychopathie et un état psychotique, la Schizophrénie. Il met bien l’accent sur le fait que la schizophrénie ne se rencontre que très peu chez les tueurs en séries.

Sa première expérience a été une sorte de traumatisme. Il a rencontré ce jeune psychotique, Julien, qui avait tué plusieurs fois en plein délire et qui fut diagnostiqué par d’autres experts psychiatres comme psychopathe, et renvoyé en prison où il tua à nouveau. Après ce crime, on l’envoya enfin dans une unité où il put être soigné.

Comme il ne voulait pas rester sur cet échec, il continua ses expertises.

Sa deuxième rencontre avec un tueur en série fut sa rencontre avec Jérôme. Jérôme était bien différent. Contrairement à Julien qui était incohérent et dont les conduites revêtaient un caractère chaotique, il parle beaucoup et est très sympathique. Il raconte à Zagury son enfance. Sa relation fantasmatique, sa quête fusionnelle avec sa mère qui, sans réel passage à l’acte, contenait des éléments incestueux. Il raconte son errance après avoir quitté le domicile familiale alors qu’il n’avait pas la maturité pour le faire. Son premier meurtre, qui amena un second. Son soulagement après ces meurtres. Comme un bien-être physique, comme un état de flottement. Et sa capacité a recommencer sa vie après ses meurtres comme si de rien n’était.

Il ne donne pas les noms de famille de ces deux tueurs. Il a du les rencontrer mais il les donne un peu comme exemples pour étayer son raisonnement. Les experts psychiatres pensent à deux diagnostiques quand ils font référence à ces tueurs d’un genre un peu particulier. La psychopathie et la psychose. La schizophrénie. En parlant de Jérôme il parle d’un clivage réussi et quand il parle de Julien d’un clivage raté. Et il nous explique ce qu’il entend par là.

Ces tueurs semblent tous avoir des points communs dans leur passé. Abandon des parents, de la mère. Violence dans la famille, de la part du père. Relation fusionnelle avec la mère. A la limite d’une relation incestueuse. La mère est adorée apparemment, mais honnie en réalité. Les souffrances si massives de leur enfance, quand il étaient sans défense, ne peuvent être représentées. C’est un passé sans inscription. Le tueur dans son impuissance, a préféré se couper de cette part de lui-même. Mais le psychisme n’a pas de poubelle. Tout reste. Il se fait un clivage. D’un côté le tueur continue sa vie, peut être sympathique, aider les autres etc… D’un autre côté, c’est un être qui tue sans culpabilité et dans l’indifférence. Le clivage a une fonction de protection pour ce tueur. Il lui évite l’effondrement psychique, et le télescopage entre sa vie interne psychique, qui risque s’il se la représente l’anéantissement, et l’externe (la victime) qui représente le principe vital dont il se sent privé, la force identitaire qui comble son propre vide. Vide qui a été créé pour éviter tout conflit intrapsychique, et qui conduit à une deshumanisation du tueur. Comme une défense mise en place.

De là, les deux diagnostiques, psychopathie et psychose ne sont pas suffisants. Zagury propose un modèle plus complexe mais plus proche de la réalité. Un tripôle qui comprend, la psychopathie, la psychose, la perversité narcissique dans son expression ultime. Perversité narcissique qui protège de l’effondrement psychotique et d’une dépression primaire inabordable. Ces tueurs ne s’en prennent jamais à eux-mêmes, toujours aux autres.

On parle souvent de sadisme quand on parle de ces tueurs, mais Zagury l’exclut pour la bonne raison que, pour être sadique il faut avoir un partenaire masochiste en face de soi.

Il y a une recherche de toute puissance qui évite l’anéantissement. La violence exercée est à la mesure du danger d’anéantissement éprouvé. Est-ce une pulsion ? Non, une puissance narcissique qui se déchaine dans la destructivité pour éviter l’anéantissement. La perversion narcissique nie à la victime tout statut humain, comme le tueur se le nie à lui-même. La haine n’est pas pensée, elle est mise en actes. Est-ce qu’il y a jouissance à donner la mort ou à faire subir des souffrances ? Pas vraiment. La jouissance vient de la constatation de son indifférence pendant l’acte. Le sexe devient le vecteur, comme une arme qui tue. Il inflige à sa victime ce qu’il a subit. Ou alors plutôt, ce qu’on lui a fait subir, légitime ses actes à ses yeux.

La réussite du clivage leur permet de continuer leur existence et de savourer en secret le triomphe de pouvoir cacher leurs actes.


Le processus :

Impuissance – toute puissance
Passivité – activité
Détresse – victoire
Souffrance – triomphe



Zagury a écrit un bouquin qui ne faisait pas dans le sensationnel et qui ne jouait pas sur la fibre émotionnel du lecteur. Il a voulu écrire un bouquin qui racontait le parcours de ces tueurs, et expliquer un tant soi peu les ressorts psychiques qui ont amenés ces hommes à devenir ce qu’ils sont devenus. Il a voulu écrire un bouquin solidement ancré dans la réalité, pour pouvoir lutter contre toutes les informations que nous assènent les médias à propos de ces tueurs à répétition, qui sont une source de fascination pour certains, et qui nous laissent sans réponses, horrifiés et pantois. C’est une manière de ne pas céder à la fascination de cette image du tueur à l’intelligence hors du commun et surpuissant. Un diable. Comme il dit:

Le diable se cache dans une biographie, dans un fonctionnement mental, dans un mode opératoire.

Il raconte à quel point il a eu du dégout parfois pour ces tueurs, mais aussi de l’empathie, tout en étant conscient de la manipulation que ces tueurs tentaient d’exercer sur lui. Mais reste toujours la question pourquoi, un autre homme qui a vécu les mêmes choses ne passe pas à l’acte, ne devient pas un tueur.

Il revient bien sûr sur les expertises psychiatriques des trois tueurs en série que j'ai cité plus haut et il fait un bref rapprochement à la fin entre ces tueurs en série et les tueurs en temps de génocide.
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Chymère
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 8 Fév 2015 - 0:15

Je vais avoir du mal à en dire ce que j'en pense, vu que je n'ai pas lu le livre en soi... jemetate

Ton exposé sur le livre est très complet, et du coup, je me vois mal ajouter quelque chose.

Il est vrai que Zagury prend le contre-pied de l'image du serial killer de cinéma - sur la fascination... et en même temps, je me dis qu'à la réflexion... est-ce que ça ne serait pas l'apparente "normalité", ou la "médiocrité" banale finalement des tueurs en série qui les rendrait "fascinants", ou disons plutôt "intéressants" ?
Quelque part, un Hannibal Lecter peut être difficilement autre chose qu'un fantasme de romancier (un bon fantasme, c'est pas la question)... alors qu'un Fourniret, avec sa petite tête de Droopy, je pourrais le croiser tous les matins à la boulangerie, ça pourrait être mon voisin, mon oncle...

Et la question fascinante c'est justement : Pourquoi ? Pourquoi lui en particulier et pas mon voisin, justement ? Je trouve que s'intéresser à la psychologie, aux actes et aux personnalités des tueurs en série... c'est finalement vouloir sonder l'abyme de la psyché de chaque être humain, celle de mon voisin, la vôtre, la mienne :

Citation :
Mais reste toujours la question pourquoi, un autre homme qui a vécu les mêmes choses ne passe pas à l’acte, ne devient pas un tueur.

C'est vraiment la question cruciale, pour moi... c'est en soi cette question que je trouve fascinante. Comme toute la mécanique du passage à l'acte... pourquoi ? toujours pourquoi ?
Pour moi, ça reste en quelques sorte l'envers de la médaille d'un questionnement plus général, sur la psychologie humaine, voir existentiel...
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Ariane SHOYUSKI
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 8 Fév 2015 - 1:56

Merci beaucoup Pia pour ton commentaire détaillé. C'est très intéressant !
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colimasson
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 8 Fév 2015 - 20:24

Le judaïsme (2010) de Régine Azria


One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 97827010

Trois étapes décisives pour l’histoire du judaïsme : l’Election, la Diaspora, la Modernité.


L’Election est moins une chance qu’un devoir. Alors que le christianisme est la religion de l’univers, le judaïsme est la religion du particulier à laquelle Dieu a confié la réalisation de son projet.


La Diaspora commence en 70 lorsque Titus met le siège devant Jérusalem. La Judée juive devient une province romaine, les juifs doivent s’exiler. Le judaïsme diasporique repense son rapport à la terre sur un mode mystique. Dieu également parti en exil, le juif entre dans l’Histoire et doit repenser ses pratiques et ses croyances en fonction d’un nouvel horizon métahistorique.


La Modernité survient avec les Lumières juives. Depuis l’exil, l’identité du judaïsme est partagée entre le désir d’intégration et la conscience de l’appartenance communautaire. L’ambivalence grandit dans le rapport aux confessions religieuses des autochtones que le juif côtoie  dans sa dispersion, nourrissant l’antisémitisme, préparant la Shoah et aboutissant au sionisme.


Régine Azria n’évoque que les faits essentiels de l’histoire du judaïsme. Elle se concentre surtout à mettre en évidence l’articulation des événements qui a conduit cette religion à traverser les étapes fondamentales de son histoire et à connaître sa configuration actuelle. On comprend parfaitement comment le mythe de l’Election a construit les concepts de la terre, de l’exil et de l’accomplissement, et comment les événements qui leur ont ensuite été les plus incohérents ont finalement trouvé du sens dans l’exégèse, pour venir à leur tour redéfinir le mythe. Ce livre concis, clair et pertinent éclaire de nombreuses situations actuelles et élargit la compréhension des événements passés.
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyDim 8 Fév 2015 - 20:33

Pia, tu m'as donné envie de lire ce livre !

pia a écrit:



Il y a une recherche de toute puissance qui évite l’anéantissement. La violence exercée est à la mesure du danger d’anéantissement éprouvé. Est-ce une pulsion ? Non, une puissance narcissique qui se déchaine dans la destructivité pour éviter l’anéantissement. La perversion narcissique nie à la victime tout statut humain, comme le tueur se le nie à lui-même. La haine n’est pas pensée, elle est mise en actes. Est-ce qu’il y a jouissance à donner la mort ou à faire subir des souffrances ? Pas vraiment. La jouissance vient de la constatation de son indifférence pendant l’acte. Le sexe devient le vecteur, comme une arme qui tue. Il inflige à sa victime ce qu’il a subit. Ou alors plutôt, ce qu’on lui a fait subir, légitime ses actes à ses yeux.

La réussite du clivage leur permet de continuer leur existence et de savourer en secret le triomphe de pouvoir cacher leurs actes.

Je comprends tout à fait cette jouissance d'avoir un secret colossal et abject tout à soi. Et je n'avais pas imaginé que la jouissance de l'indifférence pouvait être à l'origine de ces actes. Intéressant, ce livre semble apporter pas mal de réflexions renouvelantes.


Citation :
Bien qu’il comprenne l’interrogation légitime que ces Tueurs en série pose, Il se méfie de la fascination qu’ils exercent. Il se bat contre le mythe qui a été créé autour d’eux, abandonne les stéréotypes, les préjugés. Et malgré l’horreur qu’il ressent face à ces comportements criminels, il révèle le fonctionnement psychique en perdition de ces tueurs particuliers. Il ne donne pas les clefs de la compréhension, mais explique le comment de tout une série de mécanismes deshumanisants, et leurs cheminement vers le crime et sa répétition.

Je ne peux que penser à ce passage de la Sobriété heureuse de Pierre Rabhi que j'ai relevé tout à l'heure :

« Il sera toujours impossible de comprendre la marche du monde sans tenir compte de l’irrationalité humaine. Les pires violences, telles les guerres, ont pour mobile les croyances, les nationalismes, les idéologies, des mythes et des symboles plus que des enjeux tangibles, comme les territoires souvent évoqués, qui ne sont que des alibis. »

Et qui explique peut-être pourquoi tout ce qui semble irrationnel est fascinant non pas en soi, mais pour ce qu'il révèle de la marche du monde en général...
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyLun 9 Fév 2015 - 10:44

@Chymère

Oui je crois que comme tu dis la banalité ou le fait de passer inaperçu et de ne jamais montrer ses cartes est ce qui interloque le plus. Je dois dire que l’explication du clivage m’a bien aidé à comprendre le processus. En soi, on peut ressentir ce clivage comme une surpuissance puisque c’est un processus qui se fait de lui-même et contre lequel ils n’ont pas vraiment contrôle. Et nous non plus du coup.
Hannibal est un fantasme en effet dans le sens qu’il représente ce tueur en série conscient de ses lacunes, qui organise tout, extrêmement intelligent. Mais en y réfléchissant, et si on commence à penser au personnage, la réussite professionnelle, matérielle peut aussi servir de masque. Comme Fourniret qui « n’avait l’air de rien », passe-partout. Pas le mec dont on se méfie à priori. Ils ont tous une sorte de masque. Alègre était le bon copain, séduisant. Chanal était sportif, propre sur lui, très discipliné (à outrance, je me serai méfiée). Et même quand on pense à Heaulme qui était plus hirsute, il avait surement un air fluet qui ne présageait pas de la violence dont il était capable. Alors je me suis intéressée au personnage de Hannibal. J’ai vu tous les films avec Anthony Hopkins et même le film les origines du mal qui remonte à son enfance (pas le meilleur film…mais bon). Je n’ai pas lu les livres, ça viendra peut-être, à l’occasion. J’ai beaucoup de mal à lire un livre dont j’ai vu le film. Mais donc. On peut parler d’expérience dans son enfance qui l’ont si massivement fait souffrir qu’il se coupe de cette partie de lui-même. Heu….l’abandon de la mère par la mort. La relation fusionnelle avec la femme de son oncle. La maltraitance dont il est victime à l’orphelinat. Bref….Thomas Harris a mis quelques éléments qui peuvent coller à la réalité.

Et oui, et comme toi, le pourquoi, est ce qui me fascine le plus.

@Ariane
Super Ariane, que tu aies pris le temps de me lire et que tu aies trouvé ça intéressant!  sourire


colimasson a écrit:

Je comprends tout à fait cette jouissance d'avoir un secret colossal et abject tout à soi. Et je n'avais pas imaginé que la  jouissance de l'indifférence pouvait être à l'origine de ces actes. Intéressant, ce livre semble apporter pas mal de réflexions renouvelantes.


Et qui explique peut-être pourquoi tout ce qui semble irrationnel est fascinant non pas en soi, mais pour ce qu'il révèle de la marche du monde en général...

La jouissance de l’indifférence aux horreurs qu’ils commettent était quelque chose auquel je n’aurais jamais pensé aussi. Mais la jouissance d’avoir un secret colossal et abject reste pour moi très mystérieux. Ce n’est pas quelque chose que je reconnais.  scratch A moins que je me sois coupée d'une partie de moi-même...    Razz

Oui absolument, et cette fascination est surement un des éléments qui fait que l’on continue à chercher et à essayer de comprendre la marche du monde.
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyLun 9 Fév 2015 - 22:06

Très intéressants vos commentaires, coli et pia. Si si, on vous lit. Wink

Coli, t'ai-je déjà parlé de La bible dévoilée, d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman ?
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyMar 10 Fév 2015 - 8:49

je vous ai suivi aussi ! merci à vous 2 pour vos ressentis !

Coli le livre n'est-il pas trop "schématique" ?
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyMar 10 Fév 2015 - 9:40

Citation :
Et même quand on pense à Heaulme qui était plus hirsute, il avait surement un air fluet qui ne présageait pas de la violence dont il était capable.

Non en effet.
Mais par rapport aux autres (je suppose que ce n'est pas L'Explication qui règle tout, mais ça apporte des éléments de compréhension non négligeables), Heaulme est atteint du syndrome de Klinefelter, une anomalie génétique qui fait qu'un homme se retrouve avec 2 chromosomes X et un Y, d'où un certain retard mental et une atrophie de ses organes sexuels, entre autres.
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Sullien
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MessageSujet: Re: One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE]   One-shot Essais/Documents [INDEX 1ER MESSAGE] - Page 21 EmptyMar 10 Fév 2015 - 12:07

Armor-Argoat a écrit:
Très intéressants vos commentaires, coli et pia. Si si, on vous lit. Wink

Coli, t'ai-je déjà parlé de La bible dévoilée, d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman ?

coeur

Tu en fais un résumé très intéressant, ici!

Coli, je te conseille, si ça t'intéresse, les ouvrages d'Adin Steinsaltz. Je crois qu'aucune religion ne m'a autant fasciné que le judaïsme...
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