| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Henry James | |
|
+28ArturoBandini Lilou pia Shay Bédoulène Senhal oceanelys shanidar Sigismond jack-hubert bukowski GrandGousierGuerin églantine coline colimasson tina domreader Avadoro animal eXPie darkanny Epi krys Harelde Marko Arabella bix229 kenavo Chatperlipopette 32 participants | |
Auteur | Message |
---|
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Lun 25 Mar 2013 - 22:47 | |
| Verdeker précise un peu son propos : Texte original | Marie Canavaggia, 1957 (10/18) | Michel Gauthier et/ou John Lee et/ou Benoît Peeters (Points) | Elodie Vialleton, 1997 (Babel) | Pavans, 2004 (La Différence) | Pierre Fontaney (Pléiade) | [...] there’s an idea in my work without which I wouldn’t have given a straw for the whole job. It’s the finest fullest intention of the lot, and the application of it has been, I think, a triumph of patience, of ingenuity. I ought to leave that to somebody else to say; but that nobody does say it is precisely what we’re talking about. It stretches, this little trick of mine, from book to book, and everything else, comparatively, plays over the surface of it. The order, the form, the texture of my books will perhaps some day constitute for the initiated a complete representation of it. So it’s naturally the thing for the critic to look for. It strikes me,” my visitor added, smiling, “even as the thing for the critic to find.”
| "Il y a dans mon oeuvre une idée sans laquelle je ne me serais pas soucié le moins du monde du métier d'écrivain. Une intention précieuse entre toutes. La mettre en oeuvre a été, me semble-t-il, un miracle d'habileté et de persévérance. Je devrais laisser aux autres le soin de le dire ; mais le fait que personne ne le dit constitue précisément le sujet de notre conversation. Il poursuit sa carrière, mon petit tour de passe-passe, à travers tous mes livres et le reste en comparaison n'est que jeux en surface. L'ordonnance de mes livres, leur style, leur contexture en donneront peut-être un jour une image complète aux initiés. C'est donc naturellement ce que devrait chercher le critique, c'est même à mon avis, ajouta-t-il en souriant, ce que le critique devrait trouver. C'était là une rude tâche en perspective. - Vous dites que c'est un petit tour de passe-passe ? - Seulement par modestie. Il s'agit en réalité d'un thème ravissant. - Et vous estimez que vous avez réussi à le traiter ? - La façon dont je l'ai traité est la seule chose au monde qui me permette de penser un peu de bien de moi." (pages 105-106) | "[...] il y a dans mon oeuvre une idée sans laquelle je ne me serais pas soucié le moins du monde de ce métier. C'est la plus fine et la plus dense des intentions qu'elle contient, et son application a été, je crois, un chef-d'oeuvre de patience et d'ingéniosité. Je devrais laisser à quelqu'un d'autre le soin de le dire, mais le fait que personne ne le dise est précisément ce qui nous occupe. Il s'étend d'un livre à l'autre, mon petit tour de passe-passe, et tout le reste, en comparaison, ne fait que jouer à la surface. L'agencement, la forme, la texture de mes livres en donneront peut-être, quelque jour, aux initiés, une complète illustration. Ainsi, c'est de toute évidence la chose que le critique devrait chercher. Elle m'apparaît même, ajouta mon visiteur en souriant, comme la chose que le critique devrait trouver. Cela semblait en effet une sorte de devoir. - Vous la qualifiez de petit tour de passe-passe ? - Uniquement par coquetterie. En réalité, il s'agit d'un projet exquis. - Et vous maintenez que vous avez réalisé le projet ? - La manière dont je l'ai réalisé est, dans ma vie, la seule chose qui me permette de penser un peu de bien de moi." (page 265). | [...] Il y a dans mon oeuvre une idée sans laquelle je n'aurais jamais éprouvé le moindre intérêt pour ce travail. C'est le dessein le plus subtil, le plus abouti de tous, et je crois que son exécution a demandé des trésors de patience, d'ingéniosité. Je devrais laisser quelqu'un d'autre le dire ; mais le fait que personne ne le dise est précisément ce dont nous parlons. Elle s'étend, ma petite ruse, de livre en livre, et tout le reste, en comparaison, n'est qu'en surface. L'ordre, la forme, la texture de mes livres en constitueront peut-être un jour pour les initiés une représentation parfaite. Aussi est-ce tout naturellement ce que les critiques doivent rechercher. Cela me semble même être, ajouta mon visiteur en souriant, ce que les critiques doivent trouver. Cela paraissait en effet être une grande responsabilité. -Vous appelez cela une petite ruse ? - C'est seulement à cause de ma petite modestie. En fait, c'est un plan exquis. - Et vous maintenez que vous avez réalisé ce plan ? - La façon dont je l'ai réalisé est ce qui me permet d'avoir un peu d'estime pour moi-même." (page 23) | "[...] il y a dans mon oeuvre une idée sans laquelle je n'aurais pas fait le moindre cas d'un pareil travail. C'est la plus belle et la plus solide intention de toutes, et il m'a fallu pour la mener à bien, je crois, faire des merveilles de patience et d'ingéniosité. Je devrais laisser dire cela à d'autres ; mais le fait que personne d'autre ne le dise est justement le sujet de notre discussion. Il s'étend, ce petit truc à moi, de livre en livre, et tout le reste, comparativement, joue à la surface. L'ordre, la forme, la texture de mes livres en constitueront peut-être un jour pour les initiés une représentation complète. C'est donc naturellement la chose que doivent chercher les critiques. Il me semble même, ajouta mon visiteur avec un sourire, que c'est la chose que doivent trouver les critiques. » C'était peut-être en effet notre responsabilité. « Vous appelez cela votre petit truc ? - Oh, c'est seulement par petite pudeur. Il s'agit vraiment d'un canevas exquis. - Et vous affirmez que vous avez exécuté ce canevas ? - La façon dont je l'ai exécuté est la chose de ma vie qui me fait penser un peu de bien de moi-même.»" (page 823) | "[...] il y a dans mon oeuvre une notion sans laquelle je ne donnerais pas deux sous de toute l'affaire. C'est la plus belle, la plus dense des notions, et l'appliquer a été, je crois, un triomphe de patience, d'ingéniosité. Je devrais laisser à quelqu'un d'autre le soin de dire ce qu'elle est, mais que personne ne le dise est précisément ce dont nous parlons en ce moment. Ce petit truc à moi passe de livre en livre, et tout le reste, relativement, ne fait que jouer à sa surface. L'ordre, le style, la texture de mes livres composeront peut-être un jour pour les initiés sa représentation complète. Aussi est-ce naturellement la chose que le critique doit rechercher. J'ai le même sentiment, ajouta mon visiteur en souriant, que c'est ce que le critique doit trouver. » Vaste responsabilité, en vérité ! « Et vous appelez cela "un petit truc" ? - Uniquement par l'effet de ma petite modestie. En réalité, c'est un projet raffiné. - Et vous estimez que vous avez accompli ce projet ? - La manière dont je l'ai accompli est la chose dans ma vie qui me permet d'éprouver un brin d'estime pour moi-même.»" (page 1128). |
Et, un peu plus loin : " - Je vis presque pour voir s'il sera, quelque jour, découvert." (page 267).
Dernière édition par eXPie le Dim 31 Mar 2013 - 20:10, édité 3 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Lun 25 Mar 2013 - 22:48 | |
| Notre journaliste s'obstine, demande même n'importe quoi : serait-ce par exemple une préférence pour la lettre "P" ? (ce qui donnera lieu, par les exégètes du texte, à des interprétations d'ordre sexuel) ; il tente d'obtenir des indices. Texte original | Marie Canavaggia, 1957 (10/18) | Michel Gauthier et/ou John Lee et/ou Benoît Peeters (Points) | Elodie Vialleton, 1997 (Babel) | Pavans, 2004 (La Différence) | Pierre Fontaney (Pléiade) | “Should you be able, pen in hand, to state it clearly yourself—to name it, phrase it, formulate it?”
“Oh,” he almost passionately sighed, “if I were only, pen in hand, one of you chaps!”
“That would be a great chance for you of course. But why should you despise us chaps for not doing what you can’t do yourself?”
“Can’t do?” He opened his eyes. “Haven’t I done it in twenty volumes? I do it in my way,” he continued. “Go you and don’t do it in yours.”
“Ours is so devilish difficult,” I weakly observed.
“So’s mine. We each choose our own. There’s no compulsion.
| "Vous serait-il possible, plume en main, demandai-je, de mettre, vous-même, noir sur blanc, de quoi il retourne au juste ? À l'aide d'une dénomination, d'une définition, de commentaires ? - Ah ! soupira-t-il passionnément, si j'étais seulement, plume en main, un de vous autres ! - Ce serait très heureux pour vous bien sûr. Mais pourquoi nous méprisez-vous de ne pouvoir faire, nous autres, ce que vous ne pouvez pas faire vous-même ? - Ce que je ne peux pas faire ? (Il ouvrit de grands yeux.) Seigneur ! Ne l'ai -je pas fait en vingt volumes ? Je le fais à ma manière, poursuivit-il, continuez de ne pas le faire à la vôtre. - C'est que notre tâche est bigrement difficile, fis-je valoir faiblement. - La mienne l'est aussi. Nous choisissons chacun la nôtre. Il n'y a aucune contrainte." (page 109). | "- Seriez-vous en mesure, plume en main, de l'énoncer vous-même, en langage clair - par un mot, une phrase ou une explication ? - Oh, soupira-t-il presque passionnément, si seulement j'étais, plume en main, l'un de vous autres ! - Ce serait une grande chance pour vous, bien sûr. Mais pourquoi faut-il que vous nous méprisiez, nous autres, de ne pas faire ce que vous-même ne pouvez faire ? - Ce que je ne peux pas faire ? Il ouvrit grand ses yeux : - Ne l'ai-je pas fait en vingt volumes ? Je le fais à ma façon, continua-t-il, vous ne le faites pas à la vôtre. - La nôtre est diaboliquement difficile, fis-je observer faiblement. - Tout comme la mienne. Nous choisissons chacun la nôtre. Il n'y a pas de contrainte..." (pages 268-269) | "Cette chose, seriez-vous capable, plume en main, de l'exprimer, de l'énoncer, de la formuler ? - Oh, soupira-t-il, presque avec passion, si seulement, plume en main, je pouvais être l'un d'entre vous ! - Ce serait certes une grande chance pour vous. Mais pourquoi nous mépriseriez-vous parce que nous ne faisons pas ce que vous-même n'ête pas capable de faire ? - Ce que je ne suis pas capable de faire ? Il écarquilla les yeux. Ne l'ai-je pas fait, en vingt volumes ? Je le fais à ma façon, poursuivit-il. Allez-y, et ne le faites pas à la vôtre. - La nôtre est si diablement difficile, observai-je sans conviction. - La mienne aussi ! Nous choisissons chacun la nôtre. Il n'y a aucune contrainte." (page 27) | "« Est-ce que vous seriez vous-même capable, plume en main, de le définir clairement... de le nommer, de le désigner, de le formuler ? - Oh, si seulement, plume en main, j'étais un de vous autres ! soupira-t-il avec ardeur. - Ce serait une grande chance pour vous, évidemment. Mais pourquoi nous mépriser, nous autres, de ne pas faire ce que vous-même ne pouvez pas faire ? - Que je ne peux pas faire ? »Il écarquilla les yeux. « Ne l'ai-je donc pas fait tout au long de vingt volumes ? Je le fais à ma façon, continua-t-il. Vous, vous ne le faites pas à la vôtre. - La nôtre est diablement difficile, déclarai-je piteusement. - La mienne aussi. Chacun a fait son choix. Personne n'y a été forcé." (pages 824-825) | "Seriez-vous capable, plume en main, d'énoncer vous-même clairement de quoi il s'agit... de lui donner un nom, de le formuler, de l'expliciter ? - Oh ! » et il poussa un soupir presque fervent, « si seulement je pouvais être, plume en main, l'un de vous ! - Ce serait naturellement une chance à ne pas laisser passer. Mais alors, pourquoi nous mépriser, nous autres, parce que nous ne faisons pas ce que vous êtes incapable de faire vous-même ? - Ce que je suis incapable de faire ? » Il ouvrit grand les yeux. « Ne l'ai-je pas fait dans vingt volumes ? Je le fais à ma manière, continua-t-il. Vous, vous ne réussissez pas à le faire à la vôtre. - La nôtre est diablement difficile, observai-je faiblement. - Et la mienne aussi. Chacun choisit la sienne. Personne ne vous y oblige." (page 1131) |
Dans le Dictionnaire des Oeuvres (Bouquins), on peut lire que l'idée de cette nouvelle " cristallisait la propre expérience de James, vingt ans de travail et autant de livres ne lui ayant valu que de vagues considérations banales de la part de la critique. Cependant au lieu d'en faire le thème de quelque plainte poignante, James inverse la donnée : ce n'est pas l'écrivain de génie qui souffre de l'incompréhension dont il est l'objet, mais le critique qui désespère de saisir son secret." Notre journaliste arrivera-t-il à percer le secret ? (indice : c'est une nouvelle de James...). Son obstination, à lui ainsi que celle d'un collègue, est très amusante (si l'on peut dire) à suivre : y a-t-il vraiment quelque chose de caché ? Tout cela n'est-il pas une mystification ? C'est un texte dans lequel on peut y avoir une multitude d'intentions. " Philippe Sollers l'analyse dans son article « Le Secret ». Le critique Tzvetan Todorov la prend comme point de départ de son étude de quelques nouvelles de Henry James, « Le secret du récit : Henry James ». Il conclut : « La quête du secret ne doit jamais se terminer car elle constitue le secret lui-même. »" (Wikipedia) "La force de ce récit tient au fait que, sous des allures banales, Henry James pose la question fondamentale : « Qu'est-ce que la littérature ?»" (Lecture par Jacques Leenhardt, Babel, page 83) Vraiment très bon. On trouvera le texte original sur : http://www.gutenberg.org/ebooks/645 La traduction de Jean Pavans est également disponible en poche Garnier-Flammarion, ainsi qu'en poche Minos-La Différence. On note un "[...] bondi sur lui comme une tigresse hors de la jungle. " (version Point, pages 282-283)... C'est quasiment le titre de la nouvelle suivante du recueil chez 10/18.
Dernière édition par eXPie le Dim 31 Mar 2013 - 20:13, édité 3 fois | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henry James Mar 26 Mar 2013 - 9:45 | |
| - Chatperlipopette a écrit:
"Washington Square" Nous sommes au milieu du XIXè siècle, à New York, dans une famille de l'excellente bourgeoisie. Le père, Mr Sloper, est un médecin réputé, veuf très tôt, élevant son unique fille, Catherine, à l'aide de sa soeur aînée, Mrs Penniman, également veuve. La famille vit dans une coquette maison dans un très beau quartier newyorkais: Washington Square. Mr Sloper a une autre soeur, Mrs Almond aussi vive et intelligente que Mrs Penniman est sotte et naïve. Tout pourrait être au mieux dans le meilleur des mondes mais Catherine, qui n'a hérité d'aucun des attraits, tant physiques qu'intellectuels (aux dires de son père), de sa mère n'est guère entourée de prétendants malgré ses vingt ans. C'est une jeune fille timide, réservée, manquant de confiance en elle et vouant un amour et une admiration sans borne à son père. Ce dernier est loin d'être admiratif voire affectueux avec elle: une seule femme était digne de son intérêt, son épouse, et elle n'est plus, morte peu de temps après la naissance de Catherine. Ah, un élément important du récit: avant la naissance de Catherine, le docteur eut un fils, mort à trois ans, autant dire que la venue d'une fille fut loin d'être une joie - Citation :
- « Deux ans plus tard, Mrs Sloper avait donné le jour à un autre enfant – enfant d'un sexe qui faisait de la pauvre créature une piètre compensation pour la perte du premier-né tant regretté et dont le père s'était juré de faire un homme accompli. La petite fille qui naquit fut donc une déception; mais le pire était encore à venir. »
(p 14) Ainsi est donc planté le décor, l'atmosphère sombre du récit est présente dès le début: on suppose que les joies seront bien rares pour cette petite fille puis jeune fille et enfin jeune femme. Bien entendu arrive ce qui doit arriver: l'apparition d'un prétendant, Morris Townsend! A partir de cet instant, la saveur, déjà agréable du roman, devient délicieuse: l'art de la narration, l'écriture de James transporte le lecteur dans un univers savoureusement dix-neuvième siècle, digne d'une Jane Austen ou d'un Honoré de Balzac, où les coureurs de dot utilisent mille et un artifices, où les pères ne veulent que le bonheur de leurs filles, où les tantes sont tout sauf de bonnes conseillères, où les silences sont plus évocateurs que les pires scènes, où la bonne société est décortiquée avec une ironie teintée de fiel. Henry James, grand admirateur de l'Angleterre (il obtiendra la nationalité britannique l'année de sa mort en 1916), décrit une société bourgeoise américaine aux accents très victoriens: l'ouest des pionniers est bien loin, New York ressemble comme deux gouttes d'eau à Londres, avec ses préjugés (malgré l'ouverture d'esprit typiquement américain: le docteur laisse libre sa fille de son choix), ses coteries, ses salons. Le roman est la bataille enragée que se mènent Sloper, Morris Townsend et Catherine. Sloper comprend tout de suite que Townsend est un vulgaire coureur de dot, égoïste et cruel et souhaite déciller l'aveuglement amoureux de sa fille. Seulement, comment combattre celui qui a su tout de suite parler avec tendresse, même si ce n'est que par calcul, et romantisme à Catherine qui n'a vécu qu'indifférence, déception et mépris paternels? Comment vaincre celui qui sait regarder autrement une jeune fille banale et terne? Comment agir pour que Catherine ne sombre pas dans les rets de Townsend? En menaçant de ne rien léguer, hors l'héritage maternel, à sa fille si elle épouse Townsend sans son consentement! Mais Catherine est bornée et butée: elle tient tête et ne voit rien du jeu mercantile de son prétendant. En effet, Townsend est fauché comme les blés, et ne recherche que la fortune de Catherine: s'il ne l'obtenait pas, comment se comporterait-il avec elle? Durement, égoïstement, méchamment comme tous les jouisseurs déçus: tel est l'avertissement de Sloper. Quant au personnage de la tante, Mrs Penniman, c'est une catastrophe ambulante: non seulement elle est un peu bête (beaucoup plus que Catherine qui elle n'a pu s'épanouir dans l'amour maternel ni paternel et qui n'a jamais senti un regard atendri et fier venant de son père) mais en plus son esprit romanesque emmêle tout et tout le monde. Un portrait ironique superbement réussi par Henry James: on y retrouve un peu des soeurs cadettes, inconséquentes, d'Elisabeth dans « Orgueil et préjugés » d'Austen. L'art de James est de maintenir le lecteur en spectateur tout en lui donnant la possibilité de s'identifier à certains personnages. En effet, on ne peut trouver antipathique Catherine qui n'a reçu que froideur, inintérêt et le minimum requis d'éducation féminine de la part de son père: elle ne pourra jamais être à la hauteur de sa mère, dont elle porte le prénom histoire d'alléger le poids des ancêtres (!), car elle ne doit pas avoir un tel défi à relever ce que ne peut, ne veut, pas comprendre le docteur Sloper! Un tel fardeau est insupportable pour les épaules d'une fillette puis d'une jeune fille vivant dans l'ombre encombrante du souvenir maternel, orchestré inconsciemment par le père. On comprend qu'elle se laisse berner par les compliments et les serments du premier venu, portant beau la redingote et la canne. On ne peut en vouloir à Sloper d'être intransigeant et ironique: il ne veut pas que sa fille soit malheureuse ni dépouillée de ses biens. Jusqu'à la fin du roman, James tient en haleine son lecteur et le fait passer par tous les sentiments: agacement, rire, peine, haine, envie de secouer Catherine pour lui ouvrir les yeux, envie de claquer le docteur qui ne sait pas aimer sa fille, envie de gifler le bellâtre de Townsend qui ment comme il respire, envie de rabattre le caquet agaçant de la tante et de lui dire d'arrêter ses manigances puériles et néfastes, envie de voir l'histoire de Catherine bien se terminer, de la voir heureuse et épanouie... comme lorsqu'on lit « Eugénie Grandet ». Un délicieux roman ironique, écrit avec une finesse exquise, à lire sans modération: du grand art littéraire! Excellent commentaire une fois de plus Chatperlipopette : je ne pensais pas y revenir car, même si on pourrait analyser les situations et personnages à l'infini , tu as bien souligné ce qui me semble l'essentiel ! En réfléchissant cette nuit , il m'est apparu aussi que le destin de cette pauvre Catherine était presque déterminé : dans le désir inconscient de faire "acte de réparation" de la mort de sa mère qui survient quelques jours après sa naissance .....en choisissant de ne pas faire ombrage à cette créature dotée de toutes les perfections terrestres qui restera la référence suprême pour son père adoré, elle se sacrifiera (inconsciemment toujours ) en devenant cette femme terne et dépourvue d'attraits !
inversement , on pourrait aussi se poser la question si le regard sans indulgence de ce père adoré n'est pas aussi déterminant de ce qu'elle deviendra : On se définit selon le regard de nos référents ..... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Henry James Mar 26 Mar 2013 - 21:37 | |
| Merci pour toutes ces comparaisons eXPie ! | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Mer 27 Mar 2013 - 7:42 | |
| La dernière nouvelle du recueil 10/18, avec ce coup-ci moins de versions différentes que précédemment (ce sera un peu plus lisible, du coup...). 3/ La Bête dans la jungle. ( The Beast in the Jungle, 1903). Traduction de Marc Chadourne. 69 pages en version 10/18. Un homme, John Marcher, rencontre une femme, May Bartram. Il se rend compte qu'il l'avait déjà rencontrée dix ans auparavant, en Italie... Il l'avait totalement oubliée, mais voilà que, maintenant, en fouillant dans sa mémoire, il s'en souvient. Texte original | Marc Chadourne (10/18) | Fabrice Hugot (Points) | Evelyne Labbé (Pléiade) | They looked at each other as with the feeling of an occasion missed; the present would have been so much better if the other, in the far distance, in the foreign land, hadn’t been so stupidly meagre. There weren’t, apparently, all counted, more than a dozen little old things that had succeeded in coming to pass between them; trivialities of youth, simplicities of freshness, stupidities of ignorance, small possible germs, but too deeply buried—too deeply (didn’t it seem?) to sprout after so many years. Marcher could only feel he ought to have rendered her some service—saved her from a capsized boat in the bay or at least recovered her dressing-bag, filched from her cab in the streets of Naples by a lazzarone with a stiletto. | "Ils se regardaient l'un l'autre comme avec le sentiment d'une occasion manquée. Le présent eût tellement mieux valu si le passé, à cette distance, dans ce pays étranger, n'avait pas été si absurdement pauvre. Le compte en était vite fait de ces petites choses qui avaient trouvé moyen de se passer entre elle et lui, autrefois ; guère plus d'une douzaine assurément : banalités de jeunesse, naïvetés d'enfance, sottises d'ignorances, petits germes possibles, mais trop profondément enfouis - trop profondément, n'est-ce pas ? - pour pousser après tant d'années ?... Marcher sentait qu'il eût dû, en ce temps-là, rendre à la jeune femme quelque signalé service - la repêcher de quelque naufrage dans la baie ou, tout au moins, retrouver son nécessaire de toilette soustrait de sa voiture par quelque lazzarone à stylet, dans les rues de Naples." (page 158) | "Aussi se regardaient-ils avec le sentiment d'une occasion manquée. La rencontre d'aujourd'hui aurait été tellement plus merveilleuse si la première dans ce lointain passé, là-bas, n'avait pas été si sottement banale. Il n'y avait pas eu entre eux, tout bien compté, plus d'une dizaine de petits événements, de ces petits riens de la jeunesse empreints de simple candeur et d'ignorante gaucherie, petits faits prometteurs peut-être, mais trop profondément ensevelis pour pouvoir jamais, semblait-il, revenir éclater à la surface, après toutes ces années. Marcher se disait qu'il aurait dû lui rendre alors quelque grand service comme de la sauver d'un naufrage dans la baie de Naples ou au moins récupérer son nécessaire de toilette arraché en plein Naples par un quelconque lazzarone armé d'un stylet." (page 21). | "Ils se regardaient comme avec le sentiment d'une occasion manquée ; l'occasion présente eût été tellement meilleure si la précédente, déjà si lointaine et en terre étrangère, n'avait pas été aussi stupidement indigente. Tout bien compté, apparemment, c'est à peine si l'on pouvait dénombrer une douzaine de petites choses anciennes qui avaient réussi à se produire entre eux : vétilles de jeunesse, ingénuités candides, naïves inepties, menues graines en puissance, mais trop profondément enfouies (à ce qu'il semblait, n'est-ce pas ?) pour pouvoir germer après tant d'années. Marcher se disait qu'il aurait dû lui rendre quelque service - la sauver d'un bateau retourné dans la baie, ou tout au moins récupérer son nécessaire de toilette qu'un lazzarone armé d'un stylet avait arraché de son fiacre dans les rues de Naples." (page 849)
|
" Pourtant, oubliant son titre, James ouvre son roman par une véritable apothéose, car quoi de plus étourdissant et de plus heureux que, tout à la fois, ces retrouvailles et ce coup de foudre merveilleux entre John Marcher et May Bartram, entre ce jeune homme distingué et cultivé, entouré d'amis et cette jeune femme plus solitaire, impérieusement belle mais douce et modeste [..] Cette ouverture en forme de « happy end » est une des plus belles scènes d'amour que James ait écrites, une des plus simples, un moment parfait que rien ne gâte, rien sauf le sentiment étrange qu'ils s'agit plus d'une fin que d'un début et que cette belle scène est fragile car sur elle pèse peut-être toute la menace du titre." (Présentation de Fabrice Hugot, page 1, Points) De plus, ce qui est bien étrange, c'est que May Bartram se souvient de leur première rencontre nettement mieux que John Marcher... D'ailleurs, elle lui dit qu'elle n'a pas oublié, depuis ces dix ans, ce qu'il lui avait confié sur un bateau... Texte original | Marc Chadourne (10/18) | Fabrice Hugot (Points) | Evelyne Labbé (Pléiade) | “I judge,” he finally said, “that I know what you mean. Only I had strangely enough lost any sense of having taken you so far into my confidence.” “Is it because you’ve taken so many others as well ? ” “I’ve taken nobody. Not a creature since then.” “So that I’m the only person who knows ?” “The only person in the world.” “Well,” she quickly replied, “I myself have never spoken. I’ve never, never repeated of you what you told me.” | "Je pense, dit-il enfin, que je sais ce que vous voulez dire. Mais, c'est assez étrange, je n'avais pas gardé la moindre idée de vous avoir à ce point mise dans mes confidences. - Vous seriez-vous donc confié ainsi à d'autres gens ? - À personne. Absolument personne depuis lors. - De telle sorte que je suis la seule qui sache ? - La seule au monde ! Eh bien, répliqua-t-elle promptement., je n'ai jamais répété ce que vous m'avez dit..." (page 163) | "« Je pense que je vois que ce vous voulez dire, finit-il par répondre, mais, chose curieuse, je ne me rappelais pas vous avoir fait une si grande confidence. - Est-ce parce que vous l'avez faite à beaucoup d'autres personnes ? - Pas du tout. A personne. - Je suis donc la seule à savoir. - La seule personne au monde. - Eh bien ! enchaîna-t-elle aussitôt, je n'en ai jamais parlé. Je n'ai jamais répété ce que vous m'aviez confié." (page 26). | "« A la réflexion, finit-il par dire, je pense que je sais de quoi vous parlez. Seulement j'avais perdu, de façon plutôt curieuse, toute conscience d'être allé aussi loin en me confiant à vous. - Est-ce parce que vous vous êtes confié à beaucoup d'autres également ? - Non, à personne. Pas à une seule âme depuis lors. - De sorte que je suis la seule personne à savoir ? - La seule au monde. - Eh bien, répliqua-t-elle aussitôt, je n'ai, de mon côté, jamais parlé non plus." (page 852). |
Eh oui, il a totalement oublié cet épisode ! Il a pourtant révélé son secret ! Le lecteur peut croire un moment qu'il ne saura jamais pas en quoi consiste ce terrible secret, mais il n'en est heureusement rien. C'est un secret qui le rend différent des autres hommes. May Bartram va l'assister. Texte original | Marc Chadourne (10/18) | Fabrice Hugot (Points) | Evelyne Labbé (Pléiade) | “Our habit saves you, at least, don’t you see ? because it makes you, after all, for the vulgar, indistinguishable from other men. What’s the most inveterate mark of men in general ? Why the capacity to spend endless time with dull women—to spend it I won’t say without being bored, but without minding that they are, without being driven off at a tangent by it ; which comes to the same thing. I’m your dull woman, a part of the daily bread for which you pray at church. That covers your tracks more than anything.”
| "- Nos habitudes nous sauvent, vous au moins, ne trouvez-vous pas ? C'est grâce à elles, après tout, qu'aux yeux du vulgaire vous ne vous distinguez en rien des autres hommes. Quelle est la caractéristique la plus invétérée des hommes en général ? N'est-ce point la capacité qu'ils ont de passer indéfiniment leur temps avec des femmes ennuyeuses, de le passer, je ne dirai pas sans s'ennuyer, mais, ce qui revient au même, sans prendre garde qu'ils s'ennuient, sans en être incommodés jusqu'à chercher à prendre la tangente. C'est moi qui suis votre femme ennuyeuse, une part de ce pain quotidien pour lequel vous priez à l'église. Et voilà qui couvre vos voies mieux que n'importe quoi." (page 177) | "« Nos habitudes vous sauvent, vous, en tout cas. Qu'en dites-vous ? Elles vous rendent tout pareil aux autres hommes. Car enfin, quel est le propre des hommes en général ? Eh bien ! la capacité de passer des heures entières avec des femmes ennuyeuses et d'y arriver, je ne dirais pas sans s'ennuyer, mais sans faire attention qu'ils s'ennuient ou sans songer à prendre le large pour leur échapper, ce qui revient au même. Et moi, je suis votre femme ennuyeuse. Je suis un peu de ce pain quotidien pour lequel vous priez à l'église. Et c'est comme cela que vous trompez l'ennemi." (page 43). | "« Au moins, notre habitude vous sauve, ne le voyez-vous pas ? parce qu'en fin de compte, aux yeux du vulgaire, elle vous permet de ne pas vous distinguer des autres hommes. Quelle est, chez les hommes en général, la caractéristique la plus invétérée ? Eh bien, la capacité de passer un temps infini en compagnie de femmes insipides - de le passer, je ne dirais pas sans s'ennuyer, mais sans se soucier de leur ennui, sans chercher à prendre la tangente en conséquence, ce qui revient au même. Je suis donc votre femme insipide, une partie du pain quotidien pour lequel vous priez à l'église. Voilà ce qui, mieux que tout, couvre vos traces." (page 863)
|
Mystérieux, n'est-ce pas ? Mais on aura des explications. Une histoire de vie gâchée, deux êtres qui auraient pu être heureux ensemble, qui sont quand même souvent ensemble tout en étant nettement moins heureux qu'ils n'auraient pu l'être, à cause de ce secret... Une bonne nouvelle, mais il me semble moins riche de possibilités que l'Image dans le Tapis. Il y a une certaine parenté thématique avec la nouvelle l'Autel des Morts (1895). D'ailleurs, François Truffaut est censé s'être inspiré de ces deux nouvelles (ainsi que de Les Amis des Amis, dit Wikipedia, mais cela semble surprenant) pour son film La Chambre Verte (on y reconnaît quasiment uniquement l'Autel des Morts). On trouvera le texte en anglais sur : http://www.gutenberg.org/ebooks/1093
Dernière édition par eXPie le Lun 1 Avr 2013 - 9:22, édité 1 fois | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Henry James Mer 27 Mar 2013 - 17:48 | |
| J'aime beaucoup ces mises côte à côte de traductions. Je n'arrive pas à choisir, je me dis toujours que j'aurais probablement fait un mix, de l'une et de l'autre ou de celle-ci et celle là. C'est intéressant, vraiment. Traduire est un exercice périlleux et si difficile ! | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Mer 27 Mar 2013 - 22:55 | |
| - domreader a écrit:
- J'aime beaucoup ces mises côte à côte de traductions. Je n'arrive pas à choisir, je me dis toujours que j'aurais probablement fait un mix, de l'une et de l'autre ou de celle-ci et celle là. C'est intéressant, vraiment. Traduire est un exercice périlleux et si difficile !
Oui, il n'y a souvent pas de solution idéale. Quand on a sous la main plusieurs traductions, et puis le texte sur internet, la tentation est grande de comparer, d'aller voir. Avec James on a souvent l'impression qu'on perd quelque chose, qu'il y a une partie du sens qu'on n'a pas, mais qu'on trouvera peut-être dans une autre traduction. Et si on lit en anglais et qu'on ne comprend pas tout, on ne sait pas si c'est parce que quelque chose nous a échappé du fait que l'anglais n'est pas notre langue natale, ou bien si c'est normal, et qu'un Anglais n'aurait pas tout compris non plus... | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Henry James Mer 27 Mar 2013 - 23:29 | |
| Je ne sais pas jusqu' à quel point, James a voulu qu' on ne saisisse pas tout. Y compris en anglais. C' est un auteur de l' ambivalence, de l' élipse, des fausses apparences, des vérités cachées ou non dites. Je dois avouer que dans certaines nouvelles comme Maud Evelyn et La mort du lion, j' ai été ébloui et perplexe... Mais très admiratif ! ça oui !
Dans certains livres plus intimes que d' autres (je cherche le titre du roman ou de la nouvelle) on sent qu' il a envie d' etre compris et meme pardonné. Pour n' avoir pas épousé la femme qui l' aimait et l' avoir laissé mourir seule... Pour avoir peut etre raté sa vie personnelle au détriment de sa vie d' écrivain... Oh mais c' est peut etre dans Le maitre : Colm Toibin.... | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Mer 3 Avr 2013 - 7:34 | |
| - L'autel des Morts Ce livre, chez Stock, comporte deux nouvelles : L'Autel des Morts et Dans la Cage. 1/ L'Autel des Morts ( The Altar of the Dead, 1895). 75 pages. Le personnage principal de cette nouvelle s'appelle George Stransom. Il a été marqué par le décès, dû à une fièvre maligne, de Mary Antrim, la jeune fille qu'il devait épouser. Texte original | Diane de Margerie (Stock) | Jean Pavans (La Différence, tome III) | François Piquet (Pléiade, tome III) | He had not been a man of numerous passions, and even in all these years no sense had grown stronger with him than the sense of being bereft. He had needed no priest and no altar to make him for ever widowed. He had done many things in the world—he had done almost all but one: he had never, never forgotten. He had tried to put into his existence whatever else might take up room in it, but had failed to make it more than a house of which the mistress was eternally absent. | "Il n'avait pas connu beaucoup de passions, et on peut même dire qu'au cours de toutes ces années aucun sentiment ne s'était plus enraciné en lui que celui d'être dépossédé. Il n'avait fallu ni prêtre ni autel pour faire de lui un veuf. Il avait accompli bien des choses en ce monde, à une exception près : il n'avait jamais oublié. Il avait tenté par tous les moyens de combler le vide de son existence, sans parvenir à en faire autre chose qu'une maison dont la maîtresse était éternellement absente." (page 10) | "Il n'avait pas été du genre à cultiver de nombreuses passions, et malgré le nombre des années aucun sentiment en lui n'avait surpassé le sentiment d'être abandonné. Il n'avait eu besoin ni de prêtre ni d'autel pour devenir veuf à jamais. Il avait fait plusieurs choses au monde ; il avait fait presque toutes les choses, sauf une : il n'avait jamais oublié. Il avait essayé d'introduire dans son existence tout ce qui pouvait y trouver une place, mais il n'en avait jamais rien fait d'autre qu'une maison dont la maîtresse était éternellement absente." (page 761) | "Il n'avait pas été l'homme de nombreuses passions et il n'était pas de conviction qui se fût au fil de toutes ces années, plus profondément enracinée en lui que celle d'avoir été dépossédé. Il n'avait été besoin ni de prêtre ni d'autel pour faire de lui à tout jamais un veuf. Il avait accompli bien des choses en ce monde ; en fait, il n'avait pratiquement connu que des réussites, à une exception près : il n'était jamais parvenu à oublier. Il s'était évertué à meubler le vide de son existence, sans parvenir à en faire autre chose qu'une maison dont l'hôtesse était perpétuellement absente." (pages 1077-1078). |
Les morts vont occuper une place de plus en plus importante dans sa vie, du moins dans son temps libre. Texte original | Diane de Margerie (Stock) | Jean Pavans (La Différence, tome III) | François Piquet (Pléiade, tome III) | There were other ghosts in his life than the ghost of Mary Antrim. He had perhaps not had more losses than most men, but he had counted his losses more ; he hadn’t seen death more closely, but had in a manner felt it more deeply. He had formed little by little the habit of numbering his Dead: it had come to him early in life that there was something one had to do for them. They were there in their simplified intensified essence, their conscious absence and expressive patience, as personally there as if they had only been stricken dumb. When all sense of them failed, all sound of them ceased, it was as if their purgatory were really still on earth: they asked so little that they got, poor things, even less, and died again, died every day, of the hard usage of life. | "D'autres fantômes que celui de Mary Antrim peuplaient sa vie. Il n'avait peut-être pas eu plus de deuils que la plupart des hommes, mais ils avaient compté davantage. Il n'avait pas vu la mort de plus près, mais il l'avait sentie plus profondément. Il avait pris, peu à peu, l'habitude de compter ses morts. L'idée lui était venue, assez tôt dans la vie, que l'on devait faire quelque chose pour eux. Ils survivaient dans une essence plus simple et plus intense, dans une absence inconsciente, dans une patience significative, et leur existence restait individuelle, comme s'ils n'étaient que frappés de mutisme. Quand tout sentiment de leur présence avait disparu, quand on cessait d'entendre leur voix, il semblait que le purgatoire commençât pour eux sur cette terre. Ils demandaient si peu, les pauvres morts, qu'ils obtenaient moins encore, et ils mouraient chaque jour, sous le dur traitement de la vie." (pages 11-12) | "Il y avait dans sa vie d'autres fantômes que le fantôme de Mary Antrim. Il n'avait sans doute pas subi davantage de pertes que la plupart des hommes, mais il les avait davantage comptées ; il n'avait pas vu la mort de plus près, mais il l'avait d'une certaine manière, plus profondément sentie. Il avait peu à peu acquis l'habitude de dénombrer ses morts ; et il en était venu, assez tôt dans sa vie, à se dire qu'on devait faire quelque chose pour eux. Ils étaient là dans leur essence simplifiée et intensifiée, dans leur absence consciente et leur patience expressive, aussi attentifs que s'ils étaient brusquement devenus muets. Quand on n'avait plus de pensée pour eux, ils ne faisaient plus aucun bruit, et c'était comme si leur purgatoire était vraiment encore sur terre : ils demandaient si peu, et par là ils obtenaient, les pauvres êtres, encore moins : ils mouraient de nouveau, mouraient tous les jours, de la dure usure de la vie." (page 762) | "Il était dans sa vie d'autres fantômes que celui de Mary Antrim. Il n'avait peut-être pas connu plus de deuils que la plupart des hommes, mais ils avaient pesé plus lourd. Il avait pris, petit à petit, l'habitude de dénombrer ses Morts. Raisonnablement tôt dans son existence, il lui était apparu qu'il fallait faire quelque chose pour eux. Ils se trouvaient là, voués à une essence plus simple et plus intense, avec leur absence délibérée et leur patience lourde de sens, leur personnalité aussi présente que s'ils n'avaient été frappés que de mutisme. Quand tout conscience de leur présence s'effaçait, quand leur voix n'était plus du tout perceptible, c'était en réalité comme si leur purgatoire se prolongeait en ce bas monde ; ils demandaient si peu, les malheureux, qu'ils obtenaient moins encore et mouraient de nouveau, mouraient chaque jour sous la dure loi de la vie." (page 1078) |
Il communique finalement mieux avec les morts qu'avec les vivants... Texte original | Diane de Margerie (Stock) | Jean Pavans (La Différence, tome III) | François Piquet (Pléiade, tome III) | There were hours at which he almost caught himself wishing that certain of his friends would now die, that he might establish with them in this manner a connexion more charming than, as it happened, it was possible to enjoy with them in life. In regard to those from whom one was separated by the long curves of the globe such a connexion could only be an improvement: it brought them instantly within reach.[...] There was a strange sanctification in death, but some characters were more sanctified by being forgotten than by being remembered. The greatest blank in the shining page was the memory of Acton Hague, of which he inveterately tried to rid himself. For Acton Hague no flame could ever rise on any altar of his. | "À certains moments, il se surprenait presque à souhaiter la mort de certains de ses amis, afin de pouvoir établir avec eux une relation plus séduisante que celle qu'il connaissait alors. Pour ceux qui étaient distants à travers l'univers, une telle relation ne pouvait opérer qu'un rapprochement : ils se trouvaient tout à coup dans un voisinage immédiat. [...] Il y avait une étrange sanctification dans la mort, mais certains étaient plus sanctifiés par l'oubli que par le souvenir. Le manque le plus flagrant, dans cette page étincelante, était le souvenir d'Acton Hague, qu'il essayait obstinément de chasser. Pour Acton Hague, aucune flamme ne pourrait jamais s'allumer sur son autel." (pages 30-31) | "Par moments, il en venait presque à souhaiter la mort de certains de ses amis, afin d'établir avec eux un lien plus délicieux que celui qu'il pouvait cultiver dans la vie. Avec ceux dont on était séparé par les longues courbes du globe, un lien pareil ne pouvait être qu'un progrès : il les mettait instantanément à portée de main. [...] La mort opérait une étrange sanctification, mais certains personnages étaient d'avantage sanctifiés en étant oubliés qu'en étant célébrés. Le plus grand vide dans cette page scintillante était le souvenir d'Acton Hague, dont il essayait obstinément de se débarrasser. Pour Acton Hague, aucune flamme ne pourrait jamais s'élever sur son autel personnel." (page 768) | "À certains moments, il se surprenait à presque souhaiter la mort immédiate de quelques-uns de ses amis afin qu'il puisse de la sorte établir avec eux une relation plus charmante que celle qu'il lui était possible de goûter de leur vivant. Pour ceux dont le séparait la longue courbure du globe, une telle relation ne pouvait constituer qu'un progrès : elle les mettait instantanément à votre portée. [...] La mort opérait une étrange sanctification, mais certains étaient plus sanctifiés par l'oubli que par la mémoire. L'absence la plus manifeste dans cette page étincelante concernait le souvenir d'Acton Hague, dont il tentait avec obstination de se défaire. Jamais aucune flamme ne pourrait s'allumer sur son autel pour Acton Hague." (pages 1088-1089). |
Acton Hague est presque son ennemi personnel, en fait plutôt quelqu'un qui l'a beaucoup déçu, et à qui il ne peut pas pardonner. De façon assez similaire à La Bête dans la Jungle, George Stransom va faire la connaissance d'une femme... Une très bonne nouvelle, sombre - une réflexion sur la mort et la survie après la mort - , qui se déroule dans un monde qui ne paraît pas tout à fait réel, presque déserté, dans laquelle il ne se passe pas grand chose, mais qui laisse néanmoins une impression durable. La notice de la Pléiade ouvre des pistes de réflexion très intéressantes, notamment en rapport avec la vie privée de James, qui avait commencé à écrire cette nouvelle quelques mois après la mort de son amie Constance Fenimore Woolson. La femme de la nouvelle et Constance Fenimore Woolson ont de nombreux points communs.... On pourra trouver le texte en anglais sur : http://www.gutenberg.org/ebooks/642 François Truffaut a adapté cette nouvelle et l'a située en France. C'est La Chambre Verte (1978). Même si, officiellement : Dès le début, le film est placé sous le signe de la mort. Ici, avec la jeune femme, interprétée par Nathalie Baye.
Dernière édition par eXPie le Jeu 4 Avr 2013 - 22:55, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Henry James Mer 3 Avr 2013 - 22:23 | |
| 2/ Dans la cage ( In the Cage, 1898). 194 pages. Voici le début de cette nouvelle : Texte original | François-Xavier Jaujard (Stock) | Aurélie Guillain (La Pléiade, volume 3) | It had occurred to her early that in her position—that of a young person spending, in framed and wired confinement, the life of a guinea-pig or a magpie—she should know a great many persons without their recognising the acquaintance. That made it an emotion the more lively—though singularly rare and always, even then, with opportunity still very much smothered—to see any one come in whom she knew outside, as she called it, any one who could add anything to the meanness of her function. Her function was to sit there with two young men—the other telegraphist and the counter-clerk; to mind the “sounder,” which was always going, to dole out stamps and postal-orders, weigh letters, answer stupid questions, give difficult change and, more than anything else, count words as numberless as the sands of the sea, the words of the telegrams thrust, from morning to night, through the gap left in the high lattice, across the encumbered shelf that her forearm ached with rubbing. | "Elle avait vite compris que dans sa situation - celle d'une jeune femme en cage pour la vie derrière la grille d'un guichet, comme un cobaye ou une pie - elle connaîtrait beaucoup de gens sans être connue d'eux. Il suffisait qu'entrât à la poste quelqu'un qu'elle « connaissait du dehors », comme elle disait, pour que son coeur se mît à battre, et bien qu'un pareil événement fût singulièrement rare, et ses conséquences des plus restreintes, il relevait un peu la médiocrité de sa tâche. Cette tâche consistait à rester assise en compagnie de deux jeunes gens, l'un second télégraphiste et l'autre caissier, à s'occuper du télégraphe qui sonnait sans arrêt, à distribuer les timbres et les mandats, à peser les lettres, répondre à des questions ineptes, rendre une monnaie que souvent elle n'avait pas, et surtout à compter des mots innombrables comme des grains de sable, les mots des télégrammes jetés du matin au soir par l'ouverture du grillage, sur la tablette encombrée que son bras parcourait sans cesse au point d'en être douloureux." (pages 87-88). | "Il lui était vite apparu que dans sa position - celle d'une jeune personne menant, prisonnière de cloisons grillagées, la même vie qu'une pie ou un cochon d'Inde - elle allait rencontrer un grand nombre de personnes sans que celles-ci reconnaissent l'existence de cette relation. Son émotion était d'autant plus vive - quoique singulièrement rare, et, même alors, les possibilités restaient toujours à l'état d'ébauche - lorsqu'elle voyait entrer quelqu'un qu'elle connaissait « de l'extérieur », comme elle disait, et qui pouvait introduire quelque variété dans la pauvre monotonie de sa fonction. Ce travail consistait à rester assise en compagnie de deux jeunes gens, le deuxième télégraphiste et le guichetier, à s'occuper de l'« émetteur » qui fonctionnait sans relâche, à délivrer des timbres et des mandats, à peser des lettres, répondre à des questions ineptes, faire de la monnaie sur de gros billets et, avant toute chose, compter des mots aussi innombrables que les grains de sable de l'océan - les mots des télégrammes qu'on glissait du matin au soir à travers l'ouverture ménagée dans le haut grillage, sur l'étagère encombrée contre laquelle son avant-bras frottait si souvent qu'il en était endolori." (page 125). |
Une cloison sépare le petit bureau de poste de l'épicerie dans laquelle a officié Mr Mudge, que notre héroïne doit bientôt épouser. Grâce à sa promotion, il est maintenant ailleurs, mais dans un quartier plus populaire, et c'est mieux pour elle de ne plus le voir ainsi tous les jours : "[...] cela donnait un semblant de nouveauté à leurs retrouvailles du dimanche" (page 89). Elle pourrait travailler près de son futur mari, mais cela ne l'enchante pas. De plus, même si le trajet est long depuis chez elle jusqu'à son lieu de travail, le petit bureau de poste se trouve dans un coin chic, et notre héroïne se plaît à observer les clients. D'une certaine façon, elle est extrêmement douée : elle se souvient parfaitement de télégrammes même anciens, établit des liens entre des messages opaques, fait des rapprochements, des supputations, sent des drames pointer... Elle est à la fois fine et imaginative. De plus, elle aime les livres, et lit beaucoup de "romans à quatre sous". Elle va donc deviner des choses, en imaginer d'autres, la frontière entre le monde réel et le monde imaginaire n'étant pas toujours très nette. Elle tente, depuis sa cage, de percer les mystères du beau monde. Elle aimerait échapper à sa cage (bien sûr physique autant que figurée) pour connaître la vraie vie. Une bonne nouvelle, toutefois assez longue, parfois obscure, et aux phrases pas toujours simples. On pourra lire le texte en anglais sur http://www.gutenberg.org/ebooks/1144 . | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Henry James Lun 15 Juil 2013 - 9:22 | |
| La madone de l’avenir
Le narrateur (dont on ignore le nom) est un américain en vacances longue durée. Un riche bourgeois qui n’a pas besoin de s’esquinter les mains à travailler pour avoir de quoi vivre – personnage récurrent dans l’œuvre de Henry James. Cet homme, amoureux des arts, arrive à Florence et ne peut attendre le lendemain avant d’en découvrir les premiers trésors architecturaux. Aussi, au lieu de se mettre au lit, sort-il nuitamment pour pénétrer l’ambiance de la célèbre cité toscane.
C’est sur un place de la ville qu’il rencontre Theobald, un artiste qui passe énormément de temps à déambuler dans les musées et dans la rue à s’imprégner de l’atmosphère artistique. Savoir qu’il ingurgite et digère pour le synthétiser à la surface d’une toile sur laquelle il dit travailler : une madone (un genre passé de mode). L’homme est érudit et parle du beau, de l’esthétique en connaisseur. Le narrateur est vivement impressionné mais ne parviendra jamais à pénétrer dans l’atelier du peintre et moins encore à contempler l’une de ses créations.
C’est que l’homme, découvre-t-il, n’est jamais parvenu à coucher ses idées sur un support quelconque. De son propre aveu, l’homme possède le cerveau de Raphaël mais non sa main. La fameuse madone n’existe nulle part ailleurs que dans la tête de son inventeur. Elle est si belle que l’artiste reste des heures devant son chevalet, incapable d’apposer le premier coup de pinceaux.
Un très beau texte, émaillé toutefois de quelques passages plus délicats quand Theobald enchaine les tirades artistiques. | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Henry James Mar 16 Juil 2013 - 10:05 | |
| La solution
Il était une fois une joyeuse petite bande de jeunes célibataires de différents horizons : français, américain ou britannique (dont fait partie le narrateur), tous vivant à Rome et s’égayant dans la campagne italienne à la première occasion venue. La plupart sont à l’aise sans être riches. Un seul semble bien mieux pourvu que les autres : Mr Wilmerding, diplomate américain qu’envient ses petits camarades.
C’est justement cette petite jalousie amicale qui va conduire le narrateur et un de ses amis (français) à lui jouer un petit tour innocent. Innocent en apparence. Au cours d’une promenade champêtre, Wilmerding s’est éloigné du groupe quelques minutes avec miss Veronica Goldie. Les deux joyeux drilles laissent entendre à leur ami que celui-ci, en agissant ainsi, a fait involontairement naître certaines espérances dans l’esprit de la jeune fille et que la décence lui imposait désormais de lui présenter sa demande en mariage. Le jeune yankee est désemparé car il n’apprécie ni Veronica ni sa famille. Mais aussi crédule que chevaleresque, il se précipite malgré ses réticences pour rétablir une situation devenue pour lui intolérable.
Le narrateur est pris de court et de remords. Par sa faute, son ami s’apprête à sacrifier sa vie. Il ne sait plus que faire et accoure auprès de Mrs Rushbrook, une jeune veuve dont il est follement épris. Il lui confie la farce qu’il vient de jouer à un homme de grande probité et lui demande d’intervenir à sa place. Car notre narrateur ne semble pas très courageux. Et prompt à déléguer les missions délicates.
Mrs Rushbrook accepte de rencontrer le couple si mal parti dans la vie et la mère de la fiancée. Dans son esprit se dessine une solution dont elle ne veut toutefois pas parler. Le narrateur sera mis au courant si l’entreprise réussit, le prévient-elle. Or, la patience n’est pas non plus une des qualités du jeune homme. Aussi harcèle-t-il son amie pour connaître le fin mot de l’histoire lorsqu’il devient notoire que les fiançailles furent rompues. Mais pour son plus profond ennui, Mrs Rushbrook reste muette.
Le narrateur en sera pour ses frais. Il perça toutefois le mystère en observant les personnages de cette histoire. La fameuse solution avantage tout le monde, lui excepté.
Avec cette nouvelle italienne, Henry James met en scène un admirable jeu de dupes dans lequel le farceur se retrouve bien malgré lui pris à son propre piège. Un texte très riche, alerte avec beaucoup de dialogues, savoureux et un peu cruel. Un véritable régal ! | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Henry James Mer 17 Juil 2013 - 10:00 | |
| L’histoire d’une année
Au nord des Etats-Unis, dans la première moitié des années 1860. En pleine guerre civile. Deux jeunes gens se regardent les yeux dans les yeux : ils viennent de se fiancer dans l’intimité d’une balade champêtre. Pourtant il y a une certaine tristesse, de la douleur dans leurs yeux d’Elizabeth Crowe (Lizzie). Et de l’exaltation dans l’attitude de John Ford : le jeune homme porte l’uniforme bleu d’un lieutenant de l’Union. Il part le lendemain pour se battre en Virginie – un état ayant fait sécession. Ils se promettent des vœux éternels, mais John insiste pour que sa bien-aimée ne le pleure pas s’il venait à être tué et fasse sa vie avec l’un des nombreux beaux partis qui s’offriront à elle.
Puis, c’est l’attente. Des mois durant à échanger des lettres avec le soldat parti au loin. Et la cohabitation avec Mrs Ford, la mère de John qui est aussi la tutrice de la jeune fille. Madame a été secrètement mise au courant par son fils des intentions du couple. Et l’idée ne l’enchante guère, jugeant Lizzie ignorante et superficielle. Ce qu’elle est assurément.
Cette attente se prolongeant, la douce quiétude devint peu à peu routinière. Routine subitement troublée par l’entrée en scène d’un quatrième personnage : Mr Bruce. Tombé sous le charme de la jeune fille, il ne tarde pas à lui faire la cour.
Une nouvelle originale dans laquelle le narrateur ne participe pas aux événements. Il n’est pas le témoin des scènes décrites comme à l’accoutumé : il n’est qu’un conteur, une voix off qui – et c’est la première fois que je lis une telle chose chez Henry James – n’hésite pas à s’adresser directement au lecteur et aux personnages eux-mêmes. Une écriture teintée d’un lyrisme certain que j’ai déjà rencontré dans d’autres écrits de jeunesse de l’auteur.
Un texte très agréable. | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Henry James Ven 19 Juil 2013 - 9:20 | |
| Le professeur Fargo
Le narrateur arrive dans une petite ville des Etats-Unis. Une grande rue centrale de terre battue, la poussière vole. Bâtiments et trottoirs en bois de part et d’autre. Ambiance far-west. Pour un peu, on se croirait plongé dans Lucky Luke : avec ces bonimenteurs itinérants qui arrivent en chariot pour vendre tout et n’importe quoi et qui repartent la plupart du temps couverts de goudron et de plumes.
Et justement, un spectacle est annoncé pour la soirée. Ce qui arrange bien notre narrateur désœuvré, coincé dans ce trou pour les trois prochains jours à attendre un rendez-vous ajourné. Le professeur Fargo se présente comme un magicien hors pair, un magnétiseur de génie capable d’appeler les morts et de bavarder avec eux. Personnage haut en couleur, truculent et dénué de scrupule, qui fait son beurre sur le dos des plus crédules.
Le narrateur est très sceptique mais se rend tout de même à la représentation. L’homme est évidemment un charlatan qui parle à n’en plus finir. Pourtant, les spectateurs semblent apprécier la piètre prestation. La seconde partie du spectacle est assuré par « le colonel » et sa fille sourde et muette. Une démonstration de mathématique appliquée mettant en valeur l’extraordinaire capacité de calcul mental de la jeune demoiselle. Le lendemain, le colonel se confie au narrateur. Il est fatigué de faire équipe avec un homme malhonnête. Il aimerait le quitter mais avoue avoir besoin de lui pour attirer le chaland. Il faut bien vivre…
Une nouvelle dépaysante qui met en scène une jeune Amérique encore largement rurale avec son fameux chemin de fer, ses villes bâties de bois et ses diligences. Mais au final, des personnages peu intéressants, médiocres qui tentent de survivre et de trouver leur place dans cette société en construction. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henry James Ven 19 Juil 2013 - 10:07 | |
| Voilà de quoi donner envie de s'y replonger. Merci Harelde | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Henry James | |
| |
| | | | Henry James | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|