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| Sylvie Germain | |
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Auteur | Message |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Lun 8 Juin 2009 - 11:57 | |
| - Eve Lyne a écrit:
- Merci pour ce très beau commentaire Coline, qui donne vraiment envie de lire ce roman. .
Oui, Eve Lyne...Tu peux y aller...Il fera encore ton bonheur celui-là (choisis le moment! )... | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Sylvie Germain Lun 8 Juin 2009 - 14:13 | |
| - coline a écrit:
- OPERA MUET
Mais les travaux commencent, l’immeuble en face va être abattu et le regard protecteur du Docteur Pierre va disparaître.
On suit les images de l’effondrement progressif du mur tandis que le mental de Gabriel vacille. La disparition de l’image du mur fait remonter en lui d’autres images liées à des pertes dont il n’a pu faire le deuil.
« Il avait depuis longtemps perdu tous les lieux et les corps de ses amours…La maison de Valombreuse, sa grand-mère, ce doux génie du lieu de son enfance, la mer, et à la fin Agathe. Il ne voulait pas raviver toutes ces plaies. Il avait lavé sa mémoire pour ne plus avoir à se tourner vers elle. »
Pourtant la destruction totale du mur amène Gabriel à découvrir l’immeuble en face : « les fenêtres là-bas. ». Il observe et imagine. Il erre dans le quartier et fait la rencontre de Shamhat (la touchante "folle" qui dit être l’amoureuse abandonnée par Enkidou dans l’épopée de Gilgamesh. J'inscris aussi ce titre dans ma LAL . merci coline | |
| | | Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| Sujet: Re: Sylvie Germain Lun 8 Juin 2009 - 17:27 | |
| Une analyse de l'oeuvre de Sylvie Germain parue en janvier 2009 aux Colloques de Cerisy par Alain Goulet : Résumé : Ce bouquet d'études dialoguant entre elles tout en approfondissant l'enquête sur la figure et l'oeuvre de Sylvie Germain - romancière et essayiste capitale de notre temps - constitue un vaste panorama éclairant les principales facettes de son univers : sa pensée et sa vision du monde, son esthétique et son éthique, son interrogation sur le sens de l'existence, sa création. Chaque spécialiste s'est attaché à mettre en évidence une de ses caractéristiques, de sorte que c'est un premier bilan qui est ici rassemblé, où se succèdent des considérations sur l'histoire littéraire et la grande Histoire, la situation de la pensée de l'auteur, les spécificités et le travail de son imaginaire et de son écriture, ses conceptions esthétiques et éthiques, l'univers propre à ses romans et les modalités de sa création romanesque, la singularité de sa voix. Le tout est accompagné par la présence, l'écoute et les réactions de Sylvie Germain, et suivi d'une bibliographie de référence. Sommaire :SITUATION A côté de /aux côtés de : Sylvie Germain, une singularité située Le rapport à la bibliothèque Des voix singulières à Prague Implication éthique et politique Etre aimé à vide Sylvie Germain et Emmanuel Levinas Référents bibliques dans l'¿uvre de Sylvie GermainSylvie Germain et la peinture ECRITURE Les mots dans les romans de Sylvie GermainCris et pépiements dans l'oeuvre de Sylvie GermainLa saisie du temps dans l'oeuvre de Sylvie GermainQuelle est cette main ou l'énonciation paradoxale dans Les Personnages de Sylvie GermainL'écriture de l'effacement dans les romans de Sylvie GermainL'UNIVERS ROMANESQUE Sylvie Germain les plis du baroque Des éclats de miroir au miroir du livre Voyages aux pays des pères Pour une poétique de la mémoire Cryptes et fantômes : à la source des fictions de Sylvie GermainLes échappées tragiques de la douleur Reconstruire, dit-elle, les représentations du désir et du manque Peut-être cela intéressera-t-il notre grande admiratrice Coline. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Mar 9 Juin 2009 - 12:31 | |
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| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Mer 8 Juil 2009 - 21:34 | |
| L'édition 2009 du festival littéraire des Lettres d'automne à Montauban est consacrée à SYLVIE GERMAIN!
Du 23 novembre au 6 décembre Deux semaines avec l'auteur, des rencontres, lectures et spectacles à partir de son oeuvre.
le site
A suivre... | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Sylvie Germain Jeu 9 Juil 2009 - 0:40 | |
| Et bien il faut y aller! Montauban évidemment... . Pas pratique! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Jeu 9 Juil 2009 - 16:57 | |
| - Marko a écrit:
- Et bien il faut y aller! Montauban évidemment... . Pas pratique!
Chiche!... Ce sont de vraies rencontres sur l'oeuvre ...pas une foire!... | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Lun 13 Juil 2009 - 21:00 | |
| Le livre des nuits
A la fois conte, fable et récit poétique, ce roman éblouissant raconte l’histoire de la famille des Péniel sur plusieurs générations, et sur fond des drames de l’Histoire que furent les guerres de 1870, de 14-18 et de 39-45.
Au début de ce roman, les Péniel vivent heureux sur l’eau douce, sur les canaux. Mais la grand-mère Vitalie, une fée bienfaitrice, porte en elle un cri : celui que poussa sa mère, dans son désespoir et sa folie, lorsque le père et les frères ont péri en haute mer.
Comme elle, chaque personnage de cette saga porte en lui un fantôme intérieur qui le hante. Une « crypte » :c’est le terme qu’emploie Alain Goulet dans son essai sur l’œuvre romanesque de Sylvie Germain. Une « crypte » qui aliène sa vie, née d’un traumatisme inguérissable ou d’un deuil impossible Une crypte qui se transmet de génération en génération. Génératrice de violence, de souffrance, de folie… Et chacun cherche dans sa « nuit » des réponses, des solutions, des issues, une consolation. Elles arrivent par les rencontres, les paroles d’autrui, les mains tendues, et souvent par la nature et l’Art. « Ces nuits de mon roman […] ce sont des nuits au sens que l’entendent les mystiques. Des retournements. Ces nuits que traverse l’homme. C’est un univers auquel je suis sensible et qui me hante. Pour moi, on est toujours dans des nuits avant d’atteindre à la lumière, à la clarté, à la raison, à l’éblouissement, à l’illumination. L’humanité n’est pas sortie de ses nuits. »
Si ce roman est bien l’histoire d’un clan, il se concentre sur Victor-Flandrin qui en devient le patriarche. Victor-Flandrin vit sa première épreuve à 5 ans. Son père, Théodore-Faustin, est revenu méconnaissable de la guerre : le sabre d’un uhlan a emporté son visage. Il est devenu celui qui fait peur et se comporte donc en monstre. Il viole sa fille Herminie-Victoire et coupe l’index et le majeur de la main droite de son fils pour éviter à ce dernier d’aller un jour à la guerre. Après la mort de son père, Victor-Flandrin va quitter le monde de l’eau douce. Un halo l’entoure qui tient à l’écart ceux qui veulent l’attaquer. C’est la protection de sa grand-mère Vitalie. Il porte autour du cou un collier de perles couleur de lait : ces perles sont les larmes posthumes versées par son père qu’il a recueillies en signe de réconciliation.
Victor-Flandrin va d’abord travailler dans une mine puis reprendre son chemin qui le mène vers le monde de la terre. Il devient Nuit-d’or-Gueule-de-loup. - Nuit-d’or à cause des 17 taches d’or dans son œil gauche : elles lui confèrent des dons et un aspect merveilleux.(17 ,c’est aussi le nombre d’enfants qu’il engendrera, tous jumeaux ou triplés). Chacun d’eux portera dans son œil une tache d’or. - Gueule-de-loup parce qu’il est doué d’un pouvoir de communication avec les forces cachées, comme celle du loup qu’il subjugue par son regard.
Terre-Noire ,la ferme dans laquelle il s'arrête va devenir le nid de sa nombreuse famille. Située à la frontière du pays, cette terre subit très cruellement les conséquences des guerres. Mais le Mal est aussi au cœur de la famille : violence, inceste, dépit amoureux, jalousie, vengeance, volonté d’emprise et de possession… Nuit-d’or-Gueule-de-loup se révolte face au silence de Dieu devant tant de souffrances.
Les personnages et les événements de ce roman relèvent du fantastique et du merveilleux sans qu’en soit affectée l’impression de réalité. Ils sont étranges, attachants ou inquiétants, reliés charnellement à leur environnement. A la terre, au ciel, au soleil, à la lumière et à la nuit.
« Je pense que, dans ce livre, il y avait en germe et en concentré toutes mes obsessions et ce qui s’est développé après. » (Sylvie Germain pour Evene 2005). Ce fut le premier roman de Sylvie Germain et on y trouve en effet ses thématiques liés au viol, à la filiation, au visage, au regard, à la voix. A la Shoah : "Quant à Ruth et à ses enfants, leur absence redoublée de silence finit tout de même par se justifier; leur disparition reçut un nom. Mais un nom tellement difficile à prononcer et à concevoir que Nuit-d'Or-Gueule-de-Loup ne savait par quel bout le prendre. Il le retournait en tous sens, plus encore qu'auparavant la carte de Thadée envoyée de Lindau. Mais quel que soit le sens il ne faisait que s'y écorcher toujours plus douloureusement le coeur. C'est que ce nom, comme tant d'autres, était tout hérissé de barbelés, de fumées noires, de miradors, de crocs de chiens et d'os humains. Sachsenhausen. Un nom annulatif raturant d'un seul trait les noms de Ruth, Sylvestre, Samuel, Yvonne et Suzanne. Un nom définitif."
J’ai écrit l’adjectif « éblouissant » en commençant mon commentaire sur ce roman… Eblouissant, oui, de sensibilité, de poésie et de simplicité. Oscillant comme toujours entre noirceur absolue et douce lumière… | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Sylvie Germain Mar 14 Juil 2009 - 4:14 | |
| - coline a écrit:
- La pleurante des rues de Prague
Extrait:
" Nous sommes faits de la chair des autres. Il y a ces deux corps qui nous précédèrent comme de toute éternité, qui nous ont engendré, - ceux des parents. Il y a ceux qui grandirent à nos côtés, nés des mêmes parents, porteurs d'une même mémoire enfouie, obscure, dans la chair et le sang,
- Spoiler:
- ceux de la fratrie. Il y a ceux qui s'engendrent à leur tour de notre propre chair, ces corps enfants qu'il faut longtemps veiller, nourrir et protéger pour les laisser mûrir et croître jusqu'à ce qu'ils se détachent de nous et s'en aillent d'une démarche ferme au-delà des frontières que nous avions tracées. Tous nous demeurent consubstantiels.
Et il y a cet être qui surgit soudain, venu d'ailleurs, qui se détache un jour de la foule et vient à notre rencontre, s'approche tout près de nous. Qui s'approche si près que son souffle se mêle au nôtre, que son visage se glisse en nous. C'est l'amant, c'est l'amante, qui se fait notre corps compagnon. Notre corps second. Et qui, bien qu'étranger, parce qu'étranger, nous devient aussi consubstantiel, par les voies du désir qui coupent à l'oblique celles de la filiation.
Pour l'avoir contemplé, enlacé, caressé, pour avoir dormi tout contre lui, dans sa chaleur et son odeur, pour l'avoir désiré d'un désir encore accru au comble même de son assouvissement, on le connaît, cet autre, comme nul ne le connaît, - comme nul autre ne peut ni ne doit le connaître.
Il est sacré, le corps de l'amant, de l'amante, il est pur, jusque dans les fougues et les râles du désir s'accomplissant. Il est notre secret, notre orgueil et notre bonheur. Bonheur fertile qui féconde tous nos autres instants de bonheur, tous nos autres élans vers le monde, vers les choses et les êtres. Il est la stèle dressée tout le long du chemin, à chaque carrefour ; la stèle dont le texte se renouvelle sans cesse et dont on ne se lasse pas de recommencer la lecture, avec les doigts, avec les lèvres, autant qu'avec les yeux.
On le croyait nôtre, inséparable, d'une indéfectible complicité, ce corps second. On se leurrait. Le voilà qui s'en va, nous renie, nous oublie. Et la douleur pénètre dans chaque pore de la peau, elle s'insinue partout, et la raison, que l'on tâche pourtant d'endurcir, éclate, s'effrite. La raison ne veut plus rien entendre, c'est l'épouvante. On se heurte à l'absence de l'autre, on ne sait plus où aller, où se cacher, où fuir. On s'humilie, on se surprend à épier, éperdument, sa silhouette dans la rue, dans la foule, à sursauter au moindre bruit, comme s'il s'en revenait ; tous les pas sont ses pas. Mais lui, elle, marche ailleurs, si loin de nous, indifférent. On l'accuse, le maudit, l'injurie, mais le pardon déjà se trame au fond de nous. On voudrait mourir, mais on perdure, tendu dans le désir fou de le revoir. Encore une fois, juste une fois, rien qu'une fois. On le hait, mais on l'appelle avec l'immense patience, et douleur et amour des prophètes rappelant leur peuple frivole à la fidélité. On se moque, on médit de l'infidèle, - on blasphème, mais un mendiant recroquevillé au fond de nous lui tend la main, l'implore.
Et l'on s'envole, à cheval sur son nom ; on dérive vers les cimes glacées du silence où se gèlent nos larmes, nos appels. On tremble, on est si nu, on a si froid. On supplie l'autre de venir vêtir notre nudité de son corps. On est si nu, que l'on est écorché, à moitié dépeaussé. On est nu jusqu'au coeur. Et l'on se sent petit, infiniment, laid, tout ratatiné de chagrin et de froid, indésirable à soi-même, à tous, de n'être plus désiré par l'autre.
L'autre qui jamais ne reviendra. "
- coline a écrit:
- La pleurante des rues de Prague
Mais qui est donc cette Pleurante mystérieuse apparue douze fois aux yeux de la narratrice dans les rues de Prague ?
- Spoiler:
Une géante, aux contours incertains, aux longs vêtements amples, presque des haillons, qui marche en boitant et en pleurant, en gémissant. Un "pleurement très bas, un sanglot retenu d'une infinie douceur. Il semblait que quelque chose pleurât en elle, et non pas qu'elle même versa des larmes." Une géante qui pourrait terrifier mais qui est entourée d’un halo de douceur et de paix. A chacune de ses apparitions, elle fait vivre ou revivre la mémoire d’une personne marquée par la souffrance. C’est le père de la narratrice qui est malade, la femme délaissée, l’écrivain fusillé, le déporté, le petit garçon de Terezin qui écrivit ce poème…
"Le jardinet Empli de roses, embaume, Le sentier est étroit, Un petit garçon s’y promène le long.
Le tout petit garçon, mignon Comme un bouton en train d’éclore. Quand le bouton sera éclos Le garçonnet déjà ne sera plus."
Douze apparitions … Douze: un chiffre magique!… Devenue invisible, on sait qu’elle vivra pour toujours dans les rues et les murs de Prague…Des rues chargées d’Histoire. Elle claudique car elle porte tout le poids de l'Histoire. Elle continuera à porter les tristesses, les pleurs, les douleurs des anonymes, morts ou vivants. Elle continuera à lutter contre l'oubli et l'abandon .
J’ai trouvé ce livre très émouvant et magnifique mais j’ai bien conscience qu’il peut déplaire ou déranger. C’est Prague où elle a vécu un temps qui a inspiré ce livre à Sylvie Germain. C’est là qu’elle l’a écrit. C’est là qu’est né ce personnage fantomatique dans les rues grises et noyées dans la brume de cette ville magnifique.
- coline a écrit:
- La pleurante des rues de Prague
Extrait:
"Elle est née de la pierre et du bois, du métal et de l'eau, et du corps innombrable des habitants de la ville. Elle est née chaque jour à travers l'épaisseur des siècles et la chair de l'Histoire. ...Elle est la mémoire de la ville , la mémoire côté ombre, celle des pauvres et des petits, de ceux et celles dont l'Histoire ne retient pas les noms et oublie les souffrances. Elle est la mémoire dénuée de toute gloire, celle qu'on écrit pas, qu'on illustre ni ne chante ni ne dore à l'or des mythes et des légendes. Elle est la mémoire en guenilles, au ventre ceux, aux yeux cernés, mais au regard émerveillant de tendresse et d'humilité. Elle est la mémoire mendiante, la mémoire souffrante, mais qui jamais ne renonce , ne trahit son passé, n'abandonne son peuple. Elle est la mémoire qui marche, qui marche, glanant et ramassant tous les déchets jetés par la mémoire belle , sélective et hautaine. Elle recueille les vies infimes, les destins minuscules des gens de rien"
- coline a écrit:
- Marie...enfin...toi Marie (puisque tu viens juste de lire et apprécier Magnus) mais les autres aussi...je vous invite à lire La pleurante des rues de Prague...
- coline a écrit:
- bulle a écrit:
- Pour ma part c'est réglé, je vais lire tous les livres de Sylvie Germain.
C'est aussi mon projet...
- Bellonzo a écrit:
- Ptet'ben que moi aussi.
- Marko a écrit:
- coline a écrit:
- Bellonzo a écrit:
- Ptet'ben que moi aussi.
... Je suis bien parti aussi! Quand on découvre son écriture on a envie d'y retourner le plus vite possible.
La pleurante des rues de prague est offert à un très bon prix chez Gallimard Montréal. Je m'organiserai pour l'acheter ce week-end. Je devrai par contre commander Opéra muet - une attente de 10 jours. Mais par la suite, j'embarquerai à plein dedans.
p.s. Je suis vraiment heureuse d'avoir découvert cette librairie qui possède plusieurs livres de Sylvie Germain | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Mar 14 Juil 2009 - 23:46 | |
| La question du mal et du silence de Dieu est un des thèmes que l'on retrouve dans l'oeuvre de Sylvie Germain. J'ai eu envie de lire l'essai qu'elle consacrait à ce sujet:
Les échos du silence
En 1996 sortait cet essai poétique. 1996, c'était l'année du Rwanda, l’année où la Serbie tuait sous le regard des forces internationales.
" Nous sommes au temps des génocides. Qui ne dit rien et ne fait rien (...) consent, se constitue obliquement complice. "
En 2006, Albin Michel réédite ce texte dans lequel Sylvie Germain pose la question du silence de Dieu et interroge aussi l’homme.
« On ne trouve guère de signes ayant la transparence de l'aube originelle, la luminosité d'une tendresse surnaturelle "
"Aussi attentivement que l'on scrute ces traces noircies de sang, de larmes, on n'y décèle ni regard ni voix de Dieu, nul reflet de sa face qui se serait inclinée vers les hommes en détresse, leurs enfants suppliciés pour répondre à leurs cris, leurs appels, à leur attente illimitée et demeurée vacante. Devant un tel silence, on est tenté de conclure au scandale, à l'outrage, car tous ces pas de fauve qui apposent sur la terre avec une folle prodigalité leurs sceaux de mort et d'infamie semblent autant de preuves de l'absence de Dieu ou, pire de son indifférence."
Face à ce silence, l’homme est tenté d’adopter le ton de la révolte et du rejet d'un Dieu tout-puissant, devenu indifférent au sort des hommes, le plaçant au premier rang des accusés. Ou alors, et ce n’est pas mieux, il réalise à quel point Dieu est démuni et « sa toute-impuissance le déclasse au dernier rang des incapables. Blanchi jusqu’à la transparence, la viduité, l’absurde . Blanchi au point de ne plus être rien. »
Mais devant ce silence de Dieu, le sentiment d’irresponsabilité des hommes rend prospères les marchands d'armes et les bourreaux. Alors Sylvie Germain nous invite à assumer ce silence, à se mettre à son écoute. A partir en quête de l'inaudible : le soupir de Dieu et l’espérance. Car il reste peut-être une autre possibilité :
« Et si Dieu, après avoir créé le monde et y avoir inscrit un sens aussi dense et aigu que subtil, s’était retiré de sa Création, à la façon de Lear abdiquant de son plein gré ? […]Le tout-puissant se serait dépouillé à l’extrême, aurait renoncé à sa souveraineté, à sa gloire, pour les confier aux hommes ; il se serait « retiré en lui-même » dès l’aube de la Création ainsi que l’a suggéré Rabbi Isaac Louria dans sa théorie du « Tsimsoum » ou du retrait de Dieu . […] En échange il n’aurait demandé que l’amour de ses enfants. Comme le Roi Lear mais tellement plus humblement et doucement que ce roi trop fougueux. [...] Mais comme le Roi Lear qui, sitôt son renoncement accompli et son don souverain établi, vase heurter à l’implacable ingratitude de ses filles comblées de biens et de prérogatives, et ne fera plus que mendier un amour qui lui est refusé, ainsi en est-il de Dieu peut-être ? »
Sylvie Germain fait surgir l’image d’ Etty Hillesum, cette jeune femme juive qui tint son journal, Une vie bouleversée , pendant les deux années précédant sa déportation à Auschwitz où elle fut mise à mort. Etty Hillesum qui écrivait dans ce journal: « Et si Dieu cesse de m’aider, ce sera à moi d’aider Dieu. Je prendrai pour principe d’aider Dieu autant que possible et si j’y réussis, eh bien je serai là pour les autres aussi. »
"Quand bien même Dieu n’existerait pas, quand bien même il serait une création humaine, le destin de l’humanité est entre les mains des hommes. " C'est une histoire sans fin, son dénouement incombe à chaque homme "."
Et quand bien même la parole resterait à jamais enfouie dans la nuit, ne parviendrait pas à luire, le fait de l'avoir attendue, d'avoir profondément désiré son surgissement, son bruissement, suffit déjà à éclairer cette nuit noire d'un halo minuscule, soit, mais porteur d'espérance. " | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Sylvie Germain Jeu 16 Juil 2009 - 3:14 | |
| - coline a écrit:
- Les échos du silence
"Aussi attentivement que l'on scrute ces traces noircies de sang, de larmes, on n'y décèle ni regard ni voix de Dieu, nul reflet de sa face qui se serait inclinée vers les hommes en détresse, leurs enfants suppliciés pour répondre à leurs cris, leurs appels, à leur attente illimitée et demeurée vacante. Devant un tel silence, on est tenté de conclure au scandale, à l'outrage, car tous ces pas de fauve qui apposent sur la terre avec une folle prodigalité leurs sceaux de mort et d'infamie semblent autant de preuves de l'absence de Dieu ou, pire de son indifférence."
Alors Sylvie Germain nous invite à assumer ce silence, à se mettre à son écoute. A partir en quête de l'inaudible : le soupir de Dieu et l’espérance. Car il reste peut-être une autre possibilité :
« Et si Dieu, après avoir créé le monde et y avoir inscrit un sens aussi dense et aigu que subtil, s’était retiré de sa Création, à la façon de Lear abdiquant de son plein gré ?
Un livre puissant de questionnement du dit Dieu . Je note et le lirai aussitôt en main. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Dim 26 Juil 2009 - 15:57 | |
| CHANSON DES MAL -AIMANTS
« Chanson des mal-aimants » : le mot vient de la Chanson du mal-aimé d'Apollinaire. Qui n'est pas mal-aimé ? Je me dis qu'il faut autant de mal aimants » (Sylvie Germain)
Cette chanson pourrait être une chanson d’Edith Piaf (la chanteuse est évoquée dans le récit) mais c’est plutôt une épopée, comme on disait « chanson de geste ». L’épopée d’une pauvre fille, Laudes–Marie Neiged’août, ainsi baptisée par les religieuses qui la recueillent à sa naissance, dans le cageot de framboises où l’a déposée sa mère qu’elle ne reverra jamais. Neiged’août parce qu’albinos, « enfant diaphane ».
"Sitôt née, j'ai été confiée au hasard. Certes, ce n'est pas la plus fiable des nourrices, le hasard, mais ce n'est pas la pire. Père et mère, d'un commun désaccord en temps décalé, n'ont pas voulu de moi."
L’incipit place son existence sous le signe du théâtre. Et ce sera un drame, celui de la solitude, qu’elle subit d’abord, puis conquiert patiemment.
« Ma solitude est un théâtre à ciel ouvert. La pièce a commencé voilà plus de soixante ans, en pleine nuit au coin d’une rue. Non seulement j’ignorais tout du texte, mais je suis entrée seule en scène, tous feux éteints, dans une indifférence universelle. »
La narratrice retrace sans se plaindre, et même avec humour, son terrible parcours.
Elle est née en 1939, un mois avant la déclaration de guerre, et le chaos de sa vie s’inscrit tout entier en contrepoint de la grande Histoire. La deuxième guerre mondiale, les camps de concentration et d’extermination, les maquis de la Résistance, la Collaboration puis Gargarine « pour la première fois dans l’espace », le suicide de Marilyn, la mort de Gargarine, mai 68, l’alunissage de juillet 69, la chute du mur de Berlin. Le roman se termine en l’an 2000.
Le tableau est très noir. A tel point que Laudes voudrait parfois « filer tout droit chez le Très-Haut afin de lui demander des explications ».
Mal-aimée, elle est d’abord « toute tire-bouchonnée dans son propre malheur », « avare de paroles, de sourires, de confiance ». Mais elle ne désespère pas parcequ’elle sent « sourdre en elle une profonde sensation de paix,par-dessous ses inquiétudes et son chagrin. » La gratitude peu à peu lui vient. Sa nature profonde est altruiste, compatissante, douée d’empathie à l’égard de ceux qu’elle croise. Pourtant "La capacité de folie et de nuisance, les substrats de cruauté tapis en chaque être humain me semblaient si énormes que je sourcillais à peine quand tel ou telle passait à l'acte"dit-elle.
Chaque chapitre est pour Laudes un entrée dans un nouvel univers, un champ de nouvelles expériences. On assiste à une succession d’actes et de scènes où interviennent la multitude des personnages qui vont croiser sa route : légion de mal-aimants mais aussi une chaîne de bien-aimants qui accompagnent Laudes vers la résilience.
Chassée du couvent à cinq ans parce qu’elle a volé l’enfant Jésus dans sa crèche (elle voulait le protéger d’Hitler), elle sera placée chez Léontine, « qui s’occupait de plusieurs enfants que la guerre avait séparés de leurs parents ». A la fin de la guerre, elle espère, elle aussi, comme les autres petits : « Bientôt les miens viendront, éclatants de blancheur tels des anges, leurs yeux auront la couleur des framboises et leurs baisers un goût de fruit. » Et quand « l’immensité du désastre commis sur la planète a commencé à se dévoiler », Léontine « a dit non à la vie. »
Laudes sera placée dans une ferme, puis domestique, servante dans un hôtel, serveuse dans un troquet, un buffet de gare, une maison close…Elle sera chanteuse des rues à Paris avec un orgue de Barbarie…
En réalité Laudes chemine vers le silence et la paix. Et quand le rideau se baisse à la fin du livre c’est la nature qui sera pour elle une mère accueillante :
« Comment raconter le vent, les remous de la lumière dans le ciel et ses flux poudroyants sur les versants de la montagne, ses chatoiements sur l’herbe et les feuillages, ses éclaboussures or, mauves, ambrées, rosées ou argentées sur les roches ? Comment raconter l’eau des torrents à la beauté aussi insaisissable et fugace que celle de la lumière, toujours en mouvement, en élan, en effervescence ? […] Et encore, comment dire le progressif détachement que je sens s’opérer en moi, ce discret oubli de moi-même qui me vient au contact de cette terre rugueuse, de cet air limpide et dru, de cette eau toujours glacée, partout jaillissante, ruisselante, fracassée en écume, ou sculptée par le gel en hiver, et de ces bêtes lentes sans fin sonnaillant pour mieux rehausser le silence ? »
La thématique de ce roman est la maternité, la mère abandonnant son enfant, l’enfant abandonné, la solitude, les catastrophes engendrées par les carences de l’amour. Laudes fera aussi l’expérience d’une grossesse qui tournera court avec un avortement spontané au bout du 3ième mois. Mais l’enfant auquel elle donne le nom de Pergame continuera toujours à vivre en elle.
Et puis l’on retrouve à nouveau les interrogations de l’auteur sur l’énigme de la vie humaine où chacun se bat plus ou moins seul, avec le bienfait de certaines rencontres et des consolations. Celle de la nature : « jouir d’un droit de séjour souverain chez la Terre, chez la Montagne » Celle des livres, des mots : " Après les arbres, je me découvrais une nouvelle famille: les livres. Mais les seconds ne prenaient-ils pas corps dans la chair des premiers, n'étaient-ils pas tout autant emplis de feuilles bruissantes, chuchotantes? Les uns et les autres puisaient dans la terre, dans l'humus et la boue des jours, leur force et leur élan. La sève, l'encre -un même sang obscur coulant avec lenteur, roulant vers la lumière, et frémissant de la rumeur du monde. »
Dans ce récit encore une fois l’importance des rêves et des visions… Et puis le leitmotiv du silence de Dieu qui donne envie de lui hurler à la face sa fureur … Et cette fureur qui disparaît en fin de parcours, la sérénité acquise : « Il reste tellement à entendre dans le silence, tellement à voir alors que tout, pourtant, a disparu, et toujours à aimer quand tout le monde s’est retiré. Le rideau peut tomber sur la scène déserte, le spectacle continue, autrement »
Je crois que vous l'aurez compris...Une fois de plus j'ai adoré! C'était une relecture mais la première fois, je ne sais plus pourquoi, je n'avais pas rédigé de commentaire... | |
| | | bulle Zen littéraire
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| Sujet: Re: Sylvie Germain Dim 26 Juil 2009 - 16:44 | |
| Merci coline pour ce commentaire. Toujours aussi agréable à lire. p.s. J'aimerais posséder la verve que tu as , et l'éloquence apporté dans tes commentaires. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Sylvie Germain Dim 26 Juil 2009 - 23:41 | |
| Merci. J'essaie de m'appliquer à rédiger, cela m'oblige à faire un bilan de mes lectures . Au moins pour moi-même... Et tant mieux si quelques uns aiment en profiter... J'ai bien conscience de faire toujours trop long...alors j'aère le plus possible la présentation. | |
| | | bulle Zen littéraire
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