Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Miguel-Angel Asturias [Guatemala]

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GrandGousierGuerin
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyVen 7 Juin 2013 - 8:30

Toujours aussi intéressants tes commentaires Sigismond !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 17 Juin 2013 - 2:11

Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 188659_2785038
Le larron qui ne croyait pas au ciel.

Titre original: Maladrón.

Ecrit à Paris, en 1967-1968, première publication en langue originale (espagnol) en 1969, à Buenos Aires.

J'ai un faible pour ce roman-là, en particulier, celui qu'écrivait Asturias en recevant le Nobel, sentiment conforté par une fraîche relecture, qui doit être ma troisième pour ce qui est de le lire intégralement:
Nul doute qu'il provoque une résonance particulière en moi, même si, dans l'hypothèse où je me sentirais tenu au commentaire objectif, il n'y a pas de raison particulière de le hisser plus haut que, par exemple et entre autres, une certaine mulâtresse, ou monsieur le président, ou hommes de maïs...

Le titre: Curieusement rendu, en français, par l'alambiqué et lourdingue "le larron qui ne croyait pas au ciel", par coquetterie de traducteur ou d'éditeur sans doute.
Maladrón signifie "mauvais larron", et c'est du reste ainsi qu'est traduit le mot maladrón au fil de l'ouvrage, aussi souvent qu'Asturias l'emploie, c'est-à-dire jusqu'à plusieurs fois par chapitre (je suis allé vérifier en vitesse, en zig-zag, via une édition en langue originale).

Ce larron "mauvais" est un personnage très précis des Evangiles. Deux larrons sont crucifiés en même temps que Jésus. La Tradition les retient sous les noms de Gesmas ou Gestas pour le mauvais larron, et de Dismas (Saint Dismas, fêté le 25 mars) pour le bon larron. Dans l'ouvrage, Asturias dénomme ce mauvais larron Baboue.
Vous en trouverez d'innombrables représentations, dans nos églises, calvaires et musées.
Mais comment distinguer Dismas de Gesmas ?
Facile !

Spoiler:

Asturias avait déjà esquissé un personnage secondaire d'adorateur du mauvais larron, le pharmacien de Tierrapaulita dans une certaine mulâtresse. Mais il le fait finir a-théologiquement dévoyé, en quelque sorte, dans l'issue suivante: "plutôt l'enfer que le néant" ! Et donc sur une allégeance aux diables qui gouvernent cette étrange cité, parce qu'en dernier recours, et le point est soulevable hors contexte de ce livre et de ce personnage, le pire est le néant, la perte de toute espérance pour un être mortel (l'espérance entendue au sens Chrétien, qui est une des vertus théologales).
Reprenant le thème, qu'il avait à peine suggéré et pas du tout dégrossi, Asturias le travaille enfin...

En ouverture, sur la page de garde et en lettres capitales, comme un frontispice à un monument, Asturias prévient, et cette phrase se retrouve à trois ou quatre reprises dans l'ouvrage:

Citation :
Eux et les cerfs, eux et les dindons bleus
Peuplaient ce monde de délice.
D'une autre planète, par la mer,
Des êtres outrageux arrivèrent...


Le sujet:
A l'époque des premières avancées des conquistadores en terre maya/quiché, commandés par Alonso Gomez de Loarca, une poignée de soldats, est supposée rester dans la cordillère des Andes Vertes pour garder des prisonniers et protéger l'arrière-garde, tandis que la troupe file en direction de la côte.
Parmi ceux-ci, un quarteron de déserteurs ( "Face d'Ange", Duero Agudo, Quino Armijo et Blas Zenteno) part à la recherche d'un passage interrompant l'isthme, voie maritime qu'ils pressentent à la confusion qui naît d'une illusion d'optique ressentie depuis quelque haut sommet: les océans atlantique et pacifique se rejoignent tout près de là où ils se trouvent, et il y a gros à gagner à en être les découvreurs.

Le livre s'ouvre sur la déroute d'un peuple natif, du fait de la supériorité des conquistadores (les "Teules"), qui possèdent chevaux et armes à feu, couplée à l'obstination du chef de leurs opposants, Caibilbalàn, être qui se veut rationnel, "scientifique" mettons, en matière de stratégie de guerre. Caibilbalàn finira déchu puis changé en un nahual de la plus basse espèce, une taupe.

Nos déserteurs descendent de la cordillère et arrivent dans un pays de marais (l'eau est un élément capital dans ce livre, il y aurait une étude entière à réaliser là-dessus) et tombent sur un groupe d'"indiens-requins", gazouillant dans un arbre d'énormes dimensions. Première évocation de Zaduc (= Sadoc), personnage-référent évoqué dans le livre comme le passeur du culte du mauvais larron, connu par Duero "Le Borgne" Agudo sur le vaisseau qui l'a amené d'Espagne. Tout comme en matière de liturgie du culte du mauvais larron, ces indiens-là pratiquent un culte grimacier...


Les personnages:
Singularité, on a du mal à dégager un "héros", à tout le moins un "personnage principal", un "premier rôle", dirait-on au théâtre ou au cinéma.

NB: Ne pas ouvrir ce spoiler si vous comptez lire ce livre:


Spoiler:


Dernière édition par Sigismond le Jeu 20 Juin 2013 - 14:57, édité 9 fois
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 17 Juin 2013 - 8:41

Magique ! J'ai dégusté tes commentaires avec mon petit café du matin : à mettre à la rubrique du kif du jour dentsblanches
Et bravo pour le boulot effectué !
J'espère avoir Asturias dans ma prochaine livraison surprise ...
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMar 18 Juin 2013 - 15:05

Merci GrandGousierGuérin, désolé je vais éditer une fois de plus - la dernière sans doute- très bientôt, c'est imminent, mais je subis la double conjonction d'un enfant malade et d'une charge inhabituelle, conjoncturelle et imprévisible au niveau du travail. Excessive en tous cas.

Par ailleurs:
En fait, peut-être est-ce un travers de relatif néo-parfumé, il est plus aisé, je m'en rends compte, de poser quelques lignes sur un livre qui n'a été qu'humble compagnon de chevet ou de passage que pour un ouvrage qu'on apprécie, allez qu'on aime vraiment. Disons que je ne voudrais pas mal en parler, ou trop superficiellement, et je ne suis pas très content de ce que j'ai, avec une certaine pénibilité, asséné à propos du "Larron qui...".

Par ailleurs 2:
Sur un plan technico-forumistique, je balbutie la touche "brouillon", et en fait lorsqu'on édite un brouillon on a droit à une seule chance, on ne peut pas convertir un brouillon en un nouveau brouillon. 
Il semble qu'il faille un post tout neuf.
Je viens donc d'avoir l'idée suivante:
En copiant-collant ledit brouillon, et en le postant comme si c'était un brand new message, sait-on si cela fonctionne ?
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shanidar
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMar 18 Juin 2013 - 21:55

Sigismond a écrit:
Merci GrandGousierGuérin, désolé je vais éditer une fois de plus - la dernière sans doute- très bientôt, c'est imminent, mais je subis la double conjonction d'un enfant malade et d'une charge inhabituelle, conjoncturelle et imprévisible au niveau du travail. Excessive en tous cas.

Par ailleurs:
En fait, peut-être est-ce un travers de relatif néo-parfumé, il est plus aisé, je m'en rends compte, de poser quelques lignes sur un livre qui n'a été qu'humble compagnon de chevet ou de passage que pour un ouvrage qu'on apprécie, allez qu'on aime vraiment. Disons que je ne voudrais pas mal en parler, ou trop superficiellement, et je ne suis pas très content de ce que j'ai, avec une certaine pénibilité, asséné à propos du "Larron qui...".

Par ailleurs 2:
Sur un plan technico-forumistique, je balbutie la touche "brouillon", et en fait lorsqu'on édite un brouillon on a droit à une seule chance, on ne peut pas convertir un brouillon en un nouveau brouillon. 
Il semble qu'il faille un post tout neuf.
Je viens donc d'avoir l'idée suivante:
En copiant-collant ledit brouillon, et en le postant comme si c'était un brand new message, sait-on si cela fonctionne ?

euh je le trouve pertinent, riche et incitatif ce commentaire sur Le Mauvais Larron mais c'est toujours difficile de se relire ou d'avoir un avis extérieur (objectif)... Par expérience, je crois savoir qu'en effet il est plus facile de parler d'une 'agréable' lecture que d'une lecture qui te transforme, te transgresse, te malmène et t'émeut. Mais tu m'as donné, avec tes mots à toi, ton émoi, tes exigences, l'envie de découvrir Asturias. La découverte ne se fera peut-être pas tout de suite, mais elle se fera, grâce à toi.

Je te souhaite un peu de temps pour venir nous parler encore de tes coup au cœur et de tes émerveillements !

(pour les questions techniques, j'utilise le OneNote de Windows seven qui me permet de travailler mes commentaires comme je veux, puis je poste sur Parfum, après de nombreuses relectures)(bon là je n'arrive pas à faire fonctionner le spoiler !! arghhh)
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMar 18 Juin 2013 - 22:00

je mise sur le oui pour le copier-coller (une des dernières valeurs refuges de la technique). Wink
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Marie
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMer 19 Juin 2013 - 4:20

Citation :
Mais tu m'as donné, avec tes mots à toi, ton émoi, tes exigences, l'envie de découvrir Asturias. La découverte ne se fera peut-être pas tout de suite, mais elle se fera, grâce à toi.
Moi de-même, Sigismond! Il ne reste qu'un exemplaire sur ma librairie en ligne. Peut être qu'il parviendra jusqu'à Moorea, et peut être même que je le lirai ! Comme j'ai lu, rien à voir mais j'y pense à l'instant , le très beau roman Axel de Bo Carpelan conseillé par Marko ( voir aussi la signature d'eXPie sur l'invention des couleurs.)


Et après, il partira à la bibliothèque , et sera lu par d'autres...
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyJeu 20 Juin 2013 - 15:46

Merci beaucoup à tous !

Ci-dessous un lien universitaire intéressant, très intéressant, sur "Le Larron...", même si je ne tombe pas à l'identique sur 100% des conclusions.
Mais à l'usage "de los Perfumados",  les Parfumés hispanisant seulement, je n'ai pas trouvé de version française.

http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=10503601


Sinon:
Tu as dit "couleurs", Marie ?
On est enfin en train d'appréhender les secrets du "bleu maya", auquel Asturias fait de fréquentes allusions, et qu'il n'est pas interdit d'imaginer, par exemple et entre autres, dans l'extrait en bas de message.
http://news.fr.msn.com/m6-actualite/monde/ies-les-secrets-des-mayas-r%C3%A9v%C3%A9l%C3%A9s?page=3

http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/chimie-mayas-maitrisaient-ils-plusieurs-nuances-bleu-45647/#xtor=RSS-8


Petit extrait du "larron qui ne croyait pas au Ciel":

Ici, le rendu contrasté est obtenu par la généreuse palette de couleurs et d'animaux, l'opposition frais/chaud avec un Asturias toujours à l'aise quand il s'agit d'effervescence foisonnante (description de la "forêt sauvage"). C'est le moment, dans le roman, d'introduire l'exil de Caibilbalàn:
Chapitre VII a écrit:
Être confiné au pays du Lacandon et du singe c'est être exilé sur une autre planète. Les Andes Vertes - son ombilic, son miroir, sa jeunesse, sa vie...étaient le pays des pics, des collines, des ravins, des ravines, des filons, des chemins de glaise vermeille, de l'eau fraîche, pure, virginale, presque givrée, un pays couvert des pins. Des pins sur les cimes sèches, des pins dans les profondeurs, des pins sur les pins, jusqu'à cet endroit où l'horizon prend son vol et fuit comme un immense oiseau bleu ces pins qui le tenaient en cage sous le ciel d'un indigo glacé et intense.

Le pays lacandon - son exil, sa vieillesse et peut-être sa mort  -, c'est la forêt chaude, humide, l'eau croupie, la savane sans fin, les sagouins sociables, les singes velus, les serpents à barbe jaune, les cerfs, les villes de pierre blanche, enterrées, l'escrime terrifiante des défenses des sangliers, le tremblement de la forêt et le foudroiement des arbres, palmiers et ingas abattus au passage des tapirs qui s'ouvrent un chemin au plus inextricable des fourrés, comme des trombes, sans compter la course, l'aguet et la succion sanglante du paresseux, mammifère blanc à tête blanche, moustachu, féroce, ni les familles de cantiles, la venimeuse tamagàs, la gueule-rouge, la mortelle blanche-queue, le serpent-velours, ni les dindons dorés, les dindons bleus, les canards plongeurs qui disparaissent au moindre bruit comme si le miroir de l'eau les avalait, les aras bleu-noir ou vert-jaune, les aigles lointains...

Caibilbalàn, guerrier-taupe, pénètre dans la grotte aux colonnes de feu. Des milliers et des milliers de fourmis rouges luttent pour contenir un fleuve de soufre qui entre dans une grotte bleue comme la nuit. Lutte de couleurs. Le rouge barrant la route au jaune pour qu'il n'envahisse pas le bleu. Lutte de substances. Le sang barrant la route à l'incendie pour qu'il n'atteigne pas la mer si douce. Des milliers de fourmis, innombrables, obstinées, compactes, essaient de contenir l'avance du minerai jaune qui cherche l'évent des turquoises submergées.  
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 22 Juil 2013 - 15:42

Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 51TC%2B5i9TOL._SL500_SY300_
Trois des quatre soleils.

Une oeuvre située sur le tard de l'auteur, parue en 1971.
Je la classe, sans savoir si c'est à bon droit, parmi les parutions de poésie d'Asturias. On peut en discuter bien sûr,  mais dans l'intention je range là à l'instar de la divine comédie, de Dante, parmi les ouvrages de poésie, par exemple (toutes proportions gardées et l'exemple ayant uniquement valeur analogique de classement, ne déduisez pas ce que je n'ai en aucun cas voulu dire !).

Laissons Asturias présenter lui-même l'ambition, le projet du livre, qui est...vaste, à tout le moins:
Miguel-Angel Asturias a écrit:
J'ai senti personnellement qu'il fallait étendre le problème de la création de l'écriture. C'est pourquoi je ne raconte pas ma propre évolution, mais celle des éléments du monde.
Ce qui m'intéresse, c'est de retrouver la façon magique par laquelle ma création s'unit à la création permanente du monde, comment le chaos s'ordonne pour donner naissance à la vie. Avec "Trois des quatre soleils", je retrouve le chemin que j'ai suivi à travers les mythes et les légendes de mon peuple. Les Indiens mayas ont déjà vécu quatre soleils. Chaque soleil représente une phase de la vie des planètes. Le premier soleil est celui où le ciel et la mer se sont séparés de la terre. Dans le deuxième soleil, a eu lieu l'apparition de l'homme qui, selon les Indiens, est fait de maïs. Le troisième soleil a disparu. Est-ce l'Atalantide ? Le quatrième soleil est celui de la conquête, c'est-à-dire de l'esclavage...
Disons-le tout net, je me faisais une joie de cette relecture. Des souvenirs de profusions, de splendeurs, de légèreté, d'explorations scripturales en terra incognita...

Las, j'ai eu du mal. Une relecture que je n'aurais pas dû faire. Sans doute une troisième lecture, espacée dans le temps, y remettra bon ordre.
En effet, je me suis accroché à des surcroîts luxuriants, ai eu du mal à maintenir ma concentration et ma disponibilité d'esprit, mal servi par la chaleur et l'édition dont je dispose, pourtant considérée en général comme plutôt prestigieuse: (Flammarion - "champs", collection "les sentiers de la création, éditions d'art Albert Skira") dotée d'une iconographie trop riche et parfois mal à propos (songez que l'illustration reproduite en première de couverture ci-dessus est un détail de bouclier couvert de plumes du XVème, certes, mais un bouclier...Aztèque !).
Sont mélangées sans vergogne des illustrations tous azimuts extirpés de l'ensemble des civilisations pré-colombiennes, juxtaposées par hasard (?), comme si les illustrations provenaient d'un jeu de cartes battu et coupé. Ne pouvait-on faire moins, mieux et... Maya ?

Ci-dessous un lien vers une étude, signée Dorita Nouhaud, une inévitable spécialiste qu'on rencontre vite sitôt qu'on s'attache à Asturias en Fance, allez aux pages 152 à 158:
Dorita Nouhaud, La Brûlure de cinq soleils:
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 22 Juil 2013 - 16:49

Bravo Sigismond d'oser rayer le poli parfait et attractif que tu avais achevé dans tes commentaires précédents. Cela n'en donne pour moi que plus de valeur à tes propos !
Si j'ai bien compris, une césure s'impose et chacun doit partir à l'aventure (toi de livres, Asturias de lecteurs ....) pour fêter allégrement vos retrouvailles.
Quelles sont les nouvelles pistes que tu comptes ouvrir ? Est-ce-que la jungle de ce forum te sera utile dans ton choix ?
En tout cas, je te le souhaite !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2013 - 16:45


Dans son introduction, Sigismond conseillait de découvrir Asturias en lisant Monsieur le Président, roman publié en 1946 et seulement le second de l'auteur. J'ai suivi ce conseil, et bien m'en a pris, je suis aux anges grâce à Angel Asturias (et Sigismond). Non seulement, je découvre un auteur dont la prose absolument unique ravit l'esprit mais dont le regard simple et intense sur le monde qu'il explore est un gage d'honnêteté et de clairvoyance.
Clairvoyance ? Pas si sur… Car Miguel Angel Asturias ne semble pas voir la réalité exactement comme les autres et ses mots pour la retranscrire sont d'une rare originalité, d'une totale et brillante liberté…  Lire Asturias est à ce niveau un véritable régal pour les sens, une plongée dans un univers délirant, ou les fous, les militaires, les brigands et les hommes honorables sont bien souvent les mêmes…
 
Monsieur le Président reprend les vieilles histoires de bandits, de révolutions et d'amour contrarié dont la littérature fait œuvre depuis des millénaires, mais là où le récit pourrait être convenu, Asturias sait, par le biais d'un regard toujours neuf, réinventer les mots qui parlent au lecteur une langue inconnue, unique, ensorcelante.
 
Asturias dans ce roman, raconte l'histoire d'un favori qui tombe amoureux de la fille de l'ennemi du régime… Au cœur du récit, patiente la figure spectrale et effrayante du Président, homme de tous les possibles et des pires en particulier. Le destin des uns comme des autres se trouve dans les mains d'un fou sinistre, d'un type odieux, pénible, repoussant. Et, alors qu'un mendiant également fou se débat et finit par tuer, le Président va se servir de cette mort pour faire tomber ses ennemis et aussi ses amis… au moins ceux qui le gênent. Dans ce roman sans pitié, les descriptions des personnages sont non seulement absolument inoubliables mais également d'une profonde et tendre et troublante humanité (de la femme dont le nourrisson meurt dans ses bras, de la matrone qui gère son troupeau de filles pour le bon plaisir des militaires, du marionnettiste et de son impossible épouse, du favori Miguel Visage d'Ange aussi beau qu'il est méchant, le carnaval décrit par Asturias devient immédiatement légende, entre faconde inébranlable et tendresse absolue).
 
Bref, il s'agit d'un livre qui ressemble dans la vie d'un lecteur à un 'petit' miracle, dont l'écriture inclassable et la verve latine (ah quel humour dans le désespoir) me donne envie de poursuivre cette rencontre à la fois insolite et marquante.
 
Merci à Sigismond pour l'ouverture de ce fil et son bel engouement.
 
Un extrait pour le plaisir :
 
Aux détonations et aux hurlements du Pantin, à la fuite de Vasquez et de son copain, mal vêtues de lune, les rues couraient les rues, sans bien savoir ce qui était arrivé, et les arbres de la place en perdaient les doigts de désespoir, ne pouvant dire par le vent, à travers les fils téléphoniques, ce qui venait de ce passer. Les rues apparaissaient à tous les coins, s'interrogeant quant au lieu du crime, et comme désorientées, les unes couraient vers les quartiers du centre, les autres vers les faubourgs. Non, ça ne s'était pas passé dans la ruelle du Juif, zigzaguante et houleuse, comme tracée par un ivrogne ! Pas dans la ruelle des Escuintilla, autrefois marquée par les hauts faits des élèves de l'Ecole Militaire qui y étrennaient leurs épées dans le lard de gendarmes malandrins, renouvelant des histoires de mousquetaires et de chevalerie ! Pas dans la ruelle du Roi, la préférée des joueurs, et dont on raconte que nul ne passe sans saluer le roi ! Pas dans la ruelle de Sainte-Thérèse, à population peu amène et forte pente ! Pas dans la ruelle du Lapin, ni du côté de la Fontaine de la Havane, ni du côté des Cinq-Rues, ni du côté du Martiniquais !...

Ça s'était passé Place Centrale, là où l'eau était toujours lave que je lave les vespasiennes avec un je ne sais quoi de pleurs, les sentinelles martèlent que je martèle le sol avec la crosse de leurs fusils, la nuit tourne que je tourne dans la voûte glacée du ciel avec la Cathédrale et le ciel.
(…)
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2013 - 17:13

Superbe commentaire Shanidar !
Comptes-tu prochainement lire un autre opus d'Asturias ?
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyLun 29 Juil 2013 - 22:19

GrandGousierGuerin a écrit:
Superbe commentaire Shanidar !
Comptes-tu prochainement lire un autre opus d'Asturias ?

Ce sera sans l'ombre d'un doute : Hommes de maïs, car c'est le seul autre exemplaire d'une oeuvre d'Asturias à la bibliothèque que je fréquente...
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMer 31 Juil 2013 - 16:01

Quel beau commentaire, Shanidar respect  !

Ravi que ce roman t'ai plu, certes je n'aurai su si bien en parler, non par envie de le faire, mais par limite, bornage, incapacité tchintchin !

Merci de souligner le côté latin, ou latino-americano, tu me l'ouvres, je ne le remarque pas, moins par ignorance que par le fait que je baigne assez dedans (NB: la plupart de mes messages sont écrits avec l'accent, ce qui ne passe pas à la transcription Laughing ).

Ecriture ensorcelante est une excellente qualification, d'ailleurs si tu te lances dans "maiceros" / hommes de maïs ça va vite renchérir !
Sur les derniers chapitres d'hommes de maïs, par brèves séquences, je fais une analogie avec Soupault/Breton des Champs Magnétiques, n'étant plus tout à fait sûr qu'Asturias contrôle encore sa plume. Avec le recul, je crois pourtant que si, disons que j'en ai, sans preuves, l'intime conviction.
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 2 EmptyMer 31 Juil 2013 - 23:29

Sigismond a écrit:
Quel beau commentaire, Shanidar respect  !

Ravi que ce roman t'ai plu, certes je n'aurai su si bien en parler, non par envie de le faire, mais par limite, bornage, incapacité tchintchin !

Merci de souligner le côté latin, ou latino-americano, tu me l'ouvres, je ne le remarque pas, moins par ignorance que par le fait que je baigne assez dedans (NB: la plupart de mes messages sont écrits avec l'accent, ce qui ne passe pas à la transcription Laughing ).

Ecriture ensorcelante est une excellente qualification, d'ailleurs si tu te lances dans "maiceros" / hommes de maïs ça va vite renchérir !
Sur les derniers chapitres d'hommes de maïs, par brèves séquences, je fais une analogie avec Soupault/Breton des Champs Magnétiques, n'étant plus tout à fait sûr qu'Asturias contrôle encore sa plume. Avec le recul, je crois pourtant que si, disons que j'en ai, sans preuves, l'intime conviction.

J'ai été très marquée et séduite par l'utilisation récurrente qu'Asturias fait du regard, de la manière dont l'oeil se pose, ou dont il fixe, interroge, prend en compte l'autre. Je trouve cette position très originale par rapport à la littérature européenne, mais réellement l'écriture d'Asturias est absolument unique. J'aime beaucoup les Champs Magnétiques de Soupault/Breton (j'aime d'ailleurs à peu près toute la production surréaliste), je suis donc encore plus curieuse de découvre ces hommes de maïs si intriguant !
Mais comme je regrette de ne pas pouvoir lire ces livres dans leur langue originelle !!!
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