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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: [BD] Dash Shaw Dim 5 Mai 2013 - 11:44
Dash Shaw (1983)
Biographie
Citation :
Né en 1983 dans l’État de Californie, Dash Shaw commence à créer des bandes dessinées dès l’âge de 4 ans. Durant sa scolarité, il réalise des illustrations pour le supplément d’un journal de sa ville, Richmond, en Virgine. En 2005, il obtient son diplôme de l’école School of Visual Arts de Manhattan, où il se spécialise dans les bandes dessinées. Son travail est très influencé par le super-héros classique américain, ainsi que l’underground, mais aussi par les mangas et les animés, son séjour au Japon lui en ayant accentué le goût. D’ailleurs, il recherche la brièveté dans la construction de ses dialogues au sein de ses romans graphiques. Grand fan de « Donjons et Dragons », les nombreuses sessions de jeu l’ont fortement aidé dans son apprentissage de l’art graphique. Fortement intéressé par les comportements humains, Dash Shaw étudie différentes combinaisons à travers ses ouvrages. Il complète et approfondit cet engouement en s’essayant à l’art cinématographique, et réalise, seul, plusieurs courts-métrages d’animation pour la chaîne de TV « IFC » (Independent Film Channel). Son projet The Ruined Cast dont il est le réalisateur, a d’ailleurs été sélectionné au festival du film de Sundance 2010 pour participer à l’atelier de recherche et de réflexion, dirigé cette année par Gyula Gazdag. À seulement 26 ans, Dash Shaw est déjà considéré comme l’un des meilleurs auteurs de romans graphiques américains. Son livre Bottomless Belly Button a été classée Numéro 2 des meilleurs romans graphiques de l’année par le New York Magazine, et Numéro 1 par Publishers Weekly. Il a également été sélectionné par le festival international 2009 de la bande dessinée d’Angoulême
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Source
Bibliiographie
Citation :
- Bottomless Belly Button, éditions Çà et là, 2008 - (Sélection officielle du Festival d'Angoulême 2009) - Virginia, éditions Çà et là, 2009 - Body World, éditions Dargaud, 2010
Source
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: [BD] Dash Shaw Dim 5 Mai 2013 - 11:44
Body world(2011) de Dash Shaw
Body World nous introduit dans un futur pas si lointain que ça, dans la petite ville de Boney Borough, aux Etats-Unis. Nouvellement créée suite à une guerre dont le lecteur ne saura pas grand-chose, ses habitants y vivent en huis-clos. Ils ne connaissent pas le monde extérieur et ils ne s’y intéressent pas. Leur monde quadrillé, dont le plan minutieux est fourni au début du livre, suffit à leur existence. Ici comme ailleurs, les choses évoluent en suivant un cours plutôt habituel. Les élèves étudient en classe, les professeurs dispensent leurs cours, les habitants font leurs courses, les voisins se fâchent entre eux, les histoires d’amour se font et se défont… jusqu’au jour où le Professeur Panther, en charge de la rédaction d’un article de « L’Encyclopédie des hallucinogènes américains », pénètre dans ce territoire inconnu aux multiples forêts pour étudier les effets hallucinogènes d’une plante mystérieuse.
L’introduction de cet élément étranger parmi les habitants de Boney Borough va provoquer quelques remous. Essayant sans succès de se lier avec une des professeurs du lycée, puis récupérant finalement une étudiante délaissée par son ancien petit ami, Panther fait figure d’esprit provocateur. Cette réputation prendra de plus en plus d’ampleur à mesure qu’il découvrira les effets de la nouvelle plante hallucinogène. Les effets de cette dernière, loin de rester confinés uniquement aux sensations de son consommateur, se propagent d’habitants en habitants à l’intérieur de Boney Borough. Elle connecte entre eux tous ceux qui la fument, mettant en place des liaisons directes de transfert de sensations, de sentiments ou de souvenirs. Lorsque la forêt abritant ces plantes se met un jour à brûler, la confusion la plus totale s’abat sur Boney Borough.
Cette histoire de plantes hallucinogènes est un excellent prétexte pour mettre en place une histoire psychédélique à souhait. On sent que Dash Shaw s’y donne à cœur joie, et lorsque ses personnages sont submergés par les effets de la plante, les traits représentant leurs souvenirs se coupent et se recoupent dans une confusion floue et colorée digne du meilleur trip. Et même lorsque les plantes ne font pas encore leur effet, Dash Shaw plonge son lecteur dans une ambiance rétro-futuriste à l’ « Orange Mécanique » d’un grand esthétisme.
Les dialogues sont menés par un Professeur Panther cynique et aigri à souhait qui vient réveiller les esprits un peu endormis des habitants de Boney Borough. Les situations sont souvent périlleuses et Panther en prend pour son grade jusqu’à la fin de l’album. Rebondissant par son humour à chaque nouveau coup du sort, il confère à Body World un caractère de dérision qui tend souvent vers la cruauté.
Les autres personnages, bien que moins charismatiques, sont toutefois marqués par des personnalités très fortes. Sur plus de 200 pages, on a le temps de s’attacher à cette petite ville retirée, explicitement comparée à une fourmilière dans les cours dispensés au lycée. Mais lorsque la fourmilière flambe et que les esprits se rencontrent, l’histoire court au désastre. Et pour expliquer cela, Dash Shaw nous propose une raison simple :
« Toute une ville contaminée par un virus « télépathique », ça doit donner un esprit de ruche malsain ou une orgie déplaisante, vraiment dégueu, pasque quand on y pense, la majorité de la population est laide. »
Ici, un trailer animé de Body World : [/justify]
Et comme l’histoire était initialement publiée sur le site de Dash Shaw, on peut la retrouver en ligne : ICI « Vous m’avez beaucoup appris sur la vie et l’amour, tout bouseux que vous êtes ! »
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: [BD] Dash Shaw Dim 5 Mai 2013 - 11:47
Bottomless belly button (2008)
Bottomless belly button est un titre qui devient très explicite sitôt qu’on le traduit en français : Nombril sans fond. Si vous n’aimez pas que les autres racontent leur vie pendant des heures sans s’intéresser à la vôtre, n’’essayez surtout pas de lire cet album d’autant plus que, dans son monologue, Dash Shaw n’est pas avare et nous gratifie d’un ouvrage dont le format ferait passer Guerre et Paix pour un prospectus publicitaire. La comparaison s’arrête sitôt que l’on ouvre Bottomless belly button car sa lecture se fera relativement plus rapidement (et facilement), bien qu’à des rythmes variés.
Cette modulation tient compte de l’histoire en elle-même. Maggie et David, soixante-dix ans environ, forment un vieux couple marié depuis plus de 40 ans. A l’âge où toutes les décisions majeures d’une existence ont généralement été prises, ils décident de divorcer. Pour l’annoncer à leurs trois enfants, ils les réunissent et les invitent à passer quelques jours dans leur maison au bord de l’océan. Cette annonce choque les parents ou conjoints qu’ils sont déjà eux-mêmes devenus et lance dans leur esprit des réflexions qu’ils n’avaient peut-être jamais eu le temps d’apercevoir jusqu’alors, dans la régularité de leur quotidien éloigné de cette maison, de leur passé et de leurs origines.
Et nous voici partis sur plusieurs centaines de pages, à pirouetter autour de ces personnages reclus dans la maison familiale pour plusieurs jours. Ils n’ont rien à faire, sinon marcher au bord de l’océan, réfléchir, et discuter entre eux. De quoi fragiliser les plus fragiles, de quoi exalter la colère des plus susceptibles, de quoi dérouter les plus sceptiques. Surtout, la maison familiale, en réunissant toute sa fratrie, fait revivre une seconde enfance à ces personnages qui ont façonné leur vie d’adulte à l’extérieur. Elle redevient le labyrinthe qu’elle avait dû représenter pour des bambins minuscules. Dash Shaw nous aide à y voir plus clair en glissant quelques plans entre ses planches, et truffe la demeure de pièges et de trucages qui la rendent aussi gothique qu’un château hanté. De même, ce retour vers l’enfance s’effectue aussi dans les mentalités et exacerbe les traits de caractère de chaque personnage. La régression s’effectue non sans mal, donnant lieu à des scènes absurdes, expiatoires à la souffrance accumulée et gardée recluse jusque-là sous l’accoutrement de l’adulte.
La famille démantibulée, qui tenait jusqu’alors seulement de bric et de broc, se rabiboche paradoxalement alors que le couple parental se sépare. Non sans mal, puisque Dash Shaw s’étend sur des centaines de pages pour nous présenter la lente réparation des liens unissant les membres de la fratrie. Le nombre de pages n’a aucun rapport avec la densité des propos que s’échangent les personnages. Le texte est parsemé, jamais envahissant, et préfère se retirer pour laisser parler les images et se succéder des tranches de vie muettes. L’immersion dans l’intimité de ces personnages nécessite du temps, et Dash Shaw nous oblige à leur en consacrer en restant longtemps aux prises de son album. Sans cela, Bottomless belly button nous semblerait peut-être anodin, comme la majorité de cette pléthore d’albums (à tendances) biographiques dont le principal sujet d’étonnement est celui-ci : mais qui donc cela peut-il intéresser ? On tourne les pages du Nombril sans fond avec une avidité croissante, persuadé que ce gros volume finira bien par nous livrer un secret qui fera écho à nos propres préoccupations nombrilesques. Trouvera, trouvera pas… à force de chercher, on se sera finalement attaché à ces personnages, car c’est de la longue fréquentation de nos semblables qu’on finit par éprouver de l’intérêt pour eux.
Citation :
- Comment tu as vécu le divorce de Claire et de ton père ? - Euh. J’sais pas. - Ah bon ? - Ben quoi ? - Disons… Sur une échelle de un à dix, comment tu te sentais ? - … - Dix étant bien, le top. - Six. - Waow. C’est vachement bien !