Je viens de terminer la lecture d’
André Langevin et du livre qui l’a propulsé au sommet,
Poussière sur la ville. Après avoir lu ce roman d’une traite en moins de deux jours et tout juste après avoir terminé
Bonheur d’occasion de
Gabrielle Roy, j’ai pu me familiariser avec le projet ambitieux d’
André Langevin dans la rédaction de ce roman. Ayant écrit ce roman dans le contexte brûlant d’une actualité toujours fumante,
André Langevin nous confirme qu’un écrivain s’inscrit toujours au cœur de son époque et de ce qui l’entoure.
André Langevin est un pionnier dans le projet littéraire québécois. Il a précédé
Gérard Bessette dans la gestation du roman québécois. Nous devons alors insister sur la notion de classique. Au cours de son époque,
André Langevin a pu être familiarisé avec les œuvres d’
Albert Camus et de
Gabrielle Roy. Nous pouvons suspecter que ces deux influences littéraires ont profondément aiguillonné la conception de
Poussière sur la ville, parmi plusieurs références littéraires chuchotées de façon souterraine. Dans l’avant-propos, nous parlons du mythe de Sisyphe, de
La Peste et de
L’Étranger. J’ajoute à ces classiques évoqués
Bonheur d’occasion. En exergue,
André Langevin utilise des vers d’
Hector de Saint-Denys Garneau et des motifs poétiques garnéliens reviennent au cours du roman fortement teinté d’intonations poétiques.
André Langevin prononce le tourment des rapports sociaux québécois problématiques entre hommes et femmes. Dans le contexte précédant la Révolution tranquille,
André Langevin prend prétexte d’une crise sociale dans le monde du travail pour inscrire le sujet québécois au cœur de la modernité. En situant les rapports problématiques entre Madeleine et Alain Dubois, l’écrivain dénonce le malaise qu’un carcan étouffant peut imposer à l’institution du mariage. Au sein des rapports étroits d’une communauté minière tissée serrée,
André Langevin fait le procès des institutions sans les nommer. En dégageant une analyse psychologique d’une grande qualité et en truffant le tout d’un réseau intertextuel assez complexe, l’écrivain parvient à camoufler le côté polémique de ce qu’il soulève. Son roman sera donc bien reçu au moment où il paraîtra en 1953.
Au chapitre des bémols que je peux retenir au cours de ma lecture, c’est une certaine longueur incompatible avec la facture de
L’Étranger et des influences camusiennes. Le premier chapitre fait presque 26 pages bien tassées en format poche. L’écriture est toutefois dynamique et poétique, ce qui contribue à dynamiser le rythme du récit. Nous oublions donc que les chapitres sont longs. Le texte est subdivisé en trois parties, constituées de plusieurs chapitres et les chapitres comportent leurs parts de subdivisions, ce qui confirme une architecture du roman. Le début du texte est épars, ce qui peut nous perdre par moments, mais pas si nous sommes familiarisés avec l’avant-propos du livre.
Le sujet et le contentieux du sujet est assez éludé… nous pouvons donc mettre cette préposition du texte avec la problématique traitée. Afin de vous donner un avant-goût de la plume d’
André Langevin et de la profondeur des sujets traités, je vous cite un extrait de la page 169 :
- André Langevin, Poussière sur la ville, 2010, Rosemère : Pierre Tisseyre, p. 169. a écrit:
- Mais je n’ai pas de force. Je m’endors avec le whisky, un peu haletant, inquiet. Mon château de cartes gît dans la poussière. Une grande main impitoyable l’a renversé. J’attends que la poussière retombe, mais la perturbation se prolonge. Rien ne se repose. Il me reste le sommeil que je gagne péniblement en contemplant une étoile rouge dans une chevelure rousse.
Par la poétique et l’ampleur du projet romanesque, je peux dire qu’
André Langevin s’est inscrit parmi les références incontournables du roman québécois. Toutefois, c’était assez facile de s’inspirer de la référence camusienne. Encore là, il fallait le faire avec intelligence et distinction.
André Langevin y a bien réussi, sauf peut-être sur le plan de la concision où
Albert Camus n’aura pas beaucoup de rivaux, rivales, qui l’égaleront.
L’histoire vaut le coup. La psychologie cœur-de-poing fait son œuvre. Maints écrivains québécois y ont concouru par la suite. Le sujet québécois tourmenté demeure une constante thématique qui témoigne de la vigueur de la plume québécoise.