Orhan Pamuk [Turquie]

Maline a écrit:

Je l’ai d’ailleurs lu à la suite du livre autobiographique sur Istanbul que Pamuk a écrit avec ses souvenirs d’enfance et de jeune homme et que je recommande à tout ami de cette ville.

je ne connais pas cette ville - mais j'ai découvert Pamuk avec ce livre

Cela me fait tres plaisir de lire que tant de monde apprecie Orhan Pamuk. Peu de lectures m'ont procure un tel plaisir.
Je vais juste commencer Cevdet Bey et ses fils - un pave - le plaisir sera looong!

J'ai lu Neige, saisie par la beauté et la richesse de cet ouvrage ample et envoûtant au rythme de cette neige qui tombe encore et encore ... sans plus savoir au bout d'un moment si je lisais ou si je rêvais.

Que me conseillez-vous après Neige ?

Mirabelle a écrit:

J'ai lu Neige, saisie par la beauté et la richesse de cet ouvrage ample et envoûtant au rythme de cette neige qui tombe encore et encore ... sans plus savoir au bout d'un moment si je lisais ou si je rêvais.
Que me conseillez-vous après Neige ?

Je suis heureuse de lire que tu apprecies Orhan Pamuk, pour moi, c'est une lecture comme une epopee, peut-etre car j'ai commence par "Mon nom est rouge" et "Le chateau Blanc". L'action se situe il y plusieurs siecles, mais j'y ai retrouve toute l'ame humaine d'aujourd'hui confrontee aux problemes sociaux, moraux etc du temps respectif.
J'adore surtout les oeuvres tellement intellectualisees de Pamuk.

Mirabelle a écrit:

J'ai lu Neige, saisie par la beauté et la richesse de cet ouvrage ample et envoûtant au rythme de cette neige qui tombe encore et encore ... sans plus savoir au bout d'un moment si je lisais ou si je rêvais.

Que me conseillez-vous après Neige ?

Mon nom est rouge est dans ma PAL depuis longtemps...un de mes trésors que je garde en réserve...Il paraît qu'il est extraordinaire.
J'ai beaucoup aimé Neige comme toi.
Par contre Une vie nouvelle m'a beaucoup déçue.

coline a écrit:

Mon nom est rouge est dans ma PAL depuis longtemps...un de mes trésors que je garde en réserve...Il paraît qu'il est extraordinaire.
J'ai beaucoup aimé Neige comme toi.
Par contre Une vie nouvelle m'a beaucoup déçue.

J'ai aussi dans ma PAL Mon Nom est Rouge, dont on m'a dit (en dehors du forum) beaucoup de bien.

Ceci dit sans vouloir influencer Mirabelle, bien sûr !

J'ai lu Mon nom est rouge et je peux le recommander, il a un petit côté Mille et une nuit.

Va pour Mon nom est rouge alors !

MON NOM EST ROUGE

Mon nom est Rouge a reçu le prix du Meilleur livre étranger en 2002.

J’enchaîne les romans polyphoniques en ce moment…
12 personnages et 59 chapitres dans celui-ci…
736 pages tout de même !...
Je dis « tout de même ! » car si le sujet m’a paru intéressant, j’ai trouvé le roman quelque peu « bourratif »…Je voulais toutefois aller jusqu’au bout de ma lecture et je l’ai fait…Soulagée de l’avoir terminée !

Istanbul 1591.
Monsieur Délicat, enlumineur parle du fond d’un puits où son assassin l’a jeté après lui avoir fracassé le crâne. Qui est l’assassin et pourquoi a-t-il tué Monsieur Délicat ?

Contexte :
Des miniaturistes d’un atelier réputé, perpétrant la tradition ottomane de leur art en copiant à la perdection les anciens, ont été contactés secrètement pour illustrer pour le Sultan un manuscrit en s’inspirant des influences de l'école vénitienne (portrait, style, signature…).
Cette initiative choque en dépit du mystère sur ce que sera l’oeuvre au final, les rumeurs d’impiété circulent, on rivalise, on complote, on assassine …

« J'avais l'impression qu'il allait brandir le lourd encrier de bronze mongol au-dessus de ma tête pour me tuer. Parce que je faisais s'éloigner la peinture du point de vue de Dieu, parce que je trahissais la tradition et toutes les œuvres nées des rêves des maîtres de Hérat. »

J’ai appris sur l’art des miniaturistes ottomans : les sujets traités, les techniques, les conditions dans les ateliers, les relations entre les maîtres et les peintres, les pratiques qui consistent à imiter jusqu’à la cécité les œuvres anciennes (la cécité, un honneur, un don de Dieu, une conséquence du travail qui, si elle n’arrive pas, peut être volontairement provoquée à l’aiguille).

Au mystère de deux assassinats, s’ajoute une histoire d’amour compliquée entre Le Noir et la belle Shékuré. Je passe car je n'en peux plus...


(Si ce roman avait fait 300 pages je l'aurais sans doute beaucoup aimé...mais là j'avais l'impression qu'il ne finirait jamais...Désolée, je ne rejoins pas le concert des louanges qui ont précédé sur ce fil)

bix229 a écrit:

Babelle, il faut lire Istamboul. J' ai adoré ce livre poétique et émouvant... Bien plus que le roman de
Pamuk que j' ai lu...

Tiens, mais je l'ai vu passé il y a peu. Je me l'attrape à son retour.

Neige

Une de mes grandes découvertes de l'an passé : j'admire la lucidité du regard porté par Pamuk sur la Turquie, déchirée au quotidien entre le religieux et le militaire, entre l'héritage kémaliste et l'islamisme. Dans cet environnement, les protagonistes semblent rester des silhouettes aveuglées par des contradictions, à l'image de Ka, à la fois spectateur et acteur, ballotté par une réalité dont il ne peut démêler tous les fils.
Pamuk exprime tout à tour, en suivant le parcours poétique de son personnage principal, une violence sourde et l'illusion d'une sérénité. Ces impressions sont renforcées par l'omniprésence du motif de la neige : elle imprègne chaque pas, chaque parole, elle influence chaque acte par le poids affectif et l'isolement qu'elle représente. C'est une prouesse littéraire de grande ampleur, commentaire que l'on peut appliquer à l'écriture de Pamuk dans son ensemble. A la fois ample, presque épuisante, mais aussi d'une émouvante fluidité, elle offre une cohérence à un roman qui évoque le doute, le renoncement et la difficulté à appréhender l'évolution d'un pays, que ce soit sur le plan intime, social ou politique.

J'ai poursuivi avec Mon nom est rouge, un régal de lecture. Le foisonnement narratif, l'exploration d'un temps décisif de l'Histoire, une passion pour l'Art devient qui la recherche d'un absolu...et là-encore, Pamuk évoque par la richesse de ses descriptions une ambiance mémorable. Istanbul revit sous nos yeux, sublime et menaçante, dotée de sa propre personnalité.
Le roman dévoile beaucoup de fausses pistes : l'intrigue policière est presque un leurre...et même les personnages principaux, Le Noir et Shékuré, demeurent jusqu'au bout le miroir d'émotions et de réflexions plus denses et contrastées.
Pamuk dévoile son obsession de l'image, questionne le regard que porte l'artiste sur son oeuvre, la relation du maître et de l'élève. Il explore ainsi un héritage qui lui permet de cerner la disparition de l'équilibre d'un monde, dans cette confrontation symbolique de l'Orient et l'Occident.

J'ai ensuite enchaîné avec Istanbul : souvenirs d'une ville : un très beau roman, qui témoigne de la fascination de l'écrivain pour "sa" ville. J'aime la façon dont il structure ses développements, avec beaucoup de liberté, passant sans difficulté de l'affectif à une vision d'ensemble, du souvenir à l'analyse.
J'ai cependant un regret personnel, la proximité de l'oeuvre de Sebald concernant les thèmes de la perte et de la mémoire, comparaison qui fragilise un peu l'ouvrage de Pamuk à mes yeux, et qui peut expliquer ma "très légère" déception après le choc des deux ouvrages précédents.

Le livre noir

La recherche d'une identité, l'empreint émotionnelle d'Istanbul, l'obsession de l'autre et du regard porté sur soi : Le livre noir rassemble déjà la plupart des thèmes chers à Pamuk. Il s'agit d'un roman dans lequel il est aisé de se perdre, puisque l'intrigue initiale (Galip part à la recherche de Ruya, son épouse disparue) semble très vite s'évanouir dans un dédale de labyrinthes, multipliant détours et disgressions.
Ainsi, l'écriture est à la fois fascinante et déconcertante, brise des repères de compréhension en nouant un drame qui ne se révèle que dans la durée. Les personnages eux-mêmes se fondent dans un espace qui peu à peu les dépasse, se confrontant à l'art, à l'image et à l'écrit dans une quête incertaine et solitaire.
Pamuk ne craint jamais l'excès dans l'érudition, greffe à son récit des morceaux d'histoires, tentant ainsi de cerner le secret et la violence de la création...avec toujours en point de mire l'angoisse d'une destruction, la fragilité de la mémoire.
L'ensemble n'est pas toujours de prime abord accessible , et il faut accepter de buter face à certains développements avant de trouver un rythme, mais au-delà de cette difficulté Le livre noir est remarquable tant il offre de pistes de réflexion.

Je suis donc en train de lire "Mon nom est Rouge" en ce moment même.
Autant j'adore cette écriture et les sauts entre tout ces personnages, avec ces chapitres en caméra subjective, autant c'est vrai, comme le souligne Coline, que c'est aussi assez poussif. Malgré tout, quelle richesse. On est transporté à la fois en pleine histoire d'amour, au milieu d'un atelier de miniaturiste, donc un gros fond culturel et historique qui m'a beaucoup fasciné et qui a amplement participé au charme de l'ensemble. Par contre, le procédé se répète beaucoup, je trouve.
Toujours est-il que je vais pousser cette lecture et continuer certainement avec d'autres livres de cet auteur que je ne connaissais pas avant !