Jonathan Coe

Très joli roman , La pluie avant qu’elle tombe , un roman bien anglais, classique et assez noir. Je comprends maintenant le magnifique air que Marko met en tête de son intervention! Le seul vrai moment de bonheur décrit dans ce livre.
Plus que la répétition , qui me semble logique ici , j’ai été frappée par l’absence quasi complète des éléments de sexe masculin dans ce roman. C’est une histoire de femmes entre elles, mères et filles, amantes qui se quittent parce qu’elles perdent la petite fille qu’elles élevaient, les hommes, on ne sait vraiment pas où ils sont!
J’ai bien aimé le mode narratif à la fois oral , puisque Rosamond s’adresse à une jeune aveugle, et très descriptif, utilisant à chaque tête de chapitre une photographie faisant progresser la trame narrative.

Et puis surtout, la façon qu’a Jonathan Coe de faire comprendre que des faits qui peuvent sembler avoir peu d’importance, des détails comme un chien qui s’enfuit et qu’on ne retrouve jamais, ou des taches de confiture sur un chemisier neuf peuvent acquérir dans un esprit d’enfant une telle importance qu’ils marquent toute une vie. Que c’est déjà le malheur à l’état pur. Le malheur de l’enfance et que cela ne se rattrape jamais, et quelquefois, comme ici, sur plusieurs générations.

Toujours chez Jonathan Coe le même thème du temps qui passe . Avec ce qui est donné au départ, et ce qui subsiste pour refermer le cercle.Tous mes romans, explique-t-il, ont à voir avec ça, avec les différentes manières qu'ont les gens de s'accommoder du passage inexorable du temps et du fait que nous n'y pouvons rien changer. Inévitablement, cela provoque de terribles désillusions parce que nos visions d'avenir sont toujours idéales, alors que la réalité est un cruel processus de réduction de cet idéal.»

Marie a écrit:

Et puis surtout, la façon qu’a Jonathan Coe de faire comprendre que des faits qui peuvent sembler avoir peu d’importance, des détails comme un chien qui s’enfuie et qu’on ne retrouve jamais, ou des taches de confiture sur un chemisier neuf peuvent acquérir dans un esprit d’enfant une telle importance qu’ils marquent toute une vie.

Cette scène est vraiment terrible! Ce chien est investi d'une telle charge affective en relation avec la mère. Tu ne trouves pas que ça rappelle beaucoup de scènes chez Joyce Carol Oates?

Citation :

Tu ne trouves pas que ça rappelle beaucoup de scènes chez Joyce Carol Oates?

Oui, mais dans ce que j'ai lu de JCO, il y a protection de l'enfant dans la génération suivante. Mais ce sont des garçons.. Tu connais mieux, as tu déjà vu des romans de JCO où existent ces rapports mère-fille?

Marie a écrit:

Citation :

Tu ne trouves pas que ça rappelle beaucoup de scènes chez Joyce Carol Oates?

Oui, mais dans ce que j'ai lu de JCO, il y a protection de l'enfant dans la génération suivante. Mais ce sont des garçons.. Tu connais mieux, as tu déjà vu des romans de JCO où existent ces rapports mère-fille?

Oui dans Blonde! Les relations entre Marilyn et sa mère sont terrifiantes.

Voilà, je crois, pourquoi la répétition, qui te choque ici, ne me choque pas du tout. Que des filles...

Marie a écrit:

Plus que la répétition , qui me semble logique ici , j’ai été frappée par l’absence quasi complète des éléments de sexe masculin dans ce roman.

Cela allait tellement de soi dans le roman que je n'ai même pas pris conscience de cet absence d'hommes, alors que oui, c'est tellement flagrant !
C'est sans aucun doute cette absence de l'homme qui conduit à cette transmission et cette répétition, son rôle aurait été de casser le moule et de travailler dans le sens de la réparation, mais vu son absence...

Marie a écrit:

Voilà, je crois, pourquoi la répétition, qui te choque ici, ne me choque pas du tout. Que des filles...

Je n'y avais pas pensé non plus mais tu as tout à fait raison, voilà pourquoi cela ne me choque pas du tout. Les relations mères-filles peuvent être si compliquées parfois, et le fait que Marko aies un point de vue plus masculin dans la relation mère-enfant peut peut-être expliquer cette perception différente ? (c'est une question, pas une affirmation ).

Citation :

Toujours chez Jonathan Coe le même thème du temps qui passe . Avec ce qui est donné au départ, et ce qui subsiste pour refermer le cercle.

Boucler la boucle, voilà qui a tout son sens chez cet auteur !

sentinelle a écrit:

Marie a écrit:

Voilà, je crois, pourquoi la répétition, qui te choque ici, ne me choque pas du tout. Que des filles...

Je n'y avais pas pensé non plus mais tu as tout à fait raison, voilà pourquoi cela ne me choque pas du tout. Les relations mères-filles peuvent être si compliquées parfois, et le fait que Marko aies un point de vue plus masculin dans la relation mère-enfant peut peut-être expliquer cette perception différente ? (c'est une question, pas une affirmation ).

Je crois surtout qu'on peut observer toutes les combinaisons possibles de la répétition à l'affranchissement des schémas familiaux. Je ne crois pas beaucoup à cette "prédestination" transgénérationnelle inscrite dans l'histoire d'une famille. Mais que des carences entrainent de la souffrance évidemment oui!

En sortant un peu du cadre de ce fil il y a un article intéressant sur le sujet dont on parle (même s'il va à l'encontre de mon sentiment ): REPETITIONS TRANSGENERATIONNELLES DANS LES SCENARIOS DE VIE EN PRATIQUE PSYCHOGERIATRIQUE

Citation :

La pratique du génosociogramme chez le sujet âgé permet à celui-ci de lever des secrets de famille, de se réintégrer dans son histoire familiale et d’aider les générations futures à se libérer des « fantômes» qui génèrent des obligations de répéter des scénarios de vie.

La pluie, avant qu’elle tombe

Comme c’est le premier roman de Jonathan Coe que je lis, je ne compare à aucun autre ...
Je suis dans le tout simple bonheur d’avoir fait une très belle lecture sur ce thème psy évoqué par les lecteurs parfumés qui m'ont précédé dans la lecture.

Une femme, Rosamond, vient de se donner la mort. Sa nièce, Gill se rend chez elle.
Quand elle arrive elle la découvre dans son fauteuil avec un micro à la main. Un disque tourne encore sur la platine.
Dans la maison de Rosamond, Gill trouve des cassettes enregistrées et un mot la priant de remettre les enregistrements à une certaine Imogen.

Imogen reste introuvable alors Gill et ses deux filles vont écouter les enregistrements.
Et comme elles, aussitôt nous voilà captivés par le récit que fait Rosamond!

« Il y a une histoire que tu ne connais pas, Imogen. Une histoire qui concerne ta famille, et moi, et surtout une histoire qui te concerne toi. »

Rosamond part de vingt photos de famille qu’elle a sélectionnées et qu’elle décrit à Imogen ( dont on apprendra plus tard qu’elle est aveugle).
Ces photos servent de support pour remonter le temps sur trois générations et dévoiler à Imogen des secrets de son histoire familiale. Ces secrets ont scellé son tragique destin.
Avec beaucoup d’affection, Rosamond parle à Imogen de sa grand-mère Beatrix, celle qui fut sa « sœur de sang » Puis de sa mère Thea, qu’elle a élevée durant une partie de son enfance.
Beatrix et Thea, toutes deux victimes et coupables de désamour maternel.

Le récit, remarquablement construit, est poignant. Rosamond n’en finit pas de raconter, sans se presser, avec mélancolie et douceur, donnant force détails sans jamais se perdre, revenant toujours à l’essentiel pour arriver à ces mots :

« Tout ce qui a abouti à toi était injuste. Donc, tu n’aurais pas dû naître.
Mais tout chez toi est absolument juste : il fallait que tu naisses.
Tu étais inévitable. »

Je viens enfin de découvrir cet auteur sensible, il me plaît beaucoup…Je viendrai à ses autres romans…

coline a écrit:

La pluie, avant qu’elle tombe
Je viens enfin de découvrir cet auteur sensible, il me plaît beaucoup…Je viendrai à ses autres romans…

Ses autres romans manient davantage l'ironie et l'humour anglais. Tu devrais apprécier aussi Une touche d'amour, Bienvenue au club et le cercle fermé.

Marko a écrit:

coline a écrit:

La pluie, avant qu’elle tombe
Je viens enfin de découvrir cet auteur sensible, il me plaît beaucoup…Je viendrai à ses autres romans…

Ses autres romans manient davantage l'ironie et l'humour anglais. Tu devrais apprécier aussi Une touche d'amour, Bienvenue au club et le cercle fermé.

Je n'oublierai pas ces conseils pour choisir le suivant...

Coline a écrit:

Je viens enfin de découvrir cet auteur sensible, il me plaît beaucoup…Je viendrai à ses autres romans…

Tu retrouveras cette sensibilité et cette mélancolie dans Bienvenue au club et Le cercle fermé, comme l'a déjà souligné Marko

Marko a écrit:

En sortant un peu du cadre de ce fil il y a un article intéressant sur le sujet dont on parle (même s'il va à l'encontre de mon sentiment ): REPETITIONS TRANSGENERATIONNELLES DANS LES SCENARIOS DE VIE EN PRATIQUE PSYCHOGERIATRIQUE

Citation :

La pratique du génosociogramme chez le sujet âgé permet à celui-ci de lever des secrets de famille, de se réintégrer dans son histoire familiale et d’aider les générations futures à se libérer des « fantômes» qui génèrent des obligations de répéter des scénarios de vie.

Contrairement à Marko, j'aime beaucoup cette branche de la psychologie qu'on nomme psychogénéalogie, qui peut ouvrir beaucoup de portes dans la compréhension de certains de nos comportements répétitifs

sentinelle a écrit:

Coline a écrit:

Je viens enfin de découvrir cet auteur sensible, il me plaît beaucoup…Je viendrai à ses autres romans…

Tu retrouveras cette sensibilité et cette mélancolie dans Bienvenue au club et Le cercle fermé, comme l'a déjà souligné Marko

Oui, merci de me servir de guides, ce sont les titres que j'ai notés dans mon petit carnet...

Citation :

Contrairement à Marko, j'aime beaucoup cette branche de la psychologie qu'on nomme psychogénéalogie, qui peut ouvrir beaucoup de portes dans la compréhension de certains de nos comportements répétitifs

moi aussi, Senti, et je ne suis pas vraiment d'accord avec Marko...