Le géant égoïste [Clio Barnard]

coline a écrit:

Vus (entre autres) quelques films en avant-première dans un Festival, sur lesquels j'attire votre attention lors de leur sortie:

Le géant égoïste de Clio Barnard (Grande-Bretagne. Sortie le 18 décembre)

Très dur!

Vu en avant-première en compagnie de Coline dans le cadre du festival Jean Carmet à Moulins, ce film qui ne sortira en salle qu’au mois de décembre a été un gros coup de cœur en ce qui me concerne. Premier long métrage d’une réalisatrice qui a commencé dans le documentaire, ce film coup de poing est stupéfiant de maitrise pour un premier film.

Dans un quartier populaire de Bradford, au Nord de l’Angleterre, deux adolescents récemment renvoyés de l’école rencontrent Kitten, un ferrailleur du coin.

Arbor, 13 ans, est un jeune garçon extrêmement agité et perpétuellement en colère.



Ne prenant pas ses médicaments qui auraient l’avantage de canaliser son trop plein d’énergie, Arbor est une sorte de volcan ambulant qui entre en éruption à la moindre contrariété.  Autant dire que le système scolaire  n’est pas fait pour lui tant il s’y ennuie prodigieusement. Ses crises de colère sont impressionnantes et il est totalement réfractaire à toute autorité. Il n’a qu’une obsession : se faire de l’argent en volant du cuivre et en collectant toutes sortes de métaux usagés qu’il revend au ferrailleur.

Son seul ami est le jeune Swifty, un garçon costaud mais aussi un peu pataud. Grand amoureux des chevaux, Swifty a un don certain pour les diriger, ce qui n’échappe pas au ferrailleur qui veut se lancer dans les courses de chevaux clandestines.  



Comment concilier les obsessions d’Arbor et la tendresse de Swifty pour les chevaux face à un ferrailleur aussi querelleur que violent et de plus en plus gourmand ? Un géant égoïste aux allures d’ogre dévoreur d'enfants…



Un film qui ne vous prend aux tripes dès les premières minutes et qui ne vous lâche plus jusqu’à la dernière minute. Il y a du Ken Loach dans ce film mais sans une once d’humour cher au réalisateur : tout est rude, dur, tragique, forcément tragique.  C’est implacable de justesse tant tout sonne vrai.   Un regard de tendresse aussi sur ces mères complètement dépassées qui ont bien du mal à joindre les deux bouts et n'ont plus un gramme d'autorité sur leur enfant.

Un très très  gros coup de cœur ! A ne pas louper à sa sortie au mois de décembre. Je ferai une piqure de rappel à ce moment-là.
Le jeu du jeune Arbor est stupéfiant également et vaut à lui seul le déplacement.

Le Géant égoïste a été  présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2013 et a reçu quelques prix lors de divers festivals.

Petite anecdote en passant, sur les six films vus pendant le festival,  cinq ont été réalisés par des réalisatrices (The Lunchbox, Le géant égoïste, Le médecin de famille, Une place sur terre et Suzanne). Un coup de chapeau à ces dames tant je me suis régalée pour la plupart (petit bémol pour Le médecin de famille). Je reviendrai aux autres prochainement. Dont Une place sur terre (je pense qu’Aériale est la seule à nous en avoir parlé dernièrement).

Le même sentiment que sentinelle pour ce film vu en avant-première à Issoudun. J'en reparlerai à sa sortie.

Je n'ai pas été complètement emballé par Le Géant égoïste. C'est un mélodrame social dont le petit héros pourrait être le gamin à vélo des frères Dardenne faisant un tour du côté de chez Ken Loach, un enfant hyperactif constamment dans la fuite en avant et dont la course finira par s'arrêter (c'est la plus belle idée du film pompée aux Dardenne) pour lui permettre de peut-être tendre vers une forme d'apaisement (utopique)...  ou pas. Les gamins sont attachants, les rôles adultes convaincants (méconnaissable Rebecca Manley vue dans Downtown abbey) mais il m'a manqué l'ampleur et le sens dramatique des metteurs en scène qui servent de modèle. C'est un premier film pas mal foutu mais j'ai mis du temps à y entrer, l'histoire m'a semblée très limitée et répétitive (argument de court métrage étendu à un long), le final trop prévisible et un peu racoleur. Reste une belle amitié palpable et quelques plans de ces paysages industriels cafardeux plutôt réussis. On n'en sort pas vraiment le coeur léger même si la réalisatrice fait tout pour nous émouvoir. Le film se veut adapté du conte d'Oscar Wilde mais c'est un peu un prétexte car elle n'atteint jamais vraiment  la dimension de la fable. Je suis peut-être sévère mais j'ai regardé tout ça souvent à distance. Pas mal de gens essuyaient une larme en sortant en tout cas.

Le Géant égoïste

J'ai trouvé que Clio Barnard exprime un vrai regard de cinéaste, au-delà des influences. L'attention aux silences, les plans de paysages esquissent des moments de pause d'une grande beauté face à la tension et à la rudesse du contexte. La direction d'acteurs est remarquable au service d'une amitié adolescente, d'un combat de chaque instant face à un quotidien de solitude et d'amertume.
Je rejoins tout de même Marko sur la minceur du récit et de la trame romanesque. Le film est bref, dense, mais manque parfois de ligne directrice et d'ampleur dans l'approche d'un environnement social. Le Géant égoïste dévoile cependant beaucoup de promesses, cherchant à surmonter une colère pour saisir un avenir incertain et briser une impasse.

Avadoro a écrit:

Le Géant égoïste

J'ai trouvé que Clio Barnard exprime un vrai regard de cinéaste, au-delà des influences. L'attention aux silences, les plans de paysages esquissent des moments de pause d'une grande beauté face à la tension et à la rudesse du contexte. La direction d'acteurs est remarquable au service d'une amitié adolescente, d'un combat de chaque instant face à un quotidien de solitude et d'amertume.

Je te rejoins totalement tant j'ai trouvé que la réalisatrice avait, comme tu le dis si bien, un vrai regard de cinéaste. J'ai vraiment été épatée par tant de maîtrise pour un premier film et j'attends les suivants avec impatience.

Avadoro a écrit:

Je rejoins tout de même Marko sur la minceur du récit et de la trame romanesque.

Marko a écrit:

C'est un premier film pas mal foutu mais j'ai mis du temps à y entrer, l'histoire m'a semblée très limitée et répétitive (argument de court métrage étendu à un long), le final trop prévisible et un peu racoleur.

La minceur du récit, oui peut-être bien, avec ce côté un peu répétitif. Mais contrairement à Marko, j'ai adhéré au film dès les premières séquences (cet enfant sous le lit et la main qui se tend de son ami, le seul à pouvoir le sortir de ses angoisses) et cela ne m'a plus quitté jusqu'au mot fin. Je ne l'ai pas trouvé racoleur non plus, je n'ai jamais eu le sentiment qu'elle prenait mes émotions en otage en tout cas.

Une petite déception ce film, je trouve qu'il manque de rythme. La bande annonce m'avait donné envie de le voir. Par contre, j'ai été séduite par le jeu des acteurs, tous fantastiques, particulièrement les enfants. A voir quand même.