Pourquoi lisez-vous? Qu'attendez-vous de la lecture?

la lecture me permet de m'évader, d'apprendre, de jouer et de rigoler. Les romans de voyages me permettent de me retrouver dans des lieux dans lesquelles je ne pourrais sans doute pas aller ou dont je ne connaissais même pas l'existence, les témoignages comme Primo Lévi me permettent d'apprendre, de comprendre un peu. Et puis certains romans comme les polars me font travailler les méninges car j'aime résoudre des énigmes, reconstruire les puzzles.
A une époque je ne lisais que des polars et je tombais sur des romans de plus en plus gore où il fallait du dégueu juste pour faire du dégueu et j'ai commencé à me demander ce que m'apportaient ces lectures. Et bien la réponse a été : pas grand chose. J'ai réfléchi sur ce que je cherchais et me suis concentrée des polars classiques comme Agatha Christie et je me suis ouverte à d'autres styles et j'en suis fort contente maintenant et je n'ai pas fini de faire des découvertes

edit : recollage de fils le 27/09/2015

Pardon, c’est un anglicisme ! L’expression vient d’un mouvement d’art pictural américain (lowbrow art) datant des années 70 très influencé par la culture populaire (comics, par exemple). Les critiques d’art, et les artistes avant eux, se sont posé beaucoup de questions quant au rapport du ‘lowbrow art’ aux ‘Beaux arts’.
Par extension, on peut parler d’un goût lowbrow ou low-brow (par exemple pour la littérature de genre ou pour les romans dits ‘de gare’).
Le terme est généralement péjoratif : dire qu’une œuvre est lowbrow peut être une critique très virulente, qui connote non seulement le mauvais goût mais aussi la pauvreté intellectuelle… mais  est aussi associé au débat sur la valeur de la culture de masse et la valeur de la culture tout court.

C'est sûr que lowbrow sonne mieux que "front bas".

Le contraire highbrow (= intello) existe aussi, il me fait toujours penser aux caricatures de savants au front démesuré.

nezumi a écrit:

Le contraire highbrow (= intello) existe aussi, il me fait toujours penser aux caricatures de savants au front démesuré.

C’est le but, il me semble ça vient de la phrénologie !

Citation :

On dit aussi "bas de plafond", je préfère.

C’est plus joli, mais pour le coup c’est strictement péjoratif, non ?

eXPie a écrit:

nezumi a écrit:

C'est sûr que lowbrow sonne mieux que "front bas".

On dit aussi "bas de plafond", je préfère.

Oui, celui-là a plus nettement la connotation de limité intellectuellement.
"Front bas" (et fuyant!) ça fait plus brute épaisse néandertalienne.

Avec ‘au ras des pâquerettes’ en plus, on a presque une pièce complète.

Pour être sûre d'avoir bien compris, tu recherches des lectures plus légères ? Moins ancrées dans l'histoire de la littérature ? De la pure distraction ?

Hum, c’est pas super clair pour moi, donc dur dur de clarifier ça pour quelqu’un d’autre…

Houellebecq, au début de Soumission, fait parler un narrateur spécialiste de Huysmans, qui décrit Huysmans comme un ‘ami’ : autant j’ai pas adoré Soumission, autant cette analogie m’a beaucoup parlé.
Pour moi cette notion ‘d’amitié’ littéraire tient à une correspondance entre l’expérience du lecteur et l’expérience décrite par l’auteur. Le terme d’amitié vient du fait qu’on tend à associer l’auteur à ses livres… on se sent proche de la personne qui a décrit ce qu’on ressentait. On voit ça avec Salinger, par exemple : tout le monde voulait lui parler de L’attrape-cœurs, les lecteurs se sentaient enfin compris !
Voilà, cette notion d’amitié, c’est probablement ce qui a fait que la littérature m’a émue plus que la peinture, que la musique…
Et puis, mon rapport à ‘l’autre’ est assez curieux/distancié (les deux font la paire, si je suis curieuse, je considère l’autre comme différent/exotique, je ne m’identifie pas), donc je peux apprécier le contact avec l’autre tout en me considérant comme totalement séparée. C’est ce genre de rapport que je peux avoir avec Hawthorne : l’auteur tel qu’il transparaît dans ses livres est autre, il ne m’émeut pas particulièrement mais je lui trouve une beauté d’objet exotique. Hawthorne, donc, c’est beau, mais ça ne correspond pas à mon expérience : en d’autres termes, j’apprécie de loin (d’un point de vue académique, analytique, de dissection), mais je n’intègre pas le texte à la compréhension que j’ai de moi-même.
De manière générale, je constate que ce qui correspond à mon expérience, ce sont des lectures, en effet, plus légères. A titre d’exemple, j’aime beaucoup les romans gothiques (qui comptent parmi les paralittératures, d’où, en partie, le qualificatif ‘lowbrow’) : c’est souvent là que j’ai trouvé mes ‘amis’. En effet, les thèmes qui y sont problématisés me parlent particulièrement, et en plus, ils sont problématisés à grand renfort de symboles, d’associations… et justement, ces problèmes ont été particulièrement traumatiques parce que je n’ai pas pu en parler. Notamment, la question de l’identité sexuelle et très présente dans les romans gothiques, et elle a été perturbante et fondatrice pour moi.

Par ailleurs, le terme de distraction, que tu utilises, me convient bien : j’ai aussi un rapport addictif à la lecture. Quand je veux éviter de ressentir certaines émotions négatives, le caractère escapiste de certaines lectures me soulage. Du coup, je peux lire des choses qui ne me plaisent pas beaucoup mais ne demandent pas une grande concentration, comme certaines personnes regardent des séries TV qu’elles n’adorent pas pour se détendre.  

Souvent, j’ai l’escapisme sans l’amitié.
Parfois, l’amitié sans l’escapisme, surtout lorsque je lis des essais.
Et puis presque toujours il y a quelques éléments des deux (pour l'amitié, en particulier, on a toujours quelque chose en commun avec l'autre, on est humain), quelques passages qui… mais c’est une question de proportion.
Rarement, il y a une concordance quasi-miraculeuse entre l’amitié et l’escapisme… je peux à la fois ‘oublier’ et ‘me retrouver’ : c’est cette concordance qui caractérise mes romans favoris.
Et puis parfois, il y a des romans qui sont très bons mais ne touchent pour moi ni à l’un ni à l’autre. Hawthorne rentre dans cette catégorie : ça ne touche pas particulièrement à mon expérience, et son style est pas franchement propice  à l’escapisme, dans la mesure où il est fortement basé sur la distanciation/réflexion. Alors c’est très bien… mais je n’aime pas beaucoup. C’est cela mon ‘goût’, mon expérience en plus de ce que je cherche à trouver dans un livre.
Flaubert, c’est très étrange, parce qu’il tombe pile à la frontière. Escapiste, oui, parce que le rythme de son écriture prête à être emporté. En revanche… j’ai cette impression d’amitié tout en ne sachant pas très bien dans quelle mesure il critique froidement l’expérience à laquelle je m’identifie. Comme un copain pince-sans-rire dont on ne saurait pas très bien s’il se fout de notre gueule ! Pour ça que j’attends la fin de Bovary, pour voir où ça va, et que je suis très intriguée.
Voilà, j’ai fait de mon mieux pour m’expliquer… pardon pour le pavé.

Sur ce, je quitte la cabinet du psychanaliste, je suis sûre que tu n’en attendais pas tant  

En effet !

C'est très difficile de définir ce qui nous emporte dans un livre, et qui fait que nous nous reconnaissons dans ce que nous lisons, et cela semble si compliqué à dire avec les mots de la raison....et ce que tu écris me touche, même si on ne partage pas forcément les mêmes auteurs.

Peut-être un jour Barbara Pym, qui sait, je l’ai repérée à la bilbiothèque ! Pour quand j’aurai fini mes devoirs sur Hawthorne

Le rapport addictif à la lecture, je le ressens aussi. Et depuis toujours. La lecture m' a permis d' affronter et parfois de contourner les
difficultés de la vie, les nécessités, les rapports de force imposés, la fatigue, le chagrin, l' ennui...
Mais comme toute  addiction, la lecture peut vous déconnecter de la vie, ou plus exactement  de la réalité, celle qui vous est imposée.
Elle peut vous mettre en danger. Au bout de tant d' années, je sais que j' ai tenté l' inconciliable, en dormant trop peu, en devenant insomniaque. Mais sans envisager de changer.

Je  n' ai jamais renoncé. Parce que la contrepartie est dans mon cas, d' assurer quelque chose d' essentiel, un point d' ancrage qui m' a toujours permis de surmonter -au moins en partie- tout ce qui blesse, stresse, agresse constamment un esprit, porté naturellement à la reverie, à la spéculation beaucoup plus qu' à l' esprit de compétition ou plus simplement au sens pratique.
Dans le cours d' une vie où tout est imprévisible,  où presque tout vous lache jour après jour, on a besoin d' un tel recours.
D' autres le trouveront ailleurs.

Mon rapport à la lecture satisfait cet aspect-là.  La lecture est un tremplin à mon imaginaire. Je me soucie peu de savoir si ma façon de
lire est juste, correcte. Et meme fidèle.
Encore moins de savoir si elle correspond aux critères sanctifiés par la critique ou  l' académisme.
On passe trop de temps dans une vie à tenter d' éliminer tout qu' une Kulture a d' asphixiant et de convenu.
L' important est le cheminement qui suivra après telle ou telle lecture. Il y  en a qui ont des effets immédiats. D' autres qui ont
des effets différés et souterrains.

A chaque lecteur sa lecture.  Ses lectures. Sachant qu' il n' y a pas de certitudes sur ce que nous sommes,  connaissons et aimons. Que nos gouts et nos aspirations seront probablment amenés à évoluer et à changer.
Mais  nos lectures aussi nous changent. Sans qu' on sache parfois très bien quoi. Certes, j' ai eu des livres-jalons qui m' ont permis
d' avancer dans la connaissance du monde et de moi-même.
Mais, à la fin, il y a toujours des interrogations.
On est la somme et le résultat de ce qu' on a vécu et comme lire, c' est aussi vivre...

Sorcière a écrit:

puis, mon rapport à ‘l’autre’ est assez curieux/distancié (les deux font la paire, si je suis curieuse, je considère l’autre comme différent/exotique, je ne m’identifie pas)

mais ça ne correspond pas à mon expérience : en d’autres termes, j’apprécie de loin (d’un point de vue académique, analytique, de dissection), mais je n’intègre pas le texte à la compréhension que j’ai de moi-même.

Merci pour ta réponse Sorcière. Difficile d'apprécier une lecture quand elle nous reste étrangère. Mais il y a assez de livres pour faire le bonheur de tout le monde. Bonne chance avec tes devoirs obligés sur Hawthorne!

D'ailleurs je dois dire que j'apprécie la sincérité avec laquelle toi et Bix avez parlé de vous-mêmes.

Haha, merci d’avoir lu mes bavardages, pardon d’envahir le sujet.

Oui Bix, c’est très juste.
Et puis

Citation :

On est la somme et le résultat de ce qu' on a vécu et comme lire, c' est aussi vivre...

c’est bien formulé, et c’est bon de le rappeler, parce que parfois je l’oublie et je culpabilise.

Non, Topocl, je ne l’ai pas lu, mais ça a l’air intéressant. Je note !

hop, j'ai récupéré une partie de la discussion par ici.

Merci Animal !