Coup de coeur et bar de la poésie

ça me fait dresser l'oreille Bix, tu en remettras une couche si jamais on oublie ?

Voilà pour Esperluette et Animal. Sachez que JP Lemaire "est un poète d' une extreme discrétion. Salué par P. Jaccottet, P. Oster, JC Renard, JM Maulpoix, G. Goffette... il s' est tenu en marge de la vie littéraire... demeurant proche des choses les plus communes."

Gérard Noiret, La Quinzaine littéraire

Soleil d' hiver

Le soleil émerge et te tend la main

au bout d' un rayon comme sur les fresques

des tombeaux égyptiens. Toi, tu le regardes

illuminer les façades à l' est,

les platanes roux, les fumées translucides

mais tu caches tes mains. Alors lui retire

peu à peu la sienne en montant ; il éclaire

seulement le monde, et ton coeur reste obscur.

Jean-Pierre Lemaire : Faire place. - Gallimard

Sage de la littérature Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012

Merci Bix, il me plait bien, ce poète aime

et le titre que tu as choisi me rappelle le recueil de Jaccottet "A la lumière de l'hiver". Wink

Sinon, je n'ai pu m'empêcher de relever "tobeaux" trop beau dentsblanches

pour tombeaux, non? jypeurien

Esperluette a écrit:: Merci Bix, il me plait bien, ce poète et le titre que tu as choisi me rappelle le recueil de Jaccottet "A la lumière de l'hiver".
Sinon, je n'ai pu m'empêcher de relever "tobeaux" trop beau pour tombeaux, non?

Oui, bien sur, tombeaux ! Mes excuses... J' ai beau me relire, je fais quand meme des fautes de frappe. jypeurien

Sage de la littérature Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012

bix229 a écrit:

Esperluette a écrit:: Merci Bix, il me plait bien, ce poète et le titre que tu as choisi me rappelle le recueil de Jaccottet "A la lumière de l'hiver".
Sinon, je n'ai pu m'empêcher de relever "tobeaux" trop beau pour tombeaux, non?

Oui, bien sur, tombeaux ! Mes excuses... J' ai beau me relire, je fais quand meme des fautes de frappe. jypeurien

Tu es tout excué, Bix, j'en fais aussi! Wink

Et c'est un travers chez moi de relever les fautes de frappe. jypeurien

Je suis impardonnable! dentsblanches

Merci à toi pour tous ces partages. flower

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

Minuit

Le vent bouscule les plus gros déménageurs

Dont les meubles sortent en tumulte de la forêt.

A l'hôpital le silence s'étale plus qu'ailleurs

Quand l'homme se démeuble au dernier degré.

Il va mourir. Rien ne bouge et plus rien ne passe.

Il est l'homme étalé comme une bête de surface,

Descendu de ses hauteurs, remonté de ses profondeurs,

A l'hôpital il y a des murs plus qu'ailleurs.

Rien ne passe à travers quand l'attentat ultime

Rapproche les paupières pour qu'elles se suppriment,

Et quand la glace brûlante pose une bonne couche

Au-dessus du mal pour en cautériser la bouche.

Moi je ne dis mot, pour garder l'espoir d'un accord.

Nous serions disposés à abandonner ce corps

S'il n'était déjà si solitaire dans le drame,

Il fait toujours minuit quand on parle de l'âme.

Chahour Kerestedjian, dit Armen Lubin

(In Le passager clandestin, Sainte Patience, Les Hautes Terrasses et autres poèmes / Poésie/Gallimard. )

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

Spéciale dédicace à Swallow, pas "timide", mais "sauvage". sourire

Migration

J'habite un peuple d'oiseaux que la mémoire accompagne sur les flèches des migrations. Ecoutez l'air froissé de plumes qui voyagent. Je prends forme à l'aire d'envol pour me fondre dans un nuage et pousser l'ouragan vers d'autres continents. Je pars et ne pars pas avec les oies sauvages, les cigognes, les cormorans. La pluie sur un mirage alourdit mon parcours, mêlant aux équateurs des jardins de banlieue. Je noie mon passeport au fond des hémisphères et je me rêve absent, à peine de retour.

Jean Orizet

(Extrait de "Poèmes, 1974-1989"/ Le Cherche midi)

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

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A la fin du jour

à la fin du jour

parfois c'est une écharde

mais le plus souvent tout un arbre

qu'il faut retirer du corps

avec l'étonnement de n'en pas souffrir

et le soir lui aussi doucement

retire de la lumière tous les chemins

de terre et d'eau comme s'il était

inutile que désormais quelque chose

mène quelque part

monde et souffrance en moins

nous marchons dans la paix de la nuit

en prenant soin de ne laisser

nos traces qu'en nous-mêmes

Jean-François Mathé

(Extrait de "Le temps par moments"/ Rougerie éditeur)

Zen littéraire Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 42

Elizabeth Browning, Sonnets portugais

17

Mon poète, tu peux égrener les notes
Placées par Dieu entre hier et demain,
Et jouer et déjouer le grondement des
Mondes impétueux d'une pure mélodie
Qui flotte dans l'air serein. Les antidotes
De ta musique, réponse à l'usage de
L'humanité désespérée, verse-les
Dans ses oreilles. Dieu t'a voué à de telles fins,
Et moi à attendre ta volonté.
Que veux-tu que je sois pour te servir?
Un espoir, auprès duquel chanter?... ou
Un triste souvenir mêlé de tes chants?
Une ombre, sous laquelle chanter... palme ou pin?
Une tombe, reposoir de tes chants?... Choisis.

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

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Je vous écris

je vous écris à présent
que la porte claque à jamais
derrière nous
de ce pays de passé de légendes

je garde inaltérable
la forme que l'amphore
donne à la clarté de l'eau
et la carte fiévreuse des routes
où l'on s'est perdu
Creusés dans les marches
les pas si lents des hommes

sur le seuil
la vieille femme en noir
déjà un peu ailleurs
n'attend plus rien

de passage
avec ou sans
signature

Mireille Fargier-Caruso

(Extrait de "Même la nuit les persiennes"/ Le Dé Bleu, 1998)

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

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La pluie ne se pose pas encore sur n’importe quelle

épaule.

L’accordéoniste a tourné les cartes.

L’aiguiseur de couteaux part avec la femme grondante.

Il fait bon préparer le malaise sans faille.

Bidons de lait. Pianos mécaniques du matin.

Les vélos frictionnent. Fleurs maboules.

On salue au hasard. On se trompe de porte.

Les premiers chanteurs ne savent quelle plage préci-

piter.

Les nus de septembre sont les plus beaux.

Ni vents ni chiens bretteurs.

Les livres n’en finissent pas de sourire

Aux devantures dorées comme des chapeaux de paille.

Yves Martin

(Extrait de "Le marcheur", in "Le partisan suivi de Le marcheur"/Collec. La petite vermillon/Ed La Table Ronde)

Fontaine-de-Vaucluse

Près de la bouche infernale
Où je ne pus t' attendre -
Soudain s' endormit le temps à la verte fraicheur,
Le jour, sans plus fut libéré -

Très légère, ta main reposait
Simplement sur mon épaule.

Je voulais te faire un aveu -
Quelle solitude j' avais éprouvée
A devoir, dans ces terres melées de pierre,
Chercher sans cesse ta voix -

Mais tu n' étais pas surprise,
Nous glissions dans un silence ténébreux,
Et parlions en pensées.

Ainsi m' appris-tu contre toute expérience
Que de toute ma vie,
Ayant raté le rendez-vous,
Je n' avais jamais appris
Que l' attente rapporte plus que l' espérance.

Stefan HERTMANS : Le paradoxe de Francesco. - Le castor astral

Zen littéraire Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010

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Les lumières de l’aéroport courent comme des arlequins.

Dans les passages souterrains les trains de marchandises sifflent

emportant les mannequins qui alimentent les rêves.

Et je suis ce qui part. Et reste. Et vole. Et demeure.

Une lumière de phare divise l’univers.

Ma main cherche dans l’obscurité un corps nuptial.

Je lèche le sel secret des conques entrouvertes.

Le silence immobilisé entre racines et lianes

ouvre une herse solaire dans l’aqueduc.

La fournaise soutient la clarté.

Le jour est un éclair taillé en pièces.

Un cône d’ombre me dissimule à moi-même.

Et le jour passe comme une fourmi. Les jours passent

comme la brise entre les voiles déployées.

Les jours passent et apportent toujours la mort.

A la veille des ténèbres je me dis adieu à moi-même.

Et maintenant la nuit tombe. Elle apporte la cause perdue.

Ma main ne touche plus le corps bien-aimé.

Un soleil noir éclaire la nuit de mon âme

mais je veux l’autre soleil, la grande clarté

du jour matériel qui s’ouvre comme une porte.

Je ne me sens complet qu’avec mon ombre

et le masque de tout ce que j’ai cessé d’être.

Mon soleil inhabitable se lève à tout horizon.

Je ne confie ma frayeur qu’au vent qui souffle.

Il faut être exact et impénétrable

pour être compris par le jour qui passe.

Un vol d’épervier accompagne mes pas

en direction de la vie, en direction de la mort,

sous l’œil indifférent d’un ciel immortel.

Je vois la mort cachée dans un rayon de soleil :

reste de l’embrasement au couchant, nid d’aucun oiseau

et interdiction de vol au-dessus de toute lande.

Lêdo Ivo

(Extrait de "Requiem"/Traduction du portugais (Brésil) par Philippe Chéron. (Éditions L'Oreille du Loup)

Texte intégral sur ce site : ICI

CONTRIBUTION A LA STATISTIQUE

Sur cent personnes :

sachant tout mieux que les autres :
- cinquante-deux,

incertains de chaque pas :
- presque tous les autres,

prets à aider,
si cela ne prend pas trop de temps :
- quarante neuf, pas mal,

bons toujours,
parce qu' incapables de faire autrement :
- quatre ; d' accord, peut etre cinq,

prets à admirer sans envie :
- dix huit,

poussés à la faute
par cette jeunesse qui passe vite :
- plus ou moins soixante,

avec qui on ne plaisante pas :
- quarante et quatre,

vivant toujours dans l' angoisse
de quelqu' un ou de quelque chose :
- soixante dix-sept,

doués pour le bonheur :
- tout au plus vingt et quelque

inoffensifs quand seuls,
sauvages dans la foule
- plus de la moitié, c' est sur,

cruels
lorsque les circonstances les y obligent :
- ça il vaut mieux l' ignorer,
meme approximativement,

avisés quand le mal est fait :
- pas plus qu' avant,

ne prenant rien à la vie hormis des choses :
- trente, mais j' aimerais me tromper,

recroquevillés, endoloris,
sans lampe de poche dans les ténèbres :
- quatre-vingt-trois,
tot ou tard,

justes :
- pas moins de trente-cinq,

mais, ajoutez à cela l' effort de comprendre :
- trois,

dignes de compassion :
- quatre-vingt-dix-neuf,

mortels :
- cent pour cent.
Chiffre qui, pour l' heure, n' a pu etre modifié.

Wislawa SZYMBORSKA : Je ne sais quelles gens. - Fayard

C'est drôle, j'aime bien ! Very Happy

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