Harry Crews

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Harry Crews est né le 07 juin 1935 en Géorgie, décédé le 28 mars 2012 à Gainsville. Engagé à dix-sept ans dans les Marines, il s'inscrit à l'université de Floride à son retour en 1956. Après deux années d'études, il abandonne, pour une Triumph et un long périple de dix-huit mois durant lesquels il sera barman, cuisinier; il fera de la prison dans une petite ville du Wyoming, se fera tabasser par un indien unijambiste dans le Montana, partagera un temps la vie des Freaks et croisera une faune hors du commun qui peuplera ensuite ses romans. De retour en Floride, il reprend ses études et se consacre à l'écriture.
(Editions Gallimard)

Des mules et des hommes

Pourquoi j’ai choisi de lire ce livre ? Parce que la quatrième de couverture s’achève par « Des mules et des hommes » raconte les débuts d’un écrivain dans un monde où « survivre est un triomphe » et que j’ai trouvé la formule percutante.
Ce n’est pas tant les faits que l’écriture qui donne corps à cette autobiographie (bien que le cumul de certains événements ponctuant la vie de l’ écrivain soit exceptionnel). Dans un langage courant, voire familier, Harry Crews nous emmène à travers les souvenirs de ses proches, de la vie en 1915 dans les marais des Everglades aux Etats-Unis à celle de la vie des paysans métayers dans les fermes des années 1930/1950. Harry Crews dépeint la communauté d’hommes rustres, courageux, acharnés à tirer le mieux de la terre. C’est aussi l’époque de la fabrication illégale d’alcool et la région de la fabrication du tabac. L’enfant évolue entre un père travailleur mais qui se laisse ronger par l’alcool, une mère aimante, une tante « comme ça » (pas franchement folle mais vraiment décalée) qui lui apprend qu’on ne doit pas nommer le père de son meilleur ami : mister Bookatee mais nègre Bookatee, une tante qui invente des histoires incroyables pour expliquer le monde et maintenir la crainte de ce monde. Harry Crews joue sur une belle gamme de sentiments entre une longue maladie invalidante, une brûlure grave de son corps, mais aussi le travail avec les adultes, les jeux, les farces, les étonnements de l’enfance, les moments poétiques, les raclées, la vie à la ferme… Beaucoup d’émotions liées à une belle galerie de personnages jalonnent la vie de Harry Crews entre 1935 et 1952.
Ca aurait pu être un bon roman qu’on déguste jusqu’à la dernière ligne, c’est encore plus troublant de savoir qu’il s’agit d’une autobiographie et que Harry Crews nous ouvre son cœur.
Impossible de choisir un passage, c’est un texte à écouter près de la cheminée.(Au niveau de l’ambiance, j’ai pensé à « O'Brothers » de Cohen)

ça fait quel âge a peu près pour reprendre les études (pour écrire ensuite, ça c'est intéressant) ?

quelqu'un me rappelle de noter à un moment où je suis chez moi avec le chose pour noter (merci encore babelle !) ?

Merci d' avoir ouvert ce fil, Nath !

J' ai beaucoup aimé Des mules et des hommes qui est un livre d' observation, d' émotion, de courage et de souvenance.
Et Harry Crews est aussi un remarquable auteur de polars, mais essentiellement humains.
Je pensais à cette histoire folle sur l' Amérique d' un type qui fait le pari
de manger une auto...
ça s' appelle Car...
J' en ai parlé quelque part...
A lire Harry Crews !


...Et aussi Le faucon va mourir, qui n' est pas vraiment un polar, mais un livre fascinant et mystérieux...Douloureux.

animal a écrit:

ça fait quel âge a peu près pour reprendre les études (pour écrire ensuite, ça c'est intéressant) ?

Et bien, il reprend ses études vers les vingt-cinq ans, puis enseigne l'anglais à l'université jusqu'en 1997. Il est attiré par l'écriture alors qu'il était Marines mais son premier roman "The Gospel Singer" ne paraîtra qu'en 1968. Et à présent, nous pouvons bénéficier d'une belle bibliographie!

bix229 a écrit:

J' ai beaucoup aimé Des mules et des hommes

Aaah je ne savais pas que tu l'avais lu!
Il faut qu'on retrouve ton post sur Car pour l'ajouter ici!

C'est noté, tentant, vraiment tentant !!

Décédé le 28 mars dernier.

Occasion de remonter le fil d'un auteur qu'il faudrait peut-être que je lise.

C'est noté Bix.

Le roi du K.O. / The Knockout Artist (1988)

  Eugene Biggs est fils d'une petite famille de fermiers fauchés de Géorgie. L'âge adulte approchant il est parti vers on ne sait trop quoi et on le trouve à La Nouvelle-Orléans et il nous raconte sa courte carrière de boxeur et ses suites qui nous apprennent vite que son surnom de Cogneur ou de roi du KO n'est pas forcément dû à ce qu'on aurait pu croire. 

   J'ai eu un peu de mal au début parce que sur ce fil désabusé de gueule cassée on part vite en virée dans une ambiance hors-normes axée sur des addictions et certaines déviances dont on ne sait pas trop ce que ça vient faire. Mais ça ne tourne pas à la surenchère et on reste entre deux eaux, dans cette drôle de vie et avec ces drôles de vies. Eugene qui raconte tout à Charity qui a fait de lui son "sujet" de thèse mais est-elle vraiment... et les autres ? Pete le meilleur pote et ancien adversaire sur le ring, Jake genre femme fatale abîmée, et Mr Blasingame ombre bizarre et puissante et extrêmement riche ?

   Et les rives polluées du Mississippi ? Et la reprise en main qu'on sentirait bien mal barrée de notre Eugene qui évite autant que faire ce peut de se poser trop de questions. Et puis un nouveau boxeur, Cajun en plus ! Ce n'est pas vraiment le côté balade chez les paumés qui fait le sel de l'histoire (est-ce tout à fait un roman noir ?) ou une critique acerbe d'un monde à la dérive qui ferait sa consistance, c'est peut-être simplement qu'on reste entre deux eaux, indéterminé entre le perdu et le résolu à s'échapper et avec une bonne pointe d'affection meurtrie derrière des murailles d'indifférence mal du hasard ou mal nécessaire.

   Étrange, m'a rappelé William Gibson pour le manque d'emprise sur le fil des événements et pour la vision alternative d'un monde ultra convenu et oppressant, qui s'immisce toujours un peu plus loin dans les pensées, une vision triste mais dédramatisée (sauf sur certains points ?) d'une folie tourbillonnante.

  Bonne surprise tout de même, je dois dire !

extraits ?

   - Oui monsieur, dit le chauffeur avant de démarrer sur les chapeaux de roue. Aucun conducteur de taxi ne lui avait jamais dit "monsieur", pas une seule fois de sa vie. C'était à l'habit qu'il avait dit "Oui monsieur". Quel monde étrange.

   Jacques éclata de rire et se mit à sauter sur place, envoyant directs et crochets à un adversaire imaginaire, alors qu'ils marchaient lentement devant le zoo pour récupérer, direction l'appartement et la douche. Comme à chaque fois, Eugene jeta un oeil à l'entrée du zoo et songea aux lions, il les revit en train de faire les cent pas, sous le regard futile des touristes appuyés à la balustrade en haut de ce mur vertigineux qui faisait office de cage, qui n'était pas une cage mais l'habitat naturel qu'ils ne pouvaient jamais quitter, pas même un instant. Mais, songeait Eugene, si lui avait réussi à sortir de sa propre cage, rien n'était impossible. Tout ce qui leur fallait, aux lions, c'était un petit coup de main et un peu de bol. Genre une bombe nucléaire lâchée en plein centre-ville, histoire que leur cage de pierre se fende comme une noix pourrie. Eugene sourit. Ouaip, un coup de pouce et un coup de bol. Lorsque le coup de pouce et le coup de bol prenaient la forme d'une bombe nucléaire c'est que vous étiez bien dans la merde.