François Emmanuel [Belgique]

monilet a écrit:

Je n'ai jamais entendu parler de cet auteur ni même lu ce fil (volontairement, pour l'instant car je lirai ensuite). J'ai commence Regarde la vague, à peine une quarantaine de pages et je suis complètement conquis par l'écriture. Des phrase longues, longues, longues, parfois trois quarts de page, et qui sont pour moi d'une fluidité et beauté extrêmes ( NB Proust m'ennuie). Cela implique, je crois, un effet de distanciation, ici empreint d'une sorte de nostalgie et j'ADORE le tout. Suite éventuellement quand je serai plus avancé.

Cela me fait plaisir de lire ton premier commentaire - surtout concernant l'écriture de François Emmanuel - il est d'ailleurs un des rares auteurs dont je lis des extraits à haute voix, tellement c'est jolie
J’espère que ta lecture va se poursuivre aussi positive….

Suis au milieu du livre, page 104, toujours sous le charme et étonné, presque émerveillé de cette langue que je savoure. Hier un magnifique emploi de "cependant que".
Minuscule bémol : relevé hier une faute d'orthographe et peut-être une autre ce matin qui se discute (mourrons , qui pourrait certes être au futur mais avoisiné de deux autres verbes au présent...; relevé une aussi dans ma lecture précédente d'un autre auteur. Comment est-ce possible chez des éditeurs sérieux ?? Je sais, c'est un autre débat.
J'espère avoir bientôt d'autres choses à vous dire sur ce livre, avoir envie de vous en reparler. Il vaut le détour.

Le fait qu’on parle de François Emmanuel parmi les Parfumés, je voulais vous donner encore un joli exemple – et me revoilà dans la re-lecture de ce livre Bleu de fuite qui à côté de La partie d'échecs indiens sont mes favoris de cet auteur.

Bleu de fuite:
Mon ami Pavel Sobotkine peignait des ciels. Il travaillait d’après photographies dans un grenier obscur dont il ne nettoyait jamais les vitres. Il aimait les ciels d’hiver, très bleus, vaguement rayés de blanc. Lorsqu’il était à l’œuvre il punaisait une photo au sommet de son chevalet mais n’avait d’yeux que pour l’espace incertain et magique entre le pinceau et la toile. Je l’ai quelquefois surpris au travail, il était en proie à une transe musicale, ses coups de blanc fendaient l’air comme ceux d’un maestro, dans les bleus il chantait parfois.
Je n’ai jamais pu accéder à la vieille malle où il rangeait ses photographies de ciels. Il les enfermait à double tour comme des secrets de famille. Lorsqu’il manquait d’argent, il exposait ses tableaux dans une galerie du centre-ville, piaillante le soir du vernissage, déserte par la suite.
Quelques amateurs s’éprenaient d’un de ses ciels, dont un Bavarois fou qui l’enfournait dans un coffre à la banque. Pour l’occasion je me fendais d’un article dans une revue spécialisée, je parlais des azurs mystiques de Pavel Sobotkine, des champs élyséens de ce qui reflète les songes. Tant de mots avaient pour mission de convaincre ceux qui n’ont jamais regardé le ciel et Dieu sait s’ils sont nombreux. Me lisaient-ils jusqu’au bout, j’observais qu’ils revenaient aux tableaux, exécutaient un petit pas de recul puis demeuraient suspendus à contempler le vide ou guetter des corps évanescents. Couvert par le babil des soirs de vernissage, c’était un instant méditatif très bref mais peut-être authentique. Il passe très peu d’anges en la circonstance. Stoïque, les cheveux au vent, le ventre proéminent sous son veston paille, Pavel lui se laissait pousser d’un groupe à l’autre dans le brouhaha mondain, il faisait mine d’entendre pour la première fois les compliments et les gentils coups de griffe, y souriait presque à regret, l’œil fixé sur ses ciels, comme s’il cherchait encore là-bas la lointaine couleur de son existence.

J'ai terminé cette lecture. j'avoue que vers les deux tiers la structure unique, répétitive, de monologues intérieurs sans cesse alternés a fini par me lasser un peu. La langue reste très belle mais a à mon sens été desservie par ce que je viens de dénoncer. Très belles vingt dernières pages.

J'adore quand un des mes auteurs préférés sait que j'attend avec impatience du nouveau
Trouvé aujourd'hui:

Citation :

Présentation de l'éditeur
Que s'est-il passé pour Ana Caria Longhi le jour où elle perdit conscience dans un des salons du Belvédère à Vienne, face au grand tableau d'Egon Schiele qui s'intitule L'Enlacement ? A partir de cet instant une étrange liaison va naître avec l'homme qui ce matin-là la suivait de quelques pas. C'est un amour qui ne ressemblera à aucun autre, un amour secret dont la vie, les développements, la quête ramèneront toujours à l'énigme de ce premier moment de chute et de ravissement.

L'enlacement, quel beau titre !
J'ai tellement aimé "La question humaine" !
Je vais lire ce nouveau roman.
Merci Kenavo !

Cachemire a écrit:

L'enlacement, quel beau titre !

Oui.. il se refère au tableau "L'enlacement" de Egon Schiele

Cachemire a écrit:

J'ai tellement aimé "La question humaine" !
Je vais lire ce nouveau roman.
Merci Kenavo !

je le lis pour l'instant - et puisqu'il n'a que 88 pages je suis déjà à la moitié

Alors Kenavo, j'attends avec impatience ton commentaire !

Cachemire a écrit:

Alors Kenavo, j'attends avec impatience ton commentaire !

Puisque j'aime l'écriture de François Emmanuel trop, je ne peux pas rester objectif envers ses livres. J'essaie donc sur un ton neutre


L'Enlacement

« L’Enlacement » d’Egon Schiele donne le titre au nouveau livre de François Emmanuel.
Le narrateur, qui est auteur, rencontre lors d’une lecture à Vienne son ami Paul et la femme de celui, Ana Carla Longhi avec laquelle il se donne rendez-vous pour visiter les salons du Belvédère. Elle perd connaissance devant le tableau d’Egon Schiele et lui demande de la reconduire à l’hôtel. Là elle lui demande de lui lire, sa voix qui l’a touché lors de la lecture de la veille, elle veut encore l’entendre. Cette voix, oui, elle veut qu’elle la touche, mais pas l’homme qui en est derrière.
Ils vont se revoir de retour à Paris, des rendez-vous à l’hôtel, tout comme la première fois, mais seulement pour la lecture. Elle veut entendre sa voix, et elle veut plus. Mais pas ce que l’homme s’imagine, lui impose lors de la troisième rencontre.
Elle veut qu’il soit l’écrivain de son histoire, une histoire qu’elle veut lui raconter et qu’il puisse mettre sur papier, l’enferme là pour qu’elle puisse reprendre sa vie.



Extrait:
[...], j’étais resté longtemps devant ces deux corps massifs, musculeux, agrippés l’un à l’autre comme pour ne pas être emportés par les draps blancs torrentueux. Leurs sexes étaient loin déjà, l’étreinte n’était plus de sexe. J’avais pensé que la chair peinte par Schiele était une chair physique, tavelée, rouée de coups, promise à l’équarrissage, et la femme qui serrait contre sa temps la bouche de l’homme semblait s’absorber à son propre vertige, à moins que ce fût l’amant qui lui donnât comme dans La jeune fille et la Mort le baiser qui ôte le sang. J’avais aussi pensé que Egon Schiele, seul fils survivant d’Adolf Schiele, mort de syphilis, peignait et repeignait ces fragments maudits de la scène sexuelle pour explorer toujours plus loin d’inconcevable énigme de la mort dans le sexe et tenter de l’exorciser. Puis j’avais pensé à la peau des femmes chez Ingres, douce peau que le regard caresse, à la peau ivoirine des Vierges de Signorelli, aux chairs lourdes de Rubens, aux torses livides de Greco, aux nus incendiés du Caravage.

Grâce au cadeau d'une amie, j'ai lu L'invitation au voyage , recueil de nouvelles de François Emmanuel. C'est un écrivain-peintre, ce François Emmanuel, et il me fait penser à Klimt!
Ma nouvelle préférée est celle intitulée Petit précis de distance amoureuse
, dans laquelle un ancien professeur d'université , tombé amoureux d'une violoniste, engage une sorte de détective- photographe, pour qu'il vienne lui rapporter le moindre détail qu'il pourra glaner à son sujet...Comme un ensemble pointilliste...
Mais en fait, il ne sert à rien de vouloir rassembler les points pour accéder à la connaissance .Et personne n'aura rien gagné en cherchant à affiner le portrait.
Et comme le dit Jacques de Decker : le pointillisme est une esthétique d'une grande sagesse. Ce que nous percevons , ce ne sont que de petits reflets de ce que nous croyons être le réel et qui ne nous semblent former un tout qu'à cause de notre perception invalide des choses. L'écriture d'Emmanuel excelle à nous communiquer cette sensation parce qu'elle est faite d'une myriade de notations précises auxquelles le "nappé"de son style confère une cohérence séduisante mais illusoire..

Le site de François Emmanuel et deux nouvelles de ce recueil
ici

Deux extraits
ici

Marie a écrit:

C'est un écrivain-peintre, ce François Emmanuel, et il me fait penser à Klimt!

Merci pour cette phrase, Marie.. et je suis contente que tu as aimé autant que moi..

kenavo a écrit:

Puisque j'aime l'écriture de François Emmanuel trop, je ne peux pas rester objectif envers ses livres. J'essaie donc sur un ton neutre

Dois-je lire entre les lignes que tu as adoré ce livre, comme les précédents ? Pourrais-tu me donner un commentaire surtout pas neutre , s'il te plaît ? (Je suis un peu dans l'expectative...dois-je lire ou pas ? Ta réponse va être déterminante !)

Cachemire a écrit:

Dois-je lire entre les lignes que tu as adoré ce livre, comme les précédents ? Pourrais-tu me donner un commentaire surtout pas neutre , s'il te plaît ? (Je suis un peu dans l'expectative...dois-je lire ou pas ? Ta réponse va être déterminante !)

quelle responsabilité
Je dirais que le choix pour ce livre dépend combien d'autres tu as déjà lu de lui?
Je trouve (pour moi, avis très personnel!) que chez chaque auteur il y a des livres qui ouvrent plus facilement l'univers de leur créateur.. et chez François Emmanuel mes préférés sont La partie d’échecs indiens et Bleu de fuite
En ce qui concerne son dernier livre – oui – je l’ai adoré – et il est beau à lire.. et c’est aussi intéressant à considérer les images qui me reviennent maintenant –quelques jours après la lecture- et il y a des images fortes que j’ai devant moi.. alors doublement oui – ce livre est à lire, à lire, à lire

Je viens de lire l'enlacement. Merci Kenavo ! Comme toi, j'aime entrer dans les mots de Francois Emmanuel, et comme la femme de ce livre me laisser toucher par sa voix, être et me consumer, mourir à cette voix...

Cachemire a écrit:

Je viens de lire l'enlacement. Merci Kenavo ! Comme toi, j'aime entrer dans les mots de Francois Emmanuel, et comme la femme de ce livre me laisser toucher par sa voix, être et me consumer, mourir à cette voix...

Cela me fait plaisir de le lire.. cet auteur est vraiment pour moi un des grands 'magiciens de mots'