John Jakes est un écrivain prolifique (voir le lien Wikipédia), surtout lorsque l'on sait qu'il ne se consacra à plein temps à la littérature qu'à 39 ans. Vous reconnaîtrez, dans sa liste, de nombreux romans qui ont été adaptés au cinéma.
Son écriture est correcte mais sans grande originalité. Là où il excelle , c'est dans la richesse de ses sagas qui nous emmènent dans les profondeurs d'une époque étudiée avec précision, sans jamais éviter les "défauts" de ses héros ou de son pays. Le "politiquement correct" n'est clairement pas dans sa nature.
La guerre de sécession est un sujet qui a versé beaucoup d'encre romanesque et brulé beaucoup de bobines mais sans jamais atteindre, ou même approché, l'exactitude historique. Les auteurs étant plus préoccupés de défendre l'un des camps - bizarrement plus souvent le Sud - que de rendre une image fidèle - ou du moins la plus fidèle possible - de la réalité.
La saga "Nord et Sud" de notre Jakes - comportant 3 romans : "Nord et Sud", "Guerre et Passion" et "Le Ciel et l'Enfer" - est un pavé de 1600 pages (écrit petit, 50 lignes par page, payé 4 euros dans une bouquinerie) qui réussit cet exploit en envoyant le célèbre - très pro-sudiste, voire pro-esclavagiste - "Autant en emporte le vent" se faire rhabiller, en gris bien sûr...sans parler de la niaise "Case de l'oncle Tom".
Cette saga est tellement dense que je n'essaierai pas de vous en livrer ici l'entière teneur mais me contenterai d'un bref aperçu.
Les 3 romans racontent l'histoire de plusieurs personnages de 1842 à 1877, en particulier des familles Main et Hazard (la première du Sud, propriétaire d'une plantation - et par conséquent d'esclaves - et l'autre possédant des forges au Nord ; le début du premier roman brossant, en quelques pages, l'histoire des 2 familles avant 1842) qui construisent entre elles des liens d'amitié. Aucun manichéisme ici où chaque camp - et chaque personnage - est renvoyé à ses démons, ce qui n'empêche pas une belle palette de nuances de gris, même si la nuance est moins marqué dans les personnages que dans les camps.
"Nord et Sud" nous emmène aux portes de la guerre en passant par une description précise et détaillée des 2 "pays", de ce qui les réunit et de ce qui les sépare...avec une lente, mais inexorable, descente vers la guerre fratricide.
"Guerre et Passion" (700 pages à lui seul) nous décrit, sans fioriture, les horreurs de la guerre et la passion avec laquelle, nous autres humains, nous jetons dedans, tous tellement persuadés de notre bon droit...même quand l'amoncellement de cadavres chatouille notre conscience.
"Le Ciel et l'Enfer", c'est l'après guerre avec, le temps d'un soupir, des rêves d'espoir pour les millions d'esclaves du Sud ; rêves qui attendront encore un bon siècle. Et une autre guerre, qui se livre à l'ouest cette fois, contre les indiens.
Des personnages haut en couleur, parfois célèbres - Lincoln par exemple qui nous apparaît comme sincèrement anti-esclavagiste mais rongé par la dépression et entouré d'hommes corrompus - parfois simple péquin, balayé par l'histoire mais jamais invraisemblable. Une très belle plongée - profonde et longue mais que l'on quitte tout de même avec regret - dans un univers qui, par certains côtés, nous semble si proche et, par d'autres, à des années lumière de notre société aseptisée...