Le petit livre noir des grands projets inutiles (collectif)

Le petit livre noir des grands projets inutiles

Citation :

On bétonne à tour de bras ! Autoroutes, aéroports, lignes LGV, stades de foot, incinérateurs, centrales nucléaires, lignes à très haute tension...
Des paradoxes apparents de la crise, celui qui conduit les pouvoirs politiques et économiques à reprendre les recettes qui nous ont menés dans l’impasse n’est pas le moindre. Ainsi de la prolifération des grands projets inutiles auxquels une pensée magique fondée sur le dogme de la croissance attribue la vertu de créer de l'emploi, du pouvoir d'achat et... de la croissance. Qu’importe que cette équation fasse abstraction de la finitude de notre planète et méprise les nécessités fondamentales du vivre ensemble et du rapport à la nature !
Heureusement, l'inutilité et la nocivité de ces grands projets trouve sur leur route toute une population déterminée, en multipliant les zones à défendre (ZAD), à inventer d’autres manières d’occuper le terrain.
Cet ouvrage décrit les principaux projets inutiles de notre temps, butant sur des mobilisations ô combien nécessaires : de Notre-Dame des Landes à Bure en passant par Flamanville, Gonesse, Gap, Creys-Malville, Lyon, Rouen, Toulouse, la Picardie, le Morvan ou les Landes…

Camille est l'auteur de ce livre écrit à mille mains.
Afin de préserver l’anonymat des opposants tout en évitant les errements d’une médiatisation à outrance de quelques « porte-parole » autoproclamés, les militants ont décidé de toutes et tous se dénommer Camille. Camille est autonome sans être solitaire, s’engage dans un collectif humain sans renoncer à son individualité, défend les générations futures sans occulter l'apport des combats passés. Camille est anti-nucléaire, locavore, vélorutionnaire, en transition, faucheur, déboulonneur… Camille savoure le goût du contact humain, s’oppose par goût et milite par envie.

lepassagerclandestin.fr

Ce quatrième de couverture résume pas mal ce bouquin qui s'il est écrit à mille mains est homogène et cohérent. Passée une vue d'ensemble du problème et des chiffres, on passe à l'essentiel c'est à dire un catalogue des projets et des mobilisations avec leur état d'avancement au moment où cette deuxième édition a été établie (fin 2012 ?), de Flamanville à la ferme des 1000 vaches en passant par beaucoup d'autoroutes et de LGV, avant une conclusion ouverte et motivée ainsi qu'un glossaire à tendance humoristique. Et sans oublier les références des différentes associations mobilisées.

Forcément on peut dire que c'est orienté et que le ton sérieux mais pas sans humour, très combatif et parfois railleur fait partie du package. Ce qui n'est pas forcément mon truc. Mais. Intéressé par la démarche et assez intéressé par la démarche de l'éditeur qui publie aussi des textes historiques (je me promets de passer par cette case un de ces quatre), un zeste de SF et quelques autres choses et motivé aussi pour m'infuser une lecture qui tout en collant avec au moins une partie de mes pensées pourrait me déranger... et bien j'ai tenté.

J'ai des souvenirs d'une association mobilisée contre la construction d'un incinérateur à ordures, je prends le TGV "ou le train" de temps en temps, j'habite une ville avec du vert autour, j'en regarde d'autres quand je peux y aller (polarisation géographique ?), je vis un contexte en questionnement. J'ai une voiture, je trouve ça pratique et je reconnais volontiers que j'aime conduire.

En même temps qu'on me dise que des projets dont je peux être usager volontaire ou "malgré moi" (drôle de question que celle de la production d'énergie) sont des pompes à argent public et plus des supercheries qu'autre chose et en plus lourdes de conséquences, c'est très loin de m'apparaître comme impensable.

Au fil des exemples plus ou moins brûlants (Notre Dame des Landes) l'interrogation est matérielle : chiffres et estimations et politique : dysfonctionnement des institutions. Et ne serait-ce que pour un principe de réflexion on doit s'y attarder. Si on imagine que les expertises des opposants ne sont pas forcément négligeables le problème peut apparaître grave, ou pire. Possible, probable.

L'axe le plus choisi en filigrane et dans l'intro et la conclusion est celui d'une mobilisation et d'une démocratie qui profiterait d'une décentralisation, pourquoi ? "pour la planète", objectif écolo, mais aussi objectif de non désertification des campagnes et de réflexion sur la production des ressources agro-alimentaires ou énergétiques, sur l'accès à l'emploi (à travers la question géographique).

C'est déjà pas mal et, un peu comme un économiseur d'écran Emmaüs, ça démange (au bon sens du terme).

Si je m'arrêtais là je trouverais l'exercice positif malgré mes réticences sur la forme.

En fait, je le trouve malgré mes réticences qui persistent. Pas que je ne sois pas facilement d'accord avec le propos mais parce que j'ai toujours la sensation d'une pièce manquante du point de vue de la transition, de l'évolution de la pensée, un manque de ce qui serait moins une opposition qui force qui infléchirait le cours de l'habitude. Car après tout si on pense être arrivés à la fin d'un mode de pensée c'est qu'un pliage de la pensée peut se faire et que de toute façon nous sommes un résultat de ce qui précède. C'est un peu bête mais si on peut prendre l'exemple de Fukushima ce sont des problèmes mais aussi qu'une histoire, un "progrès" (appelons-le comme ça, comme il est visé) nous permet aussi un contact relativement proche avec l'autre bout du monde : moyens de transports et de communications.

Ou l'exemple des ouvrages d'art qui ne sont pas forcément tous nocifs (d'ailleurs tous les projets, toutes les volontés, ne sont pas décrédibilisés mais c'est proportionnellement beaucoup moins présent dans le livre), un pont ça casse des trucs mais ça relie, une route aussi, ça peut-être des problèmes mais aussi un accès à des soins, à des choix... et le fait que les connaissances, le mouvement (pluriel) décrit est aussi une évolution un changement en cours dont la transposition dans certains passés n'est pas si aisée. Et puis je repense aux mots d'Orwell dans The Road to Wigan Pier, le regret de l'incapacité pénalisante à ne pas seulement opposer une image...

Mais seulement dire ça, serait aussi faire semblant de ne pas voir que dans les milliers de personnes mobilisées il y a des gens d'histoires, de métier, compétences (techniques aussi), et de pensées différentes qui se retrouvent et ont une action commune précise (ce qui veut dire que le regret, même réel, ne saurait être bloquant, être une impossibilité).

Lecture assez flippante malgré tout, et qui mérite certainement un peu plus que de la réflexion.

Voilà qui m'intéresse de très près. J'apprécie la mesure de ton propos, animal, et ton sens critique, même s'il faut bien admettre que certaines dérives de l'ère technologique font froid dans le dos et peuvent expliquer le sentiment d'urgence et la "radicalité" de certains.

Sullien a écrit:

Voilà qui m'intéresse de très près. J'apprécie la mesure de ton propos, animal, et ton sens critique, même s'il faut bien admettre que certaines dérives de l'ère technologique font froid dans le dos et peuvent expliquer le sentiment d'urgence et la "radicalité" de certains.

Pareil pour moi !

Pour certaines questions, le nucléaire par exemple, on est dans l' urgence depuis  Tchernobyl, avec
rappel depuis Fukushima.
Quand l' urgence remonte a 20 ou 30 ans, on se demande ce qui peut etre plus urgent qu' urgent.
Certains penseront qu' il est trop tard désormais et personne ne pourra leur donner tort.
En tout cas, pas moi.

Or rien ne bouge. Les débats sont rares. Suffisamment rares en tout cas pour donner à penser à tout
un chacun  que la question est tout sauf urgente.
On a le chic en France pour fixer des ordres d' urgence à long très long terme.
Ou a faire diversion et parler de tout autre chose.
Alors, parmi ceux,- et ils sont nombreux- qui constatent cet état de de fait, certains se radicalisent. A condition de ne pas donner à ce terme trop utilisé une signification péjorative.
On peut dire  en clair que des initiatives concrètes se matérialisent en dehors de la sphère médiatique
A l' exception peut etre de ceux qui se considèrent comme des lanceurs d' alerte et qui n' hésitent
pas à prendre des risques en pénétrant sans trop de mal dans une centrale nucléaire pour en démontrer la vulnérabilité.

Et puis, il y a tous ceux qui, dans leur ville, dans leur département, dans leur commune, lancent des
initiatives qui peuvent etre constatées, vérifiées parce que visibles, cioncrètes.
Ce qu' ils font là est suffisamment éclairant et contagieux pour avoir valeur d' exemple.
Mais sans mode d' emploi. On est dans l' empirique et donc les initiatives comme les entreprises
se doivent d' etres variées, accessibles et sans mode d' emploi applicable partout.
A mon avis, c' est suffisant. A chacun sa tache et son envie. Inutile de se réclamer de Rabhi ou  autres éclaireurs.
Ils sont à la tache depuis des dizaines d' années. Et ils ne sont pas responsables de l' éclairage
aussi nouveau que providentiel dont ils bénéficient tout à coup. Je crois que c' est tant mieux !
 
Merci, Animal, d' avoir parlé de cet ouvrage !

Le sujet ayant l'air de motiver, j'ai divisé du one-shot pour faire un fil.

Citation :

Alors, parmi ceux,- et ils sont nombreux- qui constatent cet état de de fait, certains se radicalisent. A condition de ne pas donner à ce terme trop utilisé une signification péjorative.
On peut dire en clair que des initiatives concrètes se matérialisent en dehors de la sphère médiatique

C'est un point important pour convaincre, influer sur les esprits que de pouvoir sortir de la signification péjorative. Et c'est certainement terriblement difficile quand dans les faits si des projets sont enlisés, bloqués, voire abandonnés c'est potentiellement par le biais d'actions pas forcément légales et par là faciles à montrer du doigt, plus faciles à médiatiser et qui peuvent faire passer le poids de la réflexion loin derrière. Tout en entretenant des mythes d'incompatibilité avec la société au sens large.

l'ère technologique (qui peut aussi être écolo-scientiste) permet aussi d'argumenter contre des projets et sur des questions d'énergie c'est parfois compliqué les alternatives (les réductions de consommation aussi). un sujet qui avance, en espérant dans des directions plus sereines un jour, à force.

Vous avez raison de tiquer sur le mot "radicalisation", j'ai d'ailleurs utilisé les guillemets, signe qu'il me gênait.
Il n'y avait rien de péjoratif dans mon esprit, parce que je crois profondément en l'honnêteté de ceux qui oeuvrent pour la préservation (ils sont à la nature ce que les conservateurs - qui ne sont plus censés savoir lire le latin soit dit en passant, mais passons - sont à la culture), quels que soient les moyens qu'ils se donnent.

Et certains estiment que l'écologie doit passer par un infléchissement de notre modèle socio-économique, qui serait en l'état incompatible avec la préservation des espaces et des espèces : c'est d'ailleurs ce qui te gênait, animal, non ? Or, le capital étant indéfectiblement lié aux "ressources premières", l'homme n'étant pas une créature autosuffisante, il est assez évident, je crois, que la logique strictement économique devra intégrer la donnée écologique - mais quand ? Comme bix, je crains qu'il ne soit déjà trop tard. D'où l'importance du rôle des Etats, d'où le péril que leur irresponsabilité / fébrilité font courir.


Il ne s'agit pas au fond de faire le procès de la technologie, ni de nier son apport positif (ne serait-ce qu'en termes de confort, de santé, etc.), mais de pointer la perversité d'un système qui confine à sa propre destruction (cf. concept d'anthropocène, déjà vieux mais d'actualité apparemment). "Ere technologique" n'est pas le bon terme, tu as raison, animal, dans la mesure où la technologie est aussi, dans certains cas, une solution : comme pour n'importe quel outil, c'est l'usage qui importe ; "capitaliste" est sans doute plus juste, "capitaliste néo-libérale", plus précis (?).

Bien sûr, ce sont des problèmes très vastes... Radical peut se dire (et se dit plus souvent dans les médias) des actions menées plutôt que des réflexions. Il faut dire aussi que l'affect joue un rôle primordial et je peux comprendre que l'idée d'"espèce en voie d'extinction" (le bel euphémisme...) d'espace naturel durablement pollué, etc. suscite une forme de rage.

infléchissement ou mutation, la radicalisation est peut-être le signe d'un manque de perméabilité du modèle ou du dysfonctionnement des institutions. et la technologie, la technique ne pourra, maintenant, que faire partie de la solution. plus que la question de la technique, de la science ou du progrès, c'est celle des objectifs qui serait à poser (dépolarisation, maintien d'espaces,...) de façon positive ? mais pas simple non plus, moment différent de l'histoire mais pas sans troubles ou sans risques, hypothétique changement de mythes mais en douceur ?

Intéressant ce fil.
Si tu as la motivation de nous rapporter quelques-uns de ces projets inutiles avec éventuels extraits, je prends volontiers !

exemples de projets/chapitres :
- Superphénix, au coeur du mythe nucléaire (abandonné)
- Liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin (en projet)*
- contournement ouest de Lyon (en projet)
- Europa City (en projet)

* : extrait :

Citation :

(...)
Le projet est actuellement au stade de l'étude. C'est ainsi qu'on désigne les galeries de reconnaissance géotechnique, comme d'ailleurs la nouvelle galerie de la Madeleine à Chaumont. Environ 700 millions d'euros ont déjà été dépensés en "études".
(...)
Il existe une ligne ferroviaire qui fonctionne aujourd'hui et permet aux TGV de relier Paris à Milan, aux trains de fret de transporter des marchandises entre la France et l'Italie ainsi qu'aux trains de l'autoroute ferroviaire de transporter des camions et remorques.
La ligne existante qui date du XIXe siècle (comme le métro parisien), a transporté jusqu'à 11 millions de tonnes de marchandises en 1983 ; elle a été modernisée et son gabarit a été augmenté de Dijon à l'Italie pour permettre le passage de camions sur des wagons adaptés.
La ligne actuelle est suffisante et sous-exploitée. Elle n'est utilisée qu'à hauteur de 17% de sa capacité fret ! Environ 4 millions de tonnes de fret passent sur la ligne actuelle et elle pourrait en accueillir 4 fois plus. On pourrait aisément effectuer un report modal de 700 000 camions, ce qui ne saturerait pas la ligne et allégerait les tunnels routier du Fréjus et du mont Blanc. Ce transfert pourrait, en outre, se faire immédiatement sans attendre l'achèvement des travaux de la future ligne Lyon-Turin.
Le Lyon-Turin sera une ligne ferroviaire démesurée pour le trafic existant et futur. Or, le renchérissement du coût du pétrole et sa déplétion entraînent une stagnation, voire une baisse de trafic routier depuis 2000. La conjoncture actuelle va renforcer ces prévisions.
(...)

Tu as choisi exactement le projet qui m'intéressait... ça fait un moment qu'on en entend parler effectivement... et ça me semblait utile jusqu'à maintenant

ces lignes ferroviaires soutiendraient l'écologie si elles étaient bien exploitées, mais SI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

A l'échelle de mon village j'ai vu des travaux (rond-point, parking) refaits plusieurs fois parce que les camions ne pouvaient y passer, les arbres ne pas y pousser et les voitures ne pas pouvoir se garer ; de plus un parking de covoiturage a été construit depuis 3 ans et quelques voitures seulement l'utilisent (certainement parce qu' il n'y a pas de péage dans mon village (contrairement aux communes voisines) et donc peu de raison pour les voitures qui passent de s'arrêter.

alors compétents ceux qui font les études ?

sans parler de la L2 de Marseille dont certains travaux ont commencé il y a 30 ans....................

Bédoulène a écrit:

ces lignes ferroviaires soutiendraient l'écologie si elles étaient bien exploitées, mais SI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

A l'échelle de mon village j'ai vu des travaux (rond-point, parking) refaits plusieurs fois parce que les camions ne pouvaient y passer, les arbres ne pas y pousser et les voitures ne pas pouvoir se garer ; de plus un parking de covoiturage a été construit depuis 3 ans et quelques voitures seulement l'utilisent (certainement parce qu' il n'y a pas de péage dans mon village (contrairement aux communes voisines) et donc peu de raison pour les voitures qui passent de s'arrêter.

alors compétents ceux qui font les études ?

sans parler de la L2 de Marseille dont certains travaux ont commencé il y a 30 ans....................

Je confirme ! Les lignes secondaires ne cessent d' etre fermées depuis 30 ans et plus. Alors qu' elles
reliaient des vallées, des montagnes, des villages, à  la grande ville ou à d' autres villages....
Je pense à des exemples que je  connais : La Haute Vallée de l' Aude, les Cévennes -Le Vigan-Nimes
et les exemples sont innombrables. Il suffit de regarder FR3.