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| LC René Daumal | |
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Auteur | Message |
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shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: LC René Daumal Mar 30 Juin 2015 - 10:29 | |
| pourrait-on se fixer pour après le 15 août ?? je vais être en vacances du 1er au 15... | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: LC René Daumal Mar 30 Juin 2015 - 21:21 | |
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| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Mer 1 Juil 2015 - 7:54 | |
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: LC René Daumal Sam 15 Aoû 2015 - 19:39 | |
| Ayé, je l'ai commencé. Le titre, tout d'abord. Le Mont Analogue est suivi du sous-titre «roman d’aventures alpines non-euclidiennes». Une petite explication de Daumal : - Citation :
- «Ce sera un roman d’aventures à base de fantastique scientifique, à la Wells —aux idées près, bien entendu—, avec des scènes nautiques, policières et surtout alpines, car c’est en même temps une sorte d’introduction à l’alpinisme. Cela s’appelle Mont-Analogue […].»
Un peu déçue d'apprendre dans l'avant-propos que ce roman est inachevé. Commencé en 1939, Daumal apprend en même temps que sa maladie, la tuberculose, le condamne à une mort quasi-imminente. Il meurt en effet en 1944. Qu'est-ce qu'un Mont Analogue ? - Citation :
- « Pour qu’une montagne puisse jouer le rôle de Mont Analogue […], il faut que son sommet soit inaccessible, mais sa base accessible aux êtres humains tels que la nature les a faits. Elle doit être unique et elle doit exister géographiquement. La porte de l’invisible doit être visible. »
Dans les premières dizaines de pages, Daumal apparaît très gentillet, avec un ton plus civilisé que dans ses essais. Nouvelle déception. Mais peu à peu, le Daumal s'accélère. Quelques bonnes pointes : - Citation :
- « Voyez l’insondable veulerie de l’homme : tous les moyens qui lui sont donnés pour se tenir éveillé, il finit par en orner son sommeil. On porte le cilice comme on porterait un monocle, on chante les matines comme d’autres vont jouer au golf. »
- Citation :
- « Des tocs, des tics et des trucs, voilà toute notre vie, entre le diaphragme et la voûte crânienne. »
Et me voilà arrivée à la deuxième partie... Je vous attends les gens. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Dim 16 Aoû 2015 - 9:54 | |
| tout d'abord le choix d'Analogue ? analogue à quoi ? puisque sensé relié la terre et le ciel, analogue au triangle équilatéral de la Trinité ?
mais si le sommet est "inaccessible" qu'est ce qui en empêcherait l'accès dès lors que la base l'est accessible ? suffit de grimper non ?
Sogol est un homme étonnant d'ailleurs le supérieur du monastère où il a passé un certain temps dit de lui : "Mon fils conclut il, je vois qu'il y a en vous un inguérissable besoin de comprendre qui ne vous permet pas de rester plus longtemps dans cette maison. Nous prierons Dieu qu'Il veuille vous appeler à Lui par d'autres voies.."
Sogol a peut être trouvé la "voie" : le mont Analogue !
par contre la réflexion sur le surnom de Sogol quand il parle d'anagramme est ce : logos
"la courbure de l'espace dévie la lumière des étoiles et aussi les lignes de force du champ magnétique terrestre, si bien que, naviguant avec le sextant et la boussole, je serai toujours persuadé que je vais en ligne droite."
dans les connaissances actuelles est ce plausible ? ou bien dois je simplement me laisser séduire par cette utopie que représente le Mont Analogue ?
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| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: LC René Daumal Dim 16 Aoû 2015 - 12:51 | |
| Bon, je vois que tout le monde a bien commencé la grimpette !!
Je me suis également intéressée en premier au titre de l'ouvrage. Mont Analogue ? Kezaco ?? Et je crois qu'il faut se pencher un instant sur l'idée d'"échelle" et de "proportion" proposée par le narrateur (lui-même spécialiste des symboles et d'alpinisme !). Le Mont Analogue serait donc une montagne qui serait à la fois la représentation de l'homme (on pense bien sûr à l'homme de Vitruve de de Vinci inscrit dans le cercle et le triangle mais aussi aux nombreux symboles inscrits dans les proportions des cathédrales ou des pyramides...) et en même temps ce qui de lui est inaccessible ; cette idée d'une base dont on pourrait facilement faire le tour (le tour du Mont Blanc semble par exemple être une sorte de promenade pour tout bon alpiniste) alors que le sommet reste lui un endroit plus difficile à conquérir (arriver en haut du Mont Blanc demande un certain savoir faire alpin).
La "proportion" concerne les rapports entre les dimensions du monument, l'"échelle" les rapports entre ces dimensions et celles du corps humain.
On peut donc se demander si ce Mont Analogue symbolique existe quelque part hors de l'homme ou bien plutôt en chacun d'entre nous. Qu'il nous est donc réservé de le découvrir, de le circonscrire (en faire le tour accessible) puis d'en tenter l'ascension (l'inaccessible) et d'atteindre cette Vérité de l'être qui nous reste obscure.
Cette Vérité qui semble échapper aussi bien au narrateur qu'à Pierre Sogol, lequel, malgré les nombreuses fiches qu'il a rédigé sur toutes les connaissances humaines déclare :
- Du toc, tout ça, du toc. Il n'y a pas une seule de ses fiches dont je puis dire : voici une vérité, une petite vérité sûre et certaine. Il n'y a dans tout cela que des mystères ou des erreurs ; où les uns finissent, les autres commencent.
Tout est relatif...
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: LC René Daumal Dim 16 Aoû 2015 - 17:35 | |
| - Bédoulène a écrit:
- tout d'abord le choix d'Analogue ? analogue à quoi ? puisque sensé relié la terre et le ciel, analogue au triangle équilatéral de la Trinité ?
mais si le sommet est "inaccessible" qu'est ce qui en empêcherait l'accès dès lors que la base l'est accessible ? suffit de grimper non ? Réponse dès la deuxième partie... l'idée est géniale... et me semble tout à fait plausible, si tant est que la théorie scientifique puisse s'appliquer à la pratique de la réalité en un tour de main... où on découvre aussi les limites de l'analyse scientifique. - Citation :
"la courbure de l'espace dévie la lumière des étoiles et aussi les lignes de force du champ magnétique terrestre, si bien que, naviguant avec le sextant et la boussole, je serai toujours persuadé que je vais en ligne droite."
Tiens, ça me fait penser à ce passage des Gestes et opinions du docteur Faustroll d'Alfred Jarry : « Il n’est mort et putréfié que du cerveau, et des centres antérieurs de la moelle, qui sont les moteurs. Et à cause de cette inertie, il est, sur la route de notre navigation, non pas un homme, mais une île […]. » | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Dim 16 Aoû 2015 - 22:48 | |
| Shanidar je suis assez d'accord avec : "On peut donc se demander si ce Mont Analogue symbolique existe quelque part hors de l'homme ou bien plutôt en chacun d'entre nous. Qu'il nous est donc réservé de le découvrir, de le circonscrire (en faire le tour accessible) puis d'en tenter l'ascension (l'inaccessible) et d'atteindre cette Vérité de l'être qui nous reste obscure." j'ai déjà fini, le livre est court. il choisi bien les mots Daumal, même le bateau a un nom qui participe à l'étrangeté "l'impossible" ! je vais vous lire et échanger avec vous Le narrateur, Daumal donc, paraît en retrait, mais il tiens le journal de voyage et note les rapports entre les personnes. J'ai trouvé qu'il manquait le moment T où ils découvrent le Mont, l'auteur nous montre seulement que les voyageurs sont sur l'ile, j'ai été frustrée là ! | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: LC René Daumal Lun 17 Aoû 2015 - 18:19 | |
| Je serai curieuse de savoir ce que vous avez pensé de la légende des hommes creux et de la Rose-Amère ?
L'idée est donc de s'emparer (de manger) une plante, la Rose-Amère qui est une plante du discernement. Pour parvenir jusqu'à elle, il faut dépasser sa peur et tuer la mort... Sacré challenge ! Et pour quoi finalement ? Pour avaler une plante qui vous brûle la langue quand vous mentez... Or si on se réfère à ce qui est dit plus haut par Sogol : la vérité n'existe pas, donc tout ce que nous prononçons relève de l'erreur ou du mystère ; conclusion : dès que nous ouvrons la bouche après avoir mangé la fleur la langue nous brûle !! Alors, pourquoi manger cette fleur ??
Cependant j'aime beaucoup l'initiation qui pousse l'enfant double, le gémellaire à devoir tuer le cadavre de son frère (transformé en homme creux dans la roche) pour pouvoir vaincre sa peur et enfin devenir UN...
Comme Bédou, j'ai trouvé un peu rapide l'installation sur l'île et je reste un peu interloquée (mais dans le sens de titillée) par l'alternance de réflexions philosophiques ou scientifiques et d'autres bien plus primaires ou terre-à-terre (l'importance de la monnaie par exemple qui pourrait sembler bien matérielle mais qui se résout par une fin de non-recevoir saisissante : si tu ne paie pas ta dette, on te tue...). De la même manière, je trouve que le texte oscille sans cesse entre un humour pince-sans-rire frôlant l'absurde et des tentatives d'explications ou de sublimations du récit (de poésie ?) plutôt très réussies... | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Mar 18 Aoû 2015 - 8:06 | |
| je vois ce voyage et cette ascension du Mont comme une ré-initiation de l'homme, retrouver l'essentiel, se dépouiller, pour accéder à un état supérieur.
ce récit inachevé j'en suis frustrée à nouveau car cette histoire appartient à ces hommes et cette femme qui ont cru, sans preuve, mais n'est-ce pas la foi ?, en l'existence de ce Mont et qui l'ont recherché.
Comme tu as noté la "punition" pour " si tu ne paie pas ta dette, on te tue..." et en voilà une autre avec l'histoire de Bernard, le guide, qui a tué le rat.
l'acte de Bernard ait des conséquences sur l'environnement, comme un rappel sur la responsabilité humaine.
le complément d'information dans les notes, schéma laissent deviner les obstacles pour cette première expédition et l'échec dramatique pour la seconde expédition avec les amis restés dans le monde connu et qui recherchaient, vraisemblablement des "bénéfices" dans ce nouveau monde, et ont reçu la punition.
Le fait qu'il soit dit que "les portes" de ce nouveau monde aient été ouvertes pour eux implique que celui qui les a ouvertes, ainsi qu'à tant d'autres au cours des siècles, soit une entité supérieure.
c'est pour moi un récit intéressant, le Mont Analogue une utopie. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: LC René Daumal Mar 18 Aoû 2015 - 15:21 | |
| - shanidar a écrit:
- Je serai curieuse de savoir ce que vous avez pensé de la légende des hommes creux et de la Rose-Amère ?
L'idée est donc de s'emparer (de manger) une plante, la Rose-Amère qui est une plante du discernement. Pour parvenir jusqu'à elle, il faut dépasser sa peur et tuer la mort... Sacré challenge ! Et pour quoi finalement ? Pour avaler une plante qui vous brûle la langue quand vous mentez... Or si on se réfère à ce qui est dit plus haut par Sogol : la vérité n'existe pas, donc tout ce que nous prononçons relève de l'erreur ou du mystère ; conclusion : dès que nous ouvrons la bouche après avoir mangé la fleur la langue nous brûle !! Alors, pourquoi manger cette fleur ?? Laissée de côté par cette histoire... je la trouve très lourde, pas du Daumal comme je l'aime. Il faut garder à l'esprit que le roman n'a pas été fini... peut-être pas non plus amélioré dans le sens d'un bon et pur Daumal ? - Citation :
- Comme Bédou, j'ai trouvé un peu rapide l'installation sur l'île et je reste un peu interloquée (mais dans le sens de titillée) par l'alternance de réflexions philosophiques ou scientifiques et d'autres bien plus primaires ou terre-à-terre (l'importance de la monnaie par exemple qui pourrait sembler bien matérielle mais qui se résout par une fin de non-recevoir saisissante : si tu ne paie pas ta dette, on te tue...).
Je ne trouve pas ça très surprenant ou paradoxal : Nietzsche lui-même ne disait-il pas que la philosophie devrait s'attarder plus souvent sur des questions pragmatiques, telles que l'hygiène de vie, l'alimentation, le climat ? ... Après avoir lu des essais de Daumal, il me semble que celui-ci en avait marre des questions métaphysiques. Pour lui, la poésie devait permettre de rapprocher l'homme de ses sources physiques, ce devait être un langage dansant. Je comprends donc qu'il ait eu peur de partir trop loin dans la métaphysique avec son récit fantasmé, abstrait et analogique. Un peu de pragmatisme ne fait pas de mal. J'ai beaucoup aimé la complainte des alpinistes malchanceux, qui sent bien cette crasse fatigante des longues randonnées, quand l'enthousiasme a cédé aux premières manifestations de lassitude, puis de souffrance peut-être : - Citation :
- Le thé sent l’aluminium, douze paillasses pour trente hommes, c’est vrai que ça tenait chaud, mais ils sont partis plus tôt, dans l’air en lames de rasoir, entre le blanc et le noir.
Ma montre s’est arrêtée, la tienne s’est embrouillée, on est tout gluants de miel, y a des grumeaux dans le ciel, on part qu’il fait jour déjà, le névé jaunit déjà, les cailloux pleuvent déjà, y a du froid dans la main lourde, y a du pétrole dans la gourde, y a de la gourde dans les doigts, et la corde a des raideurs d’hérisson de ramoneur. La cabane était puceuse, et disgracieux les ronfleurs, j’ai la gelure à l’esgourde, tu as l’air d’une macreuse, je n’ai pas assez de poches, tu retrouves ma boussole dans un noyau de pruneau, j’ai oublié mon couteau, mais tu as ta brosse à dents. Y a vingt-cinq mille heures qu’on monte, et on est toujours en bas, empâtés de chocolat, nous taillochons le verglas, nous grippons dans du fromage, y a de l’âcreur dans le nuage, on y voit blanc à deux pas. Halte un peu qu’on se ménage, voilà mon sac qui s’ébat, en me décrochant le coeur ; il gambade vers l’en-bas, y a des trous plus noirs que verts, des glouglous, des chemins de fer, dix mille sacs sur la moraine, des faux sacs et des vrais trous, et des sales gros croquenjambes ; enfin voilà mon schaos, mets ta bouillie sur mon dos, mutissons-nous de noyaux de prudence et de pruneaux. La rimaie va crever de rire, nous enfonçons jusqu’aux barbes, voilà l’espace qui grésille, on s’est trompé de touloir, nos genoux claquent des dents, le gendarme se défend, j’ai un bloc dans la mémoire, un surplomb dans l’estomac, on ne peut plus dire que soif, et j’ai deux gros doigts vert pâle. On n’a pas vu le sommet, sauf la boîte de sardines, on coinçait tous les rappels, on passait sa vie entière à démêler la ficelle. On est tombé dans des vaches. "Z’avez fait une jolie course ?" – "Epatante, Monsieur, mais dure". J'ai aussi terminé le roman. J'ai beaucoup aimé, dans les annexes, le guide de l'alpinisme. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: LC René Daumal Mar 18 Aoû 2015 - 17:38 | |
| Ah oui quel regret que le texte soit inachevé. Dans la dernière partie, Daumal semblait vouloir s'adresser directement à son lecteur en lui demandant : et vous, que cherchez-vous ? J'aurais été très curieuse de lire ce passage... Et je me demande, de mon côté, ce que j'ai trouvé dans cette lecture, au-delà de la réécriture (réinterprétation) de certains textes mythiques voire bibliques (au commencement était le Verbe = logos) ou la table d'émeraude (tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas etc...), de la quête initiatique, de la question de la vérité et de la fiction, du mélange réussi de science et de philosophie, de pragmatisme et de fantasme... Je me demande également ce que l'enseignement de Gurdieff (qui a également été un proche de Louis Pauwels, je crois) a pu apporter à Daumal... Bref, je referme ce livre avec plus de questions qu'avant de l'ouvrir, ce qui est pour moi le signe d'un livre intéressant parce qu'il fait bouger mes certitudes et mes frontières...
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| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Mer 19 Aoû 2015 - 10:27 | |
| à un de ces jours, peut-être, pour une autre LC (ma participation manquait de connaissances) mais la lecture était agréable. | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: LC René Daumal Mer 19 Aoû 2015 - 10:39 | |
| - colimasson a écrit:
- shanidar a écrit:
- Je serai curieuse de savoir ce que vous avez pensé de la légende des hommes creux et de la Rose-Amère ?
L'idée est donc de s'emparer (de manger) une plante, la Rose-Amère qui est une plante du discernement. Pour parvenir jusqu'à elle, il faut dépasser sa peur et tuer la mort... Sacré challenge ! Et pour quoi finalement ? Pour avaler une plante qui vous brûle la langue quand vous mentez... Or si on se réfère à ce qui est dit plus haut par Sogol : la vérité n'existe pas, donc tout ce que nous prononçons relève de l'erreur ou du mystère ; conclusion : dès que nous ouvrons la bouche après avoir mangé la fleur la langue nous brûle !! Alors, pourquoi manger cette fleur ?? Laissée de côté par cette histoire... je la trouve très lourde, pas du Daumal comme je l'aime. Il faut garder à l'esprit que le roman n'a pas été fini... peut-être pas non plus amélioré dans le sens d'un bon et pur Daumal ?
- Citation :
- Comme Bédou, j'ai trouvé un peu rapide l'installation sur l'île et je reste un peu interloquée (mais dans le sens de titillée) par l'alternance de réflexions philosophiques ou scientifiques et d'autres bien plus primaires ou terre-à-terre (l'importance de la monnaie par exemple qui pourrait sembler bien matérielle mais qui se résout par une fin de non-recevoir saisissante : si tu ne paie pas ta dette, on te tue...).
Je ne trouve pas ça très surprenant ou paradoxal : Nietzsche lui-même ne disait-il pas que la philosophie devrait s'attarder plus souvent sur des questions pragmatiques, telles que l'hygiène de vie, l'alimentation, le climat ? ... Après avoir lu des essais de Daumal, il me semble que celui-ci en avait marre des questions métaphysiques. Pour lui, la poésie devait permettre de rapprocher l'homme de ses sources physiques, ce devait être un langage dansant. Je comprends donc qu'il ait eu peur de partir trop loin dans la métaphysique avec son récit fantasmé, abstrait et analogique. Un peu de pragmatisme ne fait pas de mal.
J'ai beaucoup aimé la complainte des alpinistes malchanceux, qui sent bien cette crasse fatigante des longues randonnées, quand l'enthousiasme a cédé aux premières manifestations de lassitude, puis de souffrance peut-être :
- Citation :
- Le thé sent l’aluminium, douze paillasses pour trente hommes, c’est vrai que ça tenait chaud, mais ils sont partis plus tôt, dans l’air en lames de rasoir, entre le blanc et le noir.
Ma montre s’est arrêtée, la tienne s’est embrouillée, on est tout gluants de miel, y a des grumeaux dans le ciel, on part qu’il fait jour déjà, le névé jaunit déjà, les cailloux pleuvent déjà, y a du froid dans la main lourde, y a du pétrole dans la gourde, y a de la gourde dans les doigts, et la corde a des raideurs d’hérisson de ramoneur. La cabane était puceuse, et disgracieux les ronfleurs, j’ai la gelure à l’esgourde, tu as l’air d’une macreuse, je n’ai pas assez de poches, tu retrouves ma boussole dans un noyau de pruneau, j’ai oublié mon couteau, mais tu as ta brosse à dents. Y a vingt-cinq mille heures qu’on monte, et on est toujours en bas, empâtés de chocolat, nous taillochons le verglas, nous grippons dans du fromage, y a de l’âcreur dans le nuage, on y voit blanc à deux pas. Halte un peu qu’on se ménage, voilà mon sac qui s’ébat, en me décrochant le coeur ; il gambade vers l’en-bas, y a des trous plus noirs que verts, des glouglous, des chemins de fer, dix mille sacs sur la moraine, des faux sacs et des vrais trous, et des sales gros croquenjambes ; enfin voilà mon schaos, mets ta bouillie sur mon dos, mutissons-nous de noyaux de prudence et de pruneaux. La rimaie va crever de rire, nous enfonçons jusqu’aux barbes, voilà l’espace qui grésille, on s’est trompé de touloir, nos genoux claquent des dents, le gendarme se défend, j’ai un bloc dans la mémoire, un surplomb dans l’estomac, on ne peut plus dire que soif, et j’ai deux gros doigts vert pâle. On n’a pas vu le sommet, sauf la boîte de sardines, on coinçait tous les rappels, on passait sa vie entière à démêler la ficelle. On est tombé dans des vaches. "Z’avez fait une jolie course ?" – "Epatante, Monsieur, mais dure".
J'ai aussi terminé le roman. J'ai beaucoup aimé, dans les annexes, le guide de l'alpinisme. et bien justement j'aurais aimé voir, entendre, ressentir ce passage du monde connu au monde inconnu | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: LC René Daumal Mer 19 Aoû 2015 - 12:13 | |
| Je ne sais pas vous mais je continue à penser au Mont Analogue (peut-être parce que l'aventure se poursuit un peu en lisant Ararat de Westerman, autre mont, autre monde mais toujours le même mystère ?).
Au début du livre, j'ai considéré ce Mont Analogue comme une fantaisie de l'auteur, comme un symbole, puisque le narrateur se définissait comme un homme étudiant les symboles... A la fin-tronquée du livre, j'ai continué à penser que cette histoire n'était qu'une relation du bas vers le haut, de la matière vers l'esprit, l'esprit pouvant contempler la matière alors que celle-ci reste définitivement prisonnière de son poids, une sorte d'allégorie.
Mais plus je réfléchis, plus je pense que je me suis trompée et que Daumal pense réellement que le Mont Analogue existe et que nous ne pouvons pas le voir parce que nous n'utilisons pas à bon escient la géométrie non-euclidienne. Pour atteindre ce Mont, il nous faut repenser notre appréhension-compréhension du monde et surtout envisager la courbure de l'espace (le chemin le plus court entre deux points n'est pas forcément la ligne droite). Je me dis aussi que la littérature, si on la considère comme un continent à la fois matériel et spirituel (lieu de l'esprit) pourrait ressembler à ce Mont Analogue, à la fois proche et si lointain, à la fois préhensible et intouchable (le livre est un objet bien réel contenant de l'immatériel) ... Et puisque, comme le souligne Daumal dans son traité d'alpinisme : ce que nous ne voyons plus nous continuons à le savoir ; alors le fait de ne pas pouvoir voir le Mont Analogue ne veut pas dire qu'il n'existe pas (si nous acceptons le postulat que la montagne existe absolument, quelque part).
Je pense que je n'en ai pas fini avec ce livre...
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