André Breton (portrait par Victor Brauner, 1934)
Souci de l'ordre de la classification, où
"ranger" Breton ?
Après réflexion, c'est encore dans la rubrique Poésie, qu'à mon humble avis, etc...(mais on peut en discuter, et lui assigner sa place ailleurs !)
Biographie brève:
Naissance à Tincheray (Orne) le 19 février 1896, décès à Paris le 28 septembre 1966.
Enfance sans histoire à Pantin, fils unique d'une famille plutôt bourgeoise, éducation assez rigide.
Rencontre en 1913 de Paul Valéry, pour Breton Valéry restera d'abord, restera toujours en premier lieu l'auteur de
Monsieur Teste.
Affecté, pendant la guerre, à un service de santé à Nantes, il y rencontre un patient étrange et fascinant, Jacques Vaché, étrangement détaché de tout et singulier, et cumule cette rencontre avec les lectures de Rimbaud et Apollinaire, avec lequel il entreprend de correspondre.
Découverte de Lautréamont dans la foulée.
Fondant, en 1919 avec Aragon et Soupault la revue
"Littérature", il y fait la plus large place au mouvement Dada.
Mais bien vite c'est la séparation d'avec Dada, lorsque paraissent
Les champs magnétiques, caractérisés par l'invention et l'emploi systématique de l'écriture automatique, livre co-écrit avec Soupault, acte de naissance du surréalisme.
A cette époque naissent les deux leitmotivs de sa production et de ses interventions, prises de parole: le rêve, l'onirisme, et l'appel à la liberté [du libertaire].
Nadja (1928) est une assise émouvante de ces thèmes-là.
Auparavant, en 1927, il avait adhéré au Parti Communiste, avant d'en claquer assez vite la porte, avec pour conséquence une séparation définitive d'avec Aragon (plus tard il signe une dénonciation en règle de mise au pas des "intellectuels" par le Parti dans
Misère de la Poésie, 1932).
1928 est particulièrement prolixe avec des essais majeurs, tels
Le surréalisme et la peinture, et, bien sûr,
Le Manifeste du Surréalisme.Il sera de pas mal de combats menés
"au nom des intellectuels" dans les années 1930, et, en 1939, alors qu'il est affecté dans un centre médical pour aviateurs proche de Poitiers, l'armistice le surprend du bon côté de la ligne de démarcation, à quelques kilomètres à peine de celle-ci.
Repli sur Marseille, le gouvernement de Vichy censure deux de ses parutions pourtant aujourd'hui considérées comme sommitales,
Fata Morgana et l'
Anthologie de l'humour noir.
En 1941 il parvient à partir, direction La Martinique, via New-York où il rencontre Marcel Duchamp. Conférences, animation d'une revue (VVV, autrement dit triple V). En 1943 c'est la rencontre avec Elisa, avec laquelle il restera uni, presque fusionnel, jusqu'à son dernier jour.
Voyage au Canada, passage en Haïti. retour en France à la Libération, avec pour premier acte le fait de saluer la sortie d'Antonin Artaud du terrible asile psychiatrique de Rodez.
D'expositions internationales en happenings, de parutions en conférence, de publications en revues en lancement de peintres, sculpteurs ou écrivains, Breton foisonne.
Sa dernière exposition (1965,
L'écart absolu) met radicalement en cause la société de consommation, et les modèles sur lesquels nous sommes toujours, à ce jour.
Bibliographie non exhaustive:
Essais:Lettre aux voyantes (1925)
Légitime défense (1926)
Introduction au discours sur le peu de réalité (1927)
Le Surréalisme et la Peinture (1928)
L'affaire Aragon devant l'opinion publique (1932),
Position politique du surréalisme (1935),
Notes sur la poésie (1936),
Dictionnaire abrégé du surréalisme (1938),
Anthologie de l'humour noir (1940)
Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non (1942),
Arcane 17 (1944),
La Clé des champs (1953),
Entretiens avec Breton (1952),
Du surréalisme en ses œuvres vives (1953)
Constellations (1959),
Poésie et autre (1960),
L'Écart absolu (1965).
Poésie:Mont de Piété (1919),
Les Champs magnétiques (1920) (avec Philippe Soupault),
Clair de Terre (1923),
Ralentir travaux (1930),
Le Revolver à cheveux blancs (1932),
L'Air de l'eau (1934),
Point du jour (1934),
L'Amour fou (1937)
Trajectoire du rêve (1938)
Fata Morgana (1942)
Ode à Charles Fourier (1947),
Signe ascendant (1947),
La Lampe dans l'horloge (1948).
Romans ou prose:Poisson soluble (1924),
Les Pas perdus (1924),
Nadja (1928),
L'lmmaculée Conception (1930)
L'Union libre(1931)
Les Vases communicants (1932),
Flagrant délit (1949).
Revues fondées:Littérature (1919-1924)
Le Surréalisme au service de la révolution (1930),
Le Surréalisme, même (1954)
La Brèche - action surréaliste ( 1961).
Mon avis: André Breton,
Figura par excellence des Lettres françaises du XXème siècle, a peut-être perdu de son aura et de son lectorat aujourd'hui. C'est qu'il était avant tout un théoricien de l'Art, et je soupçonne un théoricien aimant avant tout la théorie, ce qui est sans doute une forme d'
art pour l'art.
C'est qu'il était aussi un infatigable bretteur verbal, un avis sur tout, conférencier hors pair, directeur de revues, etc...
Vous l'aurez compris, Les champs médiatiques l'occupaient autant que
Les champs magnétiques.
Guichetier de la modernité, délivrant ou refusant un
pass pour la notoriété, il ne faisait pas bon, au XXème, être de ses ennemis.
Ce qui fait que ceux qui n'ont pas suivi l'
ascendance des
signes qu'il émettait ont, en général, préféré s'écarter sans bruit, se contenter de ne pas faire route ensemble, plutôt que l'affronter frontalement (Aragon pour le cas le plus connu, mais aussi Benjamin Péret et nombre d'autres).
A demi-mots inamicaux, post-mortem, comme il convient aux grands personnages, certains seconds couteaux, pourtant nourris de sa main, ont reconnu que dans le fond il faussait tout, qu'il était le goût et la bien-pensance artistique du siècle, une sorte de Grand Ganah ou de Commandeur statufié.
Pour ma part,
Nadja (qu'il faudrait que je relise) fut une déflagration, une révélation de jeunesse, de l'ordre de celle qui vous font aimer la littérature, et le "projet" -en quelque sorte -
Les champs magnétiques m'a longtemps hanté, vers dix-huit ou vingt ans.
Aujourd'hui, c'est plutôt sa poésie qui m'attire.
On a parfois cantonné les poèmes de Breton un peu dans l'ombre de ceux d'Eluard, ce qui était une manière de coup de griffe fourbe à un monstre encombrant.
De grâce, ces temps sont terminés, ne les opposons pas...