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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 24 Mai 2010 - 16:37
coline a écrit:
bulle a écrit:
Et je vois la quantité énorme de nouvelles que tu as apprécié. Donc de quoi être ravie.
Ce sont celles que j'ai le plus aimées, mais j'ai apprécié toutes les autres...Alors oui, il y a de quoi être ravie...
Il me tarde déjà de poursuivre... Mais je prendrai le temps de lire les 4 autres volumes pour qu'il m'en reste toujours un peu.
tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 24 Mai 2010 - 19:50
Les parfumés ont fait du bon boulot: j'ai commandé "Le gouffre" et on était en rupture de stock chez amazon.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 24 Mai 2010 - 21:26
tom léo a écrit:
Les parfumés ont fait du bon boulot: j'ai commandé "Le gouffre" et on était en rupture de stock chez amazon.
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 14 Juin 2010 - 8:05
Les sept pendus et autres récits
les autres récits sont :
- L'abîme - Judas Iscariote - Le mur - Dans le brouillard - Le voleur - Lazare
Le recueil s'ouvre avec L'abîme, une très courte nouvelle, percutante, dérangeante, l'histoire de deux adolescents dont le destin va être brisé, précipité vers l'abîme. Une nouvelle délicate et violente, qui s'inscrit comme une gifle sur la joue du lecteur, laissant une marque rouge, une marque de honte, de peur, comme une atteinte, quelque chose qui vrille le coeur, rend fou l'esprit. Et il est bien question de folie dans toutes les nouvelles de ce merveilleux recueil, d'une précieuse écriture, d'une précise évocation des moeurs adolescentes, des tourments de l'âme, des angoisses de chacun. Mettre à nu une humanité qui tend vers l'amour, le don, la générosité mais qui toujours s'écorche sur un écueil (l'autre, la folie, l'erreur, l'absurde, la colère, la jalousie...), telle semble être l'écriture d'Andreiev. Chaque nouvelle est un bijou ciselé, travaillé, éblouissant et en même temps chaque nouvelle est pleine d'une humilité saisissante, d'une écoute de l'homme, de sa souffrance, du souffle qui perce ses lèvres. Chaque nouvelle est un saisissement. Un abîme d'une profondeur bouleversante. Après la lecture de chaque nouvelle, il faut du temps pour l'éprouver (exactement comme une épreuve, puisque chaque récit est une confrontation avec la mort), du temps pour en saisir la densité, l'éventail gigantesque des possibles, des lectures, des interprétations... Une véritable découverte, difficile, emportée, réflexive, envahissante, de celle qui reste inscrite longtemps dans la mémoire comme une marque au fer car il y a quelque chose de terriblement douloureux dans l'écriture d'Andreiev. Impressionnant.
Hexagone Envolée postale
Messages : 260 Inscription le : 18/01/2010 Age : 53 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 14 Juin 2010 - 9:01
Je ne connaissais pas cet auteur, vous me le faites découvrir. Je tâcherais de m'y atteler, il atout pour me plaire, merci.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 14 Juin 2010 - 14:30
shanidar a écrit:
Une véritable découverte, difficile, emportée, réflexive, envahissante, de celle qui reste inscrite longtemps dans la mémoire comme une marque au fer car il y a quelque chose de terriblement douloureux dans l'écriture d'Andreiev. Impressionnant.
Plaisir de voir Andreïev devenir un de nos auteurs fétiches. Et plaisir encore plus grand de savoir que plein de ses nouvelles m'attendent encore...
Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Ven 17 Sep 2010 - 12:08
-Le Gouffre-
Je ne l'ai pas fini tout à fait (me reste quand même la principale, le Gouffre, et trois ou quatre autres dont Le mur et L'étranger) mais comme vous j'ai été impressionnée par la puissance de ses textes. L'âme est à nue, fragile, malmenée, le coeur à vif, solitaire et bafoué. Mais prêt à s'enflammer encore. Ce sont des vies lugubres, misérables ou isolées, des pauvres bougres rongés par l'alcool ou des ratés de la vie qui mendient un peu d'humanité (Bargamot- Aliocha l'idiot) parfois éblouis par des faux semblants qui se retrouvent délaissés à leur tour (L'Ami) ou qui se raccrochent à leurs bourreaux parce que c'est l'unique lien qu'ils aient (Sur la rivière) Et puis des amoureux rongés par la jalousie, éconduits par leur belle, ou délaissés par l'amour...(Le rire- Le mensonge-Le silence en passant)
Rien n'est jamais lumineux mais au travers de ce marasme il y a pourtant une lueur qui brille faiblement, quelqu'un pour la capter, et dans ces instantanés de vie Andreiev laisse parfois la porte ouverte à une éventuelle rédemption. Bien sûr ses personnages sombrent souvent dans la folie et le gouffre qui les attire (Sergeuï Pétrovitch) mais l'amour qu'il porte au genre humain est si fort qu'elle irradie l'ensemble.
shanidar a écrit:
Et il est bien question de folie dans toutes les nouvelles de ce merveilleux recueil, d'une précieuse écriture, d'une précise évocation des moeurs adolescentes, des tourments de l'âme, des angoisses de chacun. Mettre à nu une humanité qui tend vers l'amour, le don, la générosité mais qui toujours s'écorche sur un écueil (l'autre, la folie, l'erreur, l'absurde, la colère, la jalousie...), telle semble être l'écriture d'Andreiev.
Shanidar résume bien son écriture: L'homme qui tend vers l'amour mais est arrêté dans son élan, attiré par des démons, imparfait et écorché. Des textes incandescents, animés par une empathie magnifique en même temps qu'une terrible souffrance. On reste marqué à chaud et il faut un peu de temps pour les ingérer. Mais quelle beauté! Grand merci à Rivela et à vous, un auteur incontournable, à lire absolument
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Jeu 9 Fév 2012 - 19:42
Judas Iscariote
Troisième volume des nouvelles, et toujours aussi passionnant. La continuité dans la qualité de l'écriture , mais en même temps un déplacement peut être dans les thèmes, moins de fantastique, et plus de quelque chose qui en apparence pourrait être plus politique et en prise avec le monde du temps de l'auteur (l'échec de la révolution de 1905), même si en réalité sa vision du monde et sa sensibilité sont identiques à elles-mêmes. Les textes ont aussi tendance à s'allonger.
Ma préférence va à Histoire de sept pendus, la peine de mort, évidemment, mais aussi tellement d'autres choses, l'irrémédiable solitude de l'individu, quelle que soit la force qui le pousse à essayer de s'intégrer, se perdre dans un groupe; la difficulté des relations familiales....Les portraits des sept personnages sont vraiment étonnants.
Mais chaque récit a ses qualités et beautés, et l'auteur joue d'une palette variée, plus métaphysique, ou ironique, ou lyrique. Cette variété rend cette lecture forte et difficile à oublier.
Il m'en reste encore deux à lire.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Lun 11 Juin 2012 - 20:44
Adaptation théâtrale de son poème Jour de Colère ( dans le recueil du même nom). Elle tourne un peu partout...
Citation :
Inclassable et atypique, « Dies Irae » est en quelque sorte un « poème théâtral », un « chant prophétique » écrit par Leonid Andreïev il y a plus d’un siècle, et entièrement revisité par Guillaume Cantillon, comédien contemporain aux multiples talents.
Dies Irae est une pièce millénaire chantée lors de la cérémonie des défunts dans la liturgie catholique .Elle décrit le jugement dernier, la colère de Dieu, qui condamne les mauvais et délivre les bons. Le romancier Andreïev l’a transposée en un long poème, « libre chant des jours terribles de la justice et du châtiment » qui raconte l’errance de Geronimo Pascagna.
Interprété avec sensibilité et fougue par Guillaume Cantillon, Geronimo, un assassin, un prophète, un poète, un fou emprisonné, un « mauvais », décrit le cataclysme qui un jour a abattu les murs de sa prison, sa ville, et peut-être le monde. Un cataclysme inespéré, puisque ceux que la société a emprisonnés sont alors libérés. Il raconte son errance avec d'autres prisonniers à travers les ruines. Il chante la liberté retrouvée, les rencontres étonnantes, extraordinaires au milieu des décombres. Il chante son amour de ses compagnons, de la route, la redécouverte de l'horizon, des couleurs, du soleil. Puis il raconte comment les gendarmes l'ont repris, et enfermé encore dans une prison. Ce texte semble se baser sur des évènements réels de l'histoire politique et géologique, en Sicile, terre des « tyrans » bouleversée par les éruptions volcaniques et les séismes.
Guillaume Cantillon, dans une scénographie quasiment « virginale », évoquant nécessairement la rédemption du mal nous emporte jusque dans les mystères et l’intimité de ce poème.
domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Mar 6 Nov 2012 - 15:45
Les Sept Pendus Leonid Andreïev Corti - Editions Sillage
Cinq révolutionnaires, un malfrat assassin et un simple d’esprit meurtrier sont condamnés à mort, ils feront partie de la même charrette. Ce sont les quelques jours avant leur pendaison que Léonid Andréïev nous décrit ici et en particulier les quelques heures qui précèdent leur mort annoncée. Il sonde les différentes façons que l’âme humaine a pour réagir à la certitude de la mort : celles qui résistent, celles qui l’ignorent, celles qui la refusent de toutes leurs forces et s’insurgent, celles qui semblent l’accepter avec calme. Tout cela jusqu’aux dernières heures effroyables avant la mort, qui nous font ressentir toute l’absurdité et l’horreur de cette fin programmée. Les quinze dernières pages de ce roman court sont magnifiques et si justes, c’est probablement le meilleur plaidoyer jamais écrit contre la barbarie immense que représente la peine de mort.
Quelques extraits de la fin
Alors que les prisonniers sont dans un wagon qui les emmènent dans un lieu proche de leur exécution imminente :
Citation :
Tout à coup les wagons tressautèrent et ralentirent considérablement l'allure. Tous, sauf Ianson et Kachirine, se levèrent, et se rassirent aussitôt. - La gare ! dit Sergueï. Ce fut comme si le wagon avait été brusquement vidé de tout son air, tant on avait du mal à respirer. Les coeurs, devenus énormes, gonflaient les poitrines ; ils montaient à la gorge, s'affolaient, hurlaient d'horreur de leur voix gorgée de sang. Et les yeux fixaient le plancher tressautant, les oreilles écoutaient les roues tourner de plus en plus lentement, glisser, recommencer à tourner, et soudain - elles s'arrêtèrent.
Pour illustrer l'incohérence et l'absurdité des hommes :
L'un d'eux s'est évanoui de peur sur le chemin du gibe, on le réanime donc pour mieux l'exécuter ensuite :
Citation :
Ianson était couché sur la neige, on s'agitait autour de lui. Une violente odeur d'amoniaque se répandit soudain. - Alors docteur ? Vous avez fini ? demanda quelqu'un avec impatience. - Ce n'est rien, un simple évanouissement. Frottez lui les oreilles avec de la neige. Il revient déjà à lui, on peut y aller.
La sentence devant le gibet:
Citation :
La lumière d'une lanterne invisible éclaira un papier et des mains blanches dégantées. Tout cela tremblait légèrement, et la voix aussi tremblaiit. - Messieurs, ce n'est peut-être pas la peine de lire la sentence, hein? Vous la connaissez déjà. Qu'en pensez-vous ? - Ce n'est pas la peine de la lire, répondit Werner en leur nom à tous.
Et la lanterne s'éteignit. Tous refusèrent le prêtre. Le Tsigane déclara : - Arrête de nous bassiner les oreilles, pope ! Toi tu vas me pardonner, mais eux, ils vont me pendre ! Retourne d'où tu viens !
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Mer 7 Mai 2014 - 15:10
Les 7 pendus
Dans la série "titans Russes", Andreiev se pose là !
Je suis vivement émue par ce livre, profondément universel et humain.
L'auteur possède une écriture incomparable, une force émotionnelle inouïe, j'en ai oublié le passage du temps tellement j'ai été happée par les derniers instants de ces héros d'un jour, anonymes face à la mort.
Comme le note un des personnages, notre grande chance est l'incertitude du moment de notre fin. Mais dès qu'un terme est donné, on entame un horrible compte à rebours que peu d'âmes peuvent affronter.
Ici pourtant, on croise des êtres puissants, mystiques ou endurcis. Rien n'y fait : tout se réduit au néant face au Néant.
Des scènes poignantes (visites des proches), des silences épais qui disent tout, une fureur de vivre.
Ce livre devrait être lu de force à tous les tristes, les mélancoliques et les dépressifs.
Ils en savoureraient la tonalité printanière et l'hymne à la vie qu'il incarne.
C'est grand, sombre, enivrant même.
Superbe écrivain.
J'ai la chance d'avoir son Judas.
Vite, vite, le lire...
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Mer 7 Mai 2014 - 15:48
tu donnes furieusement envie de le relire, tina !!
je repense souvent à ce recueil de nouvelles et en particulier à la première d'une tonalité vraiment puissante et inoubliable !
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Leonid Andreïev [Russie] Mar 1 Déc 2015 - 22:01
pour répondre à une question posée pour l'instant ( ?) en coulisses, un extrait de la nouvelle Le silence qui est dans le premier volume publié chez Corti* :
Citation :
A partir de ce jour-là, la petite maison sombra dans le silence. Ce n'était pas juste une absence de bruit, non, c'était le silence du mutisme, quand on a l'impression que ceux qui se taisent pourraient parler, mais ne veulent pas. C'est ce que se disait le père Ignace quand il entrait dans la chambre de sa femme et rencontrait son regard fixe, lourd, comme si l'air était devenu une chape de plomb qui lui écrasait la tête et le dos. C'est ce qu'il se disait en examinant les partitions de sa fille, dans lesquelles sa voix était gravée, ses livres et son portrait, un grand portrait en couleurs qu'elle avait rapporté de Pétersbourg. Ce portrait, le père Ignace le contemplait en procédant toujours de la même façon : il commençait par regarder la joue, éclairée sur le tableau, et l'imaginait avec l'égratignure qui griffait la joue de Véra morte, et qu'il n'arrivait pas à s'expliquer. Chaque fois, il réfléchissait aux causes de cette égratignure : si elle avait été faite par le train, toute la tête aurait été fracassée, or la tête de Véra morte était intacte.
il y a plus joyeux certes mais ça me rappelle encore une fois qu'il serait que je me préoccupe de dégoter le quatrième volume.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
En attendant qu'il trouve peut-être le temps de passer sur le fil, je vous livre le pourquoi de cette citation. Il s'agit au départ d'une demande d'Alejandro González inscrit il y a peu et qui se trouve professionnellement confronté à cette délicate et intéressante question de la traduction (un bienfaiteur quoi !).
Voici l'échange de MP (qui vous inspirera peut-être) :
Alejandro González:
Bonjour animal,
Je vous écris d'Argentine. Je vous racconte: je suis traducteur du russe vers l'espagnol et, en ce moment-là, j'écris un paper sur le nouvelle "Le silence", de Leonid Andreïev. J'essaie de comparer la traduction de ce nouvelle entre différentes langues occidentales. J'ai trouvé 2 versions en anglais, 1 en italien, 2 en spagnol, mais je n'ai pas pu trouver la version française. Est-ce que vous pourrais m'aider? J'ai vu que vous aimez Andreïev. Je n'ai pas besoin de toute la nouvelle, mais seulement du prémiére paragraphe de la partie II, où il écrit (je vous donee la version en anglais): "From the day of the funeral silence reigned in the little house. It was not stillness, for that is the mere absence of noise, but it was silence which means that those who kept silence could, apparently, have spoken if they had pleased."
Je voudrais savoir comment le traducteur français a résolu ce paragraphe.
Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m'aider.
Cordialement,
ALEJANDRO
animal:
Bonjour,
Voilà ce qui doit être le paragraphe en question :
Citation :
A partir de ce jour-là, la petite maison sombra dans le silence. Ce n'était pas juste une absence de bruit, non, c'était le silence du mutisme, quand on a l'impression que ceux qui se taisent pourraient parler, mais ne veulent pas. C'est ce que se disait le père Ignace quand il entrait dans la chambre de sa femme et rencontrait son regard fixe, lourd, comme si l'air était devenu une chape de plomb qui lui écrasait la tête et le dos. C'est ce qu'il se disait en examinant les partitions de sa fille, dans lesquelles sa voix était gravée, ses livres et son portrait, un grand portrait en couleurs qu'elle avait rapporté de Pétersbourg. Ce portrait, le père Ignace le contemplait en procédant toujours de la même façon : il commençait par regarder la joue, éclairée sur le tableau, et l'imaginait avec l'égratignure qui griffait la joue de Véra morte, et qu'il n'arrivait pas à s'expliquer. Chaque fois, il réfléchissait aux causes de cette égratignure : si elle avait été faite par le train, toute la tête aurait été fracassée, or la tête de Véra morte était intacte.
Il est issu de l'édition José Corti, traduction de Sophie Benech. Je ne sais pas s'il y en existe une autre (certaines nouvelles ont été publiées chez d'autres éditeurs, je ne sais pas si la traduction est la même).
J'aime bien ce petit extrait de la version anglaise.
Je vais en profiter pour recopier l'extrait sur le thread/fil de l'auteur. En répondant à la suite peut-être d'autres membres pourront apporter des éléments. ... Et quelques mots d'intérêt pour l'auteur seront toujours les bienvenus !
Bon courage et à bientôt j'espère,
animal
Alejandro González:
Bonjour animal,
Merci pour votre réponse rapide. Vous savez? C'est un fragment trés difficile à traduire dés qu'on a décidé que la nouvelle s'apelle "Le silence". Dans la nouvelle, ce n'est pas du silence dont il s'agit, mais du mutisme. En russe il y a deux mots pour ça, le silence involontaire et le silence volontaire. Dans ce paragraphe, l'auteur même est explicite et marque la différence. La nouvelle est connue como "Silence", "Le silence", "Il silenzio", "El silencio" en Occident, mais ce ne pas le sens que veut exprimer Andreïev. Je vois que Sophie Benech a vu le problème et a essayé d'offrir une solution. Ça c'est bon. Vers l'espagnol, j'ai traduit la nouvelle comme "Mutismo", pas comme "Silencio". Une traductise française -Hélène Henry- m'a dit que ce serait la meilleure solution, mais que, á différence de l'espagnol, en français le mot "Mutisme" ne marche pas, c'est un technicisme. Voilà.
Ma version de ce paragraphe: "Desde el día del entierro en la pequeña casita reinó el mutismo. No era silencio, porque el silencio es tan solo la ausencia de sonidos; era mutismo: cuando todos los que callan podrían hablar pero no quieren hacerlo."
A bientôt!
Alejandro
animal:
Mes livres ne sont pas tous rangés mais ils se retrouvent facilement !
Malheureusement l'espagnol fait partie des langues qui m'échappent... je me contente du français et de l'anglais.
Je n'ai pas de souvenir précis de la nouvelle mais en se rapportant au titre (effectivement "Mutisme" aurait paru maladroit), le fait de passer de "silence", qui est plus un état, au pourquoi de ce silence implique une progression ou une "découverte" de la part du lecteur, ou un geste. je pense que ça "colle" avec nos habitudes. Mutismo fait plus penser à un traumatisme (pour un francophone uniquement), c'est intéressant comme différence d'approche.
Je pense que la question intéresserait certains lecteurs d'Andreiev !
A bientôt,
animal
Alejandro González:
Oui! C'est justement ça ce que m'a dit Hélène: mutisme fait penser à un traumatisme.
Et comment a traduit Benech la suivante phrase: "Father Ignaty looked round, cast a glance at the cloudless desert sky, in which the red-hot disc of the sun hung suspended in perfect immobility—and then only did he become conscious of that profound stillness, like nothing else in the world, which holds sway over a cemetery, when there is not a breath of wind to rustle the dead leaves. And once more the thought came to Father Ignaty, that this was not stillness, but silence"?
C'est vers la final de la nouvelle. Ici c'est difficile, une fois de plus, rendre la différence entre "stillness" et "silence". Ce sont les mêmes mots d'avant.
Merci d'avance! (Ça fait plaisir trouver des personnes qui aiment Andreïev).
A bientôt!
animal:
là encore la réponse ressemble à un drôle de jeu d'équilibres :
Citation :
le père Ignace regarda autour de lui, jeta un coup d’œil au ciel vide et sans nuage où brûlait, parfaitement immobile, le disque du soleil, et c'est seulement alors qu'il perçut ce silence profond, à nul autre pareil, qui règne dans les cimetières quand il n'y a pas de vent et que les feuillages engourdis ont cessé de bruire. Une fois de plus, il se dit que ce silence n'était pas un silence ordinaire.
Très intéressant de lire les dilemmes et difficultés d'un traducteur : comment traduire sans être littéral et ennuyeux, mais sans trahir l'auteur non plus ? Passionnant jeu d'équilibriste… Et au passage, j'ai envie de découvrir Andreïev, maintenant.