Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Marcel Proust

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Marko
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Marko


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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyLun 20 Fév 2012 - 23:52

Je reprends cet échange entamé sur un autre fil. On pourra en débattre plus facilement:

Constance a écrit:
Mais, si je m'adresse aux livres plutôt qu'aux établissements de nuit, je ne vois encore que fausses révélations. Tout, ici comme là, se trouve transposé. On truque.
Que Proust par exemple ait fait d'Albert une Albertine, voilà qui m'engage à douter de l’œuvre entière et à nier certaines découvertes qui m'y furent présentées chemin faisant. Bien que l'auteur m'ait paru assez peu soucieux des bienséances et libre d'entraves conventionnelles, il m'est difficile de le croire préoccupé de la seule étude entreprise. Il s'est souvenu des règles de la civilité puérile et honnête et, par la faute de sa mémoire policée, la transposition combinée enlève à son oeuvre le plus fort de l'action qu'elle eût dû avoir.
Au reste il faut bien dire à la louange de l'auteur que son subterfuge ne saurait guère nous abuser, mais si nous devinons la vérité ou tout au moins une partie, si nous sommes en mesure d'affirmer qu'Albertine était un garçon, l'identité des autres sexes, de ce fait, ne nous apparaît plus certaine. Cette tricherie tue notre confiance.
Proust, dira-t-on pour sa défense, ne fut pas le seul à user de telles précautions oratoires. Et certes, je puis vous citer l'exemple de ce jeune homme bien élevé qui, désireux de rendre hommage aux compagnons de ses nuits, essaya d'écrire un livre, et parce qu'il ne pouvait s'empêcher d'y chanter tout au long un hymne de reconnaissance au mâle, prêta ses propres aventures à une femme, qu'il fit marquise, fort belle et de cuisse folle.
(p.64-65)


"Mon corps et moi" de René Crevel (Pauvert)

bix229 a écrit:
D' accord avec Crevel. La manière dont Proust traite de l' homosexualité à travers le baron de Charlus m' a beaucoup étonné.
On a l' imprerssion que Proust prend de la hauteur et de la distance avec son sujet et son personnage et meme qu' il les caricature... Possible qu' il l' ait fait pour contourner le contexte de l' époque et ne pas s' impliquer lui meme, mais quand meme, c' est genant.

"Il s' est souvenu des règles de la civilité puerile et honnète, et par la faute de sa mémoire policée", l' histoire est faussée déjà par cette transposition des sexes dans le cas d' Albert/Albertine" transposition qui, comme le souligne Crevel , ne trompe vraiment personne...

Peut etre craignait-il de choquer les vivants et sa mère ? Pourtant il ne s' est pas gené pour écorcher les milieux snobs et mondains qu' il connaissait parfaitement...

J'avais manqué votre échange...

Je ne suis pas d'accord avec Crevel et je trouve sa vision trop limitée. Je regrettais moi aussi au départ cette frilosité de Proust (Lâcheté? Soucis de la pérennité de son oeuvre face à la censure?) n'osant pas exprimer clairement son désir envers les hommes en se réfugiant derrière un narrateur hétérosexuel. Et adoptant également un regard a priori à la limite du mépris concernant ses semblables. Mais quand on a une vision d'ensemble de la Recherche (j'y suis presque) cet a priori tombe.

D'une part un écrivain hétérosexuel peut parfaitement faire le portrait d'une femme et de ses désirs comme d'un homosexuel et de ses amours. Et un homosexuel celui d'un homme aimant les femmes. Le narrateur de La Recherche s'appelle Marcel, il est Proust mais il est aussi un autre, plusieurs autres même en fonction des âges qu'il traverse. La Recherche n'en est que plus riche, ouverte, pleine de ces "intermittences" qui font la nature humaine et la réalité mouvante qui nous entoure. L'imaginaire y a autant de place que la réalité qu'elle transfigure.

L'homosexualité (ou la bisexualité) n'est pas plus caricaturée que l'hétérosexualité. Elle est montrée dans toute sa variété comme sont montrées toutes les grandeurs et bassesses des hommes et des femmes en général. De tous milieux sociaux, de toutes sensibilités. Charlus est un personnage extraordinaire, à la fois sublime et grotesque, histrion mais aussi capable de mille changements et nuances. Prédateur et amoureux transi, cynique et généreux, narcissique et dans l'auto-dérision. Il doit beaucoup au Vautrin de Balzac. Le narrateur l'admire infiniment malgré toutes ses manies. Il a des scènes ridicules et des morceaux de bravoure. C'est un esthète vieillissant fasciné par la beauté et qui cache ses frustrations derrière une attitude narcissique et provocante. Il est aussi lucide sur tous ces artifices sociaux et en joue avec brio.

Dire que "cette tricherie tue notre confiance" me semble traduire une vision bien restreinte de ce que Proust nous propose.

Et pour conclure, non seulement l'homosexualité n'est pas uniquement présentée comme quelque chose de honteux ou de dégradant mais l'une des plus belles histoires d'amour (à sens unique mais elles le sont toutes) est peut-être celle entre Charlus et Morel que les Verdurin s'efforcent de détruire. Elle est faite de manipulation, d'emprise, d'intérêts respectifs mais elle génère une souffrance authentique chez Charlus qui tombe le masque.


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coline
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyMar 21 Fév 2012 - 18:46

Marko a écrit:
coline a écrit:
C’est un écrivain qui exige beaucoup de son lecteur…Et lorsque ce dernier est « charmé » (ce qui est mon cas maintenant, alors que pendant bien longtemps ses écrits me tombaient des mains), « charmé » dans le sens « séduit, ensorcelé », il accepte, dans un bonheur total, de se soumettre à cette exigence, et de lire non pas une seule fois, mais deux fois, dans le même temps, les 500 pages où pourtant il ne se passe pas grand-chose, en actions je veux dire…Le récit fait la part la plus belle à l’observation, à l’imagination et les émotions du personnage.
C'est époustouflant.

Il faut aussi rappeler que Proust ne raconte rien d'hermétique ou de très complexe à comprendre. Tout est accessible et limpide mais il le fait avec une subtilité, une précision et une richesse tout à fait exceptionnelles. Quelque soit le sujet qu'il développe (l'amour, la jalousie, les rituels mondains, l'art, la mémoire, le temps, le deuil...) il prend le temps de l'observer et de l'analyser en profondeur, autant en poète qu'en philosophe ou en psychologue, pour restituer peu à peu l'expérience mentale et sensorielle d'une vie.

Entièrement d'accord...Rien n'est difficile, rien n'est hermétique...Dense plutôt!..
Alors juste accepter d'accorder le temps à sa lecture, et l'attention toute entière...Mais ce n'est pas si difficile car on est vite entraîné. Tous les détails, toutes les précisions, sur tout, tout est intéressant...
Sa maîtrise de la phrase extrêmement longue, en virtuose , me fascine...Mais c'est tellement banal de le dire...

Pour participer à la discussion dans le post précédent, je ne suis pas assez avancée dans ma lecture de A la recherche...
Toutefois, elle me renvoie à Aziydé de Pierre Loti. clic!






Dernière édition par coline le Mar 21 Fév 2012 - 22:58, édité 1 fois
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tina
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyMar 21 Fév 2012 - 20:11

Bon, à vous lire tous les jours, j'ai envie de m'y replonger. Je n'ai pas fini le cycle.

En plus de tout ce que vous dites, il a un sacré sens de la formule, avec un fond toujours bien pensé.

Une phrase très vraie (entre beaucoup d'autres !) : dans la vie, il y a 2 sortes de personnes intéressantes, celles qui savent tout et celles qui ne savent rien !

Cela étant, on rencontre plus facilement la seconde catégorie, surtout en 2012, en France, dans un pays où on estime que les étudiants de Sciences Po peuvent s'asseoir sur la culture générale. (déjà qu'avec...)



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Marko
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyLun 12 Mar 2012 - 15:59

La prisonnière
marcel proust - Marcel Proust - Page 8 41gdj011

La Prisonnière est un diamant noir dans toute La Recherche dont il m'a semblé le sommet par la convergence des principales thématiques, la concision du récit sur quelques jours, la finesse d'analyse de cette relation d'emprise et de possession amoureuses, les digressions sublimes sur la musique de Wagner, sur Dostoïevski (des pages exceptionnelles sur les personnages féminins dans les oeuvres de l'auteur russe), sur Vermeer qui réactivent chez le narrateur un besoin d'absolu et de créativité. C'est aussi un roman du deuil, hanté par la mort, qui annonce le délitement progressif de tout l'édifice à travers la mort de Bergotte face au tableau de Vermeer, la chute de Charlus dont l'amour pour Morel est brisé par les Verdurin, l'autodestruction du couple formé par Albertine et le narrateur qui s'appelle désormais clairement Marcel.

On comprend également à la lecture de ce somptueux roman la manière dont toute l'oeuvre de Proust a été conçue. Il en donne lui-même les clés indirectement en décrivant la musique de Wagner dans des pages sidérantes de poésie. Car toute la Recherche apparaît finalement comme un opéra wagnérien dont les leitmotive s'entremêlent de façon cyclique comme autant de réminiscences qui trouvent des échos au cours des différentes époques. On retrouve les mêmes situations, les mêmes motifs qui s'éclairent différemment en fonction de l'angle sous lequel ils sont présentés mais aussi de la plus ou moins grande maturité du narrateur. Le style même de l'écriture épousant ces flux et reflux musicaux qu'on retrouve dans les oeuvres de Wagner qui a créé la musique continue comme Proust semble chercher une écriture qui n'aurait pas de fin.

En jouant cette mesure, et bien que Vinteuil fût là en train d’exprimer un rêve qui fût resté tout à fait étranger à Wagner, je ne pus m’empêcher de murmurer : « Tristan », avec le sourire qu’a l’ami d’une famille retrouvant quelque chose de l’aïeul dans une intonation, un geste du petit-fils qui ne l’a pas connu. Et comme on regarde alors une photographie qui permet de préciser la ressemblance, par-dessus la sonate de Vinteuil, j’installai sur le pupitre la partition de Tristan, dont on donnait justement cet après-midi-là des fragments au concert Lamoureux. Je n’avais, à admirer le maître de Bayreuth, aucun des scrupules de ceux à qui, comme à Nietzsche, le devoir dicte de fuir, dans l’art comme dans la vie, la beauté qui les tente, et qui s’arrachent à Tristan comme ils renient Parsifal et, par ascétisme spirituel, de mortification en mortification parviennent, en suivant le plus sanglant des chemins de croix, à s’élever jusqu’à la pure connaissance et à l’adoration parfaite du Postillon de Longjumeau. Je me rendais compte de tout ce qu’a de réel l’œuvre de Wagner, en revoyant ces thèmes insistants et fugaces qui visitent un acte, ne s’éloignent que pour revenir, et, parfois lointains, assoupis, presque détachés, sont, à d’autres moments, tout en restant vagues, si pressants et si proches, si internes, si organiques, si viscéraux qu’on dirait la reprise moins d’un motif que d’une névralgie.

La musique, bien différente en cela de la société d’Albertine, m’aidait à descendre en moi-même, à y découvrir du nouveau : la variété que j’avais en vain cherchée dans la vie, dans le voyage, dont pourtant la nostalgie m’était donnée par ce flot sonore qui faisait mourir à côté de moi ses vagues ensoleillées. Diversité double. Comme le spectre extériorise pour nous la composition de la lumière, l’harmonie d’un Wagner, la couleur d’un Elstir nous permettent de connaître cette essence qualitative des sensations d’un autre où l’amour pour un autre être ne nous fait pas pénétrer. Puis diversité au sein de l’œuvre même, par le seul moyen qu’il y a d’être effectivement divers : réunir diverses individualités. Là où un petit musicien prétendrait qu’il peint un écuyer, un chevalier, alors qu’il leur ferait chanter la même musique, au contraire, sous chaque dénomination, Wagner met une réalité différente, et chaque fois que paraît un écuyer, c’est une figure particulière, à la fois compliquée et simpliste, qui, avec un entrechoc de lignes joyeux et féodal, s’inscrit dans l’immensité sonore. D’où la plénitude d’une musique que remplissent en effet tant de musiques dont chacune est un être. Un être ou l’impression que nous donne un aspect momentané de la nature. Même ce qui est le plus indépendant du sentiment qu’elle nous fait éprouver garde sa réalité extérieure et entièrement définie ; le chant d’un oiseau, la sonnerie du cor d’un chasseur, l’air que joue un pâtre sur son chalumeau, découpent à l’horizon leur silhouette sonore. Certes, Wagner allait la rapprocher, s’en saisir, la faire entrer dans un orchestre, l’asservir aux plus hautes idées musicales, mais en respectant toutefois son originalité première comme un huchier les fibres, l’essence particulière du bois qu’il sculpte.


La Prisonnière est donc une nouvelle variation sur le désir et l'enfermement symbolique qu'il génère (Albertine n'est pas littéralement emprisonnée mais retenue captive mentalement par la jalousie grandissante du narrateur) mais il va encore plus loin que dans "Un amour de Swann" ou que dans son récit antérieur de ses amours avec Gilberte.

Marcel imagine à tort ou à raison l'infidélité d'Albertine avec d'autres femmes. Cette "réalité" échappant constamment à l'analyse rationnelle, se dérobant au fur et à mesure qu'il découvrira des pans d'informations qui lui manquaient. L'autre reste à jamais une énigme et les intentions qu'on lui prête peuvent se révéler autant conformes qu'opposées à ce qui a été fantasmé à son sujet. Au risque de tout briser par méprise. De la même façon qu'on découvre au fur et à mesure de La recherche que chaque personnage qu'on semblait avoir bien circonscrit et maîtrisé dans ses diverses caractéristiques comportementales ou morales nous apparaîtra progressivement autre, surprenant dans ses choix et orientations souvent imprévisibles. Tout est fugace et changeant alors même que certains évènements semblent se rejouer à l'infini. C'est vertigineux.

A l'arrivée Albertine aura "disparu". Et le volume suivant nous montrera l'envers du décor en même temps qu'il sera un formidable roman du deuil amoureux.

marcel proust - Marcel Proust - Page 8 Vermee10

Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu’il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu’il ne se rappelait pas) était si bien peint, qu’il était, si on le regardait seul, comme une précieuse œuvre d’art chinoise, d’une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l’exposition. Dès les premières marches qu’il eut à gravir, il fut pris d’étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l’impression de la sécheresse et de l’inutilité d’un art si factice, et qui ne valait pas les courants d’air et de soleil d’un palazzo de Venise, ou d’une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer, qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. » Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l’un des plateaux, sa propre vie, tandis que l’autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu’il avait imprudemment donné le premier pour le second. « Je ne voudrais pourtant pas, se disait-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition. »
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyJeu 15 Mar 2012 - 23:27

J'ai terminé La Recherche du temps perdu... Je me sens un peu triste tellement cette expérience de lecture sur quelques mois a été incroyablement intense. Presque comme si j'avais perdu un ami proche. Partager les réflexions et les sensations d'un homme d'une telle richesse intérieure transforme la perception qu'on a du monde et des autres. Je connais peu de lectures qui aillent aussi loin dans la compréhension de ce qui anime l'esprit humain, de nos émotions, de nos rituels sociaux, de nos fantasmes, de notre rapport au réel. Un livre océan qui montre que l'art est la seule façon de retrouver le temps perdu, d'en rendre toutes les nuances, de transcender le réel tout en le restituant avec la plus grande acuité et la plus juste vérité. Mais je me console en me disant qu'il est d'une telle densité que je pourrai le relire plusieurs fois en y trouvant à chaque fois des richesses nouvelles. En refermant ce livre on a le sentiment d'avoir embrassé toute une vie dans ses multiples dimensions. C'est sublime. Tout va me paraître bien fade à côté même s'il y a heureusement beaucoup d'autres immenses écrivains. Mais Proust... quand même! C'est quelque chose drunken

Je reviendrai terminer mes posts sur Albertine disparue et Le temps retrouvé. J'espère vous lire aussi bientôt sur ce fil et me replonger avec vous dans cette merveille pour en discuter.

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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyVen 16 Mar 2012 - 14:50

Quelle belle déclaration d'amour à un auteur!...Proust aimerait sûrement aussi te lire Marko! content


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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyVen 16 Mar 2012 - 21:03

Magnifique hommage Marko.. Il faut toujours un certain temps d'adaptation lorsque l'on sort d'un livre qui nous a tant touché, et encore plus d'une oeuvre... Un ami à moi a fini la Recherche dont il avait fait la lecture sur quelques années et il a ressenti exactement le même sentiment que toi ! Pour l'instant je n'ai lu que "Du côté de chez Swann" mais c'était suffisant pour se rendre compte que Proust a vraiment une prose tout à fait unique, et ses descriptions de la psychologie humaine, des atmosphères aussi, sont vraiment extraordinaires. Bon courage pour ta "cure de desintox" proustienne sourire
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptySam 17 Mar 2012 - 11:05

C'est sûr qu'il m'a bien envoyé dans la stratosphère! Quand on pense que Gide avait d'abord refusé le manuscrit de Du Côté de chez Swann. Il s'est heureusement bien rattrapé ensuite.
marcel proust - Marcel Proust - Page 8 Temps-10


J'ai regardé le film de Raoul Ruiz "Le temps retrouvé" hier soir. Je me demandais comment il allait s'en sortir et je trouve son approche géniale. J'y reviendrai plus en détail sur le fil du réalisateur mais, en gros, malgré le titre choisi le film n'est pas une adaptation du dernier volume de La Recherche mais bien un kaléidoscope sidérant qui sur 2h30 nous immerge dans les réminiscences du narrateur comme du lecteur de Proust qui se souviendrait de tout ce qu'il vient de lire comme autant de fragments qui s'entremêlent, se superposent, fusionnent réalité et fantasmes de façon surréaliste... Je pense que ce film sera indigeste pour quelqu'un qui n'a pas lu le roman mais comme j'en sors à peine c'est assez vertigineux. Il suit vraiment le flux de la pensée et du souvenir, on retrouve tous les éléments essentiels qui composent l'oeuvre, de l'anecdote aux digresssions symboliques, avec une intelligence et une connaissance de l'ensemble stupéfiantes. On voit ce que son chef d'oeuvre ultérieur "Les mystères de Lisbonne" doit à La recherche. Evidemment les acteurs et situations ne correspondent pas forcément à mon propre imaginaire mais je suis facilement entré dans cette ronde hallucinante qui à l'arrivée me semble avoir parfaitement restitué l'univers de Proust à défaut de son écriture même s'il y a de nombreuses citations. ça reste du cinéma et du très bon malgré le côté musée Grévin propre à Ruiz mais qu'il arrive à faire vibrer. Un sacré boulot et un drôle de trip mental!
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptySam 17 Mar 2012 - 12:56

c'est intéressant, je n'aurais pas cru possible d'adapter Proust au cinéma !
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptySam 17 Mar 2012 - 14:38

krys a écrit:
c'est intéressant, je n'aurais pas cru possible d'adapter Proust au cinéma !

C'est possible à condition de le traiter d'un point de vue cinématographique et de ne pas vouloir l'illustrer littérallement et chronologiquement. Car aucun film ne pourra jamais rendre la complexité et la richesse de sa prose et de sa construction. Par contre l'approche de Raoul Ruiz est intéressante parce que tout en restant du pur Raoul Ruiz il a réussi à trouver un équivalent visuel à ce flot de mémoire circulaire avec ces obsessions récurrrentes qui trouvent des incarnations successives comme autant de variantes à la fois semblables et dissemblables. Ruiz fait par exemple se rencontrer le narrateur enfant et le narrateur adulte, il fusionne le temps d'un plan les visages d'Albertine, d'Odette et d'Andrée lorsque Gilberte apparaît à l'écran dans une séquence. Et c'est formidable parce que Proust suggère lui-même que ces femmes tout en étant différentes sont la répétition d'un même schéma du désir, de la jalousie, de la frustration et de l'illusion amoureuse. Elles sont une. Et tout est comme ça. Il reprend l'épisode de confusion autour de la signature de Gilberte que le narrateur confond avec celle d'Albertine et il va même jusqu'à jouer avec les mots en faisant apparaître le mot "libertinage". Il y a quelque chose de psychanalytique, de lacanien même par moment avec ce jeux de métaphores et de métonymies. C'est très pertinent à mon sens et on est complètement absorbé dans une spirale qui brouille les limites du réel et de l'imaginaire. En plus la musique écrite par Jorge Arriagada, compositeur contemporain qui a beaucoup travaillé avec Ruiz, est un savant mélange de citations musicales subtilement déformées. On reconnait Ravel, Wagner, Debussy... ça reste Proustien dans cette façon de citer des oeuvres existantes mêlées à des musiques imaginaires. Ruiz va donc très loin dans son traitement de l'univers proustien.


Ou alors il faut faire comme Chantal Akerman dans La Captive. Elle reprend "La Prisonnière" dont elle fait un film mental et abstrait sur l'obsession amoureuse. La réalité se dérobe sans cesse et on ne saura jamais si Albertine était ou non lesbienne, si elle était ou non infidèle... Tout est fantasmé par le narrateur et c'est exactement comme ça dans le roman. Le film fait presque penser aux tableaux de Paul Delvaux.

A noter que le film Le temps retrouvé était devenu difficile à trouver en version française (d'origine) non sous-titrée. Mais la FNAC vient de sortir un coffret de 10 films de Ruiz avec Le temps retrouvé...
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptySam 17 Mar 2012 - 14:57

Petite question que se pose Burnside par le truchement d'un de ses personnage: Proust aimait il pratiquer le minigolf?
"Peut être que Marcel Proust s'éclipsait de sa chambre tapissée de liège pour aller faire quelques parcours de minigolf aux Tuileries ou là où ça se pratique à Pais. Quand n y pense, c'est une assez belle image: Marcel Proust en redingote et chapeau haut-de-forme, sur la piste de minigolf, tôt le matin, quand il n'y a personne d'autre, en train de s'adonner à son vice secret. Peut être qu'il faisait quelques parcours avec Gustave Flaubert, ou André Gide."
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptySam 17 Mar 2012 - 16:10

Igor a écrit:
Petite question que se pose Burnside par le truchement d'un de ses personnage: Proust aimait il pratiquer le minigolf?
"Peut être que Marcel Proust s'éclipsait de sa chambre tapissée de liège pour aller faire quelques parcours de minigolf aux Tuileries ou là où ça se pratique à Pais. Quand n y pense, c'est une assez belle image: Marcel Proust en redingote et chapeau haut-de-forme, sur la piste de minigolf, tôt le matin, quand il n'y a personne d'autre, en train de s'adonner à son vice secret. Peut être qu'il faisait quelques parcours avec Gustave Flaubert, ou André Gide."
C'est pas mal! Je me souviens de ce passage et d'ailleurs le début du roman est un peu proustien. Ce prologue hors du temps dans le Glister.
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyMer 28 Mar 2012 - 23:06

La prisonnière me semble le sommet de La Recherche. Le roman devait s'appeler "La Captive" et se poursuivre par "La fugitive" qui est devenu Albertine disparue. 2 titres non pas faux mais trompeurs dans la mesure où ils peuvent s'entendre de plusieurs façons (disparue comme fugitive ou comme morte? C'est de toute façon un roman du deuil). De la même façon que le narrateur se méprend sur ses interprétations névrotiques et perçoit la réalité à travers le prisme de ses fantasmes. Toute la Prisonnière se lit comme une fantasmagorie mortifère qui est en même temps le moment où Marcel touche au plus près de son désir de création. Et ces instants où il suggère cet appel au sublime à travers le septuor de Vinteuil qui le ramène à Wagner sont d'une force littéraire sidérante. En même temps qu'il détruit l'amour il accède à l'art. Quel désenchantement!

Sa "maladie" est probablement une trop grande et dérisoire lucidité. Il la transforme en œuvre d'art et c'est toute la beauté de ce roman.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyJeu 29 Mar 2012 - 10:18

Et l'asthme de Proust... les maux des grands artistes comme source de création est un thème aussi passionnant (la surdité de Beethoven, la dépression de Bartok, le bras handicapé de Steiner, la cécité de Borgès, l'alcoolisme de Poe ont sans doute eu une influence particulière sur leur manière de voir, vivre, entendre le monde, leur monde et de le restituer...).
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Marko
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MessageSujet: Re: Marcel Proust   marcel proust - Marcel Proust - Page 8 EmptyJeu 29 Mar 2012 - 10:35

Oui tu as raison. L'epilepsie de Dostoievski, la bipolarité de Virginia Woolf et de bien des créateurs d'ailleurs. Le syndrome d'Asperger potentiel de Glenn Gould. Et donc cet asthme grave de Proust qui l'isolait du monde et le plaçait en position de contemplation du monde extérieur. Son écriture laisse d'ailleurs à bout de souffle pour peu qu'on la lise à voix haute.
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Marcel Proust
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