Gus Van Sant

Restless.



Ce qui me rassure dans ce film, c'est qu'il est plus proche de ce que j'aime trouver dans les œuvres de GVS que Harvey Milk. Certes je n'ai pas été bouleversifiée, mais tout de même, cette légèreté, ce flou, ce côté ludique et enfantin c'est vraiment très bien mené. Et heureusement, sinon on aurait viré dans le pathos et le mélodrame, et là, ça aurait pu être tendu.

Comme d'habitude, GVS filme très bien les corps en attente, immobile, ou mouvant, mais qui semblent toujours prisonniers d'un cadre (parfois leur propre corps). La parenthèse sur leurs vêtements est vraiment très bien trouvée. Et de "faire le mort" aussi.

Les acteurs sont vraiment lumineux, c'est vrai que ça manque de place pour les seconds rôles. Alors que la scène entre les deux sœurs triant les bonbons tout en parlant de garçons, est vraiment parfaite.
Et c'est là, le principal problème du film, plein de moments vraiment parfaits (la scène à se poursuivre dans la forêt, la peur, puis le havre de paix, la cabane, l'amour, le matin sous la pluie accrochés l'un à l'autre), des images magnifiques, des dialogues impeccables et une musique qui colle à merveille, et puis... plouf des moments d'ennui, d'attente, de mise en veille. Mais ça avance, c'est doux, c'est poétique, ça fait du bien (ça me fait un peu penser au film Dream de Kim Ki-duk).

Quoiqu'on en dise, GVS reste toujours dans l'un de ses thème : la jeunesse face à la mort, et parvient à nous montrer un autre regard, avec un peu plus d'espoir (non mais la scène finale !! Le sourire des souvenirs d'Enoch. C'est tellement, mais Tellement Parfait !)

Citation :

Le sourire des souvenirs d'Enoch. C'est tellement, mais Tellement Parfait !)

Tout à fait d'accord avec Queenie! J'ai beaucoup aimé ce film qui parvient à être si léger et si doux à partir d'un sujet si plombant. Ceci beaucoup grâce à cette merveilleuse jeune fille interprétée par Mia Wasikowska , son goût du jeu ( ils jouent même à l'agonie ..), sa vitalité constante, sa tendresse très féminine et presque maternelle pour ce garçon qui n'a pas pu faire le deuil de ses parents.
Sorti en DVD.

Promised Land

Citation :

Steve Butler, représentant d’un grand groupe énergétique, se rend avec Sue Thomason dans une petite ville de campagne. Les deux collègues sont convaincus qu’à cause de la crise économique qui sévit, les habitants ne pourront pas refuser leur lucrative proposition de forer leurs terres pour exploiter les ressources énergétiques qu’elles renferment.

Avec un sujet tournant autour du gaz de schiste, il est cruel que Promised Land manque autant d'énergie ! Que ce soit le genre de thème "engagé" qui intéresse au plus haut point Matt Damon, c'est une évidence. Mais pour ce qui est de Gus van Sant, le doute est plus que permis tant il a du mal à donner une âme à ce plaidoyer poussif pour les vraies valeurs de la ruralité face aux grands groupes industriels aux dents acérées et aux méthodes douteuses. Le scénario écrit par l'acteur n'est pas mauvais, il est simplement trop prévisible, moralisateur et bien lâche par endroits. Le twist en fin de parcours est astucieux mais précipite un dénouement angélique et consensuel doublé d'une intrigue sentimentale pas vraiment indispensable. L'interprétation de Matt Damon, Frances McDormand et Rosemarie DeWitt sauve en partie la mise de cette oeuvre politiquement correcte qui ne fait que survoler de vrais enjeux d'avenir.

Exactement ce à quoi je m'attendais d'où l'évitement.

Promised Land

Bon. Gus. Fait. Encore. N'importe. Quoi.

Le film écolo moralisateur, avec amourettes, petit côté socio-économique de la mère célibataire loin de son mioche et du mec qui a peur de perdre son job, et la fin toute gentillette histoire de retomber sur ses pieds... A quoi ça sert ?

GVS filme les paysages de trouducul du monde avec une sorte de distance aérée faite de clichés et d'images convenues (merci les panneaux publicitaires, les néons et les enseignes des magasins. Merci les grands champs tout plat à perte de vue). ça fait sourire pour le côté bouseux d'Amérique, mais ça ne va pas plus loin.

Les acteurs se dépatouillent pas trop mal. Avec ce jeu qui ne s'en donne pas l'air pour avoir le naturel du voisin d'à côté. Les personnages principaux, civilisés, propres, souriants et ouverts d'esprits, sont beaux, avec des dialogues espiègles et fins, et une image qui nous donnerait envie de s'en faire des potes.
Les personnages secondaires sont crapotaux (mais pas tant que ça non plus, pour des fermiers, agriculteurs... pas un pouce de bout ne traîne, ils ont tous l'air d'avoir tout juste acheté leur stock de chemise en flanelles), le regard méfiant, le sourire moqueur et la vanne facile. On a envie de les claquer et de les laisser moisir.

Voilà. Psychologie à deux sous. Merci Gus. Merci Matt. Le monde est blanc ou noir, suffit de choisir son camp.

Un film plutôt mou, qui se regarde comme une vache regarde passer les trains. Tranquillement, sans cahot, en ruminant ses KitKat ball.

Ah, la vanne des chevaux miniatures à répétitions est drôle !
D'ailleurs, quasiment tous les passages avec Frances McDormand sont excellents. Si elle n'avait pas été là, le film sombrait carrément dans l'obscur de l'ennui profond.
Merci Frances !




Quelquefois, je me suis tout de même demandée si GVS et Matt Damon n'avait pas tenté de faire un film légèrement moqueur ou pied-de-nez par rapport aux films écolos habituels : mais ces petits détails à contresens (le personnage qui choisit sa carrière, l'histoire d'amour qui capote, le passage obligé de la chanson mal chantée, la kermesse sous la pluie...) ne sont pas exploités jusqu'au bout, et je ne suis pas très sûre de ce qu'ils signifiaient au fond.


Le petit twist final surprend, et donnerait presque envie de rehausser la note, malheureusement étouffé très rapidement dans une fin mélo-morale.

J'avais cru entendre - dans Le Masque ? - que Matt Damon comptait réaliser le film lui-même. Je ne sais pas pourquoi il ne l'a pas fait. Tout ça pour dire que ça peut expliquer le manque d'enthousiasme de Gus Van Sant ?

L'affiche me fait furieusement penser à celle de Take Shelter...

Promised land

Comme vous, j'ai été déçu. Il y a du savoir-faire mais la démonstration est paresseuse. La mise en scène manque de conviction pour représenter autre chose qu'un débat d'idées un peu manipulateur : les décors, les personnages sont secondaires et les péripéties se suivent sans passion.
C'est donc un Van Sant très mineur même si je ne me suis pas ennuyé. Le rebondissement final est d'abord étonnant, sans parvenir à corriger une impression d'ensemble : le discours sur les contraintes économiques n'est pas exempt de clichés et Matt Damon s'empare du beau rôle.
On attend donc un autre projet en espérant plus de réussite.

Manque de conviction de GVS ? Je ne sais pas... Il est producteur du film lui aussi.
Il doit être attaché à certains sujets socio-politiques (Harvey Milk) mais ne les réalise pas bien. Écrasé par le poids conventionnel du genre ? Par l'envie de faire passer un discours plutôt qu'une œuvre ?

WILL HUNTING _1997
Le film présente la vie tumultueuse d'un génie, Will Hunting, sur deux tableaux : sa relation amoureuse et son orientation professionnelle. Ses capacités intellectuelles ne sont pas mises à profit (il est balayeur) ; sa vie sociale est mouvementée : avec sa bande, il cherche régulièrement la bagarre, en passe plusieurs fois par les tribunaux, et termine en prison. Will a donc plusieurs chantiers à régler dans sa vie, qu'il le veuille ou non.

La maturité ne s'apprend pas dans les livres, mais résulte de l'expérience, ce dont Will Hunting manque cruellement, du haut de ses 20 ans : c'est la claque qu'il prend, du psychologue Sean Maguire (Robin Williams). Ce dernier a réussi à passer outre ses provocations, contrairement aux autres psychologues que Will a ridiculisé. Sean lui démontre qu'il n'est encore qu'un gamin, et lui fait comprendre tout le chemin qu'il a encore à parcourir : ce qu'est l'Amour ("Quand on aime l'autre plus qu'on ne s'aime soi-même"), l'amitié éprouvée ("tu n'as jamais connu la guerre, tu n'as jamais tenu ton meilleur ami, jusqu'à son dernier souffle"), l'expérience des voyages ("Tu n'es jamais sorti de Boston ?").

En parallèle, il commence une relation amoureuse avec une étudiante de Harvard, et gère les moments délicats : la présenter à ses amis, discuter de l'avenir.
Son orientation professionnelle n'est pas aisée non plus : malgré ses capacités, ce qui lui est proposé ne lui plait pas (le travail à la N.S.A.) Le monologue est édifiant [image]

Will va affronter et vaincre ses peurs avec ce psychologue parce que ce dernier a lui-même des caps à franchir (faire le deuil de sa femme). Ils se reconstruisent avec l'aide de l'autre, Sean en lui montrant son immaturité, Will en faisant remarquer qu'ils partagent une même anxiété, celle de s’engager, en paraphrasant ses arguments : "Je trouve ça super comme philosophie, Sean, c’est vrai, ça vous permettra de vivre le reste de votre vie sans jamais avoir à connaître personne". Il est question de poser les problèmes sur la table, d’avoir la force de mettre des mots sur les problèmes. Une fois les bonnes questions posées, les zones d’ombre mises à jour, les décisions sont plus faciles à prendre : Will plaque tout (ses amis, ses opportunités de travail) et s'en va rejoindre la fille, et Sean se propose de refaire des rencontres amoureuses. Pour les deux, le film se termine sur la même réplique : « j’avais une fille à voir ».

Ce qui m'avait frappé dans ce film aux allures de film d'apprentissage hollywoodien classique, c'était le sous-texte étonnant de désirs croisés entre les personnages masculins. Ces profs se disputent presque les faveurs de ce jeune homme et on peut même s'interroger sur la nature du lien qui les unissait par le passé. Cela donne une tension souterraine qui enrichit ce film qui serait sinon trop lisse et conventionnel. Dans mon souvenir Matt Damon et Ben Affleck, les scénaristes, avaient écrit une scène de sexe homo qui a ensuite été éliminée au tournage par crainte de la censure ou plutôt pour laisser l'ambiguïté planer sur ce film que chacun peut voir comme il veut. Mais la vraie signification de ce qui se joue entre les personnages me paraît résider dans ce jeu de désirs.

Une scène d'homo ?! Tous les personnages sont hétéro dans le film ; une scène homo entre qui et qui ?

Casus Belli a écrit:

Une scène d'homo ?! Tous les personnages sont hétéro dans le film ; une scène homo entre qui et qui ?

En fait, c'est amusant, c'était une scène dans le script destinée à savoir si les producteurs lisaient vraiment (si ce que dit Weinstein est vrai, bien sûr)

Citation :

"Every studio wanted the movie, every studio wanted them to be in the movie and make this film," Weinstein said on "The Graham Norton" show earlier this month. "They were young kids, just really starting out, but they had some good roles behind them. They came to my office, and I read the script [before] the meeting, and we walked in and everything was pleasant, and then about 10 minutes into the meeting I said, 'Guys, there's just one thing on the script ... I just have one really big note. About page 60, the two professors give each other oral sex and they're on their knees and this whole big sex scene. What the hell is that? Because the guys are straight, and there's no hint of anything like that ... I don't get that scene.'"

Apparently, the inclusion was a purposeful one.

"They go, 'That's the scene that we wrote to find out whether guys in your job actually read the script, because every studio executive we went to ... no one brought that scene up, or maybe people thought it was a mistake or maybe nobody read it themselves.' They said, 'You're the only guy that brought it up. You get the movie.'"

(source : http://www.huffingtonpost.com/2015/01/30/good-will-hunting-gay-sex-scene_n_6581054.html )

C'est comme pour Spartacus. Il y a plusieurs niveaux de lecture. Je me souviens que ça m'avait frappé ces allusions auxquelles on peut ne pas faire attention en surface. Gus Van Sant joue avec ça et c'est sa petite touche personnelle à une histoire très calibrée. Il suffit de revoir le film avec cette idée en tête et on perçoit un jeu de désirs (en tout cas des 2 enseignants envers Will Hunting). Hétéros ? On dit qu'ils ont des épouses ce qui ne veut pas dire grand chose ! Je pense que le vrai sujet de ce film d'apprentissage est cette ambivalence qui conduit Will Hunting à sortir de ses inhibitions et à assumer une sexualité hétéro qui était encore fragile. Il y est conduit par ces 2 profs qui ont potentiellement été amants par le passé (quelques répliques le suggèrent) et se le disputent non sans jalousie. Mais il faudrait que je le visionne après toutes ces années. Et peut être que je ne retrouverais pas cette vision bien qu'il me semble avoir entendu Gus Van Sant dire des choses en ce sens. Et en relisant à l'instant le bouquin de Lalanne et Bouquet sur GVS, ils confirment mon sentiment en évoquant une sorte d'ange à la "Théorème" qui catalyse tous les désirs. Il y a plein d'autres choses également dans ce film évidemment. A mettre sur ma pile de DVD à voir et revoir !

Franchement, non. Sean Maguire n'est pas homo : il a perdu sa femme, le grand drame de sa vie, et sur la fin du film il se propose même de retenter sa chance avec d'autres femmes. Will ne sait jusqu'où aller avec Skylar, cette fille qu'il a rencontré dans un bar de Harvard. Et la relation entre les deux professeurs est une amitié de longue date, avec ses heurts, depuis qu'ils étaient roomates (ils étaient juste dans la même chambre lorsqu'ils étaient étudiants, le système "roomate" est fréquent dans les universités américaines), l'un reprochant la jalousie du succès de l'autre (la médaille de Fields). Il n'y a nulle trace d'homosexualité. Non, ce qu'ils se disputent, c'est l'avenir de Will : le professeur Lambeau y voit un génie des mathématiques qu'il faut à tout mettre à profit, alors que Sean Maguire le pousse à s'épanouir, professionnellement et sentimentalement. Les deux professeurs ont tous deux la volonté de sortir Will de son ghetto, parce qu'il a du potentiel, ils se disputent sur la voie que Will va prendre, pas ses faveurs. La seule chose qu'ils désirent, c'est l'orienter au mieux.
Et dans l'extrait que eXPie nous montre, il s'agit d'une scène de sexe destinée à voir quel producteur faisait vraiment attention à la logique du script, ils reconnaissent qu'elle n'a rien à faire là, et même le producteur dit "the guys are straight" : ils sont hétéros.
Donc pour conclure, le niveau de lecture où vous y voyez un jeu de désirs homosexuels, je n'y adhère pas le moins du monde.

Je ne l'ai pas revu depuis sa sortie. Peut-être qu'une nouvelle vision infirmera mon impression initiale. J'y ai peut-être projeté mes propres fantasmes à l'époque! Mais certaines analyses du film me font penser que je ne suis pas le seul à avoir perçu ces allusions. Et puis qu'un personnage soit marié et désire des femmes n'exclut pas qu'il soit bisexuel ou que sa jeunesse ait été marquée par des expériences homosexuelles. Parenthèse fermée car j'ai bien compris que ce n'est pas ta vision du film ni les raisons de l'intérêt que tu lui portes