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| Nougaro Claude | |
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+7elena mimi Steven Le Bibliomane Babelle Marie coline 11 participants | |
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Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Nougaro Claude Sam 29 Sep 2007 - 22:42 | |
| J'ai vu qu'il y avait des fils sur des auteurs de chansons/poésie. Je me lance pour l'ouverture d'un sujet sur Claude Nougaro qui musicalement est dèjà génial (il n'était pas compositeur). Mais alors quand on s'arrète sur ses mots c'est de la poésie à l'état pur qui cingle, retentit et suis celui qui les lit longtemps ! Oups, je m'emballe, à moi du moins ça me suit longtemps ! - Citation :
Mai, Mai Mai Paris Mai Mai Mai Mai Paris Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil La Seine de nouveau ruisselle d'eau bénite Le vent a dispersé les cendres de Bendit et chacun est rentré chez son automobile J'ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume mon pas d'oiseau-forcat enchaîné à sa plume et piochant l'évasion d'un rossignol Titan capable d'assumer le Sacre du Printemps. Ces temps-ci j'ai la gorge un peu âcre Le Sacre du Printemps sonne comme un massacre mais chaque jour qui vient embellira mon cri Il se peut que je couve un Igor Stravinsky.... Et son testament poétique "Je voudrais écrire" - Citation :
- J'ai envie d'écrire, mais je ne sais pas quoi
La mort je l'avous me laisse coi. | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Nougaro Claude Lun 1 Oct 2007 - 23:19 | |
| J'ai un peu l'impression de me répondre à moi même, mais je me fais plaisir en pouvant transcrire des paroles touchantes, des mots qui m'ont toujours accompagnés aussi loin que je regarde derrière moi, qui m'accompagnent toujours. Et je crois que la poésie ça doit être ça ! - Citation :
- Aux rendez-vous d'amour
Tout mon temps t'appartient et pour toujours Au rendez-vous d'amis A n'importe quelle heure je suis admis Au rendez-vous d'affaires Quand l'argent est urgent, je croise le fer Il est un rendez-vous pourtant où j'aime aller isolément...
Autour de minuit, je donne parfois rancard A ma bonne étoile, la plus belle des stars Elle est en retard bien sûr
Cette étoile au baiser d'azur Elle est en retard, bien sûr, du fond de ses nuits Mais je l'attends quand même du fond de mon puits... Aux rendez-vous d'amour Tout mon temps t'appartient et pour toujours Au rendez-vous d'amis A n'importe quelle heure je suis admis Au rendez-vous d'affaires Quand l'argent est urgent, je croise le fer Il est un rendez-vous pourtant où j'aime aller isolément...
Autour de minuit, je donne parfois rancard A ma bonne étoile, la plus belle des stars Elle est en retard bien sûr
Cette étoile au baiser d'azur Elle est en retard, bien sûr, du fond de ses nuits Mais je l'attends quand même du fond de mon puits...
Dernière édition par Steven le Ven 5 Sep 2008 - 22:39, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Nougaro Claude Lun 1 Oct 2007 - 23:42 | |
| - Steven a écrit:
- J'ai un peu l'impression de me répondre à moi même, mais je me fais plaisir en pouvant transcrire des paroles touchantes, des mots qui m'ont toujours accompagnés aussi loin que je regarde derrière moi, qui m'accompagnent toujours. Et je crois que la poésie ça doit être ça !
T'inquiète pas...On fait tous l'expérience de se retrouver seul sur un fil...et puis parfois un jour quelqu'un se met à écrire sur ce fil... :) Nougaro, j'aime beaucoup moi aussi...Mais je n'ai pas assez de temps pour l'instant pour m'exprimer sur cette rubrique (comme sur bien d'autres d'ailleurs! :) ) | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Nougaro Claude Mar 2 Oct 2007 - 1:58 | |
| Ah, moi aussi, j'adore Nougaro! Je commence par Armstrong
Armstrong, je ne suis pas noir Je suis blanc de peau Quand on veut chanter l'espoir Quel manque de pot Oui, j'ai beau voir le ciel, l'oiseau Rien rien rien ne luit là-haut Les anges... zéro Je suis blanc de peau
Armstrong, tu te fends la poire On voit toutes tes dents Moi, je broie plutôt du noir Du noir en dedans Chante pour moi, Louis, oh oui Chante chante chante, ça tient chaud J'ai froid, oh moi Qui suis blanc de peau
Armstrong, la vie, quelle histoire? C'est pas très marrant Qu'on l'écrive blanc sur noir Ou bien noir sur blanc On voit surtout du rouge, du rouge Sang, sang, sans trêve ni repos Qu'on soit, ma foi Noir ou blanc de peau
Armstrong, un jour, tôt ou tard On n'est que des os Est-ce que les tiens seront noirs? Ce serait rigolo Allez Louis, alléluia Au-delà de nos oripeaux Noir et blanc sont ressemblants Comme deux gouttes d'eau Oh yeay ! | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Nougaro Claude Mar 2 Oct 2007 - 2:02 | |
| Et La petite fille en pleurs ici Un' petit' fille en pleurs Dans une ville en pluie Et moi qui cours après Et moi qui cours après au milieu de la nuit Mais qu'est-c'que j'lui ai fait ? Une petite idiot' qui me joue la grande scène De la femm' délaissée Et qui veut me fair' croir' qu'elle va se noyer ! C'est d'quel côté la Seine ? Mais qu'est-c'que j'lui ai fait ? Mais qu'est-c' qui lui a pris ? Mais qu'est-c' qu'elle' me reproche ? Lorsque je l'ai trompée, ell' l'a jamais appris C'est pas ell' qui s'approche ? Tu m'aim's vraiment dis-moi Tu m'aim's, tu m'aim's, tu m'aim's, C'est tout ce qu'ell' sait dire En bouffant, en m'rasant, Quand je voudrais dormir Faut lui dir' que je l'aime !
Un' petit' fille en pleurs dans une ville en pluie Où est-ell' Nom de Dieu ! Elle a dû remonter par la rue d'Rivoli J'ai d'la flott' plein les yeux Parc' qu'elle avait rêvé je ne sais quel amour Absolu, éternel Il faudrait ne penser, n'exister que pour elle Chaque nuit, chaque jour Voilà ce qu'elle voudrait. Seulement y a la vie Seulement y a le temps Et le moment fatal où le vilain mari Tue le prince charmant L'amour, son bel amour, il ne vaut pas bien cher Contre un calendrier Le batt'ment de son cœur, la douceur de sa chair... Je les ai oubliés. Où donc est-ell' partie ? Voilà qu'il pleut des cordes Mon Dieu regardez-moi Me voilà comme un con, place de la Concorde ! Ça y est, je la vois Attends-moi ! Attends-moi ! Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime ! | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Nougaro Claude Sam 6 Oct 2007 - 0:08 | |
| Un petit plaisir avant d'aller me coucher : - Citation :
- Occitane, tu as mis dans mon âme
Une ballade irlandaise Féminine comme un colline Une mer vert Véronèse
Occitane, de toute mon âme Du si bémol au do dièse Je destine à qui tu devines Cette ballade Irlandaise
Que ne ferais-je Que ne ferais-je pas pour te séduire La pompe à neige et la pompe à reluire Les sortilèges des rivages les plus nostal nostalgiques Les cornemuses des muses celtiques
Occitane, tu as mis dans mon âme Une ballade irlandaise Féminine comme un colline Une mer vert Véronèse
Trouba troubadour troubadour Sous tes tours je viens faire un tour J'ai mis la plume à mon chapeau Robin de bois à roncevaux C'est comme ça, tu l'as voulu tu l'as...
Occitane, tu as mis dans mon âme Une ballade irlandaise Féminine comme un colline Une mer vert Véronèse Une belle déclaration ! | |
| | | Babelle Zen littéraire
Messages : 5065 Inscription le : 14/02/2007 Localisation : FSB
| Sujet: Re: Nougaro Claude Sam 6 Oct 2007 - 11:25 | |
| Merci! Quel plaisir toujours d'écouter Nougaro! | |
| | | Le Bibliomane Zen littéraire
Messages : 3403 Inscription le : 21/02/2007 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Nougaro Claude Dim 7 Oct 2007 - 12:02 | |
| Il faut tourner la page.
Il faut tourner la page Changer de paysage Le pied sur une berge Vierge Il faut tourner la page Toucher l'autre rivage Littoral inconnu Nu Et là, enlacer l'arbre La colonne de marbre Qui fuse dans le ciel Tel Que tu quittes la terre Vers un point solitaire Constellé de pluriel Il faut tourner la page... Redevenir tout simple Comme ces âmes saintes Qui disent dans leurs yeux Mieux Que toutes les facondes Des redresseurs de monde Des faussaires de Dieu Il faut tourner la page Jeter le vieux cahier Le vieux cahier des charges Oh yeah Il faut faire silence Traversé d'une lance Qui fait saigner un sang Blanc Il faut tourner la page Aborder le rivage Où rien ne fait semblant Saluer le mystère Sourire Et puis se taire | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Nougaro Claude Dim 7 Oct 2007 - 13:20 | |
| Allez...Comme je pars à Toulouse ce soir... Toulouse
Qu'il est loin mon pays, qu'il est loin Parfois au fond de moi se ranime L'eau verte du canal du Midi Et la brique rouge des Minimes
Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse
Je reprends l'avenue vers l'école Mon cartable est bourré de coups de poings Ici, si tu cognes, tu gagnes Ici, même les mémés aiment la castagne
Ô mon pays, ô Toulouse
Un torrent de cailloux roule dans ton accent Ta violence bouillone jusque dans tes violettes On se traite de con à peine qu'on se traite Il y a de l'orage dans l'air et pourtant
L'église Saint-Sernin illumine le soir Une fleur de corail que le soleil arrose C'est peut-être pour ça malgré ton rouge et noir C'est peut-être pour ça qu'on te dit Ville Rose
Je revois ton pavé, ô ma cité gasconne Ton trottoir éventré sur les tuyaux du gaz Est-ce l'Espagne en toi qui pousse un peu sa corne Ou serait-ce dans tes tripes une bulle de jazz ?
Voici le Capitole, j'y arrête mes pas Les ténors enrhumés tremblent sous leurs ventouses J'entends encore l'écho de la voix de papa C'était en ce temps-là mon seul chanteur de blues
Aujourd'hui, tes buildings grimpent haut A Blagnac, tes avions ronflent gros Si l'un me ramène sur cette ville Pourrai-je encore y revoir ma pincée de tuiles
Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Nougaro Claude Dim 7 Oct 2007 - 23:01 | |
| Après ses textes, mes commentaires. Ses datesClaude Nougaro est né le 9 septembre 1929 à ...Toulouse. Il est dans une famille où la musique est très présente, sa mère donne des cours de piano et son père est Baryton à l'opéra de Toulouse. En 1952 il "monte" à Paris où il rencontre Jacques Audiberti qui devient un père spirituel pour lui. Il écrira la très belle "Chanson pour le maçon" à la mort d'Audiberti : - Citation :
- Jacques Audiberti, dites moi que faire
pour que le maçon chante mes chansons ?
-Eh bien, mon petit, va-t-en chez mon père il te le dira, il était maçon. Dans le vieil Antibes, derrière la mer il a sa maison rue du Saint-Esprit... Mes datesJ'ai découvert Nougaro avec Nougayork (qui avec le temps est devenu l'album que j'aime le moins) lorsqu'il était banni, sans maison de disque et qu'il est parti pour pouvoir faire cet album. J'ai enchaîné sur ses autres albums et ses mots m'ont envoutés, le mot n'est pas trop fort. L'artiste alterne les morceaux où il joue avec les mots, - Citation :
- Je suis un petit taureau
mais moi c'est pas pareil Je suis un petit taureau, mais moi, en plein soleil j'entrerai dans la reine, dans la reine des abeilles... des morceaux rythmiques et humoristiques, - Citation :
- Je suis sous, sous, sous ton balcon
Comme Roméo ho! ho! Marie-Christine... et les purs moments de poésie. - Citation :
- J'aime la vie quand elle rime à quelque chose
J'aime les épines quand elles riment avec la rose J'aimerait même la mort si j'en sais la cause Rime ou prose J'ai profité de chacune des occasions pour aller le voir en concert dont une fois à Toulouse ! Je l'ai notamment vu au festival Jazz in Marciac en 1991 seul en scène avec son pianiste Maurice Vander. L'album "Une voix dix doigts", enregistré la même année à Blagnac rend bien de ce qui se passait ce soir là, de l'émotion palpable...de cette magie que ce drôle de bonhomme installait avec lui ! Ses mots ( mis en musique Jazz et blues mélangés !) m'accompagnent à jamais. Un grand Artiste et un grand poète ! | |
| | | Steven Zen littéraire
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| Sujet: Re: Nougaro Claude Jeu 11 Oct 2007 - 21:15 | |
| C'est le soir, pas trop tard, le sommeil a pris mon petit monde. C'est comme ça ici : - Citation :
Ici, tu vois tout est tranquille Ici, ça va, ça vole, ça coule Et s'il n'y pas les lumières de la ville La lune, c'est pas nul comme ampoule C'est pas mal, les étoiles, à l'aise C'est pas rien, la terre le matin Voir le soleil qui s'couche au creux d'une falaise Et se lève là-bas sur un bouquet de thym (...)
Ici, tu vois tout est sauvage... | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Nougaro Claude Lun 22 Oct 2007 - 22:55 | |
| - Citation :
Mon bras c'est ton collier et tes doigts sont mes bagues Tu es ma parure, je suis ton joyau Mes orteils de soleil marchent sur tes vagues Tu es ma pâture jusqu'au fond du boyau Tu m'éclates de paix, je t'éclaire de rires en dansant devant toi la nuit de Walpurgis puis je bois dans ton cou comme le font les vampires mélangeant savamment nos vices à nos lis
Un jour, un jour c'est sûr reviendra le jour pur l'immense jour d'avant le temps Alors la femme et l'homme retrouveront la pomme sans morsure dedans... Sans commentaire... sinon qu'il faut être Armé d'Amour ! (poème dit sur un thème superbe de Robert Schumann - "Blumenstück) | |
| | | Steven Zen littéraire
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| Sujet: Re: Nougaro Claude Sam 10 Nov 2007 - 18:52 | |
| - Citation :
Les mots divins, les mots en vain, Les mots de plus, les motus Les mots pour rire, les mots d'amour Les mots dits pour te maudire Les mots bruissant comme des rameaux Les mots ciselés comme des émaux La faim de mots, la soif de mots Qui disent quelque chose (...)
Les mots qui tuent, les mots qui muent Les mots tissant l'émotion Les mots palis, les mots salis Les mots de prédilection Les mots qui caressent comme des mains Les mots divins, les mots devins Les premiers mots La fin des maux. Voilà pourquoi j'aime les mots! | |
| | | Steven Zen littéraire
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| Sujet: Re: Nougaro Claude Dim 13 Jan 2008 - 17:55 | |
| Je pose ici les paroles d'une chanson que le livre Rue des Boutiques obscures de Modiano m'a amené à réécouter tellement il m'y faisait penser : - Citation :
Quand les hommes deviennent sages polis, polis trop polis et qu'tu vois plus ton visage dans le miroir dépoli de leurs yeux qui te traversent comme si t'étais pas devant ô femme, c'est que ta jeunesse s'est envolée dans le vent le vent qui claque les portes le vent qui sait le vieil art de larguer les feuilles mortes allée des Brouillards, allée des Brouillards
Tu peux prendre des bains de mousse croquer des biscottes sans sel sur ta peau des lunes rousses ont viré tes lunes de miel c'est fini, y a plus personne pour les caresses déplacées tu peux r'passer ton automne à la vapeur du passé les bras tendus comme des tiges aux yeux des câlin-maillard tu s'ras seule jusqu'au vertige allée des Brouillards, allée des Brouillards
Mais de quel droit je t'inflige ce tableau désespéré tu pourrais être ma fille tu n'en as rien à cirer l'hiver tu le fais craquer et lorsque tu seras vieille, vers minuit, minuit un quart j'te le dis au creux d'l'oreille il te reste un p'tit rencart si t'as pas le coeur trouillard mon fantôme est un gaillard allée des Brouillards allée des Brouillards des Brouillards... | |
| | | Steven Zen littéraire
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| Sujet: Re: Nougaro Claude Ven 29 Fév 2008 - 21:34 | |
| Véritable épopée, à lire avant d'écouter : - Citation :
- Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume... d'ange Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus. Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air. J'ouvre les yeux, que vois-je ? Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles... Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit. Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait. Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grands aile s de lait. Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit : "C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie. Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange. Adieu et souviens-toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts. Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant. En ce temps-là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste. J'allume, je la réveille :
"Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange ! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner... Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et t u vas voir... le monde ! " La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit : "Fous-moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal ! " Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr. Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative. Je sonne. Voici mon ami André. Posément, avec précision, je vidais mon sac biblique, mon oreiller céleste : "Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroy ante et funeste. A dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! " André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition. Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouve dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche. Que dire ? Que faire ? " Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange. " Il me croit ! Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant. Soyons sérieux ! Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci ? La petite dame ? Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu. Les enfants... Oui, mais lequel ? Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient. Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris... Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant. Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis. Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi. Les voilà. Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en min ois, quêtant une révélation. Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement. Puis elle prend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes. Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte. A quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble. Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent. Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ? Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ? Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis. Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque. J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue. Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau : "Suivez-nous."
Le commissariat. Vous connaissez les commissariats ? Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich... Une couche de tabac, une couche de passage à tabac. Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r : " Asseyez-vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles ? - Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant. Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux. - Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fi ni, envolé ! - Voyons l'objet, me dit le commissaire. D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme. - C'est de l'oie, ça..., me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord. - Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je ! - Calmez-vous ! Calmez-vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'en quête, à défaut de preuve. Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment. Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois. Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement le s bras et semble psalmodier un texte secret, sacré. J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole. Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète. Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire. De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte. Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, ils sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus. Un grand silence se fait en moi. Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi ! Sans hésiter, je sors la plume. Les yeux mordorés lancent une étincelle. Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds. " Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami. - Alors vous me croyez ? vous le savez ! - Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre. Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus. - Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé... - Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme. - Vous n'êtes pas un homme ? - Nullement, je suis un noyer. - Vous êtes noyé ? - Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air. Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité. Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps... Le fou rire, quoi ! Une jolie illustration de ce poème : http://fr.youtube.com/watch?v=LS1TwvprKv8 | |
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