Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Nougaro Claude

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MessageSujet: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptySam 29 Sep 2007 - 22:42

Nougaro Claude Nougar10
J'ai vu qu'il y avait des fils sur des auteurs de chansons/poésie. Je me lance pour l'ouverture d'un sujet sur Claude Nougaro qui musicalement est dèjà génial (il n'était pas compositeur). Mais alors quand on s'arrète sur ses mots c'est de la poésie à l'état pur qui cingle, retentit et suis celui qui les lit longtemps ! Oups, je m'emballe, à moi du moins ça me suit longtemps !
Citation :

Mai, Mai Mai Paris Mai
Mai Mai Mai Paris
Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil
La Seine de nouveau ruisselle d'eau bénite
Le vent a dispersé les cendres de Bendit
et chacun est rentré chez son automobile
J'ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume
mon pas d'oiseau-forcat enchaîné à sa plume
et piochant l'évasion d'un rossignol Titan
capable d'assumer le Sacre du Printemps.
Ces temps-ci j'ai la gorge un peu âcre
Le Sacre du Printemps sonne comme un massacre
mais chaque jour qui vient embellira mon cri
Il se peut que je couve un Igor Stravinsky....


Et son testament poétique "Je voudrais écrire"
Citation :
J'ai envie d'écrire, mais je ne sais pas quoi
La mort je l'avous me laisse coi.
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyLun 1 Oct 2007 - 23:19

J'ai un peu l'impression de me répondre à moi même, mais je me fais plaisir en pouvant transcrire des paroles touchantes, des mots qui m'ont toujours accompagnés aussi loin que je regarde derrière moi, qui m'accompagnent toujours. Et je crois que la poésie ça doit être ça !

Citation :
Aux rendez-vous d'amour
Tout mon temps t'appartient et pour toujours
Au rendez-vous d'amis
A n'importe quelle heure je suis admis
Au rendez-vous d'affaires
Quand l'argent est urgent, je croise le fer
Il est un rendez-vous pourtant où j'aime aller isolément...

Autour de minuit, je donne parfois rancard
A ma bonne étoile, la plus belle des stars
Elle est en retard bien sûr

Cette étoile au baiser d'azur
Elle est en retard, bien sûr, du fond de ses nuits
Mais je l'attends quand même du fond de mon puits...
Aux rendez-vous d'amour
Tout mon temps t'appartient et pour toujours
Au rendez-vous d'amis
A n'importe quelle heure je suis admis
Au rendez-vous d'affaires
Quand l'argent est urgent, je croise le fer
Il est un rendez-vous pourtant où j'aime aller isolément...

Autour de minuit, je donne parfois rancard
A ma bonne étoile, la plus belle des stars
Elle est en retard bien sûr

Cette étoile au baiser d'azur
Elle est en retard, bien sûr, du fond de ses nuits
Mais je l'attends quand même du fond de mon puits...


Dernière édition par Steven le Ven 5 Sep 2008 - 22:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyLun 1 Oct 2007 - 23:42

Steven a écrit:
J'ai un peu l'impression de me répondre à moi même, mais je me fais plaisir en pouvant transcrire des paroles touchantes, des mots qui m'ont toujours accompagnés aussi loin que je regarde derrière moi, qui m'accompagnent toujours. Et je crois que la poésie ça doit être ça !

T'inquiète pas...On fait tous l'expérience de se retrouver seul sur un fil...et puis parfois un jour quelqu'un se met à écrire sur ce fil... :)
Nougaro, j'aime beaucoup moi aussi...Mais je n'ai pas assez de temps pour l'instant pour m'exprimer sur cette rubrique (comme sur bien d'autres d'ailleurs! :) )
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyMar 2 Oct 2007 - 1:58

Ah, moi aussi, j'adore Nougaro!
Je commence par
Armstrong

Armstrong, je ne suis pas noir
Je suis blanc de peau
Quand on veut chanter l'espoir
Quel manque de pot
Oui, j'ai beau voir le ciel, l'oiseau
Rien rien rien ne luit là-haut
Les anges... zéro
Je suis blanc de peau

Armstrong, tu te fends la poire
On voit toutes tes dents
Moi, je broie plutôt du noir
Du noir en dedans
Chante pour moi, Louis, oh oui
Chante chante chante, ça tient chaud
J'ai froid, oh moi
Qui suis blanc de peau

Armstrong, la vie, quelle histoire?
C'est pas très marrant
Qu'on l'écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge
Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu'on soit, ma foi
Noir ou blanc de peau

Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n'est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs?
Ce serait rigolo
Allez Louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d'eau
Oh yeay !
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyMar 2 Oct 2007 - 2:02

Et La petite fille en pleurs ici
Un' petit' fille en pleurs
Dans une ville en pluie
Et moi qui cours après
Et moi qui cours après au milieu de la nuit
Mais qu'est-c'que j'lui ai fait ?
Une petite idiot' qui me joue la grande scène
De la femm' délaissée
Et qui veut me fair' croir' qu'elle va se noyer !
C'est d'quel côté la Seine ?
Mais qu'est-c'que j'lui ai fait ?
Mais qu'est-c' qui lui a pris ?
Mais qu'est-c' qu'elle' me reproche ?
Lorsque je l'ai trompée, ell' l'a jamais appris
C'est pas ell' qui s'approche ?
Tu m'aim's vraiment dis-moi
Tu m'aim's, tu m'aim's, tu m'aim's,
C'est tout ce qu'ell' sait dire
En bouffant, en m'rasant,
Quand je voudrais dormir
Faut lui dir' que je l'aime !

Un' petit' fille en pleurs dans une ville en pluie
Où est-ell' Nom de Dieu !
Elle a dû remonter par la rue d'Rivoli
J'ai d'la flott' plein les yeux
Parc' qu'elle avait rêvé je ne sais quel amour
Absolu, éternel
Il faudrait ne penser, n'exister que pour elle
Chaque nuit, chaque jour
Voilà ce qu'elle voudrait. Seulement y a la vie
Seulement y a le temps
Et le moment fatal où le vilain mari
Tue le prince charmant
L'amour, son bel amour, il ne vaut pas bien cher
Contre un calendrier
Le batt'ment de son cœur, la douceur de sa chair...
Je les ai oubliés.
Où donc est-ell' partie ?
Voilà qu'il pleut des cordes
Mon Dieu regardez-moi
Me voilà comme un con, place de la Concorde !
Ça y est, je la vois
Attends-moi !
Attends-moi !
Je t'aime !
Je t'aime !
Je t'aime !
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptySam 6 Oct 2007 - 0:08

Un petit plaisir avant d'aller me coucher :
Citation :
Occitane, tu as mis dans mon âme
Une ballade irlandaise
Féminine comme un colline
Une mer vert Véronèse

Occitane, de toute mon âme
Du si bémol au do dièse
Je destine à qui tu devines
Cette ballade Irlandaise

Que ne ferais-je
Que ne ferais-je pas pour te séduire
La pompe à neige et la pompe à reluire
Les sortilèges des rivages les plus nostal
nostalgiques
Les cornemuses des muses celtiques

Occitane, tu as mis dans mon âme
Une ballade irlandaise
Féminine comme un colline
Une mer vert Véronèse

Trouba troubadour troubadour
Sous tes tours je viens faire un tour
J'ai mis la plume à mon chapeau
Robin de bois à roncevaux
C'est comme ça, tu l'as voulu tu l'as...

Occitane, tu as mis dans mon âme
Une ballade irlandaise
Féminine comme un colline
Une mer vert Véronèse

Une belle déclaration !
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptySam 6 Oct 2007 - 11:25

Merci! Quel plaisir toujours d'écouter Nougaro!
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyDim 7 Oct 2007 - 12:02

Il faut tourner la page.

Il faut tourner la page
Changer de paysage
Le pied sur une berge
Vierge
Il faut tourner la page
Toucher l'autre rivage
Littoral inconnu
Nu
Et là, enlacer l'arbre
La colonne de marbre
Qui fuse dans le ciel
Tel
Que tu quittes la terre
Vers un point solitaire
Constellé de pluriel
Il faut tourner la page...
Redevenir tout simple
Comme ces âmes saintes
Qui disent dans leurs yeux
Mieux
Que toutes les facondes
Des redresseurs de monde
Des faussaires de Dieu
Il faut tourner la page
Jeter le vieux cahier
Le vieux cahier des charges
Oh yeah
Il faut faire silence
Traversé d'une lance
Qui fait saigner un sang
Blanc
Il faut tourner la page
Aborder le rivage
Où rien ne fait semblant
Saluer le mystère
Sourire
Et puis se taire
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyDim 7 Oct 2007 - 13:20

Allez...Comme je pars à Toulouse ce soir...
Toulouse

Qu'il est loin mon pays, qu'il est loin
Parfois au fond de moi se ranime
L'eau verte du canal du Midi
Et la brique rouge des Minimes

Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse

Je reprends l'avenue vers l'école
Mon cartable est bourré de coups de poings
Ici, si tu cognes, tu gagnes
Ici, même les mémés aiment la castagne

Ô mon pays, ô Toulouse

Un torrent de cailloux roule dans ton accent
Ta violence bouillone jusque dans tes violettes
On se traite de con à peine qu'on se traite
Il y a de l'orage dans l'air et pourtant

L'église Saint-Sernin illumine le soir
Une fleur de corail que le soleil arrose
C'est peut-être pour ça malgré ton rouge et noir
C'est peut-être pour ça qu'on te dit Ville Rose

Je revois ton pavé, ô ma cité gasconne
Ton trottoir éventré sur les tuyaux du gaz
Est-ce l'Espagne en toi qui pousse un peu sa corne
Ou serait-ce dans tes tripes une bulle de jazz ?

Voici le Capitole, j'y arrête mes pas
Les ténors enrhumés tremblent sous leurs ventouses
J'entends encore l'écho de la voix de papa
C'était en ce temps-là mon seul chanteur de blues

Aujourd'hui, tes buildings grimpent haut
A Blagnac, tes avions ronflent gros
Si l'un me ramène sur cette ville
Pourrai-je encore y revoir ma pincée de tuiles

Ô mon pays, ô Toulouse, ô Toulouse
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyDim 7 Oct 2007 - 23:01

Nougaro Claude N210

Après ses textes, mes commentaires.

Ses dates
Claude Nougaro est né le 9 septembre 1929 à ...Toulouse. Il est dans une famille où la musique est très présente, sa mère donne des cours de piano et son père est Baryton à l'opéra de Toulouse.
En 1952 il "monte" à Paris où il rencontre Jacques Audiberti qui devient un père spirituel pour lui. Il écrira la très belle "Chanson pour le maçon" à la mort d'Audiberti :
Citation :
Jacques Audiberti, dites moi que faire
pour que le maçon chante mes chansons ?

-Eh bien, mon petit, va-t-en chez mon père
il te le dira, il était maçon.
Dans le vieil Antibes, derrière la mer
il a sa maison rue du Saint-Esprit...

Mes dates
J'ai découvert Nougaro avec Nougayork (qui avec le temps est devenu l'album que j'aime le moins) lorsqu'il était banni, sans maison de disque et qu'il est parti pour pouvoir faire cet album. J'ai enchaîné sur ses autres albums et ses mots m'ont envoutés, le mot n'est pas trop fort.
L'artiste alterne les morceaux où il joue avec les mots,
Citation :
Je suis un petit taureau
mais moi c'est pas pareil
Je suis un petit taureau,
mais moi, en plein soleil
j'entrerai dans la reine,
dans la reine des abeilles...
des morceaux rythmiques et humoristiques,
Citation :
Je suis sous, sous, sous ton balcon
Comme Roméo ho! ho! Marie-Christine...
et les purs moments de poésie.
Citation :
J'aime la vie quand elle rime à quelque chose
J'aime les épines quand elles riment avec la rose
J'aimerait même la mort si j'en sais la cause
Rime ou prose
J'ai profité de chacune des occasions pour aller le voir en concert dont une fois à Toulouse !
Je l'ai notamment vu au festival Jazz in Marciac en 1991 seul en scène avec son pianiste Maurice Vander. L'album "Une voix dix doigts", enregistré la même année à Blagnac rend bien de ce qui se passait ce soir là, de l'émotion palpable...de cette magie que ce drôle de bonhomme installait avec lui !
Ses mots ( mis en musique Jazz et blues mélangés !) m'accompagnent à jamais. Un grand Artiste et un grand poète !
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyJeu 11 Oct 2007 - 21:15

C'est le soir, pas trop tard, le sommeil a pris mon petit monde. C'est comme ça ici :
Citation :

Ici, tu vois tout est tranquille
Ici, ça va, ça vole, ça coule
Et s'il n'y pas les lumières de la ville
La lune, c'est pas nul comme ampoule
C'est pas mal, les étoiles, à l'aise
C'est pas rien, la terre le matin
Voir le soleil qui s'couche au creux d'une falaise
Et se lève là-bas sur un bouquet de thym (...)

Ici, tu vois tout est sauvage...
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyLun 22 Oct 2007 - 22:55

Citation :

Mon bras c'est ton collier et tes doigts sont mes bagues
Tu es ma parure, je suis ton joyau
Mes orteils de soleil marchent sur tes vagues
Tu es ma pâture jusqu'au fond du boyau
Tu m'éclates de paix, je t'éclaire de rires
en dansant devant toi la nuit de Walpurgis
puis je bois dans ton cou comme le font les vampires
mélangeant savamment nos vices à nos lis

Un jour, un jour c'est sûr
reviendra le jour pur
l'immense jour d'avant le temps
Alors la femme et l'homme
retrouveront la pomme
sans morsure dedans...

Sans commentaire... sinon qu'il faut être Armé d'Amour ! (poème dit sur un thème superbe de Robert Schumann - "Blumenstück)
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptySam 10 Nov 2007 - 18:52

Citation :

Les mots divins, les mots en vain,
Les mots de plus, les motus
Les mots pour rire, les mots d'amour
Les mots dits pour te maudire
Les mots bruissant comme des rameaux
Les mots ciselés comme des émaux
La faim de mots, la soif de mots
Qui disent quelque chose (...)

Les mots qui tuent, les mots qui muent
Les mots tissant l'émotion
Les mots palis, les mots salis
Les mots de prédilection
Les mots qui caressent comme des mains
Les mots divins, les mots devins
Les premiers mots
La fin des maux.

Voilà pourquoi j'aime les mots!
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyDim 13 Jan 2008 - 17:55

Je pose ici les paroles d'une chanson que le livre Rue des Boutiques obscures de Modiano m'a amené à réécouter tellement il m'y faisait penser :
Citation :

Quand les hommes deviennent sages
polis, polis trop polis
et qu'tu vois plus ton visage
dans le miroir dépoli
de leurs yeux qui te traversent
comme si t'étais pas devant
ô femme, c'est que ta jeunesse
s'est envolée dans le vent
le vent qui claque les portes
le vent qui sait le vieil art
de larguer les feuilles mortes
allée des Brouillards, allée des Brouillards

Tu peux prendre des bains de mousse
croquer des biscottes sans sel
sur ta peau des lunes rousses
ont viré tes lunes de miel
c'est fini, y a plus personne
pour les caresses déplacées
tu peux r'passer ton automne
à la vapeur du passé
les bras tendus comme des tiges
aux yeux des câlin-maillard
tu s'ras seule jusqu'au vertige
allée des Brouillards, allée des Brouillards

Mais de quel droit je t'inflige
ce tableau désespéré
tu pourrais être ma fille
tu n'en as rien à cirer
l'hiver tu le fais craquer
et lorsque tu seras vieille,
vers minuit, minuit un quart
j'te le dis au creux d'l'oreille
il te reste un p'tit rencart
si t'as pas le coeur trouillard
mon fantôme est un gaillard
allée des Brouillards
allée des Brouillards
des Brouillards...
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MessageSujet: Re: Nougaro Claude   Nougaro Claude EmptyVen 29 Fév 2008 - 21:34

Véritable épopée, à lire avant d'écouter :

Citation :
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume... d'ange
Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles... Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques,
un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grands aile
s de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
"C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens-toi : la foi est plus belle que Dieu. "

Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps-là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :

"Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange ! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner... Oh
ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et t
u vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit :
"Fous-moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !

Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidais mon sac biblique, mon oreiller céleste :
"Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroy
ante et funeste. A dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !

Je me retrouve dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange. "
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs
volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes !
Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants... Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de
visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris... Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses.
Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en min
ois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un
peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle prend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
A quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.

Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée,
ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une
pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau : "Suivez-nous."

Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez-vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles ?
- Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fi
ni, envolé !
- Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça..., me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord.
- Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je !
- Calmez-vous ! Calmez-vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'en
quête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment hein ? gentiment. "

On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil
homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement le
s bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.

Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée
à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, ils sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup
dans sa paume, crac ! pour me les offrir.

Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami.
- Alors vous me croyez ? vous le savez !
- Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
- Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
- Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
- Vous n'êtes pas un homme ?
- Nullement, je suis un noyer.
- Vous êtes noyé ?
- Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "

Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !

Une jolie illustration de ce poème :
http://fr.youtube.com/watch?v=LS1TwvprKv8
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