Claude Tillier (Clamecy (Nièvre), 11 avril 1801 - Nevers, 12 octobre 1844) est un pamphlétaire et romancier français, principalement connu comme auteur du roman Mon oncle Benjamin.
Biographie
Fils d'un serrurier aisé de Clamecy, il fait des études au lycée de Bourges grâce à une bourse accordée par la ville de Clamecy. Après le baccalauréat obtenu en 1820, il travaille comme maître d'études, d'abord au collège de Soissons, puis à Paris. Il raconte dans ses mémoires comment « son bouquet de rhétorique au côté, comme un domestique à la Saint-Jean, il alla offrir ses services aux revendeurs de grec et de latin de la capitale ». Il finit par être renvoyé. En 1822, il est incorporé dans l’armée et effectue jusqu’en 1827 son service militaire, au cours duquel il participe en 1823 à l'Expédition d'Espagne.
À son retour à Clamecy, il se marie en 1828 et est nommé instituteur. Il est directeur d'une école publique mais les méthodes d'enseignement ne lui conviennent pas. Aussi ouvre-t-il une école privée. Parallèlement, il fonde avec d'autres le journal L’Indépendant en 1831. En 1832, étant en conflit avec le comité cantonal de l'instruction publique, il démissionne de la direction de l'école mutuelle. Il poursuit ses activités d'instituteur privé, jusqu'en juin 1841. À cette date, il quitte Clamecy pour s'installer à Nevers où il est le rédacteur de L’Association, journal démocratique paraissant deux fois par semaine, jusqu'à sa disparition en mai 1843.
A partir de juin 1843, Tillier publie des pamphlets, tirés à 400 et 500 exemplaires, dans lesquels il attaque des notables de Nevers et du département. Malade depuis son service militaire, il meurt de tuberculose le 12 octobre 1844 et est inhumé à Nevers1. Sa tombe se trouve dans le carré 8 du cimetière Jean-Gautherin.
Œuvres, Nevers, C. Sionest, 1846, préface de Félix Pyat. Contient :
vol. 1. Mon oncle Benjamin
vol. 2. Belle-Plante et Cornelius ; Comment le chanoine eut peur, comment le capitaine eut peur
vol. 3 et 4. Pamphlets
Œuvres complètes, Genève et Paris, Slatkine, 1985. Présentation de Roger Martin.
vol. I. Mon oncle Benjamin ; De l'Espagne, 414 p.
vol. II. Belle-Plante et Cornélius ; Comment le Chanoine eut peur, comment le Capitaine eut peur ; Poésie, 388 p.
vol. III. Pamphlets, 668 p.
Recueils de pamphlets
De choses et d'autres : vingt-quatre pamphlets, Nevers, C. Sionest, 1843, c. 670 p. Voir dans Gallica.
Pamphlets (1840-1844) Edition critique publiée avec introduction, notices historiques et notes par Marius Gerin, Paris, A. Bertout, Nevers, Mazeron frères, 1906, 688 p. Lire sur Gallica.
Paris, Editions Jean-Jacques Pauvert, 1967, 175 p. Présentation, choix de textes, notes et index par Jean Guillon.
Source wikipedia
Mon Oncle Benjamin
Tout d'abord, une préface très utile sur l'auteur faite par Lucien Descaves.
L’auteur s’interpose dans l’histoire qu’il nous conte, celle de son Oncle Benjamin, déversant ses réflexions et ces questionnements sur la vie, ses institutions et l’usage que nous en faisons.
Il nous conte les aventures rocambolesques, de son oncle Benjamin à l’époque où la monarchie vivait encore. Benjamin, médecin de son état, qui exerçait sa profession comme une contradiction envers les médecins huppés et ignorants, lui qui mettait intelligence à son savoir et qui considérait comme un devoir de soigner les modestes, ceux du Peuple dont il avait fierté à se comptait.
Célibataire, trousseur de filles, bon vivant, il revendicait sa liberté, révolté contre l’injustice et le pouvoir de la monarchie. Cependant sous la pression de sa sœur ainée, laquelle le voulait voir bien installé, il répondit à l’invitation de Monsieur Minxit (un confrère) a accepté la main de sa fille ; mais plutôt qu’une compagne se fut un véritable ami qu’il trouva .
Une écriture alerte, des dialogues savoureux, des réflexions morales confèrent à cette histoire beaucoup de qualités.
Si mon court commentaire ne vous convainc pas, croyez à mon ressenti : lisez ce livre !
C’est Dreep qui alors qu’il recherchait un livre à offrir a posé sur le fil une video concernant Brassens et Fallet, lesquels recommandaient cette lecture, j’ai suivi leur conseil.
Merci donc à Dreep pour cette excellente lecture
extraits
"L'homme constitutionnel a la manie de vouloir se distinguer du Peuple. Quand on le regarde comme un homme comme il faut, il se regarde, lui comme un grandhomme".
"Et voyez un peu à quoi tiennent les grandeurs de ce monde ! si l'oie eût été un peu plus ou un peu moins cuite, qu'on y eût mis une pincée de sel de plus ou une pincée de poivre de moins, qu'il fut tombé un peu de suie dans la lèchefrite ou un peu de cendre sur les tartines, qu'on l'eût servie un peu plut tôt ou un peu plus tard, il y avait une famille noble de moins en France. Et le peuple courbe le front devant une pareille grandeur ! Oh ! je voudrais comme Calligula le voulait du peuple romain, que la France n'eût qu'une seule paire de joues pour la souffleter."
- Vous au moins Monsieur Rathery qui passez pour un philosophe, j'espère bien que vous ne faites pas au Juif-Errant l'honneur de croire à ses éternelles pérégrinations.
- Pourquoi pas ? dit mon oncle, vous croyez bien à Jésus-Christ, vous !
D' ailleurs, sous le rapport de la crédibilité, la complainte du Juif-Errant a sur l'Evangile de notables avantages ; elle n'est point tombée du ciel comme un aérolithe ; elle a une date précise.
La complainte du Juif-Errant a été écrite dans un siècle éclairé, investigateur, plus disposer à retrancher de ses croyances qu'à y ajouter ; l'Evangile, au contraire, est apparu, tout à coup, comme un flambeau allumé, on ne sait par qui, au milieu des ténèbres d'un siècle livré à de grossières superstitions et chez un peuple plongé dans l'ignorance la plus profonde, et dont l'histoire n'est qu'une longue suite d'actes de superstition et de barbarie."
"Le bon docteur essaya d'ébranler la résolution de mon oncle, mais, voyant qu'il n'y pouvait parvenir, il se décida à aller changer de costume et à licencier son armée. Ainsi finit cette grande expédition, qui coûta peu de sange à l'humanité mais beaucoup de vin à M. Minxit."
""-La justice, après en avoir délibéré, condamne l'individu ici présent à embrasser M. le Marquis de Cambyse [.............] dans un endroit que mondit seigneur de Cambyse va lui faire connaître. Et en même temps il défaisait son haut-de chausse. La valetaille comprit son intention ; elle se mit à applaudir [.....] Deux gardes-chasse le tenaient en joue, et ils avaient reçu ordre du marquis de tirer à son premier signal.
Benjamin savait le marquis homme à exécuter sa menace, il ne voulut pas courir la chance d'un coup de fusil, et... quelques secondes après, la justice du marquis était satisfaite."
""son âme planait dans une région supérieure, toujours calme et sereine ; il n'avait lui que deux besoins : la faim et la soif, et si le firmament fût tombé en éclats sur la terre et qu'il eût laissé une bouteille intacte, mon oncle l'eût tranquillement vidée à la résurrection du genre humain écrasé, sur un quartier fumant de quelque étoile. Pour lui, le passé n'était rien et l'avenir n'était pas encore quelque chose. Il comparait le passé à une bouteille vide, et l'avenir à un poulet prêt à être mis à la broche."
"Mon oncle s'il devait succomber, ne voulait pas s'en aller l'estomac vide. Il disait qu'une âme qui arrivait entre deux vins au tribunal de Dieu a plus de hardiesse et plaide bien mieux sa cause qu'une pauvre âme qui est pleine de tisane et d'eau sucrée.
"Ces allées de tombes et de cyprès qui s'étalent dans nos cimetières, ce ne sont que des pages pleines de mensonges et de faussetés comme celles d'une gazette."
L'oraison funèbre réclamée par M. Minxit juste avant de mourir est un passage très fort (mais trop long pour le recopier)