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| cuisine et littérature | |
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Auteur | Message |
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LaChose Superviseur
Messages : 1091 Inscription le : 31/01/2007 Localisation : Fondations.
| Sujet: Re: cuisine et littérature Sam 30 Juin 2007 - 11:37 | |
| "La colère des aubergines " de Bulbul Sharma (extraits) : De l'or en jarres
Buaji comptait sur le bout de ses doigts tout en mesurant le ghî (beurre clarifié - cuit et écumé). Chaque cuillerée tombait lourdement comme une motte de terre mouillée lors d'un glissement de terrain, pour atterrir exactement au centre du bol tenu d'une main ferme par le cuisinier. Tous deux regardaient le récipient tandsi que leurs lèvres formaient silencieusement un chiffre ... sept ... huit ... chaque fois que le ghî en atteignait la surface avec un son moelleux. Buaji avait soixante-quinze ans, le cuisinier quelques mois de plus. Tous deux n'y voyaient plus très clair, mais ne portaient jamais leurs lunettes quand ils se rencontraient dans la réserve, chacun préférant se fier à ses yeux affaiblis plutôt qu'à de quelconques verres optiques pendant ce moment de concentration intense. Trois fois par jour, Buaji mesurait avec tant de soin les rations qu'elle remettait au chef cuisinier qu'aucun grain de riz, de sucre ou de dâl (terme générique désignant certains pois et lentilles) en excès ne pénétrait jamais la cuisine. La réserve était fermée à clé. Son contenu n'était visible qu'à six heures et à onze heures le matin, puis à quatre heures l'après-midi, pendant dix minutes, comme s'il s'agissait d'objets précieux exposés dans un musée. Seule pièce de l'énorme maison au plan décousu dont l'entrée fût réservée, elle inspirait crainte et respect aux membres de la famille. Ils se bousculaient dans les couloirs, envahissaient le salon, se vautraient dans les multiples chambres, mais dès qu'ils passaient devant la réserve, leur comportement changeait. Les hommes accéléraient le pas pour marquer leur indifférence, sans pouvoir s'empêcher, cédant à une habitude d'enfance, d'y jeter un bref coup d'oeil. Les femmes de la maison essayaient toujours de regarder furtivement à l'intérieur, prenant soin de ne pas tourner la tête à angle tout à fait droit vers la porte. Une légende familiale voulait qu'un des récipients fût empli de pièces d'argent que Buaji cachait parmi les jarres de condiments. Mais plus que cet argent, je rêvais des pickles qui y brillaient comme des sequins d'or...
AUBERGINES FRITES (begun bhaja)
2 grosses aubergines rondes 1 grande cuillère de farine poudre de curcuma sel poudre de piment 3 grandes cuillères d'huile Après avoir coupé les aubergines en tranches rondes, d'épaisseur moyenne, enduisez-les d'un mélange de poudre de curcuma, de piment et de sel sur chaque face, puis trempez-les dans la farine. Faites frire à l'huile bouillante. Disposez sur du papier absorbant qui retiendra l'excès d'huile. Mangez immédiatement, bien chaud, seul ou accompagné de riz. Ces aubergines frites sont servies en hors-d'oeuvre dans tout festin bengali qui se respecte. | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: cuisine et littérature Sam 30 Juin 2007 - 11:47 | |
| Colette : LE POISSON AU COUP DE PIED
Naturellement, vous aimez la Provence. Mais quelle Provence ? Il y en a plusieurs. Une est toute nue, à peine voilée d'un maillot de bain à dessins cubistes, et noire d'un hâle étudié. Elle trône sur un " planking " entre deux ou trois palaces et casinos. Celle-là, je la salue à peine quand je la rencontre. Une autre perche sur de petits monts aérés, secs, où tout est d'azur, le ciel, le silex pailleté, l'arbuste bleuâtre. Il y a des morceaux de Provence gras, herbus, baignés de sources, de petites Provences italiennes, même espagnoles; une Provence - peut-être est-elle ma préférée - maritime, pays de calanques d'un bleu qui n'est point suave mais féroce, de petits ports huileux qu'on ne déchiffre qu'à travers une grille de mâts et de cordages...
Une Provence forestière resserre, sous la longue ombre des pins parallèles, les parfums de la résine, et sous les chênes lièges crépus, écorchés vifs, erre un assez septentrional arôme de fougère, de lichen ras, une fallacieuse annonce de truffe... La multitude des touristes désole, chaque année, toutes les Provences. Optimiste, le touriste habite une villa, dix mètres de sable et cent brasses de mer, et ne bouge guère. Il se rôtit et mijote au bain-marie, alternativement. Pessimiste, il roule en auto, et s'arrête pour boire, transpire, reroule et reboit. Il dit : " Ce pays serait ravissant si on n'y avait pas si chaud et si la nourriture était possible. " Partout il réclame son bifteck aux pommes, tendre à point, ses oeufs au bacon, ses épinards en branche et son café " spécial ". Il fait observer que son estomac ne digère pas l'ail et que son médecin lui interdit la cuisine à l'huile. Ce n'est certes pas pour la seule édification de ce Viking, de cet Anglais, de ce Parigot, de ce Brandebourgeois, de ce citoyen d'Amérique, de ce Genevois, de ce Balkanique, que je prônerai l'excellence de quelque vieux plat provençal, les vertus de l'ail, la transcendance de l'huile d'olive, et ma fidélité aux trois légumes inséparables, vernissés, hauts en couleur comme en goût : l'aubergine, la tomate et le poivron doux. En forêt du Dom, il est une auberge... Son renom se fait si vite qu'il n'est pas besoin de la désigner plus clairement. Le lieu est beau, en pleine forêt profonde, et la route romantique tourne à souhait pour l'attaque des diligences... Les soirs d'été, deux, trois tables rudimentaires, égaillées sous les acacias, attendent les amateurs de gibier, et les friands du poisson que j'appelle " le poisson au coup de pied ".
Est-ce une recette ? Non. Un accommodement culinaire primitif, vieux comme l'olivier, comme la pêche au trident. Jamais cuisson n'a demandé moins d'apprêts - il n'y faut que la manière. Ayez seulement.... une forêt provençale, tout au moins méridionale. Fournissez-vous-y de bois choisi : bûches cornues d'olivier, fagots de ciste, racines et branches de laurier, rondins de pin pleurant la résine d'or, menue broussaille de térébinthe, d'amandier, n'oubliez pas le sarment de vigne. A même la terre, entre quatre gros éclats de granit, bâtissez, allumez le bûcher. Pendant qu'il flambe, rouge, blanc, cerise, léché d'or et de bleu, il n'y a rien à faire que le regarder. Le ciel vert du crépuscule provençal au-dessus de lui, tourne au bleu de lac. Les flammes baissent, se couchent; vous avez sous la main, n'est-ce pas, une ou plusieurs belles pièces dé poisson méditerranéen, tout vidé ? Vous avez acquis à Saint-Tropez une rascasse monstrueuse, à gueule de dragon, ou vous avez apporté de Toulon les malins mulets à dos noirs, et vous n'avez pas omis, vidant ceux-ci ou celle-là, de glisser, tout le long de leur ventre creux, un fuseau de lard ? Bon. Apprêtez votre balai, j'appelle ainsi ce bouquet odorant de laurier, de menthe, de pebredaï, de thym, de romarin, de sauge, que vous avez noué avant d'allumer votre feu. Apprêtez donc le balai, c'est-à-dire qu'il trempe dans un pot empli de la meilleure huile d'olive mêlée de vinaigre de vin - ici nous n'admettons que le vinaigre rose et doux. L'ail - vous pensiez naïvement qu'on pouvait se passer de lui ? - pilé, jusqu'à consistance de crème, rehausse le mélange comme il convient. Du sel, peu, du poivre, assez.
Attention. Votre feu n'est plus que braise bientôt. Un lit épais de braise qui chante bas, des tisons qui flambent encore un peu; une fumée translucide, légère, porte à vos narines l'âme consumée de la forêt... C'est le moment de donner le magistral coup de pied qui envoie, au loin, bûches, brandons et fumerolles, qui découvre et nivelle le charbon ardent d'un rose égal, met à nu le cour pur du feu sur lequel halète un petit spectre igné, bleuâtre, plus brûlant encore que lui. Un vieux gril, à trois pieds hauts, salamandre tordue au service de la flamme, reçoit le poisson bénit de sauce, et le tout se plante d'aplomb, en plein enfer. Là !... Vous n'en êtes pas encore à la maîtrise de l'homme du Dom, l'homme de qui l'on ne voit que l'ombre sur le feu. Le bras noir armé du balai aromatique, le bras noir sans cesse humectant, aspergeant, retournant le poisson sur le gril, pendant... Pendant combien de temps ? L'homme noir le sait. Il ne mesure rien, il ne consulte pas de montre, il ne goûte pas, il sait. C'est affaire d'expérience, de divination. Si vous n'êtes pas capable d'un peu de sorcellerie, ce n'est pas la peine de vous mêler de cuisine. Le " poisson au coup de pied " saute de son vieux gril dans votre assiette. Vous verrez qu'il est roide, vêtu d'une peau qui craque, s'exfolie et bâille sur une chair blanche, ferme, dont la saveur se souvient de la mer et des baumes sylvestres. La nuit résineuse descend, une lampe faible, sur la table, dénonce la couleur de grenat du vin qui emplit votre verre...
Marquez, d'une libation reconnaissante, cet instant heureux. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: cuisine et littérature Jeu 12 Juil 2007 - 2:17 | |
| En feuilleton, pour l'été ( enfin, l'hiver pour moi.....) je vous propose des extraits d'un amusant petit livre de Mark Crick, intitulé La soupe de Kafka.Si vous alliez dîner chez Marcel Proust, Gabriel Garcia Marquez, Virginia Woolf ou Raymond Chandler, que vous offriraient-ils à table? Mark Crick répond à la question en nous donnant à lire de savoureux pastiches de quelques uns des plus grands écrivains du monde.... Ce qu'ils en ont pensé: " Difficile à avaler" Franz Kafka- " Ca m'est resté en travers de la gorge" Raymond Chandler-" Interminable" Marcel Proust- " Qu'il pourrisse en enfer!" Graham Greene | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: cuisine et littérature Jeu 12 Juil 2007 - 2:27 | |
| OEUFS A L'ESTRAGON à la Jane Austen 40g de beurre .4 oeufs poivre du moulin.une pincée de sel 3 cuillerées à soupe d'estragon frais ou déshydraté Il est généralement admis par la meilleur société que les oeufs que l'on conserve trop longtemps au garde-manger se gâtent. Les oeufs d'Oakley Farm étaient à peine rangés dans la cuisine de Somercote que déjà Mrs B- pensait au repas qui pourrait les faire connaître à son voisinage et, espérait-elle, les faire apprécier à sa juste valeur. Il faut dire que ses oeufs avaient été dotés par la nature d'un tour admirablement régulier, et elle comptait qu'une demi-douzaine d'entre eux donneraient lieu à de beaux mariages au cours de la semaine. L'arrivée d'un voisin nouveau venu dans la paroisse était une occasion parfaite, et Mrs B- s'empressa d'envoyer ses invitations à déjeuner. Elle avait passé de longues heures à discuter des avantages de tel ou tel menu avec sa voisine, Lady Cumberland. Les deux dames accordaient une immense importance à des décisions telles que le choix de la boisson: thé ou café, ou des toasts: pain blanc ou pain complet, des sujets sur lesquels Lady Cumberland avait une manière si tranchée de s'exprimer que Mrs B- n'osait guère la contredire. Lady Cumberland n'était pas favorable à la nouvelle cuisine, laquelle elle reprochait premièrement d'accorder à des ingrédients d'origine suspecte une place et une importance indues, et deuxièmement de conférer aux cuisiniers d'aujourd'hui une célébrité et des honneurs auxquels leurs pères et leurs grands-pères n'eussent jamais songé.Pour respecter les convenances, Mrs B- accepta de faire un plat dans le genre traditionnel. Mais à l'approche du grand jour, elle devint terriblement nerveuse. L'évènement qu'elle avait prévu si longtemps à l'avance avait cessé d'être une source de plaisir. Au contraire, elle trouvait inélégant de la part de ses voisines de lui laisser plus souvent qu'à son tour le fardeau de l'organisation de leurs petites fêtes, et n'était-il pas étrange que Mrs Eliot ne lui eût pas rendu la politesse du dîner auquel elle l'avait conviée quinze jours plus tôt? ..... | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: cuisine et littérature Ven 13 Juil 2007 - 2:41 | |
| ...Telles étaient les sombres pensées auxquelles se livrait Mrs B- tout en déambulant dans son jardin à la recherche d'une inspiration quand le bruit d'une calèche lui parvint à travers la pelouse: c'était Lady Cumberland suggérant qu'on fît une petite répétition. Et c'est ainsi que les deux voisines se retrouvèrent dans la cuisine de Sommercote, à la recherche d'un compagnon idéal pour les oeufs. Tandis que Lady Cumberland buvait son thé, Mrs B- se plongea dans son placard pour y trouver le compagnon en question.
" Le persil pourrait convenir", dit-elle. C'était un habitué de la maison, et la possibilité que ce fût un bon accompagnement pour ses oeufs amenait Mrs B- à la plus grande bienveillance à son égard. " Le persil présente bien, c'est une herbe saine et sans affectation."
La réaction de Lady Cumberland fut sans équivoque: " Beaucoup trop frisé, et puis on en vit trop souvent de gros bouquets chez le poissonnier. Ce serait une alliance catastrophique et du plus mauvais goût."
Mrs B- n'avait pas l'habitude d'être en désaccord avec les opinions mieux informées que les siennes de Lady Cumberland et, maintenant que son opinion sur la valeur intrinsèque du persil avait été rejetée ,elle se tourna vers des visiteurs plus rares, comme l'estragon. Elle avait toujours considéré l'estragon comme une herbe difficile et capricieuse.
"Il ne pousse pas ici, refuse de pousser plus loin, a cette affreuse haute opinion de lui-même. En outre, il disparait chaque hiver on ne sait où. J'exècre cette herbe.
- L'estragon français est une herbe aristocratique, et même si je la trouve fondamentalement trop bien pour vos oeufs, je ne peux nier que cela ferait un beau mariage", dit Lady Cumberland.
Mrs B- accueillit sans broncher ce commentaire et l'offense faite à ses oeufs ne lui parut pas devoir être relevée. Une recommandation venue de si haut ne pouvait être négligée et le mépris de Mrs B- pour l'auguste estragon fut instantanément oublié. La possibilité que ses oeufs pussent se retrouver dans le même plat que la noble herbe plongea alors notre héroïne dans une telle excitation que Lady Cumberland se fût levée pour partir, n'eût-été la perspective du déjeuner....
Mais au lieu de cela, elle se contenta d'inciter son hôtesse à s'y mettre. "Je vous invite à commencer!"
Mrs B- dut séparer les blancs d'oeufs des jaunes pour les battre en neige. Puis, sur le conseil de Lady Cumberland, elle les passa au chinois pour enlever les germes, mixa les blancs et les jaunes en évitant cette écume si disgracieuse qui s'ensuit parfois. Cette mission à peine achevée, elle ajouta l'estragon qui bénéficiait désormais de ses bonnes grâces. Elle pouvait à peine contenir l'exaltation provoquée par le tableau exquis constitué par des oeufs et de l'estragon, et rêvait des moments délicieux où elle les verrait réunis sur un toast.
Prélevant la moitié du beurre, Mrs B- l'étala dans la poêle et lui accorda le titre d'ingrédient le plus docile.Le beurre restant fut incorporé à la mixture par petits morceaux avec du sel et du poivre, puis elle mit le tout à cuire, à feu moyen, en remuant constamment pour l'empêcher d'attacher. Quand le mélange eut épaissi, elle retira la poêle du feu et continua à remuer: la chaleur de la poêle était encore assez forte pour achever la cuisson sans que les oeufs devinssent trop secs.
Cette alliance délicieuse, Mrs B- la servit avec du pain grillé, et d'une manière si élégante et si méritoire que, quand Lady Cumberland fut obligée de déclarer le plat réussi, le bonheur de ses invités fut assuré. Et ce fut effectivement le cas, si l'on excepte Mrs Eliot,qui, quand elle en commenta les détails à son mari, fit des remarques désobligeantes sur l'absence de raffinement avac laquelle on avait dressé la table et sur l'infériorité évidente du plat proposé, comparé à sa propre recette d'oeufs benedict. Cependant, et malgré toutes ces réserves, les espoirs, les sensibilités et l'appétit de la petite bande d'amis sincères rassemblés pour ce déjeuner furent assouvis à merveille par cette union parfaitement réussie.
Traduit de l'anglais par Geneviève Brisac.
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Dernière édition par le Dim 15 Juil 2007 - 5:11, édité 2 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: cuisine et littérature Dim 15 Juil 2007 - 1:05 | |
| Les gaufrettes de Lubin Baugin ont inspiré à Sophie Nauleau: La main d'oublies...J' y reviendrai...;) et puisqu'on en est à Lubin Baugin, voici cette Coupe de fruits: | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mar 24 Juil 2007 - 2:24 | |
| Soupe Miso rapide à la Franz Kafka 3 cuillerées à soupe de miso fermenté- 150 g de tofu mou 4-5 champignons de Paris quelques feuilles de wakame séché
K. se fit la reflexion que si un homme n'est pas toujours sur ses gardes, ce genre de choses pouvait arriver. Ouvrant le réfrigérateur, il le trouva complètement vide ,à part quelques champignons, qu'il commença à couper en morceaux. Ses invités étaient assis à la table, en train de l'attendre, et il n'avait presque rien à leur offrir. Mais étaient-ils vraiment invités ou étaient-ils arrivés là sans être conviés? Il n'en avait pas la moindre idée. Dans le premier cas, il aurait dû prendre une cuisinière pour la soirée, ce qui lui aurait permis de faire montre d'une certaine autorité à table; au lieu de quoi, il lui semblait que, pour le moment, ses visiteurs le regardaient comme un subordonné dont l'inefficacité ne faisait que retarder l'heure du dîner. Mais dans le second cas, en n'arrivant qu'à présent, d'une manière impromptue à cette heure indue, ils ne devaient quand même pas s'attendre à trouver à dîner. Le sifflement de la bouilloire ramena son attention à la nourriture, ce qui lui fit remarquer un bocal de miso fermenté et un bloc de tofu mou , laissés peut être par sa propriétaire. Il versa trois cuillerées à café de miso dans la casserole avec un litre d'eau chaude, tout en dissimulant le processus à l'assemblée. Il se reprocha de penser aux nouveaux arrivants comme à une assemblée. Comme ils n'avaient pas défini le but de leur visite ni la raison pour laquelle ils faisaient appel à lui, il ignorait tout de leurs positions respectives. Leur façon d'être suggérait peut-être qu'ils étaient des officiers de haut rang mais il était aussi possible qu'il fût leur supérieur, et qu'ils fussent passés le voir pour faire bonne impression. Non sans honte, K s'aperçut qu'il n'avait rien offert à boire à ses invités.Cependant, quand il releva la tête, il vit qu'une bouteille déjà ouverte était posée sur la table et que ses juges étaient en train de boire son vin. Qu'ils se fussent servis sans sa permission lui sembla abominable, mais il se douta que leur impertinence à son égard n'était pas fortuite. K. décida de leur faire une remarque au sujet de leur impolitesse. " Comment est le vin?" lança-t-il.Sa ruse lui fut retournée. " Il serait plus appréciable s'il y avait quelque chose à manger, dirent-ils en choeur. Mais comme vous ne nous avez pas fait l'honneur de vous habiller pour le dîner, nous n'avons pas grand espoir de ce côté là." Le malaise de K. fut grand lorsqu'il s'aperçut qu'il était en fait en caleçon et en bras de chemise. Lorsque la soupe commença à entrer en ébullition, K. coupa le tofu en petits dés d'un centimètre, qu'il jeta dans la casserole fumante avec les champignons et le wakame. En regardant par la sombre fenêtre, il remarqua qu'une voisine était en train d'observer ce qui se passait. L'expression sévère de la jeune personne ne déplut pas à K. , mais la pensée qu'elle devait tirer quelque plaisir de la situation le mit en fureur, si bien qu'il donna un coup de poing sur le plan de travail. Il se dit qu'elle pouvait être rattachée à la commission rogatoire, ou qu'elle pourrait avoir une influence dans son procès, et il jeta un regard de supplication dans sa direction, mais elle était déjà partie et il se dit qu'il avait probablement gâché les avantages que la situation aurait pu lui offrir.En deux minutes, la soupe fut prête. K. la versa dans des bols et la servit à ses visiteurs. Quelqu'un avait enlevé l'une des quatre chaises autour de la table ,et avec un certain malaise K. vit que l'assemblée ne faisait aucun effort pour lui faire de a place. Il ajouta un filet de sauce soja dans chacun des bols, alors que le plus âgé de ses trois juges s'adressait aux autres comme si K. n'était pas présent. " Il faut qu'il se débarrasse de ses illusions; il est possible qu'il s'imagine que nous sommes ses subordonnés et que nous sommes venus chercher son approbation." Le sentiment de K. d'être un étranger à son propre dîner ne lui était pas inconnu. Il était désolé de ne as avoir revêtu son costume gris; sa coupe élégante avait fait sensation parmi ses amis et il était de la plus haute importance de faire bonne impression dans ce genre de situation. Il était essentiel pour un homme dans sa position de ne pas paraître surpris par les évènements. Alors que les membres de la commission rogatoire se partageaient le contenu du bol de K. , celui-ci se tint immobile ,tentant de rassembler ses idées, car il savait qu'on risquait d'exiger beaucoup de lui, et il se pourrait bien que la soupe influençât encore l'issue de son procès. Mark Crick traduction française de ce chapitre: Eliette Abécassis
Dernière édition par le Mar 24 Juil 2007 - 6:16, édité 1 fois | |
| | | Sophie Sage de la littérature
Messages : 2230 Inscription le : 17/07/2007 Age : 48 Localisation : Tahiti
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mar 24 Juil 2007 - 5:17 | |
| Merci Marie pour ces extraits (que je n'ai presque pas lus pour garder le mystère) mais qui me donnent de plus en plus de lire ce livre. | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mar 24 Juil 2007 - 6:30 | |
| Ah, Sophie, cette petite suite de pastiches, avec pour chacune un traducteur différent,est très agréable. Mieux encore, chaque recette est illustrée par l'auteur, à la manière de également, Matisse, Chirico, Hockney, etc! J'avais scanné, mais l'hébergeur d'images n'est pas content et refuse. C'est kafkaïen. | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mar 24 Juil 2007 - 9:04 | |
| Je l'avais noté dans mon petit carnet depuis pas mla de temps. Il est encadré maintenant | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: cuisine et littérature Mer 3 Oct 2007 - 10:28 | |
| Je viens de finir de préparer le repas pour midi et me dit que la littérature nous offre quelques beaux exemples de recettes, découvertes culinaires ou autres surprises sur la cuisine, ses aliments, ses ingrédients. Au menu pour midi, foison de couleurs (orange, vert, rouge et rose....) Voici deux extraits qui font ma joie : Jim Harrison "Entre chien et Loup" : - Citation :
- Mais cette nuit-là, un grosse lune brillait à travers la neige intermittente et un posole mijotait sur le feu, sombre bouret contenant plusieurs piments différents, une tête d'ail, de la semoule de maïs séché au soleil ainsi que le cou, les côtes et les jarrets d'une jeune chèvre. Après avoir mangé ce posole, nous sommes partis à pieds au clair de lune...
Ou encore cet extrait du Cyrano de Rostand : - Citation :
- Battez, pour qu'ils soient mousseux
Quelques oeufs ; Incorporez à leur mousse Un jus de cédrat choisi ; Versez-y Un bon lait d'amande douce ; Mettez de la pâte au flan dans le flanc De moules à tartelette ; D'un doigt preste, abricotez le côtés ; Versez goutte à goutelette Votre mousse en ces puits puis que ces puits Passent au four, et, blondines, Sortant en gai troupelets, Ce sont les Tartelettes amandines !
Dernière édition par Steven le Ven 18 Avr 2008 - 13:27, édité 1 fois | |
| | | Le Bibliomane Zen littéraire
Messages : 3403 Inscription le : 21/02/2007 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mer 3 Oct 2007 - 10:48 | |
| Il est vrai que cuisine et littérature font souvent bon ménage. Je pense tout de suite aux " Enquêtes de Nicolas Le Floc'h" de Jean-François Parot, polars historiques se déroulant au XVIII ème siècle et dont les intrigues sont parsemées de recettes de cuisine. Je panse ( " panse"faute de frappe que je conserve) aussi à " La colère des aubergines" de Bulbul Sharma, aux " Histoires de bouche" de Noëlle Chatelet, ou encore à " Mangez-moi" d'Agnes Desarthe. Merci Steven d'avoir ouvert ce fil qui va sûrement réveiller les papilles de nos amis parfumés | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mer 3 Oct 2007 - 11:47 | |
| - Le Bibliomane a écrit:
- ... ou encore à "Mangez-moi" d'Agnes Desarthe.
Merci Steven d'avoir ouvert ce fil qui va sûrement réveiller les papilles de nos amis parfumés Oui, qu'il les réveille As-tu lu ce livre de Desathe Bibliomane? J'étais intéressée et l'ai offert en cadeau (doublement interessée ) à ma belle-soeur à sa sortie. Mais j'ai tellement de pain (cas de le dire) sur la planche que j'hésite à l'entamer... | |
| | | Le Bibliomane Zen littéraire
Messages : 3403 Inscription le : 21/02/2007 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mer 3 Oct 2007 - 12:03 | |
| Non, pas encore lu. Il est sur une étagère et il attend son tour. Comme pour toi, beaucoup de pain sur la planche. | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: cuisine et littérature Mer 3 Oct 2007 - 12:53 | |
| Je ne connais qu'Agnès Desarthe auteur de littérature de jeunesse. Le magnifique "Petit Prince Pouf" (illustré par Claude Ponti) ainsi que "Les frères chats" et "Le monde d'à côté" avec Anaïs Vaugelade. Je franchirai peut-être le pas en essayant de lire "Mangez-moi" dans les semaines à venir. | |
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| Sujet: Re: cuisine et littérature | |
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| | | | cuisine et littérature | |
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