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| Italo Calvino [Italie] | |
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bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Sam 1 Mai 2010 - 19:58 | |
| Les feuilles des érables deviennent en novembre d' un rouge écarlate qui est la note dominante du paysage de l' automne japonais : elles se détachent sur le fond vert sombre des conifères et des diverses tonalités de fauve, rouille et jaunes des autres feuillages. Mais les érables ne s'imposent pas à lavue par un acte d' arrogance chromatique effronté : si l' oeil est aimanté par eux comme s' il poursuivait le motif d' une musique, c' est à cause de la légèreté de leurs feilles étoilées, comme suspendues autour de branches fines, toutes horizontales, sans épaisseur, tendant à s' étendre sans toutefois encombrer la transparence de l' air. Les feuilles du ginkgo sont au contraire jaunes, du jaune le plus vif et le plus lumineux; elles tombent en pluie de très hautes branches, comme des pétales de fleurs : infinité de petites feuilles en forme d' éventail, pluie légère et contiue qui pigmente de jaune la surface du petit lac. L' Envers du sublime dans le recueil Collection de sable Voilà un aspect de Calvino que je ne connaissais pas celui de l' observateur minutieux et spéculatif du monde visible... Qu' il s' agisse des observations cartographiques anciennes ou de musées de monstres de cire, de la colonne Trajane ou de voyages au Japon et au Mexique, Calvino révèle un talent de connaisseur cultivé et poétique. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Lun 10 Mai 2010 - 18:09 | |
| Voilà, je termine Collection de sable et j' ai l' impression d' avoir saisi, pas nécéssairment compris, des notions claires, précises sur Japon, le Mexique, l' Iran. Une manière de synthétiser, de montrer, d' expliquer en très peu de phrases et très peu de mots ce qui nous plonge dans l' embarras quand on est confronté à une culture inconnue, et de ne pouvoir capter ce qu' il y a derrière ce qu' on voit. Et qui est essentiel. Par exemple quand il parle d' une mosquée à Ispahan. Ce que j' avais compris au cours d' un lointain voyage à Ispahan : que la chose la plus importante au monde, ce sont les espaces vides. Les voutes en nids d' abeilles des coupoles de la mosquée du shah Abbas, la coupole brune de la mosquée du Vendredi, portée par une succession d' arcs de taille décroissante, calculés suivant une arithmétique sophistiquée pour souder la base carrée au cercle qui soutient la calotte; les liwan, ces grands portails quadrangulaires à la voute arquée : tout confirme ici que la véritable substance du monde est donnée par la forme en creux. Le Mihrab, dans Collection de sable | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 11:51 | |
| Le vicomte pourfendu (1952) Dix-huitième siècle. Le vicomte génois Médard de Terralba rejoint l’armée du Saint-Empire romain germanique en guerre contre les Turcs. Toute l’absurdité de la bataille est démontrée d’une manière cinglante à travers cet évènement : le vicomte, frappé par un boulet de canon, finit en bouillie. Mais peut-être devrait-on parler de semi-compote… ? - Citation :
- « Quand on retira le drap qui couvrait le vicomte, on vit son corps effroyablement mutilé. Non seulement il lui manquait un bras et une jambe, mais tout ce qu’il y avait de thorax et d’abdomen entre ce bras et cette jambe avait été emporté, pulvérisé par ce coup de canon à bout portant. Pour la tête, il n’en restait qu’un œil, une oreille, une joue, la moitié du menton et la moitié du front : de l’autre moitié, il ne subsistait qu’une bouillie. Pour résumer, il ne demeurait plus qu’une moitié de lui, la moitié droite, du reste parfaitement conservée, sans une égratignure, à part l’énorme déchirure qui l’avait séparée de la moitié gauche réduite en miettes. »
En effet, le vicomte Médard, plus absurde que la guerre, a été scindé en deux parties strictement symétriques. L’une, a priori irrécupérable, est laissée à l’abandon. L’autre fera l’objet des soins acharnés de médecins d’abord passionnés par la biologie avant d’être dévoués à la cause humaine : c’est pourquoi ils passeront tout leur temps à réparer la moitié récupérable de Médard au détriment de petits blessés moins stimulants, qui finiront bon gré mal gré par rendre l’âme. A l’issue de ces soins, la moitié se relève, triomphante. Dispensée de guerre, elle retourne à Terralba et montre sa nouvelle nature : mauvaise, elle dispense sa cruauté sans distinction d’âge ni de sexe. Il semblerait que ce soit la mauvaise moitié de Médard qui ait survécu… Le récit est pris en charge par le neveu de Médard, un orphelin un peu vagabond qui, par son statut même, permet au lecteur de prendre conscience des répercussions engendrées par les méfaits du vicomte sur l’ensemble du territoire de Terralba. La jeunesse du narrateur, dont l’âge ne dépasse pas la dizaine d’années au moment des faits, permet de porter sur les évènements un regard innocent qui frôle souvent la naïveté. Les actes, de quelque cruauté qu’ils soient, sont décrits avec un détachement et une neutralité qui feraient presque passer le jeune neveu pour un maître de l’humour noir. Toutefois, son innocence permet aussi d’atteindre à des emportements de bonheur sincères et à un humanisme primordial, dénué de toute considération cynique portant sur l’être humain. A ce moment-là, l’écriture se teinte d’imaginaire et devient plus poétique. La vie à Terralba, centrée autour des péripéties engendrées par le vicomte, prend un tournant lorsque celui-ci tombe amoureux de Paméla, une bergère bonne vivante pour qui les sentiments amoureux sont un constituant de la vie au même titre que les travaux agricoles ou que le repos dans le pré. Se marier avec la cruauté même ne semble pas être le gage d’un avenir réussi… Mais l’hésitation ne tarde pas à se faire sentir lorsque de plus en plus de villageois témoignent de ce fait incroyable : le vicomte se montre parfois bon. L’amour métamorphoserait-il notre homme ? Que non ! La réalité est encore plus fantastique : la deuxième moitié du vicomte, que tout le monde croyait disparue, est revenue à Terralba. Le récit prend une tournure symbolique et met en scène l’affrontement de la force du bien contre celle du mal. La confrontation n’est pas immédiatement directe : elle se met en place à travers les répercussions des actes de chaque moitié sur la vie des villageois, qui pâtissent plus que jamais de cette cohabitation des deux moitiés dans un même lieu. Elle finira dans un affrontement concret qui se cristallise autour de la possession de Paméla. Malgré l’interprétation symbolique évidente de cette confrontation, on ne peut pas dire que la lecture du Vicomte Pourfendu soit vraiment marquante. La forme du conte est en partie responsable du caractère anecdotique d’une intrigue pourtant originale et qui aurait pu donner lieu à des approfondissements plus intéressants. La singularité de l’écriture, à la fois cruelle et enchantée, truffée de passages burlesques qui prêtent à sourire, ne parvient pas à compenser la banalité d’une conclusion moralisante qui étonne surtout pas son évidence. Malgré le caractère anecdotique de l’intrigue, il n’empêche que la lecture du Vicomte Pourfendu laisse le souvenir d’un divertissement stimulant qui donne envie d’aller creuser plus loin dans l’œuvre d’Italo Calvino. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 16:10 | |
| J'ai lu vos commentaires sur les deux autres contes dela Trilogie des ancêtres et du coup, je ne sais pas si je suis vraiment emballée à l'idée de lire les deux autres livres qui le constituent... S'ils sont de la même veine que le Vicomte pourfendu, j'ai bien peur que ça commence à me lasser. Le Baron perché peut-être ? ... | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 16:15 | |
| - colimasson a écrit:
- J'ai lu vos commentaires sur les deux autres contes dela Trilogie des ancêtres et du coup, je ne sais pas si je suis vraiment emballée à l'idée de lire les deux autres livres qui le constituent... S'ils sont de la même veine que le Vicomte pourfendu, j'ai bien peur que ça commence à me lasser.
Le Baron perché peut-être ? ... Oui, Coli, un homme qui décide de vivre dans les arbres, sans etre un oiseau, est digne d' interet ! En tout cas, dans mon souvenir, c' était un acte en soi qui m' avait séduit... | |
| | | anagramme Agilité postale
Messages : 909 Inscription le : 29/08/2008
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 17:16 | |
| @Colimasson : le Baron perché est super ! Et il y a un passage où le protagoniste fait épreuve d'une ruse extraordinaire avec des escargots qui devrait te plaire | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 18:17 | |
| - colimasson a écrit:
- J'ai lu vos commentaires sur les deux autres contes dela Trilogie des ancêtres et du coup, je ne sais pas si je suis vraiment emballée à l'idée de lire les deux autres livres qui le constituent... S'ils sont de la même veine que le Vicomte pourfendu, j'ai bien peur que ça commence à me lasser.
Le Baron perché peut-être ? ... Ils sont de la même veine, mais chacun avec son originalité. Je ne pense pas que cela te lassera, d'autant plus qu'ils sont courts. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 19:26 | |
| - anagramme a écrit:
- @Colimasson : le Baron perché est super ! Et il y a un passage où le protagoniste fait épreuve d'une ruse extraordinaire avec des escargots qui devrait te plaire
Ah oui, s'il y a des escargots... Sur vos bons conseils, je note ce Baron à ma longue-longue LAL... | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Ven 24 Aoû 2012 - 19:29 | |
| J'ai Cosmicomics qui m'attend, et s'il m'attend un peu trop, il faudra que je le rendre à la bibli, non lu... | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Dim 3 Mar 2013 - 11:00 | |
| Si par une nuit d'hiver, un voyageur ... L'un des rares, si ce n'est le seul, livres que j'ai lu du début à la fin mais aussi par chapitres pris au hasard mais aussi par tranche de deux chapitres ... Et je me suis à chaque fois régalé de découvrir une nouvelle évasion romanesque différente de ma lecture précédente ... Réellement étonnant et captivant ... Par contre, malgré mes éloges, je n'ai jamais réussi à faire lire ce livre jusqu'au bout à quiconque ...
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| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Dim 3 Mar 2013 - 13:30 | |
| - GrandGousierGuerin a écrit:
- Si par une nuit d'hiver, un voyageur ...
L'un des rares, si ce n'est le seul, livres que j'ai lu du début à la fin mais aussi par chapitres pris au hasard mais aussi par tranche de deux chapitres ... Et je me suis à chaque fois régalé de découvrir une nouvelle évasion romanesque différente de ma lecture précédente ... Réellement étonnant et captivant ... Par contre, malgré mes éloges, je n'ai jamais réussi à faire lire ce livre jusqu'au bout à quiconque ... Oh je ne doute guère qu'ici ton prosélytisme puisse aboutir tant la curiosité de certains membres ainsi que l'éclectisme des goûts soient deux constantes indéniables chez les Parfumés ......... et déjà je vais noter cette référence dans mes tablettes !!!! | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Dim 28 Avr 2013 - 20:57 | |
| Italo Calvino Sous le soleil jaguarAh, Italo Calvino, ses plaisantes et digestes bonnes histoires philosophico-comiques ! Là c'est le dernier ouvrage avant sa mort, le projet était six nouvelles sur les cinq sens auquel il en ajouterait un, le sens commun. Il n'a eu le temps que pour trois. Datées de 1985, elles paraissent en 1990 (1988 en italien). La première, sur l'odorat, fut une déception, je crois même avoir laissé là le livre une bonne semaine en marmonnant: "ne vaut pas le papier et l'encre de l'impression". Y a-t'il plus implacable que le fan déçu ? La seconde, sur le goût, et qui a justement donné son titre à l'opus parce que c'est la plus "forte", est d'excellente facture mais vous laisse un profond malaise à tous les niveaux de lecture, à tous les degrés de recul ou de compréhension. Je rends un verdict de désespérance aggravée... La dernière, sur l'ouïe, est un joyau ciselé, où l'on retrouve la verve coutumière de l'auteur, son sens de l'absurde réaliste (mettons plausible et c'est mon dernier mot), toutes les qualités burlesques connues de l'Italo y compris le rire narquois en coin, toute la portée bouffonnante, mais comme toujours dans les bonnes feuilles de Calvino, vous méditerez, perchés tel un Baron à un second niveau de lecture: la célèbre double dimension, familière à tout lecteur " calviniste".Extrait de cette dernière nouvelle: - Spoiler:
Le palais est un entrelacs de sons réguliers, toujours les mêmes, comme le battement du coeur, d'où se détachent d'autres sons discordants, imprévus. Une porte claque, où çà? Quelqu'un court dans l'escalier, on perçoit un cri étouffé. De longues minutes d'attente passent. Un sifflement résonne, long, aigu, descendu peut-être d'une fenêtre de la tour. Un autre sifflement répond, venu d'en bas. Puis, le silence. Existe-t-il une histoire qui relie un bruit à un autre? Tu ne peux t'empêcher de chercher un sens, qui se cache peut-être non dans chacun de ces bruits isolés mais entre eux, dans les pauses qui les séparent. Et, s'il existe une histoire, est-ce une histoire qui te concerne? Une suite de conséquences qui finiront par t'impliquer? Ou s'agit-il seulement d'un épisode indifférent parmi tous ceux dont se compose la vie quotidienne du palais? Chaque histoire que tu penses deviner renvoie à ta personne, rien ne se passe dans le palais où le roi ne joue un rôle, actif ou passif. De l'indice le plus faible, tu peux tirer un augure sur ton sort. Pour qui vit dans l'anxiété, tout signe qui rompt la norme apparaît comme une menace. Le moindre événement sonore te semble annoncer l'accomplissement de tes craintes. Mais le contraire ne pourrait-il pas être aussi vrai? Prisonnier d'une cage de répétitions cycliques, tu tends l'oreille dans l'espoir, à chaque note, qu'elle va bouleverser ce rythme suffoquant, à chaque annonce, qu'elle prépare une surprise, l'ouverture des barreaux, les chaînes brisées. Peut-être la menace tient-elle plus aux silences qu'aux bruits. Depuis combien d'heures n'as-tu pas entendu la relève des sentinelles? Et si l'escouade des gardes qui te sont fidèles avait été capturée par les conjurés? Pourquoi n'entend-on pas, comme toujours, tinter les casseroles dans les cuisines? Peut-être les cuisiniers fidèles ont-ils été remplacés par une équipe de tueurs à gages qui ont l'habitude d'envelopper de silence tous leurs gestes, d'empoisonneurs qui sont en train d'imbiber silencieusement les plats de cyanure... Peut-être est-ce au contraire justement dans la régularité que se cache le danger. Le clairon fait retentir sa sonnerie coutumière à l'heure exacte de tous les jours: n'as-tu pas l'impression qu'il y met une précision excessive? Ne remarques-tu pas une étrange obstination dans le roulement des tambours, comme un excès de zèle? Le pas de l'escouade en marche qui se répercute le long du chemin de ronde semble observer aujourd'hui une cadence lugubre, celle presque d'un peloton d'exécution... Les chenilles des tanks glissent sur le gravier presque sans crisser, comme si les mécanismes avaient été plus huilés que d'habitude: en vue, peut-être, d'un combat? Les troupes de la garde ne sont peut-être plus celles qui t'étaient fidèles... Ou bien, sans avoir été remplacées, elles seront passées du côté des conjurés... Peut-être que tout continue comme avant, mais que le palais est déjà aux mains des usurpateurs, on ne t'a pas encore arrêté parce que désormais tu ne comptes plus pour rien, on t'a oublié sur un trône qui n'est plus le trône. Le déroulement régulier de la vie du palais est le signe que le coup d'Etat a bien eu lieu, un nouveau roi siège sur un nouveau trône, ta condamnation a été prononcée, à ce point irrévocable qu'il n'y a aucune raison de s'empresser de l'exécuter... Ne délire pas. Tout ce que l'on entend bouger dans le palais répond exactement aux règles que tu as imparties: l'armée obéit à tes ordres avec une précision d'horlogerie, le cérémonial du palais ne permet pas la moindre variante quand il s'agit de dresser ou de desservir la table, de faire coulisser les rideaux ou de dérouler les tapis d'honneur selon les dispositions retenues, les programmes radiophoniques sont ceux que tu as une fois pour toutes établis. Tu as la situation en main, rien n'échappe à ta volonté ou à ton contrôle. Même la grenouille qui coasse dans le bassin, les criailleries des enfants qui jouent à colin-maillard, la culbute du vieux chambellan dans les escaliers, tout répond à ton dessein, tout a été pensé par toi, décidé, délibéré avant de devenir audible à ton oreille. Pas une seule mouche ne vole ici sans que tu le veuilles.
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| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Lun 29 Avr 2013 - 8:55 | |
| Merci Sigismond pour ce superbe extrait ! Apparemment tu as déjà lu d'autres oeuvres de Calvino ... Quel a été ton ressenti ? - Sigismond a écrit:
La dernière, sur l'ouïe, est un joyau ciselé, où l'on retrouve la verve coutumière de l'auteur, son sens de l'absurde réaliste (mettons plausible et c'est mon dernier mot), toutes les qualités burlesques connues de l'Italo y compris le rire narquois en coin, toute la portée bouffonnante, mais comme toujours dans les bonnes feuilles de Calvino, vous méditerez, perchés tel un Baron à un second niveau de lecture: la célèbre double dimension, familière à tout lecteur "calviniste".
Pourrais-tu expliquer cette notion "calviniste" de double dimension ? | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Mer 1 Mai 2013 - 15:25 | |
| - GrandGousierGuerin a écrit:
- Merci Sigismond pour ce superbe extrait !
Apparemment tu as déjà lu d'autres oeuvres de Calvino ... Quel a été ton ressenti ? J'ai commencé comme beaucoup par Le Baron perché, à l'adolescence, ce livre était un des plus échangés et commentés sous les préaux. J'ai enchaîné plus tard avec Le chevalier inexistant, tout aussi plaisant, puis Le Vicomte pourfendu, plus cru, plus grinçant, pour tout dire je l'avais trouvé moins goûteux. Pourtant, la verve, la truculence, l'art narratif sont les mêmes. Plus tard encore j'ai dévoré les nouvelles Le corbeau vient en dernier, pas qu'un peu différentes du style de la trilogie, mais très recommandables. Ce qui m'a incité à continuer avec les trois nouvelles de sous le soleil Jaguar (mon message ci-dessus), et, auparavant, par le château des destins croisés. Si personne ne s'y jette avant, je vais peut-être risquer un de ces jours une présentation de cet ouvrage, ainsi que le corbeau vient en dernier. Comme je vous l'ai laissé entrevoir à propos d'Asturias et de Chesterton, et comme je vous le dirai à l'occasion des fils de, par exemple, Jean Giono, Marcel Aymé, Carlos Fuentes, Jorge-Luis Borges, Gabriel Garcia-Marquez, Vladimir Nabokov et quelques autres, j'ai pas mal d'appétit pour ce qui fut code-barrisé "réalisme magique" en littérature du XXème. Commode et discutable manière d'assembler en vrac ce qui n'est ni un mouvement (en l'occurrence Calvino était, comme Queneau, membre du mouvement de l'Oulipo), ni un courant, ni une école, ni un style: mais trouver un plus petit dénominateur commun à ces auteurs-là, voire un petit air de famille littéraire, n'est pas non plus de première absurdité. J'ai bien noté les posts enthousiastes à propos de Si par une nuit d'été un voyageur et Cosmicomics , je crois que je ne vais pas tarder à entreprendre la lecture de ces livres ! - GrandGousierGuerin a écrit:
- Pourrais-tu expliquer cette notion "calviniste" de double dimension ?
Oui, ! C'est flagrant dans le château des destins croisés, mais aussi dans la trilogie des ancêtres, par exemple: On passe du plausible-vraisemblable au fantastique dans le même paragraphe et pour ainsi dire dans la même phrase, et tout est à ce point entremêlé que s'il fallait prendre un livre de comptable et inscrire dans une colonne le plausible et dans l'autre ce qui ne l'est pas, il faudrait sûrement apposer une troisième colonne, "point d'interrogation". Il s'ensuit qu'à plans superposés en permanence on a l'épatante et vertigineuse sensation (en tous cas, je la ressens !) que lire du Calvino équivaut parfois à chevaucher deux montures à la fois ! | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Italo Calvino [Italie] Mer 1 Mai 2013 - 18:26 | |
| Merci Sigismond pour toutes ces précisions ! Et je viens d'apprendre que j'avais un goût particulier pour le réalisme magique - Spoiler:
Pour ma part, je n'aurais pas pensé à rassembler tous ces auteurs dans un même groupe
J'ai commencé Calvino par Si par une nuit d'hiver un voyageur et je fus tellement ébranlé que j'ai trouvé un peu fade le reste de son oeuvre ... - Spoiler:
Il faut dire que mon ressenti est à a la limite de la mystique pour Si par une nuit d'hiver un voyageur
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