Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Javier Cercas [Espagne]

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shanidar
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyLun 7 Avr 2014 - 10:41

Avadoro a écrit:
Cercas mentionne Salamine car la postérité des récits de cette bataille antique est marquée par le doute. Il creuse en effet le lien entre l'histoire et le mémoire jusqu'à l'obsession. C'est un titre qui construit un rapport au passé et au mythe.
Merci en tout cas pour ton commentaire enthousiaste, shanidar.

Merci pour cette explication Avadoro. De mon côté, je croyais que le titre avait été choisi par Cercas parce qu'il représentait cette idée qui revient souvent sous sa plume (et celle de Sanchez Mazas) que les révolutions sont gagnées par une poignée de soldats-poètes et il me semblait que lors de la bataille de Salamine les Perses étaient mille fois plus nombreux que les Grecs et pourtant ces derniers avaient été vainqueurs. Mais ton explication est bien plus fiable !


Dernière édition par shanidar le Lun 7 Avr 2014 - 22:19, édité 1 fois
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Avadoro
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyLun 7 Avr 2014 - 19:44

Je pense que tu confonds avec la bataille des Thermopyles et le sacrifice des Spartiates, qui permet aux Grecs de réorganiser leur défense pour l'emporter un mois plus tard à Salamine.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyLun 7 Avr 2014 - 22:20

Aïe, il va vraiment falloir que je me consacre un peu plus à l'histoire antique que je connais encore plus mal que la guerre d'Espagne !! et merci pour les précisions Avadoro.
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 7:56

shanidar a écrit:
Aïe, il va vraiment falloir que je me consacre un peu plus à l'histoire antique que je connais encore plus mal que la guerre d'Espagne !! et merci pour les précisions Avadoro.

Bah, sinon il y a des films néo-réalistes qui permettent de combler les manques historiques.
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 9:49

tu le conseilles vraiment eXPie ou il faut voir un second degré à la proposition ?
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 11:13

Vu comme un film humoristique, ça peut être vraiment bien.
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 11:22

(du genre de Brad Pitt à moitié nu dans Troie ?)
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 16:57

shanidar a écrit:
tu le conseilles vraiment eXPie ou il faut voir un second degré à la proposition ?
C'était bien un second degré... Mais bon, certaines scènes sont efficaces. C'est une grande BD (d'ailleurs, c'est une adaptation de BD)
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shanidar
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 8 Avr 2014 - 20:13

eXPie a écrit:
shanidar a écrit:
tu le conseilles vraiment eXPie ou il faut voir un second degré à la proposition ?
C'était bien un second degré... Mais bon, certaines scènes sont efficaces. C'est une grande BD (d'ailleurs, c'est une adaptation de BD)

bon je le note pour un jour de grande détresse !
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptySam 12 Avr 2014 - 18:14

J'ai acheté Les Soldats de Salamine aujourd'hui, je devrais le lire d'ici peu.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptySam 12 Avr 2014 - 22:07

Dreep a écrit:
J'ai acheté Les Soldats de Salamine aujourd'hui, je devrais le lire d'ici peu.

Je suis très curieuse de savoir ce que tu vas en penser.
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyMar 15 Avr 2014 - 18:12

Je sens que ça va vraiment pas tardé, je suis impatient !
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyLun 21 Avr 2014 - 14:35

A la vitesse de la lumière





A travers le parcours d'un jeune écrivain espagnol en herbe tout juste sorti de l'oeuf, qui partira aux Usa en tant que professeur vacataire dans une université engendrant  une  rencontre-clé  dans sa vie , Cercas nous invite tout au long du livre à partager les interrogations d'un homme en quête de vérité .....

Une étrange relation s'établit entre le narrateur et  son collègue universitaire Rodney Flak  , essentiellement orientée au départ vers des échanges intellectuels à bâtons rompus .
Ce Rodney Falk énigmatique ,  appartient à ceux qui ne se laissent pas apprivoiser facilement ;  ancien vétéran du Viet-nam , il semble traîner une âme aussi lourde et souffrante que sa carcasse  à l'allure claudicante et dégingandée  avec son cynisme silencieux ,  ses rares  propos laconiques et aiguisés ,sa misanthropie à peine dissimulée et son goût pour la solitude .
Il n'en faut pas moins pour éveiller la curiosité du jeune écrivain qui cherchera  à percer ce halo de mystère entourant celui dont il se sent l'ami alors que Rodney continuera jusqu'à la fin à maintenir un semblant de distance affective .....
De ces discussions informelles , de la pugnacité de l'écrivain pour parvenir à saisir la personnalité fuyante de son ami ,  de ce lien qui naitra progressivement mais indissoluble  par la suite , entre ces deux êtres et du parallèle de leur vie chaotique , Cercas nous immerge dans la profondeur du questionnement de l'homme .....Errance , doute , choix ou soumission , aléas de la vie ou libre-arbitre ,essence de l'âme humaine, danger du pouvoir ou de la réussite  et notion de culpabilté , sens de l'écriture .....Ce roman est une invitation  à la réflexion de l'homme qui se veut lucide , créateur de sa vie dans un grand souci d'honnêteté !

Choisir un écrivain comme protagoniste principal du roman n'est pas innocent car c'est bien de lui même dont nous parle Cercas et de ses tourments d'écrivain dans cette identité de 'témoin" de la vie , et de la capacité à créer peut-être une force "rédemptrice" ,  permettant peut-être aussi à regarder et accepter  la réalité à travers le prisme de l'écriture ....(Il fait d'ailleurs référence à certains ouvrages écrits par lui même , le doute n'est pas permis )

Perplexe en début de lecture car l'intrigue tarde à se mettre en place , je me suis laissée portée par l'écriture fluide , souple et aérée de Cercas : une belle rencontre m'attendait ....Cet écrivain fait preuve d'une rare probité , d'une lucidité effrayante et courageuse et d'un talent subtil pour mettre tout cela en mots !
Coup de coeur de l'année !


Dernière édition par églantine le Lun 21 Avr 2014 - 19:06, édité 13 fois
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyLun 21 Avr 2014 - 15:14

Au coeur du roman , un extrait de lettre  que Rodney écrivit à son père lorsqu'il était au Viet Nam que le narrateur découvre  :
Citation :


Je connais maintenant la vérité de la guerre , écrit par exemple Rodney dans une de ces lettres .La vérité de cette guerre et de n'importe quelle autre, la vérité de toutes les guerres , la vérité que tu connais autant que je la connais et que connaissent tous ceux qui ont fait la guerre , c'est qu'au fond du fond  cette guerre n'est pas différente de toutes les autres guerres et qu'au fond du fond la vérité de la guerre est toujours la même . Tout le monde ici connait cette vérité , mais personne a le courage de l'admettre.Tous mentent.Moi aussi .Je veux dire que moi aussi je mentais jusqu'à ce que j'aie cessé de le faire, jusqu'à ce que j'aie été dégoutéde mentir, jusqu'à ce que le mensonge m'ait dégoutéplus que la mort: Le mensonge est sale, la mort est propre.Et c'est justement ça la vérité que tout le monde connait (et tous ceux qui ont fait la guerre) et que personne ne veut admettre.Que tout ça est beau: que la guerre est belle , que la mort est belle.Je ne pesne pas seulement à la beauté de la lune qui se lève comme un epièce d'argent dans la nuit suffocante des rizières, ni aux bandes de sang qu'esquissent dans l'obscurité les balles traçantes , ni au miraculeux instants de silence auxquels certains couchers de soleil ouvrent la voie dans le tumulte incessant de la jungle, ni à ces moments extrêmes où l'homme a l'impression de se dissoudre et que se dissolvent également avec lui sa peur et son angoisse et sa solitude et sa honte pour se fondre avec la honte et la solitude et l'angoisse et la peur de ceux qui l'entourent , quand l'identité s'évapore voluptueusement et qu'on n'est plus personne .Non je ne pense pas seulment à ça .C'est surtour à la joie de tuer que je pense , non seulement parce qu'on reste vivant tandis que les autres meurent , mais aussi parce qu'il n'et pas de plaisir comparable à celui de tuer , il n'est pas de sensation comparable à celle , si prodigieuse , de tuer , d'arraher à un autre être humain , absolument identique à nous , absolument tout ce qu'il possède et qu'il est , on sent alors ce qu'on ne pouvait même pas imaginer pouvoir sentir, une sensation semblable à celle qu'on a du éprouver en naissant et qu'on a oubliée , ou à celle éprouvée par Dieu au moment de nous créer , ou à celle qu'on doit avoir au moment d'accoucher , oui , c'est exactement ce qu'on ressent quand on tue , n'est-ce pas papa ? La sensation de finalement  accomplir quelque chose d'important , de véritablement essentiel , quelque chose pour quoi on s'est préparé toute sa vie sans le savoir et qui , si l'on n'avait pas pu l'accomplir , aurait irrémédiablement fait de nous des déchets , des hommes sans vérité , sans cohésion et sans substance , parce que tuer est si beau que nous complète , nous oblige à atteindre des zones de nous -mêms qu'on ne soupçonnait pas du tout , c'est comme si on se découvrait , comme si on découvrait d'immense continents de faune et de flore inconnues là où on n'imaginait qu'une terre colonisée , et c'est pourquoi à présent , après avoir connu la beauté transparente de la mort , la beauté illimitée et étincelante de la mort , je me sens grandi , comme si je m'étais élargi et rallongé et prolongé au delà de mes limites antérieurs si mesquines , et c'est pourquoi je pense aussi que tout le monde devrait avoir le droit de tuer afin de s'élargir , de se rallonger , et de se prolonger autant qu'il peut  afin d'atteindre l'extase ou la béatitude que j'ai vues sur le visage de ceux qui tuent , afin de se connaitre à fond  en allant aussi loin que la guerre le permet , et la guerre permet d'aller très loin et très vite , chaque fois plus loin et plus vite , il ya des moments où soudain tout s'accélère et où il ya une fulguration, un vertige et une perte , et la certitude dévastatrice que si on arrivait à voyager plus vite que la lumière , on verrait l'avenir .Voilà ce que j'ai découvert.
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MessageSujet: Re: Javier Cercas [Espagne]   Javier Cercas [Espagne] - Page 5 EmptyJeu 8 Oct 2015 - 6:00

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L’imposteur
Citation :
Présentation de l’éditeur
Icône nationale antifranquiste, symbole de l'anarcho-syndicalisme, emblème de la puissante association des parents d'élèves de Catalogne, président charismatique de l'Amicale de Mauthausen, qui pendant des décennies a porté la parole des survivants espagnols de l'Holocauste, Enric Marco s'est forgé l'image du valeureux combattant de toutes les guerres justes.
En juin 2005, un jeune historien met au jour l'incroyable imposture : tel un nouvel Alonso Quijano, qui à cinquante ans réinvente sa vie pour devenir Don Quichotte, Enric Marco a bâti le plus stupéfiant des châteaux de cartes ; l'homme n'a jamais, en vérité, quitté la cohorte des résignés, prêts à tous les accommodements pour seulement survivre.
L'Espagne d'affronter sa plus grande imposture, et Javier Cercas sa plus audacieuse création littéraire. L'Imposteur est en effet une remarquable réflexion sur le héros, sur l'histoire récente de l'Espagne et son amnésie collective, sur le business de la «mémoire historique», sur le mensonge (forcément répréhensible, parfois nécessaire, voire salutaire ?), sur la fonction de la littérature et son inhérent narcissisme, sur la fiction qui sauve et la réalité qui tue.
Si, à l'instar de Flaubert, Javier Cercas clame «Enric Marco, c'est moi !», le tour de force de ce roman sans fiction saturé de fiction est de confondre un lecteur enferré dans ses propres paradoxes. Qui n'est pas Enric Marco, oscillant entre vérités et mensonges pour accepter les affres de la vie réelle ? A un degré certes moins flamboyant que celui de ce grand imposteur, chacun ne s'efforce-t-il pas de façonner sa légende personnelle ?

Il faut vraiment lire ce livre pour croire à tout ce que cet Enric Marco a inventé au long de sa vie.

Il faut surtout mettre en relation une chose – tout comme dans la quatrième de couverture j’ai pu lire un peu partout que cet homme a fait pendant des décennies son imposteur concernant son séjour à Flossenburg. Cela n’est pas vrai. Il ne s’est déclaré que survivant de l’Holocauste qu’à partir de 1999 et l’affaire Marco a éclaté en Espagne en 2005. Donc, six ans. Cela n’embellie en aucun cas l’atrocité du fait, mais Javier Cercas fait bien de le montrer dès ses débuts et même si on ne va pas pouvoir l’excuser, on peut quand même arriver à le comprendre.

Depuis toujours il s’est inventé et réinventé. Enric Marco est le synonyme même de réinventions.

Il l’a fait après la Guerre d’Espagne, après la mort de Franco… et puis après qu’il n’avait plus d’autres choses à inventer pour faire sa vie plus intéressante, il est ‘devenu’ un survivant d’un camp de concentration.

Oui, c’est terrible. Oui, c’est inimaginable que quelqu’un puisse avoir une telle idée. Mais suivre cet homme et sa vie pendant 400 pages, on arrive à voir comment il est arrivé là. Et on arrive même à comprendre… même si je ne pourrais jamais ‘comprendre’ vraiment.

Javier Cercas est à la hauteur de son talent. Il a écrit un livre qui est une borne dans l’histoire de Marco, mais aussi dans sa carrière. Extra !
Javier Cercas [Espagne] - Page 5 A_212

Werner Bischof,  Chômeurs français cherchant un travail à la gare de Rouen,  1945


Extrait

Marco a réinventé sa vie à un moment où le pays entier était en train de se réinventer. C’est ce qui s’est passé pendant la transition de la dictature à la démocratie en Espagne. À la mort de Franco, presque tout le monde s’est mis à se construire un passé pour s’intégrer au présent et préparer l’avenir. Les politiciens l’ont fait, les intellectuels et les journalistes de premier, deuxième et troisième ordre l’ont fait, mais aussi le commun des mortels ; les militants de droite tout comme les militants de gauche l’ont fait, les uns autant que les autres désireux de montrer qu’ils étaient démocrates depuis toujours et que, pendant le franquisme, ils avaient été des opposants clandestins, des officiels maudits, des résistants silencieux ou des antifranquistes en sommeil ou actifs. Tout le monde n’a pas menti avec la même science, la même effronterie, la même insistance, bien sûr, et rares furent ceux qui réussirent à s’inventer entièrement une identité nouvelle ; la majorité s’est contentée de maquiller ou d’embellir son passé (ou de finalement lever le voile sur une intimité pudiquement ou opportunément cachée jusqu’alors). Quoi qu’il en soit, tout le monde l’a fait tranquillement, sans embarras moral ou sans trop d’embarras moral, sachant que tout le monde en faisait autant et que par conséquent tout le monde l’acceptait ou le tolérait et que personne n’avait d’intérêt à faire des révélations sur le passé de qui que ce soit parce que tout le monde avait des choses à cacher : au milieu des années 1970, de fait, le pays entier portait sur ses épaules quarante années de dictature à laquelle personne n’avait dit Non et à laquelle presque tout le monde avait dit Oui, avec laquelle presque tout le monde avait collaboré de gré ou de force et durant laquelle presque tout le monde avait prospéré, une réalité qu’on a essayé de cacher ou de maquiller ou d’embellir, tout comme Marco avait embelli ou maquillé ou caché la sienne, en inventant  un passé individuel et collectif fictif, un passé noble et héroïque pendant lequel très peu d’Espagnol avaient été franquistes, un passé pendant lequel avaient été résistants ou dissidents antifranquistes précisément tous ceux qui n’avaient pas levé le petit doigt contre le franquisme ou qui avaient travaillé avec lui, main dans la main.
C’est la réalité: au cours des années du passage de la dictature à la démocratie, l’Espagne a été un pays aussi narcissique que Marco ; il est également vrai, donc, que la démocratie en Espagne s’est construite sur un mensonge, sur un grand mensonge collectif ou sur une longue série de petits mensonges individuels. Aurait-elle pu se construire autrement ? La démocratie aurait-elle pu se construire sur la vérité ? Le pays entier pouvait-il honnêtement se reconnaître tel qu’il était, dans l’horreur et la honte et la lâcheté et la médiocrité de son passé, et continuer de l’avant malgré tout cela ? Pouvait-il se reconnaître ou se connaître lui-même, tel Narcisse et, malgré tout, comme lui, ne pas mourir par excès de réalité ? À moins que ce grand mensonge n’ait été l’un des nobles mensonges de Platon ou l’un des mensonges officieux de Montaigne ou l’un des mensonges vitaux de Nietzsche ? Je ne le sais pas. Ce que je sais, tout du moins en ce qui concerne ces années-là, c’est que les mensonges de Marco sur son passé n’ont pas été l’exception mais la norme et qu’au fond, il s’est contenté de porter à son paroxysme une pratique alors commune : quand l’affaire a éclaté, Marco n’a pas pu se défendre en disant que ce qu’il avait fait était justement ce que tout le monde avait fait dans les années où il s’était réinventé, mais il le pensait sans aucun doute. Et je sais aussi, bien que personne n’ai osé aller aussi loin dans l’imposture que Marco, parce que personne n’avait peut-être l’énergie, le talent et l’ambition pour le faire, que notre homme – en partie, au moins en partie – a été du côté de la majorité.



Si vous comprenez l’espagnol, voilà Javier Cercas lui-même parlant de son livre

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