L'amour et l'oubli
Chris Minaar, écrivain au seuil de sa vie, pourrait être un double fictif d'André Brink : une enfance empreinte de culpabilité face à la figure paternelle, une rébellion par l'art et la littérature composent des étapes biographiques au coeur des tourments de l'Afrique du Sud, terre à la fois source de souffrance et d'accomplissement, vers laquelle il revient toujours car marqué par un lien inébranlable. Minaar tente de faire vivre par des mots le souvenir des femmes rencontrées alors que la perte de Rachel, son dernier amour, a bousculé des certitudes dans sa vision des relations et de lui-même (parce que son désir n'a pas été partagé et parce qu'il a noué avec George, le mari de Rachel, des liens d'amitié qu'il n'aurait pu imaginer jusqu'alors).
La représentation de la sexualité est au centre du roman et émeut par l'ampleur d'une introspection. En interrogeant le sens et la portée d'un lien charnel, André Brink saisit un présent toujours sur le point de s'évanouir, construit sur des ruptures, des fractures sans cesse reproduites. Un engagement personnel, artistique et politique contre l'apartheid nourrit une sensibilité incandescente mais esquisse chaque époque comme une perpétuelle fuite en avant. Cette confession intime repousse des regrets pour accepter la conscience d'une humilité, d'un doute et d'une forme de renoncement.