Ogawa Yôko

Queenie a écrit:

Apus a écrit:

Merci Queenie.
Mais ma question était plus large et dépassait les frontières de Ogawa.


Ca fait un moment que j'ai le Japon dans la tête.
Depuis que j'ai lu Soie de Baricco, je crois.

Ouais, ben il est temps de s'intéresser aux vrais auteurs japonais alors ! Parce que Baricco...

Et si tu allais voir par là pour débuter ?

Je ne plaçais pas Baricco dans les auteurs japonais !


Merci pour le lien : c'est exaxtement ce qu'il me faut !

Parce que Sentinelle a très bien tout résumé, je copie-colle pour le rappel :

Sentinelle a écrit:

La narratrice, dont nous ne connaîtrons jamais l’identité, travaille depuis bientôt un an comme assistante et réceptionniste auprès de M. Deshimaru, directeur d'un laboratoire de spécimens. M. Deshimaru est un taxidermiste d’un genre un peu particulier à la clientèle tout aussi particulière : il recueille, analyse et enferme à jamais les blessures et les souvenirs des personnes qui désirent se détacher de ces vestiges en les laissant à demeure au laboratoire.

C’est un léger incident qui se trouve être à l’origine ce nouvel emploi : elle travaillait auparavant dans une usine de fabrication de boissons rafraîchissantes jusqu’au jour où elle se coinça le doigt entre la cuve pleine et la chaîne.


L’image obsédante de « ce petit bivalve rose comme une fleur de cerisier, souple comme un fruit mûre », tombant au ralenti dans la limonade et restant au fond tremblotant avec les bulles, la rend désormais incapable de boire la moindre boisson gazeuse. Elle décide donc de quitter l’usine et de s’éloigner pour la première fois de ce village au bord de mer. Pour aller où ? En ville, seule, sans famille ni amis, incapable de faire quoi que ce soit d’autre que de déambuler dans les rues sans aucun but précis. C’est dans ces circonstances que ses pas la mèneront devant une annonce de recrutement collée sur le pilier en brique de l’entrée d’une vaste construction.

Il s’agit en fait d’un ancien foyer pour jeunes filles, un important bâtiment construit en béton défraîchi à trois étages, comportant un nombre incalculable de pièces. L’annonce est rédigée très simplement : recherche une employée de bureau, expérience et âge indifférents.

C’est en pénétrant dans ce qui est devenu un laboratoire décrépit en apparence mais d’assez bonne tenue à l’intérieur qu’elle rencontrera son futur employeur, M. Deshimaru. Devenue son assistance, elle ne tardera pas à tomber sous le charme de cet homme étrange et quelque peu vénéneux…

J'ai trouvé l'atmosphère extra, c'est tout en suspens, en non dits, en sorte de menace qui plane, un mystère qui fait peur.
Le professeur planqué derrière sa porte de laboratoire, où il ne veut pas que son assistante entre...
Lui et les chaussures si parfaites qu'il lui offre, en exigeant qu'elle les garde toujours... (jusqu'à en perdre ses pieds ?)

En fait, ce que j'ai le plus apprécié, c'est le rapport aux objets, qui portent en eux les souvenirs, des bouts de nos existences. Et les faire naturaliser pour enfin en marquer le deuil, s'en séparer, les enfermer quelque part, loin. Pouvoir passer à autre chose.

Les personnages sont étranges, tout est flou, on ne sait pas trop où, comment, pourquoi, c'est une sorte de fantasme.

Yoko Ogawa est dans la description concise des choses, elle ne met pas de mots sur les névroses de ses personnages, leurs désirs, ils semblent des jouets qui se laissent balloter par les circonstances.

C'est un peu déstabilisant, mais ça m'a plu de ne rien savoir, et en même temps, de voir parfaitement.

Yoko Ogawa reste à la limite, elle ne sombre pas dans le trop glauque, le trop lourd, grâce à son peu d'étalage sur les choses et les gens, son récit se lit rapidement, facilement (et puis c'est tellement court!)

La fin reste aussi assez ouverte... alors on aime ou on aime pas toute la liberté que laisse l'écriture d'Ogawa à l'imaginaire du lecteur. J'avoue que c'est un peu frustrant, mais en même temps c'est captivant d'être lié à ce texte par des bouts qu'on a soi-même été obligé d'injecter dans l'histoire pour en combler les trous.
Finalement, le lecteur est peut-être un chouia manipuler par l'auteur, comme le personnage féminin par le vieux professeur : elle parvient à nous attacher petit à petit, à nous faire semer des choses personnelles qui nous attachent au texte, et puis elle nous abandonne à notre sort, tout en restant pas très loin, et en gardant les rennes de son récit.


Je me demande à quoi ressemble le film...

Queenie a écrit:

Je me demande à quoi ressemble le film...

Beau plastiquement, bien qu'un peu lisse, et fidèle à l'esprit de cette histoire entre fantasme et réalité. Ogawa est vraiment dans l'inquiétante étrangeté onirique pour mieux laisser le trouble érotique souvent un peu morbide s'installer... Elle a inventé un truc entre la nouvelle fantastique et le récit psychanalytique. Il faudrait que j'en lise plus.

Un bon souvenir de lecture qui remonte à la surface, cela me rappelle que je devrais prolonger mon bout de chemin en compagnie de l'auteure

Marko a écrit:

Queenie a écrit:

Je me demande à quoi ressemble le film...

Beau plastiquement, bien qu'un peu lisse, et fidèle à l'esprit de cette histoire entre fantasme et réalité. Ogawa est vraiment dans l'inquiétante étrangeté onirique pour mieux laisser le trouble érotique souvent un peu morbide s'installer... Elle a inventé un truc entre la nouvelle fantastique et le récit psychanalytique. Il faudrait que j'en lise plus.

Faudra que j'essaye d'y mettre un œil dessus alors.

Et puis, c'est bien qu'elle laisse plein de portes ouvertes, ça évite d'être trop dans la démonstration.

L'Annulaire.

C'est le premier roman de Yôko Ogawa que je lis.
C'est aussi mon premier contact avec la littérature japonaise.
Autant dire que je ne savais pas ce que j'allais lire. Je m'attendais à tout et à rien en particulier.

Ce livre est déconcertant. Surtout le début : une jeune femme qui a subit un accident dans sa précédente firme, démissionne et se fait embaucher dans un laboratoire de spécimens. Spécimens de quoi ? fut ma première réaction. J'avance dans le livre et je prends conscience que ces spécimens sont des formes poétiques de nous-mêmes : ce qu'on souhaite garder camouflé, ou ce qu'on réfute, nos peurs, nos hontes... une intimité teintée de douleur.

Et il y a cette histoire de chaussures qui s'adaptent de mieux en mieux aux pieds de l'héroïne.

Au fur et à mesure de ma lecture, une certaine tension, un certain malaise s'installa en moi. J'avais l'impression de me retrouver dans drame hitchcockien. Je sentais une menace planer, mais me montrais incapable de la préciser, d'en connaître la nature, la provenance.
Je n'en dirai pas plus pour ne pas trop dévoiler des 95 pages de ce court roman. J'ai beaucoup aimé et ai choisi d'enchaîner tout de suite avec Les Abeilles.

J'ai Cristallisation secrète et Hôtel Iris, je commence par lequel à votre avis ? Ce sera mon premier Ogawa et mon premier (ou presque) auteur japonais alors c'est important

contente de lire que tu as trouvé ton bonheur dans le monde de Yoko Ogawa..
souvent il n'y a que oui ou non pour elle, je ne connais en tout cas que des lecteurs qui l'adorent ou ceux qui n'aiment pas du tout
je te souhaite de faire encore de belles découvertes avec elle

Epi a écrit:

J'ai Cristallisation secrète et Hôtel Iris, je commence par lequel à votre avis ? Ce sera mon premier Ogawa et mon premier (ou presque) auteur japonais alors c'est important

Pour la traductrice, Cristallisation secrète est un livre important. Il date de 1994 (il est donc assez ancien) et contient plein de thèmes que Ogawa développera après dans son oeuvre. Même si ce livre est un peu à part.
Hôtel Iris est à part lui aussi, parce qu'il est le plus extrême qu'elle ait écrit dans le genre tordu (elle a plusieurs genres, en quelque sorte).

Alors, à ta place, je commencerait par Cristallisation secrète. En lisant Hôtel Iris, tu risques d'avoir une idée un peu faussée du reste de son oeuvre, qui comporte certes des livres tordus (mais pas aussi explicites que dans ce livre), et ce n'est finalement pas la majorité.

D'accord, je commencerai par celui-ci alors, j'ai envie de découvrir un peu les japonais et je ne voudrais pas être découragée d'emblée.

Epi a écrit:

D'accord, je commencerai par celui-ci alors, j'ai envie de découvrir un peu les japonais et je ne voudrais pas être découragée d'emblée.

C'est quand même une littérature assez diverse ; tu peux ne pas accrocher à Ogawa (Yoko) et accrocher à d'autres auteurs, ou inversement. Kawabata, Murakami Haruki, Ikewzawa Natsuki (dont le livre Tio du Pacifique a fait l'unanimité ici, je crois, j'aime bien en faire de la pub, à ce livre) sont des auteurs vraiment très différents.

Oui oui bien sûr, je sais bien mais lors d'un premier essai, il y a bien longtemps, je n'avais pas aimé du tout et cela m'avait éloignée de toute littérature japonaise, j'aimerais bien recommencer avec quelque chose qui me donnera envie de découvrir d'autres auteurs (et genres). Mais je crois qu'avec Ogawa, ça ira

Epi a écrit:

Oui oui bien sûr, je sais bien mais lors d'un premier essai, il y a bien longtemps, je n'avais pas aimé du tout et cela m'avait éloignée de toute littérature japonaise, j'aimerais bien recommencer avec quelque chose qui me donnera envie de découvrir d'autres auteurs (et genres). Mais je crois qu'avec Ogawa, ça ira

J'espère, même si ce livre a mis autant de temps à sortir en France parce que (à ce que l'on m'a dit) l'éditeur ne pensait pas qu'il se vendrait bien, il ne sentait pas trop le potentiel de vente de ce livre.
Je ne sais pas pourquoi.

En tout cas, Tio du Pacifique, c'est très différent, c'est joli, ensoleillé, le genre d'histoire à la fois pour gosses et pas pour gosses, une petite touche de fantastique... et vite lu.

Je viens de recevoir le thésaurus d'Actes Sud - Miaam ! Et je viens de me délecter de la première nouvelle. J'aime cette écriture étrange à la limite du rêve et de la réalité. J'avais déjà lu Hôtel Iris et je pensais bien continuer, voilà, je peux m'y mettre mainteant entre quelques paquets de copies et de bulletins !!

Tio du Pacifique est bien tentant, mais il n'est pas dans mon thésaurus.... Dans le tome 2 sans doute.

trop contente que Ogawa trouve tant d'adeptes

domreader a écrit:

Tio du Pacifique est bien tentant, mais il n'est pas dans mon thésaurus.... Dans le tome 2 sans doute.

non, tu ne vas pas non plus le trouver dans le tome 2, ce roman est de Natsuki Ikezawa