Chimamanda Ngozi Adichie [Nigeria]

Autour de ton cou

Citation :

Les personnages des nouvelles d’Adichie composent une image complexe et riche de la réalité nigériane d’aujourd’hui, qui prend ses racines dans le passé et se prolonge dans l'expérience de l’émigration

Sefi Atta et Chimamanda Ngozi Adichie, même combat ? Elles sont toutes les deux originaires du Nigeria, ont fait leurs études aux Etats-Unis, où elles vivent désormais. A quelques mois d'intervalle, ces romancières font paraître un recueil de nouvelles qui évoquent aussi bien des destins de femmes au Nigeria que dans leur exil américain. La comparaison, sur le format court, penche nettement en faveur d'Adichie, ce qui n'est pas nécessairement le cas sur la longueur d'un roman. Il n'y a pas une seule nouvelle dans Autour du cou qui puisse être qualifiée de faible. Moins ouvertement militante et plus subtile dans la concision, la cadette des deux auteures a le don de captiver dès les premières lignes de ses récits, de les faire se développer de façon drôle, tragique ou ironique et de leur donner une fin ouverte souvent malicieuse ou inattendue. Tel quel, ce recueil dresse un panorama lucide et touchant de la condition féminine au Nigeria et en Amérique et ce, sur tous les plans, racial, sexuel et social. Jeunes ou vieilles, ces femmes luttent avec leurs armes, renoncent parfois ou acceptent des compromis mais ne s'effondrent jamais. S'il ne faut retenir qu'une seule histoire, l'on choisira celle de cette étudiante chrétienne, aisée, face à une vendeuse de légumes musulmane. Elles se retrouvent ensemble quelques heures, dans un abri provisoire, alors que les violences communautaires font rangs. Des moments suspendus pour une rencontre impromptue où le dialogue improvisé entre ces deux femmes aux antipodes l'une de l'autre s'affranchit des préjugés de caste et de religion pour revenir à l'essence des rapports humains. Magistral !

L'autre moitié du soleil

Je dois dire que j'ai beaucoup aimé. Un excellent roman à mon avis qui rappelle à quel point la guerre du Biafra a été meurtrière.

Deux soeurs jumelles, Lagos, le début des années 60, une riche famille nigériane. L'avenir semble prometteur jusqu'au moment où tout bascule.

Deux histoires d'amour parallèles, Olanna, ravissante, revenant de Londres avec son master en poche, un accent anglais impeccable, amoureuse d'Odenigbo un intellectuel engagé et idéaliste. Ils vivent ensemble à Nsukka sous les yeux de Ugwu, leur boy, fraîchement débarqué de son village.

Kainene, la soeur jumelle, une femme d'affaires pragmatique, à l'esprit et la langue acérés, reste vivre à Lagos, gère les affaires de son père et entame une liaison avec Richard, un journaliste anglais.

La vie de tous les protagonistes sera bouleversée par la sécession du Biafra.

Très bien écrit. Un décalage dans la narration qui maintient un certain suspens....et, évidemment, poignant dans le récit des atrocités commises par les deux camps.

On ne peut qu'être consterné, lorsqu'on voit les actualités, de voir l'histoire qui se répète dans d'autres pays d'Afrique  

Vos commentaires à tous me donnent très envie de découvrir cet auteur, idéal pour la LC Afrique. J'hésite encore entre l'hibiscus pourpre et L'autre moitié du soleil, tous deux en stock à la médiathèque. L'envie du moment commandera !

Armor-Argoat a écrit:

Vos commentaires à tous me donnent très envie de découvrir cet auteur, idéal pour la LC Afrique. J'hésite encore entre l'hibiscus pourpre et L'autre moitié du soleil, tous deux en stock à la médiathèque. L'envie du moment commandera !

Peut-être vaut-il mieux commencer par l'Hibiscus.

L'hibiscus pourpre

Je n'ai pas hésité à reprendre un roman de Chimamanda Ngozi Adichie, après avoir lu "L'autre moitié du soleil" que j'ai vraiment beaucoup aimé.

L'hibiscus pourpre m'a un peu déçue. Le style beaucoup moins élaboré, et l'histoire pas inintéressante mais au fond, pas captivante.

Une riche famille nigériane comme dans "L'autre moitié du soleil", deux enfants, Jaja le garçon et Kambili, la fille, sous la coupe du père, un catholique fondamentaliste pour qui le Christ n'est pas amour mais châtiment    régnant sur sa femme, Mama et ses deux enfants, n'hésitant pas à recourir à la violence extrême envers eux s'ils  dérogent aux règles qu'il a lui-même fixées, au point de provoquer deux fausses-couches à Mama à force de coups et d'envoyer sa fille à l'hôpital avec côte cassée et hémorragie interne.

Ce tyran domestique est adulé par toute sa communauté à qui il distribue sans compter l'argent qu'il retire de ses usines. Il n'hésite pas non plus à s'opposer au pouvoir en place au travers d'un journal qu'il produit.

Jaja et Kambili partent passer quelques jours de vacances chez leur tante, universitaire libre et moderne qui élève ses trois enfants d'une façon diamétralement opposée. Ceci provoquera une prise de conscience chez les deux adolescents dont le garçon Jaja osera, au retour, affronter son père.

L'affrontement sera de courte durée car le père sera victime d'un empoisonnement dû à sa femme et ce sera le fils, Jaja, qui se sentait coupable de n'être pas intervenu lorsque son père brutalisait sa mère qui s'accusera à sa place et passera trois années en prison.

C'est Kambili qui raconte..

Ce n'est pas mal, ça se lit vite et bien, mais je n'ai pas vraiment "vibré" au récit de cette tranche de vie.  

simla a écrit:

Ce n'est pas mal, ça se lit vite et bien, mais je n'ai pas vraiment "vibré" au récit de cette tranche de vie.  

On va laisser de côté pour l'instant donc.   

le sujet me parait intéressant toutefois, dommage que tu sois déçue.

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L'autre moitié du soleil

Chimamanda Ngozi Adichie dévoile avec beaucoup d'aisance et de clarté le contexte historique qui va entraîner la sécession du Biafra en 1967, puis plonger le Nigéria dans le déchirement de la guerre civile. Les ellipses temporelles accentuent la violence d'une situation, où chacun se trouve au bord d'un précipice balayant les promesses d'avenir et la recherche d'une stabilité politique.

Je partage cependant certaines des réserves exprimées par Arabella car les personnages sont apparus distants, trop contrôlés par l'écriture et manquant de nuances dans leur évolution. C'est dommage car j'ai été sensible à la description des relations sociales, d'un milieu intellectuel qui cherche à inventer l'après-décolonisation avant de perdre pied, mais j'ai trouvé que Chimamanda Ngozi Adichie était moins convaincante dans un registre intime. C'est tout de même un roman prometteur dans sa manière d'appréhender, avec rigueur et intensité, un sujet extrêmement douloureux.

Americanah

Citation :

Elle n'était plus très sûre de ce qui avait changé à Lagos et de ce qui avait changé  chez elle.

Si l'on s'en tient simplement à l’histoire, c'est finalement assez banal. Ifemelu, une jeune femme nigériane qui n'a pas les deux pieds dans le même sabot, émigre en Amérique pour échapper aux éternelles grèves des profs de l’université. Choc culturel, auquel elle s'adapte peu à peu, mêlant concessions et refus de se renier. Tout en conservant son identité, elle s' « intègre », avec cependant l'impression d’être souvent sur le seuil. Elle développe un blog à succès, plein d'humour et de gentille provocation, sur le thème des relations interraciales. Quinze ans après, lasse quoique jeune encore,  son pays natal l’attire comme un aimant, et, à nouveau choc culturel, et ce que cela implique pour le surmonter. Retrouvera-t 'elle Obinze, dit Ciel, son amour de jeunesse ?

Seulement il serait dommage de s'en tenir à cela, car C N Adichie, dresse un portrait des plus attachants de son personnage principal, et a une vivacité pleine d'humour pour  décrire son périple mêlant embûches et  joies aux États-Unis, tout comme celui d'Obinze, moins réussi,  en Angleterre. C'est un récit sans aucun apitoiement, qui ne revendique rien, ne déteste personne, mais se contente de témoigner.C N Adichie a une réelle tendresse pour ses personnages, une perspicacité à décrypter leurs grands élans et leurs petits travers, une finesse d'observation réjouissante.

CN Adichie nous initie aux complexités des relations interraciales, au décalage qui persiste en Amérique, ce pays dont la discrimination a été abolie, et ceci y compris dans un milieu soi-disant progressiste et ouvert. Sans parler de la hiérarchie entre les Noirs issus des esclaves américains et ceux issus d'une immigration récente. Cette analyse m'a beaucoup fait penser à ce que Ruth Klüger évoquait dans Refus de témoigner, sur le paternalisme et l'incompréhension dont furent l'objet les survivants auprès d'une Amérique soi disant progressiste.

La dernière partie, le retour Nigéria, est un peu moins réussie. D'une part parce que j'aurais aimé qu'elle  nous explique  plus la situation là-bas, de façon moins anecdotique (mais c'est son droit aussi de ne pas avoir ouvertement pensé au lecteur occidental dans son écriture). D'autre part parce que l'histoire d'amour prend le dessus et que les histoires d'amour, même si elle aurait pu faire  bien pire, c'est souvent un peu con.

En somme c'est un gros livre de 500 pages qui se lisent avec beaucoup de plaisir, généreux, où on peut prendre son temps, jouir des détails, profiter de multiples personnages assemblés avec autant d'ardeur que de drôlerie. Un livre optimiste (trop peut-etre), où on ressent une grande proximité pour les multiples personnages, l'auteur nous invitant à partager sa tendresse pour eux.  Les différences culturelles y  sont pointées, sans tabou, avec une efficacité qui n'exclue pas la nuance.

Ah tiens, je n'avais pas mis ma bafouille sur ce livre...

Je suis d'accord avec toi : l'histoire d'amour est vraiment concon, et pas terrible dans ce livre.

Et aussi, sur la déception sur le côté très court et presque survolé de son retour au Niger (alors que la quatrième de couv m'avait fait penser que ça traiterait justement de la difficulté du retour, du nouveau regard sur les choses...).

Sinon... oui, ça se lit tout seul, et tranquillement. Oui, ça ne tombe pas dans le pathos, tout en arrivant à véhiculer de la tendresse. Oui les personnages sont bien vivants et bien décrits.

Mais... c'est vraiment, j'ai trouvé, une écriture très américaine classique : grande "saga", une histoire qui se passe sur plein d'années, avec plein de personnages, plein d'anecdotes, et de réflexions. Un roman long, au final, pour moi. Qui se répétait. Et n'avançait pas tellement plus loin que le roman de divertissement.
Je n'ai pas été remuée. J'ai même assez peu adhéré à son humour (ce qui m'aurait sauvée en partie de mon ennui). J'ai parfois trouvé qu'elle se prenait très au sérieux, également.
Mais... probable que ça vient un petit peu de mon peu d'adhésion à son style d'écriture.

Je retrouve dans ton commentaire Queenie, des éléments qui font qu'après la lecture de de deux de ses romans, j'ai décidé d'arrêter avec elle. Pas que cela soit dépourvu de qualités, mais un peu trop formaté, pas assez personnel à mon goût. Mais je n'ai pas lu ce livre précis.

Ca me donne quand même bien envie de le lire…
L'auteur aurait-elle affadi son style à mesure que le temps passait, le formatant (inconsciemment je suppose) pour le public américain ? Je n'ai pas du tout eu ce sentiment avec L'hibiscus pourpre, que j'ai vraiment trouvé excellent. Mais je n'ai lu à ce jour que ce seul ouvrage.

Armor-Argoat a écrit:

Ca me donne quand même bien envie de le lire…

Tout dépend de ce que tu cherches, Armor, si c'est une voix franchement nigériane, ce n'est effectivement pas ce livre qui te l'apportera. Comme ifemelu, NC Adichie a été changée par son côtoiement avec les États-Unis, c'est inéluctable.
Mais si tu n'as pas cette attente précise, c'est comme le dit Queenie, une

Citation :

grande "saga", une histoire qui se passe sur plein d'années, avec plein de personnages, plein d'anecdotes, et de réflexions

.
qui apporte un vrai plaisir de lecture à qui aime ça.

topocl a écrit:

Citation :

grande "saga", une histoire qui se passe sur plein d'années, avec plein de personnages, plein d'anecdotes, et de réflexions

.
qui apporte un vrai plaisir de lecture à qui aime ça.

J'aime ce type d'histoire en général, je les dévore, mais là, va savoir, ça n'a pas totalement pris.

Je ne sais pas si elle s'est "américanisée" et "lissée" puisqu'Arabella a le même sentiment que moi pour ses livres, alors qu'elle en a lu de plus anciens.