Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Donatien Alphonse François, Marquis de Sade

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darkanny
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 28 Aoû 2013 - 10:58

C'est une maxime que j'ai retenue car ce qui m'a freiné à la lecture de Sade, ce n'est pas tant son caractère immoral ou sulfureux ou scandaleux ou autre, j'ai trouvé que ce n'était pas un chef d'oeuvre d'écriture, tant de redites, de listes interminables, ça m'a surtout paru ennuyeux.


Dernière édition par darkanny le Mer 28 Aoû 2013 - 13:17, édité 2 fois
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MessageSujet: les contes licencieux   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMar 3 Déc 2013 - 19:54

Sade n'a pas écrit que des insanités (bien que je trouve ses livres utiles car nous permettant de nous défouler). J'ai trouvé un petit livre très drôle, libertin et jamais vulgaire : "les contes licencieux" un recueil de petites histoires salaces et intelligentes à savourer avec gourmandise.langue pendante 
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptySam 18 Jan 2014 - 14:59

En tous cas, je constate que Sade ne laisse personne indifférent.
Pour ma part, j'avoue (encore que le terme d'"aveu" suppose quelque culpabilité), j'affirme donc, avoir presque tout lu  Sade avec jubilation.
Pour cela, j'ai commencé par faire abstraction de tout jugement moral à propos de ses frasques et de sa soit-disant pornographie (Je parlerai plutôt de Pornologie, les scènes décrites dans ses livres inspirant plus souvent le dégout que le plaisir, surtout si on le lit au premier degré)
J'ai également mis de côté ma sensiblerie face aux scènes de débauches sordides, après tout il ne s'agit ici que de lecture. Et j'ai enfin pu goûter avec délice la prose si singulière du Marquis.
J'ai commencé à lire Sade à l'adolescence et je continue à le lire et à m'intéresser à lui par ses biographes et commentateurs.
Ma "vision" du personnage a donc évolué au cours du temps et elle n'est toujours pas figée et je crois qu'elle ne le sera jamais.
Et c'est cela qui fait selon moi tout l’intérêt de Sade, à savoir qu’il est resté un auteur toujours « vivant » grâce à la force de son écriture et son amour de la liberté.
Pour faire court, je dirais que je vois Sade avant tout comme un écrivain non seulement talentueux et qui n'hésitait pas à "tout dire" quelle qu'en soit les conséquences mais aussi et surtout comme un auteur qui a réussi à placer l'écriture au dessus de toute forme de compromission et par la même à atteindre un absolu qui lui a valu le qualificatif de "Divin".

Sade a écrit:
Ma façon de penser, dites-vous, ne peut être approuvée. Et que m'importe ? Bien fou est celui qui adopte une façon de penser pour les autres ! Ma façon de penser est le fruit de mes réflexions ; elle tient à mon existence, à mon organisation. Je ne suis pas le maître de la changer ; je le serais, que je ne le ferais pas. Cette façon de penser que vous blâmez fait l'unique consolation de ma vie ; elle allège toutes mes peines en prison, elle compose tous mes plaisirs dans le monde et j'y tiens plus qu'à la vie. Ce n'est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c'est celle des autres."
Lettre de Sade à sa femme, novembre 1783.

J'ai dernièrement été quelque peu surpris par les propos de Michel Onfray dans son livre "le souci des plaisirs",  je le cite:

Onfray a écrit:
Le langage de Sade est celui d'un bourreau qui, comme tous les bourreaux, se présente comme une victime. Sade parle d'expérience, car il a frappé des femmes, abusé d'elles, il les a ligotées, fouettées, blessées avec une lame de couteau, il a coulé de la cire fondue dans leurs plaies et il les a menacées de mort.  Vingt siècles de christianisme ont fabriqué une sexualité catastrophique et Sade, loin d'être un libérateur a apporté son soutien à cette vision nocturne faite de volupté dans la mort...


Je trouve ce jugement un peu court et pour tout dire "hors-sujet".
Sade n'est plus à juger, il est mort et ses écrits restent "parole vivante", car "lire Sade" encore aujourd'hui, c'est se mettre à l'épreuve, un peu comme on pratiquait l'ordalie au moyen-âge et sortir de cette lecture soit grandi et plus libre, soit blessé et recroquevillé dans une carapace de morale voire de religiosité.

Dans tout les cas, "lire Sade" n'est jamais anodin, c'est ce qu'a essayé d'expliquer Jean Paulhan au président de la Chambre correctionnelle de Paris au cours du procès de Jean-Jacques Pauvert en 1957, accusé d'avoir édité des ouvrages contraires aux bonnes moeurs.

Je Cite

Le President: Je voudrais que M. Paulhan, qui est très au courant de ce sujet, car il a lui-même écrit un certain nombre d'études sur le Marquis de Sade, nous dise ce qu'il pense de l'outrage aux mœurs que pourrait constituer l'édition de M. Pauvert.
Jean Paulhan: J'ai eu à écrire pour la Sorbonne une petite thèse sur le Marquis de Sade, de sorte que je connais assez bien son oeuvre. Elle me paraît assez importante, et historique, puisque tous les écrivains ou presque tous les écrivains du XIXe siècle, ceux qui sont représentatifs, sont sortis du Marquis de Sade, à partir de Lamartine, qui reconnaît que sans la lecture du Marquis de Sade à dix-neuf ans, il n'aurait jamais écrit ses poèmes, en continuant évidemment par Baudelaire et par des philosophes étrangers comme Nietzche.
Il est certain que Sade est venu à une époque où une sorte de philosophie un peu molle admettait sans réserve que l'homme était bon et qu'il suffisait de le rendre à sa nature pour que tout se passe bien. De là, Sade a été conduit, par contraste, à démontrer que l'homme était méchant, et à démontrer dans le détail, de toutes les façons, cette méchanceté qu'il a fait reposer le premier dans la sexualité, ce que Freud et d'autres reprendront plus tard.
L'importance de Sade, à la fois comme écrivain - c'est un très grand écrivain - que comme philosophe, me paraît si considérable qu'interdire les livres de Sade reviendrait à peu près, étant donné que nous lisons tous les jours des oeuvres de ses disciples, à interdire le livre et à permettre la même chose dans des journaux quotidiens. Il y aurait là quelque chose d'extrêmement choquant.

Le Président: Vous trouvez qu'il y a une commune mesure entre la philosophie de Sade et celle des journaux quotidiens ?
Jean Paulhan: Non, ce que je veux dire, c'est que les journaux quotidiens vulgarisent ce qui est dans le livre à l'état pur, exactement comme les écrivains du XIXe siècle, à commencer par Lamartine et à continuer, si vous voulez, par Freud et Nietzche, ont vulgarisé l'oeuvre du Marquis de Sade. Il y a quelque chose de très pur, de très violent dans la vie du Marquis de Sade, quelque chose qui est même choquant mais qui est tout de même la raison de tout le reste.

Le Président: Je voudrais que vous nous expliquiez où vous voyez la pureté de cette philosophie, qui me paraît destructrice.
Jean Paulhan: Il y a la pureté de la destruction. C'est Saint-Just qui a dit...

Le Président: Vous trouvez que la pureté de cette destruction n'est pas dangereuse pour les moeurs ?
Jean Paulhan: Elle est dangereuse. J'ai connu une jeune fille qui est entrée au couvent après avoir lu les oeuvres de Sade, et parce qu'elle les avait lues.

Le Président: Vous trouvez que c'est un mauvais résultat que d'être entrée au couvent?
Jean Paulhan: Je constate que c'est un résultat.

Le Président: Si nous nous plaçons dans le domaine courant, cette férocité sur laquelle je ne veux pas épiloguer, bien sûr, qui se résume en détruisant tout, tout ce qu'il peut y avoir d'honorabilité dans la famille, de respect de la morale, vous trouvez qu'il n'y a pas de danger à la rendre publique ?
Jean Paulhan: Monsieur le Président, c'est ce qu'on a dit de Freud, quand on a commencé à connaître la férocité de Freud.

Le Président: Il faudrait donc faire abstraction de tout ce qui constitue l'exemple des principes philosophiques développés par Sade. Je ne parle pas de ces scènes qui sont abominables et qui sont lassantes aussi bien par leur nombre que par leurs descriptions.
Jean Paulhan: L'exemple est effrayant, Monsieur le Président.

Le Président: Mettre en pratique ces théories philosophiques par ces exemples, par ces descriptions de scènes, qui sont longues, si l'on en juge par la quantité de volumes dans lesquels elles sont développées, vous ne considérez pas que cela constitue un danger?
Jean Paulhan: Je ne le pense pas du tout ; il est très difficile de démontrer que l'homme est méchant sans le montrer à l'état de méchanceté.

Le Président: Vous croyez qu'on a besoin de souligner tous ces raffinements de cruauté qui ont constitué ce qu'on appelle le sadisme. Vous trouvez que cela est normal et que même quand ce n'est pas expurgé il n'y a pas de danger ?
Jean Paulhan: Je relisais avant-hier la Bible. C'est un livre effrayant ! Tous les gens du village qui se précipitent autour de la maison où Loth recevait des étrangers, pour les « connaître », comme dit la Bible.

Le Président: Je vais vous poser la question d'une façon plus brutale. Vous auriez, vous, une jeune fille, vous préféreriez lui donner à lire le Marquis de Sade plutôt que la Bible ?
Jean Paulhan: Je n'ai pas du tout dit cela ; mais je ne lui laisserais lire la Bible qu'avec précaution.

Le Président: Laissons la Bible, qui n'est pas en cause, ou plutôt c'est vous qui l'y mettez. Je réserve ma question au Marquis de Sade. Vous ne voyez aucun inconvénient à ce que ses oeuvres soient mises entre les mains d'une jeune fille ou d'un jeune homme ?
Jean Paulhan: Je crois qu'elles sont dangereuses pour les raisons que j'ai dites tout à l'heure. Le découragement, le dégoût qu'inspire l'oeuvre de Sade peuvent conduire celui qui le lit à se réfugier dans quelque couvent. Je crois qu' il y a là un danger, mais c'est un danger éminemment moral.

Le Président: C'est un danger éminemment moral ; mais s'il entraîne ou s'il risque d'entraîner une corruption ?
Jean Paulhan: N'importe quel livre risque d'entraîner une corruption. Baudelaire risque d'entraîner toutes les corruptions possibles.

Le Président: Il y a tout de même une nuance ; les poèmes de Baudelaire...
Jean Paulhan: Je ne crois pas, Monsieur le Président. Baudelaire me paraît beaucoup plus insinuant, beaucoup plus habile.

Le Président: Vous trouvez que les points sur les i qu'il y a dans Sade ne sont pas plus dangereux que les insinuations.
Jean Paulhan: Il y a quelque chose qui repousse...

Le Président: Nous sommes d'accord. Vous ne trouvez pas que ce soit dangereux comme exemple ?
Jean Paulhan: Non, parce que c'est un exemple qui se propose comme n'étant pas à suivre.

J’ajouterai pour finir que ce n'est pas faire l'apologie du crime que de dire de Sade qu'il est un auteur tout à fait essentiel et qui a apporté à la littérature le sens de la plus totale liberté, même si cette liberté peut parfois sembler dangereuse.
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptySam 18 Jan 2014 - 15:55

Connais-tu les écrits d' Annie Lebrun sur Sade, Comus ?
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptySam 18 Jan 2014 - 15:57

@Comus : tu m'apportes un nouvel éclairage sur Sade, merci !
As-tu une source concernant les échanges entre Paulhan et le Président lors du procès de Pauvert ?
En effet, j'avais envie d'en lire plus  dentsblanches 
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptySam 18 Jan 2014 - 16:35

bix229 a écrit:
Connais-tu les écrits d' Annie Lebrun sur Sade, Comus ?

j'ai lu "Soudain un bloc d'abîme, Sade" et "On n'enchaine pas les volcans".
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptySam 18 Jan 2014 - 16:44

GrandGousierGuerin a écrit:
@Comus : tu m'apportes un nouvel éclairage sur Sade, merci !
As-tu une source concernant les échanges entre Paulhan et le Président lors du procès de Pauvert ?
En effet, j'avais envie d'en lire plus  dentsblanches 


il faut lire "L'Affaire Sade" présidée par Maurice Garçon édité chez Jean Jacques Pauvert.
On y trouve l'Acte d'accusation et les témoignages de Georges Bataille, André Breton, Jean Cocteau et Jean Paulhan.
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyDim 19 Jan 2014 - 21:48

bix229 a écrit:
Connais-tu les écrits d' Annie Lebrun sur Sade, Comus ?

à propos d'Annie Lebrun,

Dans un entretien avec Jean-luc Moreau dans la revue Roman n°15, elle rend compte de la necessité de revenir à Sade

voici quelques extraits de cet entretien:

"J'avais déjà écrit sur Sade quand je m'étais occupée du roman noir et des châteaux qu'on trouve dans ces livres. Car c'est justement le château que Sade privilégie comme lieu fermé, protégé naturellement et artificiellement des autres hommes. Ce château, définitivement clos sur lui-même, est constitutif du monde libertin tel que Sade le conçoit. Je crois que je suis venue à Sade de cette façon-là mais que, de toute manière, j'y serais venue pour la simple raison qu'il s'agit d'une des pensées les plus fortes en ce qu'elle essaie de penser les rapports entre la tête et le corps comme personne ne l'a fait. Et puisque, à mon avis, la poésie ne parle de rien d'autre, il était normal que je rencontre Sade et a fortiori à travers le surréalisme d'où je viens.

Jean-Luc Moreau. - Et le lien avec votre lutte contre l'idéologie féministe ?
A. L.B. - C'est le corps qui est le lien. Si j'ai écrit contre le féminisme tel qu'il s'est manifesté dans les années 1970, c'est qu'il m'a semblé assister à la constitution d'une idéologie pure et dure.
Et le propre des idéologies est de produire des idées sans corps, des idées qui ne se développent qu'au détriment du corps.
D'où ma révolte contre les formes prises par le féminisme de ces dernières années.
Tel est le lien entre ma critique violente du féminisme actuel et mon intérêt tout aussi violent pour Sade.
Les féministes ne s'y sont d'ailleurs pas trompées puisqu'elles ont été parmi les pires détracteurs de Sade, adoptant à son égard, toujours sous prétexte de « libération », les positions les plus scandaleusement réactionnaires, les plus scandaleusement moralistes, en dames patronnesses qu'elles sont, qu'elles restent et qu'elles vont continuer d'être...

J. -L. M. - Vous allez à rebours des conceptions les plus admises lorsque vous faites de Sade un défenseur (un précurseur ?) de la liberté des femmes.
Est-ce encore le cas lorsque vous en faites un poète ?
A. L. B. - Les poètes, eux du moins, ne semblent avoir eu aucun doute sur ce point.
Ce sont quand même eux qui ont dit les choses les plus justes sur Sade.
C'est Apollinaire, c'est Breton, c'est Mandiargues aussi... Aujourd'hui encore, tout ce qu'ils ont dit reste.
Alors que les autres, les philosophes, les universitaires, les critiques littéraires ont essayé de donner, chacun pour son compte, une image de Sade qui leur convenait, dans laquelle ils se retrouvaient. Mais en réduisant considérablement l'envergure de Sade, précisément parce qu'ils n'étaient pas poètes, parce qu'ils n'étaient pas sensibles à l'entreprise essentiellement poétique de Sade, qui veut dire tout l'homme, qui veut « tout dire ».
De l'autre côté, les érotomanes, eux aussi, se sont servis de Sade pour nourrir leurs fantasmes, mais encore et toujours au détriment de Sade.
C'est plus sympathique parce que ce genre d'utilisation est à usage interne et pas du tout à usage idéologique, mais le résultat est presque le même.
Le meilleur exemple en est ce qui s'est passé avec la Philosophie dans le boudoir et Français, encore un effort... : ainsi Gilbert Lely, très exalté par l'atmosphère délicieuse de ce boudoir dans lequel se déroule de cinq à sept l'éducation sexuelle d'une jeune personne de quinze ans, fait comme si le texte théorique, Français, encore un effort..., qui se trouve au milieu du livre, n'existait pas.
Il dit même carrément que c'est très dommage que Sade ait brisé la belle unité de cet après-midi voluptueux en plaçant là un texte qu'il avait dans le fond de ses tiroirs.
De pareille façon, Maurice Blanchot a écrit pour le même texte théorique une préface qui a eu une importance historique où il explique que dans Français, encore un effort..., c'est la négation qui est à l'oeuvre dans la pensée de Sade.
Très bien ! Sauf qu'à le lire tout se passe comme si Français, encore un effort... ne figurait pas au milieu de ce Boudoir où l'on n'arrête pas de faire l'amour.
Il me semble que ces deux lectures sont significatives des différentes sortes de censure, pas du tout malintentionnées, qui se sont exercées quand même sur Sade parce qu'on ne voulait pas, ou ne pouvait pas, reconnaître que son génie est essentiellement un génie poétique, dans la mesure où c'est tout l'homme, c'est-à-dire et la tête et le corps qu'il prend en considération, et non seulement la tête et le corps, mais les rapports incessants entre la tête et le corps...
D'autant plus que, lorsqu'on lit attentivement, on s'aperçoit que Français, encore un effort... n'est pas du tout une pièce rapportée, mais au contraire est lié en profondeur au reste du texte par un même fil conducteur qui est l'idée de la corruption. De la corruption du corps par les idées, et des idées par le corps.
Et c'est précisément ce qui se passe avec l'initiation de la petite Eugénie, puisque, au départ de la Philosophie dans le boudoir, on dit clairement qu'il faut corrompre cette jeune tête.
D'ailleurs, la séance se termine par la corruption physique de l'incorruptible mère de la petite Eugénie que l'on fait contaminer par un valet vérolé.
Pour que cette corruption soit effective, c'est Eugénie - et on arrive là au moment où la corruption morale et la corruption physique se rejoignent - qui va recoudre le sexe de sa mère.
Or qu'est-ce qui est dit dans Français, encore un effort... ? Sade part des idées neuves amenées par la Révolution : liberté, égalité, fraternité, et de ces idées neuves, comme de ce petit corps neuf d'Eugénie, il va chercher le seuil critique de leur pureté proclamée.
Pour ce faire, il les éprouve simplement à la réalité des corps. Et à l'épreuve de la réalité des corps, on assiste à la corruption de ces idées.
C'est-à-dire que l'égalité, si ce n'est pas une égalité abstraite, c'est la possibilité pour chacun de faire n'importe quoi sur le corps de l'autre.
Cette mise à l'épreuve par le corps qui amène à la corruption générale, c'est la grande unité de ce livre ; mais il faut voir que Sade retrouve là une préoccupation majeure de son époque, réactualisant le problème posé par Machiavel à propos de l'idée de corruption à travers la question du droit naturel.
Et plus exactement : est-ce qu'une nation corrompue peut devenir une nation vertueuse ? Ce sont les questions auxquelles vont être très concrètement affrontés les révolutionnaires de 1789.
....

J. -L. M. - Autre point étonnant dans votre livre, par rapport à la vision habituelle que l'on a de l'oeuvre de Sade : on a l'impression que vous en faites un écrivain du bonheur.
A. L.B. - Le fait est que Sade n'est jamais déprimant, au contraire. Je ne sais pas ce qu'est le bonheur. Mais il y a ce passage que j'ai cité en exergue, quand un personnage dit à Justine :« Je ne suis pas consolant, moi, je suis vrai. »
Voilà pour moi le « bonheur » de Sade, le « bonheur » qu'il nous donne. Car il est sûrement le plus grand défaiseur de mensonges qui ait jamais existé.
Et je pense qu'une sorte de joie particulière naît à partir du moment où on casse les impostures, où on défait les mensonges.
Tel serait essentiellement le « bonheur » de Sade, sans oublier que, chez lui, cette destruction de l'imposture se fait à travers l'affirmation du désir.
....

J. -L. M. - Précisément, par rapport à l'athéisme de son époque, Sade représente une figure tout à fait particulière : il est le seul à se refuser à toute échappatoire, une fois acquise l'idée d'un monde sans dieu.
A. L. B. - Je pense que Sade est le seul, au XVIIIe siècle, à tirer complètement les conséquences de la disparition de la figure divine.
A l'inverse des autres philosophes de l'époque qui, à un moment, s'arrêtent pour ne pas affronter l'idée du néant et s'en remettent absolument à la nature ou misent totalement sur les différentes conceptions sociales du monde.
La nature, la société servent à ce moment-là de garde-fou. Justement ce dont Sade ne veut à aucun prix.

J. -L. M. - Par rapport à tout cela, comment définir la logique de Sade, sa position à l'égard de la raison ? Car c'est un siècle dans lequel on raisonne beaucoup et il semble, lui, avoir une logique particulière. Vous signalez, par exemple, qu'il emploie souvent les mêmes arguments que les autres philosophes athées qu'il connaît, mais pour en faire tout autre chose.
A. L.B. - On ajustement essayé de dire, Blanchot en particulier, que Sade met en lumière, sans même le vouloir, les forces obscures qui travaillent la raison.
Je ne crois pas qu'il en aille ainsi. Une nouvelle fois, de toutes les personnes qui se réclament de la raison, Sade est le seul à y recourir jusqu'au bout.
Pour découvrir qu'en réalité la raison n'a aucun fondement objectif, que ce sont les passions qui sont à l'origine de nos pensées, même des plus « raisonnables ».
Au sujet de cette réflexion sur les fondements de la raison, il me semble qu'une fois de plus Sade est celui qui va le plus loin. Il voit que l'ordre est constitutif de la pensée, que cette nécessité d'ordre est même liée à l'affirmation du désir, que pour commencer à être, le désir a besoin d'une forme, a besoin de s'incarner ; et on retrouve là le corps.
Autrement dit, dès que le désir prend forme, un ordre s'impose.
De là cette obsession de l'ordre chez Sade, présente constamment : « Il faut remettre de l'ordre dans tout cela... on va arranger les postures », etc. Mais le génie de Sade est de montrer, à l'inverse de tous les autres qui essaient de mettre de l'ordre dans leur pensée et de construire des systèmes, que ce désir d'ordre, constitutif du désir humain, est toujours un ordre précaire, un ordre instable, qui n'arrête pas de se défaire.
Et le propre du désir, pour Sade, c'est de refaire cet ordre, d'être le grand ordonnateur des formes, alors qu'en même temps cet ordre se défait continuellement.
Il y a là quelque chose de vraiment bouleversant. Il me semble qu'aujourd'hui seulement, avec Wittgenstein, on est arrivé à envisager quelque peu le fonctionnement de la pensée rationnelle sous cet angle.
Mais à nouveau, je pense que Sade est allé beaucoup plus loin parce qu'il ne se contente pas d'un constat négatif.
Au lieu de simplement signaler les aberrations logiques de ce que l'on croit être le fondement de la pensée, Sade montre que c'est le désir, la sexualité, qui est derrière.
....

J. -L. M. - On en vient à ce qui se situe au début de votre livre et qui se trouvera ici à la fin. Mais cet ordre se justifie peut-être puisque vous dites qu'il s'agit là de la fondation même de la pensée sadienne : les Cent Vingt Journées de Sodome. On pense généralement que ce livre vient assez tard dans la-carrière de Sade, qu'il en est comme le couronnement, alors qu'il s'agit au contraire, sinon du premier texte qu'il ait écrit, du moins de son premier roman.
A. L.B. - Ce n'est pas vraiment le premier texte de Sade puisqu'en 1782 il y a le Dialogue entre un prêtre et un moribond et que les Cent Vingt Journées sont rédigées en 1785.
Mais il est sûr que c'est le premier texte véritablement sadien. C'est le texte à travers lequel Sade constitue son monde. Tout son univers est là. Il y a alors quelque chose de très étonnant : moi-même comme les autres, j'ai longtemps pensé que ce texte venait à la fin de l'oeuvre de Sade.
Longtemps aussi, comme les autres, j'ai eu tendance à n'y voir qu'un catalogue des diverses passions humaines, qu'un répertoire.
En le relisant, je me suis alors demandée pourquoi l'habitude faisait qu'on se contente de cette impression à propos des Cent Vingt ,Journées, et j'ai commencé à comprendre pourquoi nous avons, les uns et les autres, tendance à camoufler ce texte et à en refouler la violence.
C'est sûrement le texte le plus insupportable de Sade. Toute personne qui le lit sérieusement en est malade. Je ne sais rien de plus déstabilisant. J'ai aussi commencé à me rendre compte que Sade nous enlève, systématiquement, jusqu'à la moindre possibilité de justification idéologique et, du même coup, nous précipite dans notre criminalité.
Par ailleurs, ce que l'on a pu dire sur la forme inachevée de ce texte m'a paru également relever de la même censure, du même camouflage. Sade l'a écrit en 1785. Il est à la Bastille et il ne va en sortir qu'en 1789. Il a donc eu quatre ans pour terminer ce texte.
Aussi, je pense que, contrairement à ce qu'on croit habituellement, il faut le tenir pour achevé et qu'il a effectivement cette forme-là : cette forme bizarre de roman qui commence comme un roman historique, qui se transforme en pièce de théâtre, en dialogue philosophique, s'amenuisant en énumération jusqu'à la soustraction finale.
S'ajoute à cela la constatation que ce texte nous dérobe, aux uns et aux autres, notre identité.
Soudain on est agité, excité, troublé par ce qui vous dégoûte le plus, par ce qui vous répugne le plus.
Voilà même que l'inconcevable dans l'horreur agit sur vous.
Et cela, c'est terrible. Car ce faisant, Sade nous prive sans recours de ce à quoi on a coutume de se raccrocher, valeurs, sentiments... De tout système.
Il n'y a plus rien. Vous êtes seul, là, à regarder votre abîme.
....

J.-L. M. - Précisément, indépendamment des lectures différentes que vous faites de certains livres de Sade, et qui vous amènent à dire des choses qui, par rapport à ce que l'on croit savoir de lui, paraissent tout à fait stupéfiantes (Sade donnant un aperçu de ce que pourrait être la liberté des femmes, Sade écrivain du bonheur, Sade pédagogue libertaire), l'autre intérêt de votre ouvrage est de mettre au jour une cohérence complète entre ces livres parce que, bien qu'ils soient tous différents, on y discerne le même projet. De même, bien qu'il ne s'agisse pas là d'une biographie, l'« homme » Sade apparaît.
A. L.B. - Jusqu'à présent à l'exception de Maurice Heine et Gilbert Lely, on s'est curieusement préoccupé de la pensée de Sade comme si « l'homme » Sade n'existait pas. Le fait est pourtant que Sade ne propose pas des idées, sinon il aurait écrit autrement.
En s'attachant à ses seules idées, on a complètement faussé le personnage qu'il y avait derrière. On a essayé d'en faire une figure satanique, un ange du mal, alors que sa singularité est d'abord de penser justement ce que les autres ne pensent pas.
Non qu'il pense différemment, il est athée comme un certain nombre de ses contemporains.
Seulement, sa pensée fonctionne à plein régime, à l'inverse de la plupart. Et cette tête fonctionne à plein régime, parce qu'il y a un corps derrière, parce que ce corps et cette tête, pour Sade, n'existent jamais l'un sans l'autre.
C'est ce qui rend cette pensée si dérangeante. Je ne sais plus qui a dit que le génie est la normalité, et que c'est le fait de ne pas être génial qui est anormal. C'est exactement ce qui se passe avec Sade.
Avec lui, on se trouve devant un homme normal en ce que sa pensée l'exprime tout entier.

J. -L. M. - Après ce que vous écrivez sur les Cent Vingt journées, le texte selon vous le plus sadien, vous présentez une partie de l'oeuvre de Sade à laquelle on ne prête généralement pas beaucoup attention, et que l'on trouve un peu incongrue par rapport au reste de l'oeuvre : le théâtre.
A. L. B. - Il y a eu une véritable censure à l'égard des pièces de théâtre de Sade, qui a été vraiment spectaculaire. Sans Jean-Jacques Pauvert, qui s'entête parfois à publier les textes que les gens en général ne veulent pas lire, il aurait fallu attendre encore longtemps pour lire le théâtre de Sade, sous prétexte que cela ne correspondait pas à l'image du génie du mal qu'on s'en était fait.
Or là aussi, comme à propos du pamphlet Français, encore un effort... qui se trouve à l'intérieur de la Philosophie dans le boudoir, il me semble que le fait que Sade écrive ces pièces conventionnelles pratiquement au moment où il écrit les Cent Vingt Journées pose justement un problème qu'on ne peut pas évacuer.
On ne peut faire comme s'il n'avait pas écrit cette vingtaine de pièces. D'autant que le théâtre a eu une importance considérable dans sa vie puisqu'il a construit des théâtres dans les différents châteaux où il a vécu - il a eu le temps de le faire à La Coste par exemple où il a été treize ans -, et que d'un autre côté sa sensibilité est essentiellement théâtrale.
Pratiquement toutes ses maîtresses sont des comédiennes. Sa vie durant, il est fasciné par le monde du théâtre.
Il est persuadé qu'il est un grand homme de théâtre. Et enfin il y a la période de Charenton, où il organisait les spectacles joués par les fous.
Maintenant, on sait qu'il y a des lettres où Sade expose explicitement aux autorités médicales la valeur thérapeutique de ce qu'il entreprend à Charenton.
Aujourd'hui encore, je ne comprends pas comment on a pu faire comme si le théâtre n'existait pas... En regardant d'un peu plus près, justement, de la même façon que Sade veut tout voir et veut tout comprendre, on s'aperçoit que son théâtre conventionnel lui sert également à bien comprendre le monde, le monde des conventions dans lequel il vit, duquel il est sorti.
Et les Cent Vingt Journées n'en deviennent que plus inquiétantes quand on sait qu'il les a rédigées au moment même où il composait ces pièces.
C'est une preuve contre l'hypothèse de la folie de Sade...

L'entretien dans son entier figure dans l'ouvrage "Sade, aller et détours"
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 5:19

Une autre facette de l'écrivain. Voici un petit texte issu des contes licencieux du marquis de Sade. Un petit livre très drôle que je vous recommande. il s'agit de "l'instituteur philosophe". Tout le livre est dans la même veine. Je me suis régalé. Le marquis devait avoir aussi un cœur ! (quelque part.... :apeur: )

L'instituteur philosophe

De toutes les sciences qu'on inculque dans la tête d'un enfant lorsqu'on travaille à son éducation, les mystères du christianisme, quoique une des plus sublimes parties de cette éducation sans doute, ne sont pourtant celles qui s'introduisent avec le plus de facilités dans son jeune esprit. Persuader par exemple à un jeune homme de quatorze ou quinze ans que Dieu le père et Dieu le fils ne sont qu'un, que le fils est consubstantiel à son père et que le père l'est au fils, etc., tout cela, quelque nécessaire néanmoins que cela soit au bonheur de la vie, est plus difficile à faire entendre que de l'algèbre et lorsqu'on veut y réussir, on est obligé d'employer de certaines tournures physiques, de certaines explications matérielles qui, toutes disproportionnées qu'elles sont, facilitent pourtant à un jeune homme l'intelligence de l'objet mystérieux.
Personne n'était plus profondément pénétré de cette méthode que M. l'abbé Du Parquet, précepteur du jeune comte de Nerceuil, âgé d'environ quinze ans et de la plus jolie figure qu'il fût possible de voir.
- M. l'abbé, disait journellement le petit comte à son instituteur, en vérité la consubstantialité est au-dessus de mes forces, il m'est absolument impossible d'entendre que deux personnes puissent n'en faire qu'une : développez-moi ce mystère, je vous en conjure, ou mettez-le du moins à ma portée.
L'honnête abbé, envieux de réussir dans son éducation, content de pouvoir faciliter à son élève tout ce qui pouvait en faire un jour un joli sujet, imagina un moyen assez plaisant d'aplanir les difficultés qui embarrassaient le comte, et ce moyen pris dans la nature devait nécessairement réussir. Il fit venir chez lui une petite fille de treize à quatorze ans et ayant bien éduqué la mignonne, il la conjoint à son jeune élève.
- Eh bien, lui dit-il, à présent, mon ami, concevez le mystère de la consubstantialité : comprenez-vous avec moins de peine qu'il est possible que deux personnes n'en fassent qu'une ?
- Oh mon Dieu, oui, monsieur l'abbé, dit le charmant énergumène, j'entends tout maintenant avec une facilité surprenante ; je ne m'étonne pas si ce mystère fait, dit-on, toute la joie des personnes célestes, car il est bien doux quand on est deux de s'amuser à ne faire qu'un.
Quelques jours après, le petit comte pria son instituteur de lui donner une autre leçon, parce que, prétendait-il, il y avait encore quelque chose dans le mystère qu'il n'entendait pas bien et qui ne pouvait s'expliquer qu'en le célébrant encore une fois, ainsi qu'il l'avait déjà fait. Le complaisant abbé que cette scène amusait vraisemblablement autant que son élève, fait revenir la petite fille et la leçon se recommence, mais cette fois, l'abbé singulièrement ému de la perspective délicieuse que le joli petit de Nerceuil lui présentait en se consubstantiant avec sa compagne, ne put tenir à se mettre en tiers dans l'explication de la parabole évangélique, et les beautés que ses mains doivent parcourir pour cela finissent bientôt par l'enflammer totalement.
- Il me semble que ça va beaucoup trop vite, dit Du Parquet en captivant les reins du petit comte, trop d'élasticité dans les mouvements, d'où il résulte que la conjonction n'étant plus si intime présente moins bien l'image du mystère qu'il s'agit de démontrer ici... Si nous fixions, oui, de cette manière, dit le fripon en rendant à son écolier ce que celui-ci prête à la jeune fille.
- Ah ! oh mon Dieu, que vous me faites de mal, monsieur l'abbé, dit le jeune enfant, mais cette cérémonie me paraît inutile ; que m'apprend-elle de plus au sujet du mystère ?
- Eh ventrebleu, dit l'abbé en balbutiant de plaisir, ne vois-tu pas bien, mon cher ami, que je t'apprends tout à la fois ? C'est la trinité, mon enfant... c'est la trinité qu'aujourd'hui je t'explique, encore cinq ou six leçons pareilles et tu seras docteur en Sorbonne.
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 10:25

le marquis de Sade c'est comme "walking dead" et ses zombies. C'est dégueulasse mais ça fait du bien. Cela dit, je ne sais pas si j'aimerais Sade si j'étais une femme ....
en fait, il y a 15 ans que je n'ai pas lu Sade et lire les posts de ce fil m'a un peu remémoré mes impressions. Je me souvient avoir été troublé, dégouté même par la fin de la philosophie dans le boudoir mais j'ai fini le livre. (je n'ai pas lu les 120 journées mais je crois que je vais le faire prochainement). On a besoin de tel auteur car l'homme n'est pas un ange, il a besoin d'explorer sa partie sombre ne serait-ce que pour s'y confronter et s'y habituer (pas la vaincre car je crois qu'on ne peut pas). Et lire n'est pas agir. c'est un peu un peu un des but de la littérature évidemment . Une ouverture sur soi et sur le monde. Sade nous montre une partie troublante de l'humanité mais elle existe.
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 15:17

comme quoi Sade peut être drôle

Soit fait ainsi qu'il est requis

- Ma fille, dit la baronne de Fréval à l'aînée de ses enfants qui allait se marier le lendemain, vous êtes comme un ange, à peine atteignez-vous votre treizième année, il est impossible d'être plus fraîche et plus mignonne, il semble que l'amour même se soit plu à dessiner vos traits, et cependant vous voilà contrainte à devenir demain la femme d'un vieux robin dont les manies sont fort suspectes... C'est un arrangement qui me déplaît fort, mais votre père le veut, je voulais faire de vous une femme de condition et point du tout, vous voilà destinée à traîner toute votre vie le pesant titre de présidente... Ce qui me désespère encore, c'est que peut-être ne le serez-vous jamais qu'à moitié... la pudeur m'empêche de vous expliquer cela, ma fille.. mais c'est que ces vieux coquins qui font métier de juger les autres sans savoir se juger eux-mêmes, ont tous des fantaisies si baroques, accoutumés à vivre au sein de l'indolence... ces coquins-là se corrompent dès en naissant, ils s'engloutissent dans la dissolution, et rampant dans la fange impure et des lois de Justinien et des obscénités de la capitale, ainsi que la couleuvre qui ne lève de temps en temps sa tête que pour avaler des insectes, on ne les voit sortir de là que pour des remontrances ou des arrêts. Écoutez-moi donc, ma fille, et tenez-vous droite... car si vous courbez ainsi la tête vous plairez fort à M. le président, je ne doute pas qu'il ne vous la fasse souvent mettre au mur... en un mot, mon enfant, voici ce dont il est question. Refusez net à votre mari la première chose qu'il vous proposera, nous sommes sûrs que cette première chose sera sûrement très malhonnête et très inconforme... nous connaissons ses goûts, quarante-cinq ans que par des principes tout à fait ridicules, ce malheureux fripon enjuponné a l'usage de ne jamais prendre les choses qu'à l'envers. Vous refuserez donc, ma fille, entendez-vous, et vous lui direz : Non, monsieur, partout ailleurs autant qu'il vous plaira, mais pour là, non certainement.
Cela dit, on pare Mlle de Fréval, on l'ajuste, on la baigne, on la parfume ; le président arrive, bouclé comme un poupin, poudré jusqu'aux épaules, nasillant, glapissant, parlant lois et réglant l'État ; à l'art de sa perruque, à celui de ses habits serrés, de ses grands boudins en désordre, à peine lui accorderait-on quarante ans, quoiqu'il en ait près de soixante ; la mariée paraît, il la cajole, et l'on lit déjà dans les yeux du robin toute la dépravation de son cœur. Enfin le moment arrive... on se déshabille, on se couche, et pour la première fois de sa vie, le président, ou qui veut se donner le temps d'éduquer son élève, ou qui craint les sarcasmes qui pourraient devenir les fruits des indiscrétions de sa femme, le président, dis-je, pour la première fois de ses jours, ne pense qu'à cueillir des plaisirs légitimes ; mais Mlle de Fréval bien instruite, Mlle de Fréval qui se ressouvient que sa maman lui a dit de refuser décidément les premières propositions qui lui seraient faites, ne manque pas de dire au président :
- Non, monsieur, ce ne sera point ainsi s'il vous plaît, partout ailleurs autant qu'il vous plaira, mais pour là, non certainement.
- Madame, dit le président stupéfait, je puis vous protester... je prends sur moi, c'est un effort... en vérité c'est une vertu.
- Non, monsieur, vous aurez beau faire, vous ne m'y déciderez jamais.
- Eh bien, madame, il faut vous contenter, dit le robin, en s'emparant de ses attraits chéris, je serais bien fâché de vous déplaire, et surtout la première nuit de vos noces, mais prenez-y bien garde, madame, vous aurez beau faire à l'avenir, vous ne me ferez plus changer de route.
- Je l'entends bien ainsi, monsieur, dit la jeune fille en se plaçant, ne craignez pas que je l'exige.
- Allons donc puisque vous le voulez, dit l'homme de bien en s'adaptant, de par Ganymède et Socrate, soit fait ainsi qu'il est requis.
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 15:53

marc et cie a écrit:
le marquis de Sade c'est comme "walking dead" et ses zombies. C'est dégueulasse mais ça fait du bien. Cela dit, je ne sais pas si j'aimerais Sade si j'étais une femme ....
en fait, il y a 15 ans que je n'ai pas lu Sade et lire les posts de ce fil m'a un peu remémoré mes impressions. Je me souvient avoir été troublé, dégouté même par la fin de la philosophie dans le boudoir mais j'ai fini le livre. (je n'ai pas lu les 120 journées mais je crois que je vais le faire prochainement). On a besoin de tel auteur car l'homme n'est pas un ange, il a besoin d'explorer sa partie sombre ne serait-ce que pour s'y confronter et s'y habituer (pas la vaincre car je crois qu'on ne peut pas). Et lire n'est pas agir. c'est un peu un peu un des but de la littérature évidemment . Une ouverture sur soi et sur le monde. Sade nous montre une partie troublante de l'humanité mais elle existe.

Bonne idée d'avoir étoffé ta réflexion matinale qui était un peu abrupte. Je n'ai pas lu Sade (ou des extraits ici ou là...), mais j'ai lu Bataille et je me demandais où se cachait aujourd'hui la littérature de la transgression...
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 15:56

et oui, j'apprends à faire des posts. ce n'est pas si évident Very Happy 
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyMer 5 Mar 2014 - 15:59

marc et cie a écrit:
et oui, j'apprends à faire des posts. ce n'est pas si évident Very Happy 

pas de problème et n'hésite pas à demander si tu as besoin d'aide ! et au plaisir de te lire !
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MessageSujet: Re: Donatien Alphonse François, Marquis de Sade   Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Page 7 EmptyVen 3 Oct 2014 - 8:36

Décès de Jean-Jacques Pauvert
Wikipedia a écrit:
Jean-Jacques Pauvert, né Jean-Albert Pauvert à Paris le 8 avril 1926 et mort le 27 septembre 2014 à Toulon, est un éditeur et écrivain français, fondateur des éditions Pauvert.

Jean-Jacques Pauvert s'est fait connaître surtout par la réédition d'œuvres oubliées, proscrites ou considérées comme marginales. À près de vingt ans, il est le premier à publier Sade sous son nom d'éditeur. Jusqu'alors, cette œuvre était diffusée sous le manteau.
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