Friedrich Dürrenmatt [Suisse]

La Visite de la Vieille Dame : très bonne adaptation au cinéma par le Sénégalais Djibril Diop Mambéty (Hyènes, 1992). La pièce est transposée en Afrique, et ça marche rudement bien.

ah oui tu nous en avais parlé ! je note, je note...

des extraits :

Citation :

(...) De gauche arrivent les quatre hommes du début portant un simple banc de bois sans dossier qu'ils placent à gauche. Le premier homme monte sur le banc. Il porte pendu au cou un grand coeur de carton percé d'une flèche avec les initiales A. C. Les trois autres se placent en demi-cercle autour de lui. Ils portent des branchages au bout de leurs bras tendus, pour figurer des arbres.

LE PREMIER HOMME

Nous sommes des bouleaux, des pins, des hêtres...

LE DEUXIEME

Des sapins vert foncé...

LE TROISIEME

De la mousse, du lichen, des fourrés de lierre...

LE QUATRIEME

Une garenne, un sous-bois...

LE PREMIER

Des nuages qui passent, des appels d'oiseaux...

LE DEUXIEME

Un coin préservé de l'antique forêt vierge d'Allemagne...

LE TROISIEME

Des fausses oronges, des chevreuils effarouchés...

LE QUATRIEME

Du bruit dans les ramures... Ou de très vieux rêves !

Citation :

CLAIRE ZAHANASSIAN

Tu vois : le sens de l'idéal a fini par leur venir. Approche, Voby. Viens dire bonjour. Mon neuvième mari, prix Nobel.

ILL

Enchanté.

CLAIRE ZAHANASSIAN

Tu sais : il est surtout remarquable quand il ne pense pas. Essaie de ne pas penser, Voby.

animal a écrit:

La Visite de la vieille dame
[...]
rem : cette vieille dame est savoureusement directe !

très bon souvenir de lecture (scolaire ) qui m'a donné envie de poursuivre avec cet auteur

kenavo a écrit:

animal a écrit:

La Visite de la vieille dame
[...]
rem : cette vieille dame est savoureusement directe !

très bon souvenir de lecture (scolaire )

Ah tien, moi aussi , je l'avais étudié en cours d'allemand renforcé; c'était vraiment adapté au niveau d'allemand qu'on avait, avec parfois des difficultés mais en fait assez abordable! ça me donne envie de la relire, héhé.

La Panne

quatrième de couverture a écrit:

"Nous ne vivons plus sous la crainte d'un Dieu, d'une jusitce immanente, d'un Fatum comme dans la Cinquième Symphonie ; non ! plus rien de tout cela ne nous menace." Notre monde n'est plus hanté que par des pannes. Pannes de voiture, par exemple, comme celle de la Studebaker d'Alfredo Traps, un soir, au pied d'un petit coteau...
Et voilà comment ce sympathique quinquagénaire rencontre ce jour-là son Destin, charmant vieux monsieur qui l'invite à passer la nuit chez lui. Juge à la retraite, celui-ci passe d'excellentes soirées, en compagnie de ses amis, l'avocat et le procureur, à reconstituer de vrais procès.
Celui d'Alfredo Traps commence comme un jeu...

La Panne, ce chef-doeuvre d'humour noir, a été porté à l'écran en 1972 par Ettore Scola, sous le titre La Plus Belle Soirée de ma vie.

Centaine de pages environs tiraillées entre le suspens de ce procès presque improvisé et une joyeuse hystérie libératrice... ou faussement libératrice. C'est à voir. La très bonhomme descente dans les plus mauvais recoins de nos automatismes, sans détours mais avec le sourire se termine en un chaotique mélange (plus que confrontation) de notions presque habituelles lorsqu'elles prises indépendamment les unes des autres (apparence, vérité, justice, expiation... des mots où les majuscules peuvent avoir un sens). La particularité de ce mélange souriant et énergique (et potentiellement traumatisant) est sans doute le charme et l'intérêt de cet auteur que je continue à découvrir avec un grand plaisir.

Un bon "twist" final aussi.

un court extrait ?

Citation :

Car le petit bourgeois, l'homme moyen limité aux seules apparences n'aurait rien su voir d'autre, ici, qu'un quelconque accident, un simple fait du hasard, ou tout au plus une fatalité naturelle, un incident médical, l'engorgement d'un vaisseau sanguin par un caillot, une malencontreuse tumeur maligne, une embolie; mais à le faire ressortir sur le plan moral, dans l'enchaînement profond des effets et des conséquences, on redonne à la vie son sens plein, sa valeur de chef-d'oeuvre, son mystère; on pénètre dans la tragédie où tout le tragique humain se fait jour, se dégage des ombres, monte en pleine lumière, prend forme, prend son sens pur, se dessine, se parfait, s'accomplit sous nos yeux...

j'ai bien aimé la panne, aussi le juge et son bourreau, la promesse est vraiment très bien, l'histoire de ce crime sordide à résoudre par un policier qui part à la retraite.

La promesse

Récit majoritairement indirect d'une enquête sur des meurtres d'enfants. Un vieux commissaire de police raconte à un écrivain policier le meurtre d'une fillette, l'enquête qui suit et la promesse que fera Matthieu, le policier au brillant avenir qui du même coup se ternira.

Dürrenmatt impose d'abord son ambiance particulière, partagée entre les villes et les petites localités de la montagne, whisky et somnifères, brumes, le malaise et la perméabilité.

Un penchant pour la satire d'une société trop policée, jamais ni trop lourd ni vulgaire, pour nous emmener sans trébucher sur les pentes glissantes des paradoxes de la vie humaine, nous révéler à nous même sans méchanceté mais avec effroi.

Le sujet est on ne peut plus sérieux et abordé sans facilités, et certains passages sont d'une noirceur implacable... mais pas tout à fait comme on devrait s'y attendre dans une enquête policière. ça doit être ça Dürrenmatt, il fait peur ailleurs. Il est aussi chaleureux ailleurs. Et d'une grandeur sans grandes gesticulations.

Fascinant, glaçant, rythmé et non dénué d'humour, La promesse est un petit chef d'œuvre qui provoque en toute liberté des sentiments volontiers contradictoires (à la lecture on peut se dire "il est horrible" tout en adorant ça, il fait partie de ces auteurs... tout en n'étant pas trash ou crade, difficile à expliquer).

Dürrenmatt précise dans sa postface que le livre est la reprise d'un scénario qui lui avait été commandé pour un film devant alerter sur le sujet des violences faites aux enfants, le livre permettant d'aller plus loin et autrement. Transgressif à sa manière et assurément sans complaisance douteuse, il réussit à mettre en valeur et à "placer" et l'enfance et l'imaginaire (pas tout à fait le mot) d'une belle façon.

Eviter de trop en dire, de toute façon déjà lu ou pas, vu le film ou non, c'est un livre à lire, comme l'auteur dans l'ensemble sans doute.

extrait plus tard.

Citation :

Vous vous êtes à juste titre étonné que je vive toujours à l'hôtel, finit-il par dire. Mais c'est que je ne voulais pas me mesurer avec le monde, me mêler à lui : je prétendais bien le dominer par la pratique et l'expérience, mais je ne voulais pas courir de risques moi-même, je ne voulais pas avoir moi-même à pâtir. Je me retranchais, en quelque sorte, afin de toujours garder la tête claire et de venir à bout des choses par la seule technique. Aussi ai-je pu supporter la vue de la fillette : c'était encore mon métier, vous comprenez ? Mais là, quand je me suis retrouvé devant le père et la mère, tout d'un coup, je n'ai plus pu le supporter et j'aurais fait n'importe quoi pour fuir cette satanée maison du Vallonet ! C'est comme cela que j'ai promis sur mon âme de découvrirt l'assassin : uniquement pour ne plus avoir la douleur de ces gens devant les yeux et sans m'arrêter au fait que je ne pourrais pas tenir ma promesse, puisque je devais prendre l'avion le lendemain pour la Jordanie. Et puis je me suis enveloppé de nouveau dans mes vieilles habitudes d'indifférence, de non-participation. C'est affreux, Locher ! C'est monstrueux ! Et pour le colporteur non plus, je n'ai rien fait ! J'ai tout simplement laissé aller les choses, tranquillement installé dans mon indifférence, redevenu cet être impersonnel que j'avais toujours été, ce qui provoquait les sarcasmes de mes camarades d'étude et de jeunesse. Oui, Locher, j'avais trouvé moyen de me réfugier de nouveau dans cette impassabilité "supérieure", de me retrancher dans le formalisme inhumain, jusqu'au moment où, sur l'aérodrome, j'ai vu les gosses.

J'ai bien envie de le noter celui la.

mouarf, faut tout noter

Tu dis

Citation :

les noeuds de l'histoire ne cessant de se faire et de se défaire au
rythme de discussion aux conclusions momentanées et incertaines. Et
puis c'est abrasif d'un point de vue sociétal,

Citation :

Il parle aussi de façon assez sérieuse de justice, l'institution, l'individu.... les individus.

Ces discussions, ces théories, c'est intéressant, je veux dire est-ce que c'est de long monologues un peu intello ou alors ça donne un bon relief à l'histoire. Parce que moi les monologues et autres théories qui n'en finissent plus c'est pas pour moi,

souvent un personnage a des répliques plus longue que l'autre, en l'occurrence c'est Spät qui écoute le plus souvent. c'est intéressant, essentiel même, et ça ne se fait ni au détriment du rythme de la lecture ni au détriment de l'ambiance, ça fait partie intégrante de l'ensemble et de l'ensemble de cette atmosphère, c'est à la fois démonstratif et suffisamment énigmatique.


Dürrenmatt ce n'est vraiment pas le genre à baratiner x pages pour poser une théorie, et recommencer.... il est beaucoup plus doué, et teigneux, certainement, que ça.  

Ok merci je jetterais un œil la prochaine fois qui j'irais à la librairie.

Je constate que je n'ai pas dit à quel point j'aime cet auteur et combien "le juge et son bourreau" m'a plu. Maintenant, c'est fait !!!