Friedrich Dürrenmatt [Suisse]

quelques temps après... et quelques grosses lectures et découvertes, le souvenir de Val pagaille et de ses pages les plus dingues n'a absolument rien perdu. ça reste incrusté comme un de mes idéaux de lecteur. très visuel sans finalement avoir recours à la descriptions de quelque chose de visible. j'en trépignerai presque !

Alors je viens de voir qu'il n' y a pas encore de vidéo avec Dudu, alors je mets une vidéo en français, sur youtube il n'y a que des vidéos en Allemand .
Entretien Dürrenmatt

ils sont forts à la TSR avec ces videos en ligne. je l'avais regardé celle-ci, et je me souviens que j'avais noté des choses. merci !

Viens de finir Justice

Quel humour en premier lieu, un humour noir, acide, grinçant.
Excellente maitrise des dialogues, très bon scénario.
Durrenmatt s'en donne à coeur joie pour critiquer d'une façon très satyrique un monde bourgeois plein d'hypocrites, de margoulins, avec comme arrière fond des personnages qui sont investis d'une certaine morale et d'une façon de faire justice qui dépasse la limite.
C'est un bon livre, juste la fin ou j'émets un peu de réserve j'aurais aimé que cela soie plus simple à mon gout.( c'est juste pour émettre une petite critique mais j'aurrais pu très bien m'en passé, à réfléchir).
Alors je le vous conseille c'est à lire.

Genre de dialogue.

Citation :

-Vous êtes fou, lui dis-je, de vous promener dans cette tenue.
-Indispensable, monsieur Spàt, soupira-t-il. Indispensable. Monika Steiermann vient d’appeler. Elle a besoin d’un avocat.
-Pourquoi ?
-Elle s’est fait rosser.
-Par qui
-Par le docteur Benno.
-Motif ?
-Elle l’a surpris au lit, avec une autre.
-C’était à elle de le rosser, non ? Comique. Et pourquoi serait-ce justement moi qui m’occuperais de cette jeune personne ?
-Lienhard n’est pas avocat, fit observer Fanter.
-Bon. Où se trouve la victime ?
-Eh bien, dans la proximité du docteur Benno.
-On ne peut pas dire que vous alliez droit au fait. Où est Benno ?
-C’est vous qui multipliez les détours, avec vos questions. Benno rosse Monika Steiermann à
l’hôtel Breitingerhof. Le prince von Cuxhafen est aussi de la partie.
–Le coureur automobile ?
-Lui-même.
J’appelai le Breitingerhof au téléphone, et je demandai le docteur Benno. C’est Pedroli, le directeur, qui répondit :
-À qui ai-je l’honneur ?
-Spàt, avocat.
-Il recommence à la battre ! (Pedroli riait au téléphone.) Allez à la fenêtre, vous entendrez.
–Je suis au Zeltweg.
-Et alors ? Toute la ville en résonne. Les clients fuient précipitamment mon hôtel cinq étoiles.
J’avais garé ma Porsche dans la Sprecherstrasse. Fanter prit place à côté de moi, et je démarrai.
-Par la Hegibachstrasse, dit Fanter.
-C’est un détour.
-Pas d’importance. La Steiermann peut bien souffrir un peu.

(laissez-vous faire curieux parfumés... )

content de voir que ça t'a plu

Les Anabaptistes

quatrième de couverture a écrit:

Les Anabaptistes reprend l'histoire de ce mouvement religieux du XVIème siècle qui allait tenter, avec son chef charismatique Jan Matthison, d'instaurer sur terre l'impossible royaume de Dieu. L'échec total de l'entreprise, dans la ville de Münster, inspire à Dürrenmatt une violente satire de ces théories totalitaires et fanatiques qui ne mènent qu'à la mort et à la destruction.
On retrouve dans cette pièce tous les aspects du théâtre de Dürrenmatt : la comédie à caractère didactique, la parabole porteuse de signification pour le public contemporain, le théâtre dans le théâtre, le catastrophisme à l'extrême, le rappel du théâtre antique - Les Anabaptistes pourraient être le chœur des femmes anabaptistes de Münster. La folie des hommes est partout, sur scène comme dans la rue et la vie, vue par Dürrenmatt, ressemble à un carnaval grotesque où religieux et mendiants, fous et notables se mêlent dans une ronde souvent macabre et toujours trépidante et joyeuse.

ça résume pas mal ce quatrième de couverture ! et cette atmosphère très spéciale de l'auteur de folie destructrice dédramatisée ne peut manquer d'inquiéter... pour en dire un peu plus, mais pas trop car je crois qu'il me manque de sérieuses références pour aller plus loin... ça pourrait sembler convenu le coup d'une dénonciation du ou des totalitarisme et de quelques gros travers de notre humanité sociale mais cette farce cruelle et désabusée ne manque ni d'épaisseur ni de replis bien sombre, l'air de rien. Quelques références identifiables (artiste frustré devenu source d'horreurs... ) des effets de systèmes (sensation abominablement moderne et actuelle) n'empêchent que c'est d'abord avec du non-dit que tout débarque et s'agite. pas de grande tirade réflexive, au plus d'humoristiques et très transparentes présentations des principaux personnages, ils prétendent certes mais ne se voilent pas la face... ni celle du lecteur/spectateur du coup, non, une drôle de banalité, de désinvolture dans les changements les plus radicaux qui se décalent ainsi de leur sens généralement admis... prétextes pour les uns, bouées douteuses d'une pensée quelque peu aveugle pour d'autres...

le laisser aller fait peur dans cette pièce, la facilité du déroulement est diabolique.

avec son talent et son sens de l'observation Dürrenmatt nous donne donc à la fois une réflexion historique multiple et une réflexion politique actuelle car situations non résolues et mécanismes de "vie sociale" comme d'exercice du pouvoir toujours valides... sans oubliée l'énergique absurdité dévastatrice.

un extrait d'un article intéressant (et en disant un peu plus sur l'auteur) à lire sur www.lecourrier.ch:

Citation :

«Il faut que ce monde inhumain redevienne humain. Mais comment?» Ainsi Friedrich Dürrenmatt achève-t-il Les Anabaptistes, une pièce jouée à Prague en 1968, à l'aube d'un printemps fameux qu'elle semble annoncer. Tout en réunissant aujourd'hui un riche panel de personnalités engagées dans ce grand moment de l'histoire tchèque, le Centre Dürrenmatt Neuchâtel vernit «Prague 1968». Une foisonnante exposition. Durrenmatt se sentait proche de la Tchécoslovaquie, ce petit pays luttant pour son indépendance qu'il a parfois comparé à la Suisse. Quand il se rendra à Prague, en mars 1968, il assistera à une mise en scène provocatrice des Anabaptistes, comme le montre une palpitante série de photos accrochées aux cimaises du Centre Dürrenmatt (CDN). En relisant cette inquiétante pièce à la lumière de notre siècle, il y a de quoi s'interroger sur la géniale aptitude de Dürrenmatt à ressentir, voire à pressentir l'histoire.
«La critique subtile que recèlent Les Anabaptistes s'adresse plutôt à l'idéologie du national socialisme. Mais il n'est pas faux de repérer entre les lignes le socialisme à visage humain promu par le parti communiste tchèque», soutient Ulrich Weber, assistant scientifique du CDN.
La directrice du CDN Janine Perret Sgualdo rappelle comment, le 5 janvier 1968, Alexandre Dubcek prendra les rênes d'un gouvernement dans lequel nombre de réformes seront introduites. Dont la liberté d'expression et d'opinion au sein de la presse. Cette indépendance de la pensée avait ardemment été prônée par les écrivains tchèques lors de leur congrès de juin 1967.

à propos de La Mission sous titré : ou de l'observateur qui observe ses observateurs, Récit en vingt-quatre phrases.

je rédige ce post sans avoir fini de lire le livre, mais j'ai tellement peur d'oublier la moitié des propos que je préfère commencer dès maintenant... car ce court roman est d'une richesse philosophique abyssale. N'étant pas très portée sur la philosophie, je suis un peu perplexe quand des discours obscurs envahissent le texte.
Désirant apporter les rares lumières qui me servent pour décrypter les idées exposées par Dürrenmatt, je serai ravie d'avoir les avis de ceux qui se sont plongés dans La Mission.
Livre faussement policier (un psychanalyste demande à une journaliste F. d'enquêter sur le meurtre de sa femme, il est persuadé d'être à l'origine du drame et se désigne volontiers comme le coupable de la tragédie, à charge pour la journaliste de trouver les indices corroborant ses dires...).
Tina von Lambert découvre que son mari l'observe non pas comme un époux le ferait mais comme le psychanalyste qu'il est le fait pour une patiente.
A la lecture du journal de Tina, F. découvre que Tina observait elle aussi son mari, non pas comme une épouse aimante mais comme une femme haïssant son époux.
Tina s'enfuit du domicile conjugal, vêtue d'un manteau rouge. Un manteau que l'on retrouve dans le roman à différent moment stratégique, comme un code (mais de quoi ?), comme un repère...
Rapidement, F. se voit à travers Tina, trouve des ressemblances avec la victime et un dédoublement des personnalités s'opère.
Sans compter sur un prof de fac, un homme maniant avec bonheur la logique qui estime qu'une personne A ne peut pas être égale à la même personne A, puisque le temps nous transforme à chaque instant... Nous ne nous ressemblons pas puisque nous sommes en devenir (Nietzsche ?)
Ajoutons à cela l'idée que l'homme n'existe que dans le regard de l'autre (Lévinas ?), que nous avons besoin d'être observés pour exister et nous nous approchons du propos du roman...
Je vous parlais d'un livre abyssal et vraiment il y a de quoi devenir un peu fou à la lecture de cet étrange roman.
A noter également, que le lecteur se trouve forcément dans la position du voyeur, de l'observateur qui observe les personnages (savent-ils qu'ils évoluent dans un roman ?)...
Bref, nous assistons à une vertigineuse mise en abîme, chaque scène trouvant un écho dans une autre, chaque élément se répondant d'un chapitre à l'autre.
Le livre est d'autant plus troublant, que la construction en vingt-quatre phrases rend la lecture parfois annonante (je précise que je lis le texte dans sa traduction française...), chaque chapitre (chaque phrase) ne comportant que des virgules, la lecture est quelque fois un peu bancale et nous oblige à revenir en arrière (sorte de nouvelle répétition...).
Nous sommes donc confronter à un texte d'une rare intelligence, un texte qui me fait penser aux recherches d'un Robbe-Grillet. On retrouve d'ailleurs la forme du roman policier (chère à l'auteur français) et cette volonté d'interroger le réel, l'irréel. La vérité quand elle s'insère dans une fiction est-elle encore une vérité ?
Roman sur la ressemblance, le dédoublement (et non le double), la répétition, il est aussi une réflexion sur le terrorisme, sur la psychanalyse, sur la littérature (son rôle, sa place, ses jeux, ses spirales).
Bref un livre d'une grande richesse mais avec lequel il faut parfois se battre pour saisir quelques bribes. (car je suis sûre d'être passée à côté d'un nombre incalculable d'éléments)...
J'espère ne pas avoir été trop confuse...

mmmh non, ça ressemble à quelque chose de clair

pas lu celui là, ça donne envie. il fait tenir de sacrés mélanges Dürrenmatt.

Fini La Mission et vraiment je suis très contente de cette découverte, même s'il s'agit d'une lecture un peu difficile, la fin est époustouflante. Dürrenmatt est un virtuose et son livre est tout à la fois un labyrinthe, un abîme et une ribambelle de poupées russes, emboîtées savamment les unes dans les autres, de plus en plus petites, jusqu'à atteindre la perle...
Un livre à lire et relire souvent j'imagine, puisqu'il s'agit d'une réflexion sur l'observation, les observés et les observateurs qui sont souvent les mêmes, sur l'absurdité du monde, sur Dieu et la place de l'homme, sur le temps dans ce qu'il a d'impossible, sur le néant... Le livre ouvre sur une citation de Kierkegaard qui résume parfaitement le propos tenu par Dürrenmatt : " ce qui me pousse en avant, c'est une conséquence qui est derrière moi " et cette phrase en écho dont je n'arrive pas à me remettre : " l'homme est une illusion, ou bien il devient une machine sans âme, une caméra, un ordinateur, ou bien il est une bête ". Il semblerait qu'il n'existe rien entre ces deux solutions invivables (à moins d'être fou, ou alcoolique, ou les deux).
L'importance de l'autre, du regard de l'autre posé sur soi comme preuve de sa propre existence est souligné par la prépondérance des caméramans qui envahissent régulièrement le roman, comme si la télé-réalité était partout, comme si nous n'avions pas un seul instant de liberté (il suffit de lever la tête pour imaginer les satellites nous regardant de leur oeil rond). Nous n'avons plus droit à une intimité nous murmure Dürrenmatt, nous sommes sans cesse livré aux autres et notre portrait (qui ne peut jamais être fixé puisque l'homme est par nature en mouvement dans l'espace et le temps) est un leurre. Car le fin mot est que la vérité n'existe pas, l'homme n'existe pas, "moi" n'existe pas.
" elle dit que ce qu'il appelait la vérité était une mise en scène, il répondit (...), qu'un spectacle était une mise en scène, que la vérité ne pouvait être mis en scène, qu'on ne pouvait que la faire voir (...)".
"Faire voir" est sans doute le maître mot de ce roman incroyable de finesse et d'intentions, j'ai retenu essentiellement cet aspect de la narration (le jeu entre fiction et réel, entre invention et vérité) mais il y a tant de portes ouvertes dans La Mission qu'il faudrait des heures et des jours et des nuits pour en venir à bout (enfin, à bout d'une parcelle...).

Le Météore

quatrième de couverture a écrit:

Le Météore, pièce efficace, brillante et méchante sur le thème de la mort raconte les résurrections successives d'un prix Nobel de littérature décédé, comme on dit d'une longue et douloureuse maladie Durrenmatt s'efforce d'y démontre que le nihilisme n'est pas une doctrine, mais une altitude humaine. Schwitter ne demande qu'à mourir et n'y parvient pas, mais impitoyablement il extermine tous ceux qui croisent son agonie. Un météore, c'est bien connu, s'échauffe formidablement lorsqu'il entre dans l'atmosphère terrestre, et il développe une brillance fantastique avant de s'éteindre, déclarera l'auteur aux journalistes. La drôlerie des situations et les dialogues ciselés ne devraient toutefois pas faire oublier les ambitions philosophiques de l'auteur qui s'en est expliqué en publiant vingt thèmes sur Le Météore. Durrenmatt était, rappelons-le, philosophe de formation, et jusqu'à sa mort il se tenait en outre au courant de l'évolution des sciences naturelles. Le ressuscité qui ne croit pas à sa résurrection ne peut pas croire. Le Météore est une pièce sur l'impossibilité de croire. Une chose qu'un ressuscité ne peut pas savoir : c'est qu'il a été mort. C'est par les autres qu'il doit apprendre qu'il était mort. Il doit donc les croire. Et à l'origine, croire signifie tout simplement faire confiance aux autres. Ah, qui nous dira jamais combien cet homme a souffert avant d'écrire cette réplique : La mort est la seule réalité, elle seule est impérissable. Je ne te crains plus.

Bon moment ouvertement teigneux et réjouissant ! une alternance d'ambiance entre solennel quand le prix Nobel se fait (régulièrement) allumer ses deux cierges pour mourir et la lumière écrasante un peu folle de cette plus longue journée de l'année... des développements parfois surprenants avec cette galerie de personnages qui défilent au chevet de ce ressuscité qui n'arrive pas à mourir... et sa mort qui agit comme un révélateur sur les croyances de ces personnes mais surtout leurs travers, bassesses, vanités, ambitions démesurées et peut-être plus encore leurs rôles , image ou cadre social puissant et factice. L'abandon ou la mort en guise d'issues. La mort devenant bientôt une impossibilité revigorante...

Toujours saisissant, voire ahurissant mélange alerte et dense, savamment rythmé. (manque des mots des fois chez l'Age d'homme ?)

Notes d'un gardien et autres récits

Citation :

De l'angoisse diffuse au cri d'horreur, ces six récits de Dürrenmatt nous font parcourir tous les échelons dramatiques qui structurent son œuvre. Du petit gangster new-yorkais qui tombe amoureux à titre posthume d'une femme de passage et qui se perd, au gardien-chroniqueur de la Ville qui consigne avec une sérénité méticuleuse l'avancée d'un cauchemar totalitaire, en passant par le père possessif qui abat son fils à la première désobéissance, les destins réunis ici incarnent tous, de manière symbolique, un aspect de la révolte dürrenmattienne contre un monde étouffant, un monde piège, où la normalité la plus rassurante débouche sur l'inhumain. Avec, planant sur le tout, cette ironie noire qui imprègne tout l'univers du grand écrivain.

Humour immense et impitoyable (quoique...), étrange mélange des sens et des images qui se démontre et se retourne dans des variations plus ou moins brutes et d'une facilité effroyables... quel plaisir de retrouver des passages absolument surréalistes, symboliques... et sensés ! qui coulent tout seuls. Extraordinaire histoire d'Abu Hanifa et Anan Ben David... ou ce jugement habité par une saucisse, qui disparait, en plus. C'est surtout que ces histoires qui peuvent refléter des changements de certitudes viennent en chatouiller ou ébranler d'autres... on y verra des visions illustratives de Dieu par endroits et des visions apocalyptiques de société et de rôles (politiques et individuels) dans les notes du gardien la dernière grande nouvelle habillée en Stalker ou cyberpunk urbain qui tout en étant un efficace moment de genre trace évidemment la possibilité d'une réalité immédiate.

Excellent moment de lectures surtout pour ses incroyables folies, libertés fluides et précises qui deviennent une part du sens de l'auteur. Tout petit recueil de nouvelles lues en sombrant dans le sommeil mais qui méritent largement qu'on lâche le singe (affolé) :

On peut dire que tu sais donner envie !

ça c'est sur celui-là je vais pas y couper

J'entame Justice.

Je crois que j'aime bien. En tout cas ça m'étonne ce style et cette façon de raconter. Je trouve que ses descriptions grinçantes de bourgeois et de pauvreté me font penser à Tchekhov, non ?

Bin moi je connais pas Chtékof peut pas donner mon avis . Par contre tout ce que je sais c'est que ce livre - Justice - est bien foutu.