René Barjavel

La nuit des temps

Elu dans le cadre de mon club de lecture pour le mois de novembre, je dois avouer que notre choix n’a pas été des plus inspirés, en tout cas en ce qui me concerne.
Comment dire ?
La nuit des temps de Barjavel, c’est un peu le roman qu’aurait pu écrire le fils écrivain né d’une improbable union entre Mickaël Crichton et Barbara Cartland.
Soyons clairs, je n’ai rien contre Mickaël Crichton. Il était d’ailleurs un de mes auteurs de chevet pendant mon adolescence. Ses intrigues sont toujours originales, il y a de l’action, bref j’aimais beaucoup. Mais Mickaël Crichton écrit surtout pour le cinéma. Tous ses romans ( ou quasiment tous) ont été adaptés au cinéma. Et c’est également le cas de La nuit des temps originellement prévu pour être porté à l’écran.

Selon moi, le roman se compose de trois parties :
-         la découverte de l’équipe d’exploration en Antarctique
-         l’histoire d’Eléa et Païkan
-         le réveil du compagnon d’Eléa

L’idée sur laquelle repose l’intrigue n’est pas nouvelle mais suscite toujours l’intérêt et la curiosité, j’ai d’ailleurs englouti la première partie du roman d’une seule traite ( c’est la partie plus « Crichton »). Mais alors ensuite … au secours ! Barbara prend le relais, le roman prend des tournures de roman Harlequin, ça sent la guimauve, les scènes et le style sont niais au possible. J’ai même failli en rester là. C’est un véritable gâchis.

Un petit extrait pour vous régaler :

Citation :

« Il délivra l’autre sein et le serra tendrement, puis défit le vêtement de hanches. Sa main coula le long des hanches, le long des cuisses, et toutes les pentes la ramenaient au même point, à la pointe de la courte forêt d’or, à la naissance de la vallée fermée. »

C’est chouette hein ? Je sens que vous aimez ça alors je continue :

Citation :

« Eléa résistait au désir de s’ouvrir. C’était la dernière fois. Il fallait éterniser chaque impatience et chaque délivrance. Elle s’entrouvrit juste pour laisser la place à la main de se glisser, de chercher, de trouver, à la pointe de la pointe et de la vallée, au confluent de toutes les pentes, protégé, caché, couvert, ah ! … découvert ! Le centre brûlant de ses joies. »

L’émotion ne passe même pas, les personnages sont creux, insipides, l’auteur ne s’attarde que sur leur aspect physique ( et en devient lassant), la psychologie n’est pas détaillée.
Le monde imaginé par Barjavel aurait pu être intéressant mais là encore aucune profondeur. Des questions intéressantes auraient pu être soulevées et susciter la réflexion si elles avaient été bien amenées mais ce n’est pas le cas. Et je ne compte pas non plus le nombre d’incohérences qui parsèment le récit. J’ai une sensation de bâclé, ça fait vraiment pas travaillé.
Bref tout ce qui aurait pu sauver ce livre a été négligé au profit de cette fichue histoire d’amour qui n’a aucun intérêt.

Et puis ça fleure bon les années 60, contestations étudiantes, malaise de la société, libération sexuelle, les vilains occidentaux capitalistes contre les méchants russes communistes, peur de la guerre totale, en résumé un monde «  futuriste » qui sent trop la naphtaline. Ça passe bien chez un Philip K. Dick mais pas chez Barjavel.

Bon peut-être que j’aurais plus adhéré si j’avais lu ce livre il y a 20 ans mais là désolée, ce n’est vraiment plus ma « came ».
A la rigueur, sur le même sujet, peut-être me pencherai-je sur La sphère d’or, roman de l’australien Erle Cox qui aurait inspiré Barjavel ( on parle même de plagiat) et je serai curieuse de voir comment il a traité le sujet.

@Aaliz : Pourtant j'en garde de bons souvenirs de ce Barjavel ... Mais cela fait tellement longtemps ...
Eh oui ... Tout se barre en javel  

Petite réflexion hors de propos : Barjavel fut un écrivain ayant vécu longtemps dans l'Allier ... Et je pense à son comparse René Fallet, l'auteur de la Soupe au Chou ...
Il flotte donc un brouillard fantastique dans le bocage bourbonnais ...
Pour appuyer mon propos, je viens de remarquer que Claude Vorilhon, plus connu comme Rael, était également originaire de cette contrée étrange

Coline, je te laisse la parole !

GrandGousierGuerin a écrit:

@Aaliz : Pourtant j'en garde de bons souvenirs de ce Barjavel ... Mais cela fait tellement longtemps ...

Je me dis que je l'ai lu trop tard ... Certains livres doivent se lire à certains moments de la vie je pense ...

GrandGousierGuerin a écrit:

Petite réflexion hors de propos : Barjavel fut un écrivain ayant vécu longtemps dans l'Allier ... Et je pense à son comparse René Fallet, l'auteur de la Soupe au Chou ...
Il flotte donc un brouillard fantastique dans le bocage bourbonnais ...
Pour appuyer mon propos, je viens de remarquer que Claude Vorilhon, plus connu comme Rael, était également originaire de cette contrée étrange

Coline, je te laisse la parole !

Ils sont donc bien parmi nous ! Enfin ... surtout dans l'Allier ...  

Voui, j'ai un peu l'impression que le new age bargevilien a fait son temps. J'avais adoré La charrette bleue étant jeune mais je n'ai aucune envie de le relire... On lui trouvera peut-être bien des vertus dans quelques années... Cela me fait penser au Matin des magiciens de Pauwels et Berger qui a extrêmement mal vieilli mais qui pourrait redevenir lisible dans ... quelques années... ???

Je me demandais justement comment se fait-il que certains romans traversent les siècles sans "dommages" et que d'autres vieillissent mal ? Qu'ont donc les premiers que les seconds n'ont pas ?

Aaliz a écrit:

Je me demandais justement comment se fait-il que certains romans traversent les siècles sans "dommages" et que d'autres vieillissent mal ? Qu'ont donc les premiers que les seconds n'ont pas ?

Je ne crois pas que ce soit linéaire mais par vague de "mode" .... avec laquelle tu interagis ... et les interférences sont soit constructives ou destructrices ....
Bon voilà, je suis content, j'ai fait mon malin ... A qui je passe la patate chaude ?

(une parenthèse pour ne pas apeurer ses lecteurs potentiels mais BC est beaucoup plus dans le domaine du sentiment... ça fait peur autrement ?  )

animal a écrit:

(une parenthèse pour ne pas apeurer ses lecteurs potentiels mais BC est beaucoup plus dans le domaine du sentiment... ça fait peur autrement ?  )

Je comprends mieux maintenant la prédominance d'un certain coloris dans ton nouvel avatar ...
Si tu poursuis dans cette voie :

trop BC ?:

Aaliz a écrit:

Je me demandais justement comment se fait-il que certains romans traversent les siècles sans "dommages" et que d'autres vieillissent mal ? Qu'ont donc les premiers que les seconds n'ont pas ?

Ce que tu dis de Barjavel, me ramène aux réactions d'Heyoka et Colimasson sur le fil de Zweig, comme si certains auteurs reconnus perdaient de leur pertinence à certaines étapes de la vie et pouvaient la retrouver à d'autres. Comme un air du temps qui consacre Alain-Fournier, Radiguet et Cocteau, les oublie puis soudain les redécouvre dans toute leur modernité... sans que l'on puisse jamais déterminer le comment du pourquoi.

GrandGousierGuerin a écrit:

@Aaliz : Pourtant j'en garde de bons souvenirs de ce Barjavel ... Mais cela fait tellement longtemps ...
Eh oui ... Tout se barre en javel  

Petite réflexion hors de propos : Barjavel fut un écrivain ayant vécu longtemps dans l'Allier ... Et je pense à son comparse René Fallet, l'auteur de la Soupe au Chou ...
Il flotte donc un brouillard fantastique dans le bocage bourbonnais ...
Pour appuyer mon propos, je viens de remarquer que Claude Vorilhon, plus connu comme Rael, était également originaire de cette contrée étrange

Coline, je te laisse la parole !

Eh bien je reste sans voix mon cher GGG!..
Heureusement je n'ai jamais croisé tout ce beau monde dans le brouillard bourbonnais (que je trouve par ailleurs fantastique...exceptionnel!)...
René Fallet, j'aurais pu aimer mais pas sa Soupe aux choux. Il faisait parait-il de belles fêtes avec les amis, notamment Claude Brassens et Jean Carmet
(J'ai tout juste croisé le chanteur aveugle dont je ne me rappelle même plus le nom qui secoue ses cheveux un peu longs. Honte à moi, il ne me vient même pas un seul titre d'une chanson.)

coline a écrit:

GrandGousierGuerin a écrit:

@Aaliz : Pourtant j'en garde de bons souvenirs de ce Barjavel ... Mais cela fait tellement longtemps ...
Eh oui ... Tout se barre en javel  

Petite réflexion hors de propos : Barjavel fut un écrivain ayant vécu longtemps dans l'Allier ... Et je pense à son comparse René Fallet, l'auteur de la Soupe au Chou ...
Il flotte donc un brouillard fantastique dans le bocage bourbonnais ...
Pour appuyer mon propos, je viens de remarquer que Claude Vorilhon, plus connu comme Rael, était également originaire de cette contrée étrange

Coline, je te laisse la parole !

Eh bien je reste sans voix mon cher GGG!..
Heureusement je n'ai jamais croisé tout ce beau monde dans le brouillard bourbonnais (que je trouve par ailleurs fantastique...exceptionnel!)...
René Fallet, j'aurais pu aimer mais pas sa Soupe aux choux. Il faisait parait-il de belles fêtes avec les amis, notamment Claude Brassens et Jean Carmet
(J'ai tout juste croisé le chanteur aveugle dont je ne me rappelle même plus le nom qui secoue ses cheveux un peu longs. Honte à moi, il ne me vient même pas un seul titre d'une chanson.)

Merci coline ...
Ah Bourbonnais terroir enchanteur etc ...

tu parles de Gilbert Montagné Coline ?

j'ai du lire un livre de Barjavel mais lequel ? m'en souviens plus du tout

Pour ma part, je n'ai lu que "La peau de César", et il m'en reste l'impression d'une histoire narrée confusément, et d'une écriture bâclée. Malgré le peu d'intérêt pris à la lecture de ce roman se voulant policier, celui-ci étant très court, je suis allée jusqu'au bout du pensum ... pourtant, je ne me rappelle plus qui a tué César.  

Aaliz a écrit:

Je me demandais justement comment se fait-il que certains romans traversent les siècles sans "dommages" et que d'autres vieillissent mal ? Qu'ont donc les premiers que les seconds n'ont pas ?

Tu poses une question intéressante, Aaliz. Je dois d'ailleurs confesser que je n'ai pas lu Barjavel. Pour m'intéresser de près à ce qui constitue la qualité d'un classique, j'étudie actuellement le cas de Gabrielle Roy, écrivaine canadienne/québécoise. Dans l'ensemble, je dirais qu'un livre qui reprend un peu la même recette des vieux livres risque de mal traverser le temps, mais ce n'est pas aussi simple. Derrière un apparat quelque peu désuet, il peut y avoir une façon de raconter, de dire et de choisir des thèmes qui font en sorte que le livre devient à peu de chose près intemporel. Par contre, je dirais que le critère de l'écriture est difficilement contournable. Plus une écriture se renouvelle dans sa façon d'évoquer, plus nous risquons de voir un livre traverser les temps. C'est mon âme poète qui le soutient. À d'autres de donner des sons de cloche différents.

shanidar a écrit:

Aaliz a écrit:

Je me demandais justement comment se fait-il que certains romans traversent les siècles sans "dommages" et que d'autres vieillissent mal ? Qu'ont donc les premiers que les seconds n'ont pas ?

Ce que tu dis de Barjavel, me ramène aux réactions d'Heyoka et Colimasson sur le fil de Zweig, comme si certains auteurs reconnus perdaient de leur pertinence à certaines étapes de la vie et pouvaient la retrouver à d'autres.

Et là ça rejoint ce qu'Aaliz disait parce qu'autant ça coince sévère avec Zweig, autant Barjavel ça grinçait un peu dans les coins mais c'est passé dans les grandes largeurs (voir mon commentaire en bas de la page précédente). Donc non seulement certains romans traversent les siècles et d'autres non mais en plus, se mêle à cela la subjectivité de chaque lecteur, l'humeur du moment, l'air du temps... Peut être que Barjavel sera super swag* en 2043.

(* j'ai honte)