Hommage à la Catalogne
(titre original: Homage to Catalonia. 1938)
Passant après
cette LC et après les commentaires de Bédoulène et d'Animal, il est malaisé d'avoir quelque chose de plus, ou à tout le moins de distinct à dire.
Livre autobiographique, écrit au "je", comme "
Dans la dèche...". Peu de stylisation, mais l'essentiel n'était pas là je crois, Orwell souhaitait laisser des pages à valeur testimoniale, certes on glosera sur un découpage (une construction) que d'aucuns ont pu valablement trouver douteux, avec la narration du contexte politique séparé et placé en appendices à la fin.
Quoi qu'on en dise, au demeurant la lecture elle-même est fluide, coulée, agréable, en dépits de chapitres qu'on eût pu souhaiter un rien plus courts, et donc plus nombreux (?).
- Spoiler:
L'évocation des parages de Huesca, Barbastro, Jaca (l'Aragon) me parle en particulier, j'y ai mille souvenirs, ce sont des endroits que j'ai arpenté sans compter, au point d'avoir envisagé, un temps, de m'y installer. Mais ce ne fut pas possible, néanmoins j'y reviens sans me lasser, cette partie de l'Espagne est assez vaste pour, toujours, avoir quelque chose de nouveau à découvrir.
Une photo du grand Robert Capa -
républicain au front d'Aragon, août-septembre 1936.
On note l'antique et long fusil (Mauser, je pense), fortement évoqué par Orwell.
Orwell est un homme lucide, visionnaire, et cette lucidité fait tout le prix de ce récit-témoignage. Au reste toutes les hypothèses conjoncturelles qu'il soulève pour l'avenir immédiat, dans ce livre, se sont peu ou prou réalisées.
Il conforte une thèse, assez souvent admise au reste, que ce n'est pas tant Franco qui a gagné la Guerre d'Espagne que le camp d'en face qui l'a perdue.
Orwell, à son échelle, l'illustre:
A travers la non-attaque de diversion de Huesca afin de soulager Bilbao, par exemple.
Ou encore le fait de désarmer le POUM et tenter de désarmer les anarchistes.
Ou enfin à travers le sort des volontaires étrangers arrêtés et pourrissant dans des geôles (dont Kopp, chef capable - Orwell nous en dresse un portrait admiratif).
L'intérêt de Staline et des communistes n'était pas de voir les opposants à Franco l'emporter, voila une thèse fort dangereuse à soutenir en 1938.
Elle se tient plutôt mieux aujourd'hui.
Il en reste un idéalisme, d'Orwell parti
"pour tuer un fasciste" et qui se rendra compte que, de quelque côté du front que l'on soit, c'est la misère, le dénuement, les poux et autres parasites, la faim, le froid, les cagnas de fortune, la peur. Et que ledit fasciste peut être un pauvre garçon, parti pour quelques pesetas, ou, tout comme Orwell en face, par idéalisme, ou tout simplement parce qu'un frère, un père, une mère, un oncle, un proche ont été tués pendant la
Terreur Rouge (que j'évoque sur le fil Bernanos).
Il en reste le sentiment très net et amer de manipulation aussi, manipulation par les médias de l'époque, la presse essentiellement, et par les élites des divers mouvements, en premier lieu le PSUC (membre de l'Internationale communiste).
L'ouvrage a pas mal de souffle et d'intensité, se lit facilement.
J'ai aimé la camaraderie de front, les épisodes Barcelonais, et j'ai été interpellé par le sentiment étrange, après ce qu'ils venaient de vivre, qui animait Orwell et son épouse à Banyuls: l'envie de retourner en Espagne...
Un vrai bon livre, très recommandable.